Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 24 mars 2017

Fifty Foot Hose - Cauldron (1967)


    Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.

  Et il est temps d'évoquer un autre de mes albums de chevets : Cauldron de Fifty Foot Hose, groupe psychédélique californien. Groupe formé autour de l'artiste conceptuel Cork Marcheschi qui gère l'électronique, David Blossom qui compose la plupart des morceaux, entre rock psychédélique, pop et jazz, et Nancy Blossom, sa femme, qui prête sa voix et son charisme au groupe.

  Comme tous les classiques, ce disque démarre par un morceau radical, "And After", une suite ambient bruitiste qui est sensée évoquer par son crescendo l'intérieur d'un tremblement de terre. Le but étant de la jouer sur de grosses enceintes avec un volume bien fort pour faire trembler le sol et les murs. Cet aspect uniquement sensoriel de la musique électronique est très intéressant, et je trouve que ça fonctionne à merveille en intro d'un album sombre et mystérieux. "If Not This Time" est quand à elle un chef-d'oeuvre de rock psyché un peu jazzy, le génie suite de partout, depuis le morceau aussi rock que groovy, aussi accessible que mystérieux, en lui-même génial et bien arrangé et produit, avec ces gargouillis électroniques ajoutant une vraie plus-value et puis Nancy qui est impériale au chant et irradie de son charisme infini. La courte transition atonale "Opus 777" fait la transition avec "The Things That Concern You", chanson de Terry Hansley (basse électrique), moins brillante mais fort sympathique. 

  Les morceaux s'enchaînent, entrecoupés de ces transitions électroniques (les "Opus...", "For Paula"). On a du hard-psyché agressif sur "Red The Sign Post" et sur "Rose" il est entrecoupé de pop et de jazz-funk, et là encore complètement porté par le génie d'interprétation de Nancy Blossom, prêtresse hippie préfigurant toutes les futures grandes artistes féminines du rock, du punk et du post-punk à venir. De Patti Smith à X en passant par Nina Hagen, les B-52s, les Slits, Kate Bush, Kim Gordon ou Siouxie. Ce morceau est encore une tuerie, très influencée par le jazz, et un classique indépassable, aussi sauvage et frais aujourd'hui qu'à la sortie du disque en décembre 67.

  D'ailleurs, la sauvagerie du groupe les rapproche parfois du punk (paradoxalement, sur le morceau de bravoure "Fantasy" de plus de 10min) et leur capacité à défricher de nouveaux territoires au meilleur de la post-punk des années 70-80 (Pere Ubu, XTC, Slits...), qui paraît presque en retard à l'écoute de ce disque. 

  Et puis il y a la reprise du "God Bless The Child" de Billie Holiday, que j'ai déjà abordée ici, sur des premiers articles parus sur ce blog (en novembre 2013 !). Cette reprise du standard de jazz est pour moi un des meilleurs morceaux de tous les temps, dans mon top10 sans hésitations. L'interprétation de Blossom au chant me bouleverse, et la synergie rock psyché-électronique (un peu à la façon de Henry-Colombier finalement) atteint des sommets sans jamais trop en faire dans le démonstratif. 

  La conclusion, "Cauldron" vaut aussi carrément le détour, entre cloches monastiques, bruitages électro, voix de sorcière trafiquée au vocoder, bandes passées à l'envers, triturées, mantras.... Un must-hear.

  Les bonus du CD valent aussi le détour, avec des versions alternatives de "If Not This Time" (très belle, un poil plus soul et c'est très bien aussi... Un peu Broadcast avant l'heure aussi), et de "Red The Sign Post", carrément punk à 200% dix ans avant, tout simplement. Voire même Sonic Youth 20 ans avant Sonic Youth. Les inédits sont tout aussi cool : "Fly Free", entre jazz et country-pop, "Desire" entre free jazz, psyché funky, hard rock enragé et punk bruitiste, et "Skins", jam pop noisy nourrie de country et de blues psyché accouche de fulgurances stellaires. Et puis il y a le premier single du groupe, le bruitiste et bordélique "Bad Trip", présent sous deux versions. Le titre est moins intéressant, mais il a le mérite de prouver que le Velvet n'avait pas le monopole du bruit, qu'Iggy n'avait pas le monopole des hurlements canins, et que Zappa n'avait pas le monopole du mauvais goût dada. 

  Bref, tout ça est quand même absolument indispensable. Ce disque est un vrai classique et un phare dans la nuit pour l'électro-pop de l'époque, le mariage avant-garde / pop psyché étant réussi comme (presque) jamais (avec White Noise et The USA quand même, voilà le trio de groupes géniaux à avoir su relever le défi). Et un disque qui conserve toute sa fraîcheur et sa modernité aujourd'hui grâce à une forte personnalité et un nombre de portes ouvertes et de pistes inexplorées incroyable. 

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Alex


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