Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

jeudi 23 mars 2017

Jean-Jacques Perrey - The Amazing New Electronic Pop Sound (1968)


  Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.

     L'histoire de la musique électronique est étroitement liée à l'histoire de ces inventeurs, ces "alchimistes" sonores, qui eurent pour ambition de transformer de l'électricité en son. De ces inventions les musiciens partiront dans deux direction différente : la musique concrète dans les années 40, avec pour chef de fil Pierre Schaeffer et ayant pour but de créer des sons et une musique électronique que l'on pourrait qualifier de pop, ayant pour but créer des mélodies. Car ayant eu le plus d'influence, c'est de la musique électronique pop dont je vais ici parler. Laissez moi vous en raconter l'histoire et ainsi en venir à l'Ondioline et Jean-Jacques Perrey.




     C'est Thaddeus Cahill qui, avec son Telharmonium, fut le premier à créer, à la toute fin des années 1890, des harmoniques à partir d'un son électronique (à l'inverse de la tonalité du téléphone qui n'en a pas) grâce à une roue phonique en rotation devant une bobine et un aimant, permettant de créer une variation du courant électrique relative à la vitesse de rotation cette dernière, faisant "vibrer" le son en créant ces harmoniques tant désirées et rendre ce son chaleureux. Là où Robert Moog utilisera des oscillateurs électroniques. Il faudra ainsi un générateur d'électricité qui n'est alors pas courante et autant de roues phoniques que de notes pour créer ce mastodonte pesant pas moins de 200 tonnes et positionné au sous sol de la consolue, nécessitant ainsi un technicien pour en jouer. Autant dire que l'instrument n'était pas voué à la commercialisation au grand publique, seul 3 exemplaires seront contruit. 
     L'idée géniale et visionnaire de Thaddeus Cahill est alors de diffuser cette musique en ligne. L'instrument émettant un signal électrique, il décide de le faire voyager en direct dans les fils du système téléphonique tout fraîchement inventés et de pouvoir proposer un service de diffusion musical par haut parleur dans les magazins, salle d'attente et autres lieux ouvert au public, alors même que la radio ne sera inventée qu'un décennie plus tard! Son Thelarmonium ouvrira en 1906, mais ,face à des problèmes de diffusion, fermera l'année suivante, en 1907. De cet instrument il ne reste aujourd'hui aucun exemplaire, aucun enregistrement, seul des photos nous sont parvenu.

Une roue phonique

Salle des machines du Thelarmonium

La console du Thelarmonium
     Des inventions, il y en eu bien d'autres. Tout d'abord, le fameux Thérémine, inventé en 1919 par le russe Lev Sergueïevitch Termen, dont je vous conterai l'histoire dans un prochain article. Mais aussi les Ondes Martenot  inventées en 1926 par le français Maurice Martenot, utilisant un ruban qui, tiré par le musicien à l'aide d'un anneau qu'il enfile à la main droite, fait varier la fréquence d'émission d'émeteurs et de récepteurs radio incorporés à l'instrument. Tandis que la main gauche contrôle l'intensité du son, via la pression exercé sur une touche. Ceci ayant pour principal qualité d'offrir une maîtrise parfaite l'attaque du son au musicien (à l'inverse d'un clavecin par exemple qui n'a aucune attaque, sans possibilité de contrôler l'intensité du jeu).  
     Les Ondes Martenots évolueront tout au long de leur production avec notamment l'ajout d'un clavier, dont la particularité est de vibrer, rendant le jeu assez infernal. Chaque exemplaire y est alors unique. Comptez entre 15.000 et 20.000€ pour en acquérir un aujourd'hui. Malheureusement, comme beaucoup de ces inventions, l'instrument sera fabriqué artisanalement à seulement quelques dizaines ou centaines d'exemplaires par son créateur, empéchant ainsi leur essort. Voici deux vidéo permettant de comprendre comment fonctionne l'instrument :




     Côté Allemand, on peut citer le Trautonim de Friedrich Trautwein, inventé en 1929, basé sur une chorde métalique venant rencontrer une bande elle aussi métallique et dont le jeu est à mi-chemin entre un clavier et un violon. En voici une illustration avec la vidéo d'Oskar Sala ci-dessous, principal interprète de cet instrument :



     Tout ça pour en venir à un autre inventeur, lui aussi français, Georges Jenny, qui créa en 1941 un clavier électronique fonctionnant avec des tubes électroniques ou "lampes", comme utilisés dans les fameux ampli à lampe, ancêtre du transistor permettant d'amplifier un signal électrique. Ce clavier c'est l'Ondioline. Sa principale particularité est d'avoir un clavier en suspension sur ressort et ainsi d'être sensible à la pression appliquée par le musicien, qui pourra alors faire varier l'intensité du son et ainsi créer des vibrato d'un naturel époustouflant.

Un des premiers modèle d'Ondioline produit par Georges Jenny au début des anénes 50. il proposait 18 timbres différents. 


     C'est en entendant au début des années 50 Geaorges Jenny présenter son instrument à la radio que Jean-Jacques Perrey, alors étudiant en médecine, fut bluffé par les qualités et la nouveauté d'un tel instrument. C'est ainsi qu'il rencontra l'inventeur et quitta ses études pour être employé en tant que démonstrateur de ce clavier qu'il promouvra partout en Europe durant les années 50. Il rencontra par se biais Charles Trenet qui sollicitera ses talents pour l'enregistrement de L'âme des poètes. Il fait alors connaissance avec Edith Piaf et Jean Cocteau qui le pousseront en 1960, à traverser l'Atlantique, à bord du France car il est aérodromophobe, et se faire produire par un certain Caroll Bratman qui mettra à sa disposition un studio expérimental à New-York. C'est pour lui l'occasion d'y rencontrer et de travailler avec les pionniers de la musique électronique, tel Robert Moog ou Gershon Kingsley (collaborateur de John Cage, futur compositeur du fameux Popcorn). 
Jean-Jacques Perry dans son studio New-Yorkais en 1967 en compagnie d'un Moog

    Ainsi, il composera et enregistrera pendant 10 ans des disques tous plus futuristes les uns que les autres, utilisant Ondioline, mais aussi claviers Moog, notamment à la fin des années 60 avec son album à succès Moog Indigo, contenant le tube E.V.A.. Il constitua aussi une grande banque de sample qu'il utilisera sur de nombreuses compositions et feront sa marque de fabrique. C'est au début des années 70 qu'il rentrera en France pour veiller sa mère malade et pense pouvoir y perçer. Il se heurte malheureusement à des maisons de disques frilleuses à une telle nouveauté et ne réussi pas à faire succès. Il travaillera alors pour la télévision, la radio ou la publicité, composant des génériques et autres interludes. Il ne sera redécouvert que récemment, à l'instar d'Alain Mion et du funk francophone de son groupe Cortex, qui avait fait l'obet d'un précédent article. Profitant tardivement d'une reconnaissance bien méritée.

     De cette décennie américaine, je voudrais aujoud'hui attirer votre attention sur The Amazing New Electric Pop Sound, sorti en 1968, caractéristique de la musique de Jean-Jacques Perrey. Joué de son ondioline, il y propose des mélodies pop aux sonorités alors complètement futuristes, tel un orgue venu d'une autre planète.

     Mary France  inogure ainsi l'album, associant des voix sepucrales à une mélodie épique digne d'une B.O d'Ennio Morricone. S'en suit le génial The Little Ships, emblématique de la patte artistique du français, utilisant à foison samples et bruitages sur des mélodies de contines. Le résultat en est à la fois ludique et cosmique, s'approchant parfois du travail de Pierre Henry, quoi que plus pop. Puis vient le très  épique Islande in Space, marqué par son rythme impulsé par ces bruitages hybrides. L'inspiration y est encore très morriconnienne. Le titre, tout comme la pochettes, y sont le parfait reflet de l'effusion imaginaire qui envahissait cette période. A l'heure de gloire de la conquête spatiale, la technologie ne semblait plus avoir de limites. On s'imaginait un futur proche envahi de voitures volantes et 2001 siège d'une odyssée spatiale. 

     Mexican Cactus, tube de l'album, arrive ensuite avec ses rythmes caribéens, quasi calypso et ses mélodies aux inspirations d'Amérique Centrale, mais toujours envoutées par l'esprit extra-terrestre de l'ondioline.
     Le cinquième morceau, Porcupine Rock vient provoquer nos hanche dans un endiablé charlestone du futur. The Little Girl From Mars vient alors reposer nos ardeurs dans une ballade enfantine, sur fond d'inspirations baroque, donnant à entendre un Bach marsien avec ses fameux contrepoints. Mister James Bond propose un titre plus épuré et énigmatique, laissant largement entendre l'ondioline. Son introduction n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle de Radioactivity de Kraftwerk.

     Frère Jean-Jacques vient lui renforcer avec humour le caractère puérile des compositions, dans une naïveté que l'on ne pourrait plus imaginer aujourd'hui sur un album. Une compostion pleine de premier degré qui respire la joie et la bonne humeur ! Brazilian Flower conforte elle aussi les inspirations classiques que l'on croirait toutes droit sorties d'une musique de jeu vidéo 16 bits. Dans la même veine, In The Heart Of A Rose semble elle une BO 16 bits d'une version Mega Drive d'Autant en Emporte le Vent. S'en suit The Minuet Of The Robots, qui pourrait être une version électronique de Heigh-Ho de Blanche Neige. Il n'est ainsi pas étonnant de savoir que Disney a collaboré avec Jean-Jacques Perrey en 1972. Certains élément du titre ne sont par ailleurs pas sans rappeler Comic Strip de Gainsbourg

     Puis vient la très pop  Four, Three, Two, One avant que le tango de Gypsy in Rio ne vienne cloturer la danse de cet album.


De part son association forte avec l'Ondoline ici visible, Jean-Jacques Perry est ainsi un fondateur important de la musique électronique. Mais c'est surtout par l'association forte entre la pop et la musique électronique que brille son talent précurseur. Il a ainsi été l'un, si ce n'est le premier, à faire de la musique pop avec un Moog, tel son superbe projet The Happy Moog de 1969, en collaboration avec Gershon Kingsley.

Pour finir, voici un magnifique document vidéo de 1966 montrant Jean-jacques Perry faire une démonstration de l'Ondioline (à écouter à partir de 5:00)



     Pour ce qui est du succès de synthétiseurs, il faudra ainsi attendre les années 50 avec les Orgues Hammond réutilisant le principe électromécanique des roues phoniques du Thelarmonium et surtout la fin des années 60/début des années 70 et Moog pour réelement observer une démocratisation de ces instruments. Mais ça, je vous en parlerai dans mon prochain article.


A écouter ici sur YouTube


Merci pour votre lecture et bonne écoute à tous !

ETIENNE

Sources:
- Interviex de Jean-jacques Perrey pour Les Inrocks
Les Fous du Son (éd. Grasset) de Laurent Wilde paru en 2016 (vous pouvez écouter sa passionnate conférance de février 2017 au Stérélolux disponible sur soundcloud)

2 commentaires:

  1. Article passionnant grâce auquel j'ai appris plein de choses.
    Je ne connaissais que le Theremin et les Ondes Martenot (que j'adore tous deux) parmi ces vieux instruments électroniques.

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    1. Merci pour ton retour, j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire et à le partager et d'autant que j'ai moi aussi beaucoup de chose en le travaillant !
      Pour ma part, le telharmonium m'a vraiment beaucoup impressionné, tant par sa démesure que son concepte de diffusion avant gardiste. J'ai aussi été très étonné de voir que l'orgue hammond reprenait le même système de roue phonique, mais en miniaturisé !

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