Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

dimanche 26 mars 2017

Lothar And The Hand People - Presenting (1968)


  Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.

     En 1906, le britanique Lee De Forest invente la triode ou oscillateur,  permettant d'émettre, de recevoir ou d'amplifier un signal électromagnétique, ouvrant ainsi la voie à la radio-électronique. Elle concrétise ainsi le développement de la radio inventée en 1889 par Nikola Tesla et qui arrive juste à temps pour la première guerre mondiale, voyant se créer des bataillons radio. C'est dans ce cadre que le jeune Lev Sergueïevitch Termen, violoncelliste premier prix du concervatoire de St Petersbourg, intègre l'armé russe. Il y constate, lors de son service, que lorsqu'il passe devant un récepteur radio, se créer une interférence sonore. Il y voit immédiatement le potentiel musical d'un tel phénomène et y adapte un instrument, le theremine, qu'il mettra au point en 1919. 


Termen et une des premières version du theremine
     Ce sera le premier instrument électronique et non électro-mécanique comme le telharmonium. Il est constitué de deux antennes radio réceptrices. Une verticale, définissant la hauteur du son et pour laquelle plus la main du musicien est proche, plus le son sera aiguë. L'autre, horizontale, définit le volume sonore et pour laquelle plus la main sera proche, plus le volume sera faible. 

     La révolution bolchévique passe par là et l'invention arrive dès 1922 aux oreilles de Lenine qui y voit, par cet instrument du peuple qui s'apprend de façon intuitive, sans professeur, le symbole d'une nation ouvrière. Lenine apprendra même à en jouer et en commandera 600 qu'il diffusera partout en URSS. Plus que ça, il enverra en 1927 son inventeur démontrer en Europe, puis aux Etats-Unis, la prouesse de cet instrument, prouvant par la même occasion la supériorité technologique des soviétiques et illustrant ainsi la fameuse phrase de Lénine "Le communisme, c'est les soviets plus l'électricité"
     Il faut bien se rendre compte du caractère hors norme, quasi anachronique, de cet instrument. En 1920, jouer d'un instrument sans clavier, sans cordes, sans hanche, sans contact, c'est inimaginable! Le concept pourrait encore paraître révolutionnaire si il sortait aujourd'hui. C'est donc sans étonnement que Termen fait un carton lors de cette tournée mondiale.


Une version récente du theremine, produite par l'entreprise Moog.


     Mais vous vous en doutez probablement, c'est aussi l'occasion pour l'URSS de placer comme assistant de Termen un agent de l'UGPO ou "gépéou", qui deviendra plus tard le KGB. Toujours est-t-il qu'il ne vendra que 5000 pièces d'un instrument trop nouveau et aux limites de l'instrument qui, outre l'accompagnement, ne propose que peu de diversité sonores et mélodiques.

     Inventeur dans l'âme il déclinera tout de même le concept avec un clavier, en violoncelle, en rhythmicon, précurseur de la boite à rythme et le plus fou, le terpsitone, theremine à l'échelle humaine qui créer des sons en fonction de la position du danceur. Il créer aussi de nombreuses inventions sans rapport avec la musique et travail notamment pour l'US air force sur des guidages missile automatisés et un altimètre, permettant ainsi de leur soustraire des informations et renseigner l'UGPO.


Le Terpsitone
     Le reste de la vie de Lev Sergueïevitch Termen est abracadabrantesque. Il disparaît subitement de New-York  en 1938. Certains disent qu'il a été enlevé par l'UGPO, là où d'autres pensent qu'il aurait fuit l'Amérique et ses créanciers ou bien en raison de la guerre mondiale qui approchait. Toujours est-t-il qu'il arrive en URSS au pire moment possible, puisqu'en pleine Grande Purge Stalinienne. Il est ainsi enfermé à la prison de Butyrka avant d'être envoyé au travail forcé dans une mine de sel glaciales du grand Est russe, voué à une mort certaine. Mais c'était sans compter le déclenchement salvateur de la seconde guerre mondiale. Staline fit ainsi sortir du Goulag tous ses généraux, mais aussi ses scientifiques, pour faire face à la guerre. De part son expérience et ses précédents travaux dans l'aéronautique il fut donc choisi pour intégrer un sharashka, bureau d'étude forcé ayant pour but de développer des inventions dans tous les domaines intéressés par la guerre et le renseignement.

     Il est alors libéré à la fin de la guerre, mais continu à travailler pour le NKVD. Il invente notamment le Buran eavesdropping system, ancêtre du micro laser fonctionnant sans électricité, avec des ondes radio et qui sera intégré dans un bas relief de l'aigle américain, avant d'être offert par les scout de Moscou à l'ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, qui l'accrochera dans son bureau. Ils espionnèrent ainsi l'ambassadeur ététs-unien ainsi que le français et le britannique pendant 6 ans, avant d'être découvert fortuitement par un opérateur radio anglais. De la même manière il invente un système d'écoute à distance, permettant d'entendre à travers les fenêtres.


Panneau en bois de l'ambassadeur américain à Moscou


Mirco fonctionnant sans électricité et intégré dans le panneau en bois

     Ce n'est qu'à la toute fin de sa vie, après la chute du mur de Berlin, il a alors 92 ans, qu'il récolte enfin, à travers l'occident, la reconnaissance de son invention musicale précurseuse dans la musique électronique.

     En ce qui concerne l'utilisation de theremine dans la musique, outre Clara Rockmore, interprète iconique de l'instrument qu'elle jouera en duo avec sa soeur et pianiste Nadia Reisenberg, il faut attendre les années 60 pour l'entendre dans les productions. On pense notamment à son utilisation dans le refrain du fameux Good Vibrations des Beach Boys. Mais du fait de ses limites exposées précédemment, son utilisation garde une place souvent limitée à une mise en ambiance. Il posera cependant son identité sonore dans de nombreux morceaux de l'époque.



     Un groupe, Lothar And The Hand People en fera particulièrement usage et inspirera même son nom, puisque "Lothar" est un surnom du theremine. Ce groupe états-unien composé de John Emelin au chant, Paul Conly aux claviers et synthétiseurs, Rusty Ford à la bass, Tom Flye à la batterie et  Kim King à la guitare et au synthétiseurs, est emblématique de cette pop psychédélique électronique de la deuxième moitié des années 60's et mérite vraiment d'être connu. Presenting, de 1968, est le premier des deux albums qu'ils sortiront entre 1965 et 1970, période d'activité du groupe. Il se distingue par ses nombreuses inspirations : pop tout d'abord (This Is It), mais aussi rock, country comme sur  Bye Bye Love, folk (That's Another Story)blues et psychédélique. Mais le plus remarquable est son utilisation précurseuse des Moog et autres lutheries électronique comme le theremine, sonnant remarquablement avec 10 ans voire plus. On y entend déjà le punk-rock de T. Rex, la new-wave de DEVO, assez claire sur Machine et même la résurgence rock 00's de Frantz Ferdinand


John Emelin au theremine

     S'en suivra Space Hymn en 1969, qui demeure lui moins brillant, perdant de son énergie rock, quoi que beaucoup électronique dans sa production et plus psychédélique dans la forme.


A écouter ICI sur Youtube


Merci à tous pour votre venue et vos message tout au long de cette semaine aux origines de la musique électronique !



ETIENNE

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