Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

samedi 24 février 2018

Franz Ferdinand - Always Ascending (2018)


  Lorsqu'un groupe perd un guitariste et co-compositeur, il arrive régulièrement ce qui est arrivé à Franz Ferdinand sur cet album : il ajoute des synthés. D'un autre côté, ceux-ci étaient au premier plan sur Tonight (2009), qui est probablement leur meilleur album, et étaient resté bien présents sur Right Thoughts Right Words Right Action (2013). Si vous ajoutez un peu de théâtralité glam rock davantage appuyée depuis leur collaboration avec les géniaux Sparks sur l'album commun FFS (2015), vous arriverez logiquement à la conclusion qu'Always Ascending sera leur album disco/synthpop, et vous n'aurez pas tout à fait tort. Rien que la pop song new wave post-Buggles (rappelant également l'influence de Blondie sur les FF) "Lois Lane", ou bien le piano disco-house de "Glimpse Of Love" vous donneraient raison. Et vous indiqueraient que le virage est réussi. Mais si vous écoutez attentivement, vous y entendrez bien plus qu'un simple virage électro-pop.

Franz Ferdinand - Always Ascending (Clip, 2017)

  Et c'est également vrai dès la chanson-titre, qui ouvre le bal. Montées de synthé, guitares cocottes funky, tout est réuni pour en faire un hybride entre Donna Summer et LCD Soundsystem, avec ceci dit un côté très anglais (cf également l'album homonyme de 2014 du groupe The Sunshine Underground si vous ne voyez pas ce que je veux dire). Cependant, une certaine noirceur point, notamment via le chant d'Alex Kapranos, volontairement plus fragile et moins assuré qu'à l'accoutumée (c'est vrai tout au long du disque), ce qui ajoute une tension supplémentaire et compense le côté dansant. On pense au dernier Nick Cave, lui aussi reposant sur beaucoup de premières prises imparfaites mais urgentes pour un résultat prenant, dans un contexte plus tragique.

Franz Ferdinand - Lazy Boy (2018)

  Sur "Lazy Boy", cette voix fatiguée, oscillant entre rage et lassitude, fait le sel d'un morceau sombre, entre dub de Tonight et post-punk insistant et noir du premier album. Meilleur morceau de l'album, de loin, c'est une réussite totale qui s'inscrit immédiatement parmi les meilleurs du groupe. "Finally" est un bon morceau là encore un peu marqué par le dub, avec un rythme syncopé et une prod inhabituellement lo-fi pour le groupe (audible sur quasi tout le disque, avec saturation, sifflements et mastering inhabituel), qui redonne avec le chant plus spontané de Kapranos une urgence nouvelle au groupe. Ce retour à la spontanéité s'avère salvateur pour Franz Ferdinand en termes d'énergie, et est une direction plutôt inhabituelle pour un groupe de cette carrure avec une telle carrière. Une preuve de plus de leur intelligence musicale. Encore avec un gros côté sombre et sexuel propre à l'album de 2009, "Feel The Love Go" égale presque "Lazy Boy" dans son excellence, dans une veine plus disco-punk, avec là encore une urgence renouvelée par un synthé abrasif et un chant punk quasi-faux sur le crescendo final. Génial.

Franz Ferdinand - Feel The Love Go (Clip, 2018)

  On retrouve le songwriting pop classique du groupe, désinhibé par l'expérience FFS, sur "Paper Cages", dont les arrangements à base de synthés pétaradants, de piano virevoletant et de guitares appuyées sont sompteux. "The Academy Award" est quasiment un morceau folk avec quelques montées glam, là encore à la prod pas dégrossie et au mixage délicieusement approximatif appuyant magnifiquement l'ironie et l'écriture mordante du titre. L'exploration du glam malicieux se poursuit sur "Huck And Jim", entre saturations, basse post-punk et pop d'opérette. Et "Slow Don't Kill Me Slow" termine l'album sur une note décadente façon Beatles sous drogue, entre choeurs divins, synthés déviants presque psyché et piano triste. 

  Là on on se serait attendus à un album propret de disco-rock synthétique, les Franz Ferdinand se sont en fait appliqués à faire ressortir leur rage adolescente audible dans une production plus lo-fi et un mix plus sauvage que sur n'importe lequel de leurs albums, mettant en valeur le chant urgent et fatigué de Kapranos et les montées musicales épiques du groupe. Un album bien plus sombre, intéressant et vital que ce qu'on pouvait espérer, et une nouvelle raison de confirmer tout le bien que je pense de ces écossais géniaux. Merci les gars de ne jamais décevoir.

Ecouter sur Spotify et sur Deezer

Alex

  

2 commentaires:

  1. Je me demande si ils ne rencontrent pas les difficultés de 10CC ou Procol Harum, coincés par un gros tube. Je relativise car ils continuent à intéresser en France (une petite chronique sur France Inter m'avait mis déjà l'eau à la bouche)
    Comme d'hab je suis tes écoutes, c'est finalement ce qu'il y a de plus payant. Une fois de plus j'aime être sous influence.
    Sinon, pour les jeunes "anciens" quelques touches syncopés à la Talking Heads... Et puis dès l'ouverture j'ai su au moins que je ne pourrai pas détester, ni m'ennuyer. Ils savent torcher une chanson (U2? Arcade Fire?)

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    1. Ça c'est clair, ils savent y faire. Il y a un gros côté Beatles dans leur écriture avec des influences post punk à la Orange Juice, Talking Heads, Blondie, et puis ils sont curieux de disco, d'électronique du coup on s'ennuie jamais. Ils ne se prennent pas trop au sérieux mais font leur musique avec grand soin, c'est le combo ideal !
      Ils remplissent toujours les zéniths c'est déjà un bon signe (on les a vus avec Étienne pour l'album avant celui ci, c'était génial en live)

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