Beaucoup a déjà été dit sur ce dernier Radiohead, mais nous tenions à vous donner nos avis sur ce disque. Allons droit au but : cet album me plaît beaucoup. C'est pas leur meilleur, mais il fait vraiment partie de mes favoris du groupe, juste à côté d'Ok Computer, Kid A, Amnesiac et In Rainbows. D'ailleurs, comme ce dernier, il s'agit ni plus ni moins que d'exploiter une vision très exploratrice de la pop, empruntant des chemins de traverses, de nouveaux sons, de nouveaux rythmes, de nouvelles ambiances, pour pousser un peu plus loin ces chansons pop et les rendre à la fois accessibles, brutes et sophistiquées.
On a beaucoup remarqué l'apport des cordes de Greenwood sur cet album, et à juste titre, car elles en donnent le ton. Agressives et dissonantes, comme de la musique classique contemporaine, elles instaurent l'ambiance paranoïaque et politisée de "Burn The Witch", une superbe chanson au sous-texte assez brillant. Et cette chanson me permet d'insister sur une constante de l'album : Thom Yorke n'a jamais aussi bien chanté. Que ce soit de sa célèbre voix de tête, ou dans des registres plus graves, la subtilité et la maturité artistique de sa voix forcent le respect et l'admiration.
Après la pop anxiogène géniale de "Burn The Witch", on a droit à une ballade au piano magnifique, dans un esprit assez Amnesiac : "Daydreaming", qui devient vite obsédante au fil des réécoutes, grâce aux synthés et aux voix qui font monter la tension et la disloquent d'un coup, le temps d'une partie de synthé aérienne. Et le jeu des voix trafiquées apporte beaucoup au morceau.
Bref, ce duo de singles inaugural est un coup de maître... Aussitôt dépassé par la meilleure chanson de l'album, "Deck's Dark", riche et simple, mélancolique, labyrinthique, et joyeusement pop à la fois. La froide beauté de ce morceau met en valeur tour à tour la voix de Yorke, la section rythmique qui se fait d'une délicatesse quasiment jazzy (la basse est un pilier majeur de ce disque), des choeurs aussi angéliques que graves, la guitare typique de Radiohead.... Et une magnifique conclusion de morceau (avec des guitares post-punk!), chose loin d'être aisée à réaliser. Superbe, leur meilleure depuis un bail (depuis 2007 et In Rainbows en fait, soit presque une décennie).
"Desert Island Disk" aborde une autre influence majeure de ce disque : le folk anglais. On croirait entendre le groupe jouer sur une colline du Gloucestershire, dans la campagne anglaise, par une journée plutôt clémente quoiqu'un peu froide, sous un ciel légèrement couvert. La batterie se fait caressante, les accords jazzy et les claviers tissent des tapisseries intrigantes en arrière plan tandis que la complainte de Yorke se réverbère au loin. Ce morceau apaisé introduit un "Ful Stop" quand à lui tout en tension, avec rythme kraut, basse vrombissante et sons anxiogènes, pour une réussite totale. On se laisse envelopper et porter par la transe qui va crescendo nous cueillir. Un autre sommet du disque, pour le moment un sans faute.
"Glass Eyes" aurait pu être la ballade de trop, un peu trop convenue, mais elle est sauvée par les arrangements de cordes somptueux et le piano qui s'autorise quelques espiègleries. Le rythme de l'album est néanmoins clairement abaissé d'un cran, pour le meilleur (un beau moment d'apesanteur), mais aussi le moins bon (on a le temps de se remettre du choc des premiers morceaux, et donc de sortir un peu de l'album sous certaines conditions d'écoute, alors qu'on aurait pu être achevés par un coup de grâce).
Le rythme (chaloupé) remonte avec "Identikit", qui permet à Yorke de faire des merveilles au chant (très jolies mélodies vocales), appuyé par la section rythmique impeccable, la guitare qui va bien et la science de la mise en son du groupe. Très très bonne chanson, avec un pont au synthé et des choeurs magnifiques. "The Numbers" est un superbe morceau de folk/rock apaisé, drivé par la basse encore une fois, pour un résultat assez direct et efficace tout en gardant cette maturité et cette subtilité rarement atteinte dans le rock indé (Veckatimest de Grizzly Bear me vient en tête rapidement pour les envolées presque jazzy, mais sinon....). Et là encore une superbe montée en tension (merci les cordes).
"Present Tense", qui suit, est plus classique, encore dans un genre de pop / folk rythmé par les contretemps de la batterie, les arpèges délicats de la guitare et les voix qui se démultiplient. Les choeurs subliment là encore le morceau par de sublimes mélodies. "Tinker Tailor Soldier Sailor Rich Man Poor Man Beggar Man Thief" (ce titre!) quand à elle est une ballade qui rappelle encore Amnesiac par sa mise en son minimaliste : une boîte à rythmes et un clavier suffisent à faire la majorité de l'habillage sonore.... Du moins au début du morceau, avant que la section rythmique et les cordes ne l'emmènent beaucoup plus loin. Encore une belle réussite..
Malheureusement, "True Love Waits", qui conclut l'album, est la plus faible du lot et cloture cet effort un peu en demi-teinte, même si elle reste une chanson très correcte. Mais cela ne suffira pas à diminuer l'estime que j'ai pour ce disque : c'est un chef-d'oeuvre, un très grand disque, un de leurs meilleurs, et un des meilleurs de cette année. Pas forcément évident à appréhender, son climat froid pourra rebuter les moins aventureux (et les plus jeunes et fougeux, mais n'hésitez pas j'ai moi-même à peine la majorité américaine et j'adore ce disque!), mais je vous jure que le jeu en vaut la chandelle. Si vous voulez tenter le coup, il s'écoute par là notamment.
PS : l'artwork est magnifique.
Alors bonne écoute, à bientôt, et merci pour votre lecture et vos commentaires !
Après la pop anxiogène géniale de "Burn The Witch", on a droit à une ballade au piano magnifique, dans un esprit assez Amnesiac : "Daydreaming", qui devient vite obsédante au fil des réécoutes, grâce aux synthés et aux voix qui font monter la tension et la disloquent d'un coup, le temps d'une partie de synthé aérienne. Et le jeu des voix trafiquées apporte beaucoup au morceau.
Bref, ce duo de singles inaugural est un coup de maître... Aussitôt dépassé par la meilleure chanson de l'album, "Deck's Dark", riche et simple, mélancolique, labyrinthique, et joyeusement pop à la fois. La froide beauté de ce morceau met en valeur tour à tour la voix de Yorke, la section rythmique qui se fait d'une délicatesse quasiment jazzy (la basse est un pilier majeur de ce disque), des choeurs aussi angéliques que graves, la guitare typique de Radiohead.... Et une magnifique conclusion de morceau (avec des guitares post-punk!), chose loin d'être aisée à réaliser. Superbe, leur meilleure depuis un bail (depuis 2007 et In Rainbows en fait, soit presque une décennie).
"Desert Island Disk" aborde une autre influence majeure de ce disque : le folk anglais. On croirait entendre le groupe jouer sur une colline du Gloucestershire, dans la campagne anglaise, par une journée plutôt clémente quoiqu'un peu froide, sous un ciel légèrement couvert. La batterie se fait caressante, les accords jazzy et les claviers tissent des tapisseries intrigantes en arrière plan tandis que la complainte de Yorke se réverbère au loin. Ce morceau apaisé introduit un "Ful Stop" quand à lui tout en tension, avec rythme kraut, basse vrombissante et sons anxiogènes, pour une réussite totale. On se laisse envelopper et porter par la transe qui va crescendo nous cueillir. Un autre sommet du disque, pour le moment un sans faute.
"Glass Eyes" aurait pu être la ballade de trop, un peu trop convenue, mais elle est sauvée par les arrangements de cordes somptueux et le piano qui s'autorise quelques espiègleries. Le rythme de l'album est néanmoins clairement abaissé d'un cran, pour le meilleur (un beau moment d'apesanteur), mais aussi le moins bon (on a le temps de se remettre du choc des premiers morceaux, et donc de sortir un peu de l'album sous certaines conditions d'écoute, alors qu'on aurait pu être achevés par un coup de grâce).
Le rythme (chaloupé) remonte avec "Identikit", qui permet à Yorke de faire des merveilles au chant (très jolies mélodies vocales), appuyé par la section rythmique impeccable, la guitare qui va bien et la science de la mise en son du groupe. Très très bonne chanson, avec un pont au synthé et des choeurs magnifiques. "The Numbers" est un superbe morceau de folk/rock apaisé, drivé par la basse encore une fois, pour un résultat assez direct et efficace tout en gardant cette maturité et cette subtilité rarement atteinte dans le rock indé (Veckatimest de Grizzly Bear me vient en tête rapidement pour les envolées presque jazzy, mais sinon....). Et là encore une superbe montée en tension (merci les cordes).
"Present Tense", qui suit, est plus classique, encore dans un genre de pop / folk rythmé par les contretemps de la batterie, les arpèges délicats de la guitare et les voix qui se démultiplient. Les choeurs subliment là encore le morceau par de sublimes mélodies. "Tinker Tailor Soldier Sailor Rich Man Poor Man Beggar Man Thief" (ce titre!) quand à elle est une ballade qui rappelle encore Amnesiac par sa mise en son minimaliste : une boîte à rythmes et un clavier suffisent à faire la majorité de l'habillage sonore.... Du moins au début du morceau, avant que la section rythmique et les cordes ne l'emmènent beaucoup plus loin. Encore une belle réussite..
Malheureusement, "True Love Waits", qui conclut l'album, est la plus faible du lot et cloture cet effort un peu en demi-teinte, même si elle reste une chanson très correcte. Mais cela ne suffira pas à diminuer l'estime que j'ai pour ce disque : c'est un chef-d'oeuvre, un très grand disque, un de leurs meilleurs, et un des meilleurs de cette année. Pas forcément évident à appréhender, son climat froid pourra rebuter les moins aventureux (et les plus jeunes et fougeux, mais n'hésitez pas j'ai moi-même à peine la majorité américaine et j'adore ce disque!), mais je vous jure que le jeu en vaut la chandelle. Si vous voulez tenter le coup, il s'écoute par là notamment.
PS : l'artwork est magnifique.
Alors bonne écoute, à bientôt, et merci pour votre lecture et vos commentaires !
Alexandre
Un des meilleurs disques écoutés cette année (parmi + de 100), avec quelques autres ! Non, j'vous ferais pas la liste ici, viendra bientôt mon traditionnel top annuel. Pour moi, "A Moon Shaped Pool" rejoint au panthéon du groupe "Kid A", "OK Computer", "Amnesiac" et "Hail To The Thief" (disque que j'aime bcp).
RépondreSupprimer"Deck's Dark" est clairement ma chanson préférée, et ce dès les premières écoutes de l'album, comme une évidence.
Et oui, le climat froid, la lenteur contemplative générale, la complexité des compositions...peuvent surprendre l'auditeur mais une fois installé, on n'a plus envie de sortir de ce cocon ouaté. Et à chaque écoute on découvre de nouveaux recoins, comme toute grande oeuvre. Un futur classique ??? Bien que seul l'avenir nous le dira, je parie que oui !!
Ma plus grosse déception musicale de l'année : ne pas avoir pu prendre de place pour le concert du groupe à Lyon, en ouverture du superbe Festival Les Nuits de Fourvière. C'était surement une des rares occasion de les voir dans un lieu à taille humaine (un théâtre antique de 4 500 places). Un couple de potes à moi y était, c'était magique. Les vidéos youtube en attestent. Mais avec la sortie du disque, j'espère bien une nouvelle tournée qui passera par la France, et vers Lyon si possible !!!
A +
Pareil que toi Francky, je n'ai pas pu avoir de place. J'étais connecté à la billetterie à 10h35 mais apparemment à 10h32 c'était mort.
SupprimerJe n'ai jamais accroché à "Hail To The Thief" pour ma part, ni à "The Bends" d'ailleurs mais je retenterai ma chance, rien n'est perdu ;)
SupprimerPareil, "Deck's Dark" est ma favorite sur ce disque.
J'espère que tu pourras les voir ça doit être grandiose.
Till : J'avais pris mon vendredi 1 avril spécialement (jour de vente des tickets) et m'étais connecté à 10H30 pile. J'étais en 1200 et quelques position, trop cool, je m'y voyait déjà sauf que, patatras, bug technique, nada !! J'ai retenté en vain pendant plus d'une heure mais que dalle.
SupprimerUne copine s'est rendue place Bellecour dès 9 heure du matin, et après plusieurs heures d'attente, elle en a eu 2.
Ah zut ! Elle t'invite au moins ta pote ? Sinon traites la de sous-poye jusqu'à la fin des temps (sauf si elle a quelqu'un et qu'elle y va avec ça peut se justifier mais vraiment à la limite)
SupprimerSous pote
SupprimerLe concert est déjà passé, c'était le 1 juin 2016 et elle y est allé avec son copain...de plus, on ne pouvait prendre que 2 places par personnes.
SupprimerAh zut !
SupprimerC'est marrant, à lire tous les commentaires sur ce disque ainsi que les critiques qui ont accompagné sa sortie, j'ai l'impression de ne pas avoir écouté le bon disque. J'avais lu retour aux années Computer / Kid A, avec moins d'expérimentations, plus de place à la mélodie [ce qui entre nous me parait assez antinomique]. Ce que j'ai entendu moi c'est un disque plat et monotone, là où la force du groupe était de proposer des pistes d'exploration multiples, un disque sans prise de risque, un comble pour eux. Et surtout un album solo de Thom Yorke bien plus qu'un disque de Radiohead.
RépondreSupprimerBref, pour moi c'est LA grosse déception de 2016.
Mon album préféré reste - et de loin - Amnesiac, là j'en suis à des années-lumière.
Je comprends que tu ressentes ça, je vois ce que tu appelles monotonie là-dedans, mais je ne le ressens pas comme ça, au contraire. J'avais envie d'écrire que la critique en avait trop fait sur ce disque mais je me suis ravisé. Il mérite les louanges, mais OUI, d'autres disques sortis cette année auraient mérité les mêmes.
SupprimerJe suis, je pense, lucide quand à ce disque, et je lui préfère comme je l'ai dit plus haut Kid A/ Amnesiac, In Rainbows et même Ok Computer. Mais il se place juste derrière et de pas loin, et c'est énorme.
Il faudrait sans doute que je lui donne une deuxième chance mais j'ai été tellement déçu après quelques écoutes que je l'ai mis de côté. La révélation viendra peut-être plus tard. Ou pas.
SupprimerPas le meilleur pour moi, mais un des meilleurs en effet ! ;) Je lui préfère dans l'ordre Kid A, In Rainbows, Ok Computer et Amnesiac, mais il est juste derrière et c'est déjà beaucoup pour Radiohead.
RépondreSupprimerIncroyable comme ta lecture du disque est proche de la mienne. Moi aussi, j'en fais un des meilleurs Radiohead (un tout petit peu derrière Kid A et Ok Computer, mais au niveau des autres qui sont en haut du panier).
RépondreSupprimerDecks Dark est aussi ma préférée. Ca doit faire dix ans qu'un morceau ne m'avait pas fait autant d'effet (et pas seulement chez Radiohead, hein). Le titre qui m'aura accompagné dans mes TREEEEEES nombreuses nuits d'insomnie cette année.
Que du très grand niveau donc, à l'exception peut-être d'un True Love Waits un peu décevant, et d'un Desert Island, dont je n'ai pas encore totalement percé l'univers.
Ta chronique me fait plaisir.
Super ! Ça fait plaisir de lire ça :)
Supprimerc'est vrai que tu es très en phase avec elnorton ! très content de te voir citer ce disque comme l'un des meilleurs de 2016, nous ne sommes pas très nombreux à le penser ! (je le mettrai si ce n'est sur la première marche, au moins sur le podium)
RépondreSupprimerseul différence, "Decks Dark" fait partie des titres que j'aime le moins alors que "True Love Waits" est mon préféré (avec "Ful Stop")...
La perception des morceaux c'est marrant, c'est très variable entre les auditeurs, et puis ça bouge dans le temps, c'est un peu ce qui fait le sel des chroniques je trouve, qui donne l'éclairage d'une personne sur le disque, les clés. D'ailleurs, souvent je n'ai pas les mêmes chouchous qu'El Norton, c'est une exception ce coup-ci !
SupprimerC'est vraiment un superbe disque en effet !
Un très grand disque pour 2016 et pour Thom York...heuu Radiohead, voulais-je dire.
RépondreSupprimerPour ma part ce qui m'a le plus marqué dans cet album, c'est l'influence de la musique allemande, tant dans le versant progressif 70's/kraurock, bien que les rythmiques aient été atténuées, dont je suis un grand amateur, expliquant que The Numbers soit mon titre favoris de l'album, que pour le versant musique contemporaine. On pense ainsi à Stockhausen, plutôt période 80's 90's dans le travail des ambiances.
Une agréable surprise, prouvant, si il le fallait encore, les qualités musicales artistique de Thom York et de ses acolites.
Très bel article !
Y'a du teuton là dedans c'est vrai ! ;)
SupprimerMerci !
Jonny Greenwood est un paysagiste.. je me souviens de "Bodysong" 2003, Tom Yorke l'architecte et j'aime tout autant ses travaux solo. Aussi, c'est un peu comme le début de ta chronique.. tellement entendu, lu, vu, à peine sorti que j'ai fui histoire d'apprécier sainement.. je me souviens de qq débats nauséabonds, critiques vaines, qq acharnements.. bref un groupe qui défraie la toile.. puis on ne parle plus de cet album magnifique. Il aura fallu attendre que tout se décante pour apprécier en sourdine .. pour tout ça, merci d'en parler aussi bien avec le recul. Il est passé en boucle qq jours à sa sortie, et pourtant, je n'avais pas écouté un Radiohead comme ça depuis Amnesia... en sachant que je ne suis tjrs pas revenu de KidA. Surement le 2ème plus bel album donc ;D
RépondreSupprimerC'est très juste ce que tu dis sur Yorke et Greenwood.
SupprimerC'est l'avantage des rétrospectives le recul, parfois c'est nécessaire pour parler sereinement d'un disque.
Merci !