Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes
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lundi 29 juin 2020

Teyana Taylor - The Album (2020)


  Après son album VII (2014), très réussi, Teyana Taylor n'a pourtant pas atteint la reconnaissance qui lui était due, et il aura fallu qu'elle se fasse repérer par l'équipe G.O.O.D. Music de Kanye West, et que ce dernier lui fasse sur mesure un album foudroyant (K.T.S.E., en 2018) pour qu'une hype bien méritée entoure désormais chacun de ses pas. C'est donc conquérante que l'artistes aux milles talents (chant, auteure/compositrice, chorégraphie/danse, mannequin, actrice/réalisatrice) revient avec le colossal The Album, fort de 23 titre pour plus de 80 minutes de musique.

  C'est sur la ligne entre le grandiose et l'intime que cet album excelle, comme lorsque l'"Intro", qui contient l'enregistrement de l'appel du médecin qui a guidé Taylor lors de l'accouchement à domicile de sa fille, se fond dans "Come Back To Me" où cette dernière, qui a depuis grandi de quelques années, chante entre sa maman, un couplet de Rick Ross impérial et une instru luxueuse et luxuriante. Ce morceau est impeccable, un vrai délice.

Teyana Taylor, Junie, Rick Ross - Come Back To Me (2020)

  Le début de l'album est d'ailleurs irréprochable, à commencer par la délicate "Wake Up Love" (avec  un couplet d'IMAN très proche du flow d'André 3000), puis la nu-soul funky, sensuelle et cosmique de "Lowkey" avec la déesse Erykah Badu. Il y a un petit quelque chose, une étincelle de génie, sur chaque titre. Sur "Let's Build", elle arrive à faire chanter Quavo de façon aussi surprenante qu'intéressante. L'instru "1800-One-Night", entre ses flashes de synthé percussifs et sa basse massive, fait sécréter une bonne dose de dopamine, "Morning" avec Kehlani est un gros banger rnb/pop, "69" un slow sexy addictif, et "Boomin" avec Future, Timbaland et Missy Elliott est un des meilleurs morceaux de l'ensemble. La suite est composée de très bons morceaux qui viennent diversifier le propos et montrer la versatilité de l'artiste, comme "Killa" en mode Afrobeats avec DaVido"Bad" en mode dub, "Wrong Bitch" en rnb old school. A chaque fois, les instrus sont divines et transcendées par le chant de Teyana Taylor, qui montre là autant son talent pour les lignes mélodiques mémorables que l'élégance de ses performances vocales, toutes en retenue et en nuances au fil de ces titres qui évoquent amour, couple, famille et sexe avec brio. Un sans faute.

Teyana Taylor, Erykah Badu - Lowkey (2020)

   Cependant, la deuxième l'album contient aussi quelques morceaux plutôt bons en eux-mêmes mais un peu en dessous du niveau général, tous enchaînés les uns aux autres, qui du coup ralentissent un peu le flow de ce long album. Je pense à l'enchaînement conséquent de ces morceaux : "Shoot It Up", "Bare It Up", "Lose Each Other", "Concrete", "Still", "Ever Ever", "Try Again", "Friends", "How You Want It". A l'inverse, les deux derniers morceaux avec Mike Dean et Kanye West à la prod ("Made It" et "We Got Love", ce dernier était sensé être sur la tracklist de Yandhi),et Lauryn Hill en feat, sont clairement à la hauteur. Et c'est quand même dommage quand dans ces 23 titres se cache un disque parfait de 14 morceaux et une solide mixtape de ses sessions de 9 titres, qui auraient par ailleurs gagnés à être écoutés à part. 

Teyana Taylor - 1800-One-Night (2020)

  Mis à part ce petit problème de longueur(s), ce disque est une petite bombe et j'ai vraiment été scotché par la personnalité des morceaux les plus réussis. Une vraie réussite, au final, et un impressionnant témoignage du talent de Taylor, qui a en plus su ici s'entourer des meilleurs pour achever sa vision d'un album grandiose. 

Mes morceaux préférés : Come Back To Me, Lowkey, Let's Build, 1800-One Night, Boomin, Bad, Morning



Alex


lundi 6 août 2018

Les Chansons de l'été : Rick Ross - Hustlin' (2006)


  Cet été, on vous fait replonger dans un déluge de chansons estivales sur LPAE. C'est vraiment chouette, c'est une rubrique qu'on fait tous les ans depuis un an, et ça s'appelle tout simplement "Les chansons de l'été", et ça vous permettra de savoir quoi mettre lorsque ce sera à votre tour de lancer un stream pendant le barbecue sur la plage

  J'aurais pu mettre beaucoup de morceaux de Rick Ross tant son timbre chaud et ses choix de prods majestueuse et luxueuses au possible, faisant de lui un genre d'Isaac Hayes rap, le rendent indispensable aux playlists estivales. Mais j'ai finalement opté pour ce titre emblématique de sa première tape de 2006, Port Of Miami, tant elle possède le bounce et le swag inhérents aux excès de la saison. De manière générale, Ross est un de ces seconds couteaux du rap game mondial qui ne génèrent pas une dévotion populaire ou un respect critique à la hauteur des Kanye, Kendrick & co, mais qui mine de rien commencent à construire une oeuvre conséquente de leur côté. Oeuvre à redécouvrir sans préjugés et à apprécier. 

Alex


lundi 11 juin 2018

Pusha-T - DAYTONA (2018)


  DAYTONA est le premier album d'une série de 5 sorties du label G.O.O.D Music espacées d'une semaine seulement l'une de l'autre, du 25 Mai au 22 Juin. Toutes mises en musique par le créateur du label, Kanye West, le concept rappelle quelque peu celui de ses "GOOD Fridays" d'avant la sortie de My Beautiful Dark Twisted Fantasy (2010), durant lesquels il sortait un nouveau morceau tous les vendredis avant de dévoiler son LP, certains d'entre eux en faisant partie et d'autres demeurant des bonus tracks de cette période. La première de ces oeuvres est l'album de Pusha-T, actuel patron du label, ex-membre de l'influent duo Clipse (avec son frère No Malice) et fidèle collaborateur de Kanye. Depuis sont sortis un album solo de West, un album de ce dernier en duo avec Kid Cudi sous le nom Kids See Ghosts, et on devrait pouvoir écouter un album de Nas à la fin de la semaine et un de Teyena Taylor dans deux semaines, cette série est donc encore un work in progress

  Tous ces albums ont, outre leur producteur, un point commun mû en partie par une volonté de concision chère à West (cf Yeezus, de 2013), en partie par une deadline impossible que ce dernier s'est lui-même imposée pour cette salve de sorties. Mais ce choix n'est pas innocent à l'époque où les derniers disques de Migos, Drake ou Rae Sremmurd se sont fait dézinguer à différents degrés par le public et la critique pour être ultra longs avec un nombre de morceaux démentiel. Cette tendance à la multiplication des pistes dans un morceau est directement liée à l'essor du streaming pour deux raisons ; la première étant que la dématérialisation permet d'expérimenter avec des durées plus longues qu'un format CD, et la deuxième, sans doute la plus importante, est qu'un artiste est payé au nombre de streams par chanson. C'est à dire qu'une écoute d'un album de 33 chansons rapportera 3 fois plus que celle d'un album de 11. Le calcul est donc vite fait, mais ce choix est dangereux comme on l'a vu pour Drake notamment, qui s'est bien fait dégommer par une opinion jugeant très déplacé pour une star multimillionnaire de ce calibre de diluer ses morceaux réussis dans un océan de chansons faiblardes afin de gratter quelques dollars.

Kanye West & Pusha-T

  C'est avec cette philosophie que Pusha-T a conçu cet album. Il a annoncé lui-même en interview vouloir sortir un disque compact (7 titres, 21 minutes), par respect envers son public qui lui accorde son temps libre pour l'écouter. C'est donc quelque part une démarche militante de respect de l'auditeur qui se joue dans cette série de LPs, même si évidemment on peut voir là un habile contrepied marketing. Il n'empêche que Pusha-T semble avoir pris à cœur le concept, changeant le nom de son album de King Push à Daytona (ce dernier étant une marque de montre de luxe). 

  Ce changement de nom est très signifiant, car outre la symbolique du temps il illustre parfaitement le credo du rappeur qui sait exactement ce que le public attend de lui : des raps incisifs sur son passé de dealer de cocaïne et sa vie dans les quartiers ghettoïsés d'une Amérique en état de semi-apartheid, et sur la vie de luxe qu'il vit depuis qu'il a percé dans la musique, symbole de réussite. Cette démarche est illustrée à merveille par la pochette, changée au dernier moment par Kanye West. C'est une photo de la salle de bain de Whitney Houston prise après la mort de celle-ci par overdose dans cette même pièce. On peut discuter du côté malvenu de choisir une photo aussi intrusive, mais il est difficile de trouver meilleure illustration de l'impact de la célébrité et de la drogue sur une personne que cette image à la beauté glauque et saisissante, le côté voyeur de la chose renforçant encore le sous-texte sur les affres de la vie sous le regard des caméras. Comme nous le verront, les questions de drogue et de santé mentale, de dépression sont au coeur de l'album solo de West et forment un peu le fil rouge de sa participation à cette série d'albums.

Pusha-T - If You Know You Know (2018)

  Je m'excuse de cette mise en contexte un peu longue, mais je pense qu'elle est réellement complémentaire à l'écoute de ce disque et qu'elle vous permettra d'en comprendre tous les tenants et les aboutissants. Mais maintenant parlons musique ! Le premier titre, "If You Know You Know" sample avec brio l'intro du morceau de hard rock progressif "Twelve O'Clock Satanial" (1972) du groupe Air (en écoute ici). Le morceau est brut, incisif, on sent vraiment le côté "juste un DJ et un MC" comme sur un vieux Eric B & Rakim. Kanye envoie du lourd derrière sa MPC avec un beat brutal, son arme secrète : les samples vocaux, et une utilisation judicieuse des pauses. Par dessus, Pusha balance son flow vicieux et implacable, alignant les rimes avec dextérité. Un excellent morceau qui donne bien le ton du projet : radical, brut et sans concessions.

Pusha-T - The Games We Play (2018)

  Dans le même ton, "The Games We Play" démarre sur une boucle soul bien bluesy issue de "Heart N' Soul" (1968) de Booker T Averheart mêlée à des influences de "Politics As Usual" (1996) de Jay-Z, cette dernière étant clairement une inspiration du style de production du jeune Kanye. Le morceau rappelle d'ailleurs vraiment les prod de West du début des années 2000, avec un côté deep soul proche de son travail pour Jay-Z ou de morceaux comme "Gold Digger" (2005), samplant Ray Charles. Sur ce morceau, la chaleur soul du beat et son côté traînant se marient à la perfection avec le rap millésimé du vétéran Pusha-T, toujours acéré. "The Games We Play" brille également par sa simplicité, étant l'exemple même de ce qui fonctionne bien sur cet album.

Pusha-T & Rick Ross - Hard Piano (2018)

  Le morceau suivant, "Hard Piano", suit déjà une route plus complexe, sur quelques notes de piano venant de "High As Apple Pie - Slice II" (1970), de Charles Wright & The Watts 103rd Street Rythm Band, avant que des nappes d'orgue jouées par Mike Dean ne nous mènent vers un refrain chanté un peu too much (seule faute de goût du disque ?), puis vers un couplet bien efficace de Rick Ross. Mais ce petit impair est vite oublié à l'écoute de la brillante "Come Back Baby" s'appuyant à merveille sur "The Truth Shall make You Free" (1972) de The Mighty Hannibal pour introduire un subtil mélange de couplet sans concessions posés sur une prod atonale et de refrains soul absolument merveilleux, provenant du superbe "I Can't Do Without You" (2011) de George Jackson.

Pusha-T & Rick Ross - Come Back Baby (2018)

Pusha-T & Rick Ross - Santeria (2018)

  L'excellence continue avec "Santeria", jouant là encore de l'alternance entre un refrain doux et lent (chantés en espagnol par une voix féminine) et des couplet radicaux et violent, sur une prod subtile samplant "Drugs" (1996) de Lil Kim, qui elle même samplait le Isaac Hayes de "Bumpy's Lament", issu de la BO de Shaft (et également base du célèbre "Xplosive" de Dr Dre, sorti en 1999). Là encore, le fidèle Mike Dean, élément crucial du disque puisqu'il est derrière la console sur tout le long de l'album, passe de l'autre côté du micro pour enregistrer quelques parties de clavier bienvenues.

Kanye West & Pusha-T - What Would Meek Do ? (2018)

  L'inévitable feat avec Kanye sera un banger rap brut, un peu à la façon du morceau de Pusha "Numbers On The Boards", produit par Kanye pour le premier album solo du rappeur en 2013 et méritant sa place au panthéon des plus grands morceaux de rap de tous les temps. En effet, "What Would Meek Do" utilise l'orgue de "Heart Of The Sunrise" (1971) de Yes pour installer une ambiance sombre et inquiétante, prétexte à une flopée de couplets assassins. D'autres éléments renforcent cette noirceur, notamment une citation du flow de Tupac / Makaveli sur "Hail Mary" (1996). On notera également des références à la blague musicale "Lift Yourself" sortie par Kanye plus tôt dans l'année.   

Pusha-T - Infrared (2018)

  L'album se termine (déjà) par "Infrared", magnifique exercice de sampling à la limite du dub utilisant "I Want To Make Up" (2009) de The 24 Carat Black ainsi que des éléments du flow de Jay-Z sur "The Prelude" (2006), dans un seul but : envoyer des petites piques à Drake, qui aura le malheur de répondre avec "Duppy's Freestyle" une diss track pas trop mal foutue se moquant parfois efficacement de Pusha sous-entendant qu'il exagère son passé dans la rue, et de Kanye au passage. Cette réponse causera un assassinat en règle de Drake sur la réponse de Pusha-T, "The Story Of Adidon" (rien que la pochette, une blackface de Drake, a fait du dégât), disséquant sur fond de la prod de "The Story of OJ" (Jay-Z, 2017) avec une précision vicieuse la vie de ce dernier, le renvoyant à ses fautes comme l'oubli de son ami Noah "40" Shebib (atteint de sclérose en plaques), et suggérant que les absences répétées de son père ont causé chez lui un comportement de père abusif, révélant au passage que Drake aurait caché un fils du nom d'Adonis, qu'il aurait récemment eu avec une ex-actrice porno devenue artiste peintre du nom de Sophie Brussaux, et qu'il allait révéler l'existence de son fils caché... dans le cadre d'une campagne promo pour sa ligne de vêtements Adidon en collaboration avec Adidas. Le plus dingue dans cette histoire c'est que tout a l'air vrai, l'entourage de Drake n'ayant rien démenti et des éléments ayant montré que ce dernier aurait fait un test de paternité et verserait de l'argent à la mère et son fils. Pusha-T a donc carrément dégommé un plan comm' monstrueux et mis à jour une potentiellement sinistre utilisation de sa paternité par Drake (qui peut bien révéler l'existence de son fils au monde pour vendre des pompes ?). Et a mis au passage un sacré coup à l'image publique de son "ennemi" sur disque depuis des années (cette rivalité a été héritée de celle entre son mentor Lil Wayne et Pusha mais c'est une autre histoire, pas si passionnante). Ce morceau était sensé être le premier d'une série amenée à démolir complètement Drake ("surgical summer"), mais en l'absence de réponse de Drake (apparemment dictée par son management) et avec un Kanye plutôt pacificateur, nous n'y aurons pas droit finalement. D'après ce qu'on sait, il y aurait eu de quoi amocher davantage les carrières de Drake et Kanye. Mais sans morceau derrière, ça reste du people et ça ne nous concerne plus vraiment.


  DAYTONA est un album passionnant, concis, presque parfait, brutal, violent et beau. Pusha-T et Kanye étant des rappeurs entre deux âges, ils jouent de leurs expériences respectives pour apporter une profondeur supplémentaire à leur musique ainsi qu'une vraie clarté dans la direction qu'ils veulent prendre, sans toutefois perdre l'impact et l'urgence de la jeunesse. Cet album est un réel classique instantané de hip-hop, impeccable pour les puristes et accessible aux néophytes. C'est donc un sans faute pour G.O.O.D Music pour le moment.

A écouter sur Spotify ou Deezer

Alex