Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

samedi 29 octobre 2016

La Playlist #10 : Les 4 ans de La Pop d'A&E


  Ben ouais, déjà 4 ans qu'on publie ici. On en est les premiers surpris. Ça passe à une vitesse ! Ça fait pas mal de souvenirs sympas, 4 ans. Qu'on va vous présenter ici, sous une forme simple : pour chacune de ces 4 années, on a choisi 4 morceaux aux petits oignons qui résument à peu près notre ligne éditoriale, pour vous rappeler de bons souvenirs ou vous faire faire de jolies découvertes. Alors enjoy !


2013

E : De l'énergie pure associé à une classe innée, voilà le secret d'un groupe qui nous a marqué, notamment par un concert époustouflant.
A : Pas assez de place dans cette playlist pour honorer tous les supers concerts auxquels on a été, et qu'on n'a pas pu chroniquer faute de temps. Tous les deux on a vu La Femme deux fois, Of Montreal, Ty Segall, Sébastien Tellier, Franz Ferdinand justement... de mon côté j'ai eu la chance de voir Metronomy, Brigitte, Souchon et Voulzy... Et Franz Ferdinand ça valait le coup, les gars étaient impériaux, un peu comme sur ce disque au goût de come-back réussi qu'on avait acclamé à juste titre en 2013.

E : L'OVNI ! Une de ces découvertes que l'on a aimé à vous faire partager et dont on aime aujourd'hui encore le redécouvrir dans les archives du blog.
A : L'électro-pop qui bosse ses textures comme Autechre, n'a pas peur du pouet pouet comme Metronomy, et compose comme Brian Wilson, forcément que ça nous parle ! En parlant d'archives du blog, on commence à avoir un bon paquet d'albums chroniqués ici, dont les liens sont réunis dans un sommaire en haut à droite de cette page, si vous avez un trajet en transports en communs un peu long ou juste l'envie de découvrir de nouvelles merveilles.

E : Un de nous chouchous ce génie John Dwyer, nous plongeant chaque fois un peu plus dans la folie de son punk psychédélique et dont la productivité n'est pas sans rappeler l'âge d'or des 60's. 
A : Etienne a tout dit, je rajouterai quand même que le gars est bien plus versatile que l'étiquette psyché/kraut/punk/garage qui lui a été collée, en témoignent les albums électro-rock sous le nom de Damaged Bug et des chansons comme ce titre exceptionnel, une ballade digne des plus grands classiques sixties de Barrett & consorts.

E : L'enfant prodige de la nouvelle vague de rock français, pour un album d'anthologie. Un groupe pas comme les autres dans notre cœur, peut être notre meilleur expérience de concert !
A : Notre meilleure expérience de concert, sans aucun doute. Il faut les éviter en festival, et privilégier les petites salles ou leur côté punk ressort et où la transe électro-psyché prend les tripes et fait transpirer les corps. Et puis sur disque, quels morceaux ! Celui-là est digne d'un Gainsbourg modernisé.


2014

E : Quelle émotion, quelle justesse dans la composition et que de chemin parcourus pour Damon Albarn qui se réinvente encore, 20 après ses débuts.
A :  Rien à ajouter, ce titre est déchirant, d'une classe folle. Ce type est hyper doué.

E : Au fil des années, au fil des sorties, au fil de ce blog, ce groupe est devenu mon favori de tous, me faisant voyager d'albums en albums. Un amour qui grandit encore à chaque écoute.
A : Love Letters, l'album dont est extrait ce titre, est du genre de ceux qui gagnent en saveur à chaque réécoute, et que je réévalue à la hausse en permanence, me faisant penser que c'est probablement leur meilleur avec Nights Out, et donc un des meilleurs albums pop, non seulement de ces dernières années mais de tous les temps.

E : Le retour du messie tant attendu. L'album de l'année avec cette production impeccable de bout en bout, exigeante et subtile, hymne à 60 ans de black music.
A : Black Sugar était impeccable, Voodoo est probablement le meilleur album des années 2000, ou au moins dans le top 5. Et le plus fou c'est que cet album sorti 14 ans plus tard ne s'est pas contenté de ne pas nous décevoir, mais nous a carrément réjoui. D'Angelo a explosé les codes de la nu-soul pour accoucher d'une discographie où les chef-d’œuvres s'enchaînent sans jamais décevoir, entre pop, soul, funk, hip-hop, rnb et jazz.

E : Parce que merde la chanson française ce n'est pas que les années 50 !
A : Et parce que des titres comme celui-ci du calibre de "Là Où Je Vais La Nuit" de Katerine, "La Nuit Je Mens" de Bashung ou "La Dolce Vita" de Christophe, ça arrive pas souvent mais ça arrive, alors s'agit pas de les rater.


2015

E : Tame Impala est aux années 2010 ce que les Strokes sont aux années 2000. Groupe phare du mouvement indé, qui marque durablement nos oreilles.
A : Et bel exemple de renouveau artistique réussi dans une direction délicate : vers le grand public. Etre snob juste pour le plaisir c'est so 20e siècle. La curiosité est la 1ere des qualités.

E : Quelle sensualité, quelle finesse, le rnb dans sa plus belle peau. Une voix enchanteresse qui me hante depuis un an.
A : Bel exemple que la bonne musique est loin d'être rare et n'est pas moins éclatante ces dernières années que dans les années 60 ou 70 (pour les puristes). On est très content de l'avoir suivie depuis son premier single merveilleux avec AK Paul à travers deux EPs puis cet énorme premier album en forme de consécration. Et on sera heureux de continuer à vous narrer ses exploits musicaux dans les années à venir.

E : La production feutrée et sensible du groupe réinvente encore aujourd'hui le rock psychédélisme, dans un style enivrant dont on ne se lasse pas. Un monument !
A : En s'entichant de Prince et de synthés, la soul-pop psychédélique d'UMO a elle aussi pris le large en direction d'un public plus étendu, et comme Tame Impala, l'artistique suit largement, alors on applaudit des deux mains, et on tire la révérence.

E : Définitivement hypnotisé par ce génie canadien dont le rock indé avoisine ce qui pourrait être la perfection dans un style pourtant maintes fois éprouvé.
A : Tout est dit, le gars arrive avec une proposition fraîche, sensible et bien plus profonde que ce que son image déglingo rigolote peut laisser penser, et ce dans le genre musical le plus usé, vu et revu de tous les temps. Quel compositeur, et quelle vision intègre, précise et clairvoyante de sa musique !


2016

E : La grosse émotion de l'année avec cet album vibrant tel le dernier souvenir d'un ami très cher. Un monolithe miroir des temps passés et à venir. 
A : Le voilà le fameux "meilleur album depuis Scary Monsters", rien à redire, c'est un chef-d'oeuvre comme ce morceau très cinématographique qui démontre tout le génie de Bowie dans son ultime mue en crooner jazz-pop post-apocalyptique.

E : Blood Orange éblouissant dans cette pop sensible aux visages multiples. Un album qui marquera durablement notre blog !
A : Probablement le meilleur album de l'année, en extraire une seule chanson est autant un déchirement qu'une hérésie tant l'oeuvre est belle, construite et complète. Le génie pop de 2016, il est là.

E : Claque de l'année avec ce rap classieux et engagé, venu de NY pour tout casser. D'une rare finesse !
A : Chanteuse de talent et productrice ultra douée, Anna Wise a réussi avec brio à synthétiser électro exigeante, pop accessible, rnb/hip-hop, soul/funk et inflexions presque jazz avec une maîtrise et une sensibilité dingue. Un EP qui vaut bien des albums !

E : Quoi de mieux que la poésie d'un moment parfait pour clore cette playlist et souligner le talent hors normes de cet artiste majeur de la scène française. Un morceau que nous "n'oublierons jamais" !
A : L'album dans son ensemble est un régal, et ce morceau en particulier est d'une rare beauté. 
  D'un point de vue plus personnel, je suis très content qu'on ait pu poursuivre ce petit projet de lycéens / jeunes étudiants aussi longtemps, je suis hyper content de pouvoir encore partager ça avec toi mon pote. Et avec vous aussi, chers lecteurs !

Alexandre & Etienne

mardi 25 octobre 2016

Pixies - Head Carrier (2016)




  Comment évoquer objectivement un album des Pixies en 2016 ? Quand on a passé comme moi son adolescence à marteler sa batterie en beuglant sur leurs premiers albums ? Pour moi, les Pixies étaient une légende. Il n'existaient plus, séparés depuis longtemps. Et là, au lycée, ils se reforment, tournent à nouveau ensemble. Incroyable. J'ai pas eu l'occasion de les voir, dommage. Encore plus incroyable, quelques années plus tard, une série d'EPs qui aboutiront à un nouvel album, le décrié Indie Cindy, qui alternait entre bons morceaux et remplissage dispensable. Après quelques changements (de personnel notamment, bye Kim Shattuck, pour remplacer Kim Deal ce sera Paz Lenchantin désormais), Head Carrier, ce deuxième album post-reformation sort enfin. 

  Et il est plutôt bon. Ne vous attendez pas à du Doolittle ou du Bossanova niveau qualité, on n'en est pas là. Mais c'est un solide disque de rock / power pop typé nineties. Le morceau titre, "Head Carrier", est un très bon titre de pop-rock, avec d'excellentes guitares, une mélodie bien présente. On reste pas mal dans le son de Trompe Le Monde en plus soft. Très bon début. "Classic Masher" est moins originale et subtile dans sa mélodie et sa construction, mais est très efficace dans le genre time capsule nineties. Pour l'instant ça fonctionne bien.

  Dommage, le plus énervé "Baal's Back" est poussif. Heureusement, il est rattrapé immédiatement par "Might As Well Be Gone" qui reprend les choses où Come On Pilgrim / Surfer Rosa les avaient laissées, avec un son plus pop indé 90s avec des arrangements de glockenspiel etc... façon Eels. "Oona" est quand à elle une efficace chanson rock qui ne s’embarrasse pas de subtilité mais passe bien quand même.



  "Talent" est quand à elle carrément excellente dans le genre pop-punk, et est suivie par une efficace "Tenement Song" au refrain grunge fédérateur même si un peu gros. Malheureusement, "Bel Esprit" n'est pas inoubliable même si sympathique.

  Vous allez être choqués par le début de "All I Think About Now" qui est carrément une resucée de "Where Is My Mind", chantée par Paz Lenchantin en hommage à Kim Deal (paroles de Frank Black). C'est bizarre au début, mais le texte est bien foutu quand on connait un peu l'histoire du groupe, et c'est transférable à n'importe quelle histoire d'amitié qui a mal fini pour une raison ou une autre ("I Remember When We Were Happy / That's All I Think About Now / If You Have Any Doubts / I Wanna Thank You Anyhow"). D'ailleurs, que ce soit au chant sur cette chanson ou les choeurs dans le reste du disque, Lenchantin fait un super boulot vocal, en plus de la basse. Le plus énervé "Um Chagga Lagga" est très réussi. "Plaster Of Paris" est sympa dans un genre pop plus léger, et "All The Saints" est pas mal du tout aussi.

  Bref, les Pixies ont regagné en confiance et nous ont sorti un bon disque, pas parfait mais très solide, et très encourageant pour la suite de leur deuxième partie de carrière. Vous pouvez l'écouter ici notamment, revenez ensuite nous voir pour nous donner votre avis !

Alex

lundi 24 octobre 2016

Nicolas Jaar - Sirens (2016)


  Je n'ai pas grand chose à dire sur ce disque, car il est très difficile à décrire. C'est un superbe disque assez inclassable entre électronique, pop, new wave, ambient et plein d'autres choses. Sur "Killing Time", on entend du piano et des éclats de verre, un fracas des percussions, des voix concassées qui apparaissent et disparaissent, masquées par des effets. Et c'est très beau.

  Sur "The Governor" on croirait qu'Alan Vega est sorti de sa tombe et chante le rockabilly synthétique pendant que Martin Rev joue à un doigt sur un synthé. Avant le retour du piano jazz lounge, de l'électronique qui s'emballe, sur un rythme big beat. Plus loin, un saxo geint, et le final où s'invite le bruit blanc est marquant, entre cacophonie et beauté, chaos et clarté. "Leaves" est un morceau ambient où plane l'ombre d'Eno. La musique est à la fois apaisante et apaisée (quoique ?...).

  On entend sur "No" comme un dancehall moderne, chanté en espagnol. Mais qui n'aurait rien d'un tube de l'été. Pour preuve, ce pont ambient que vous n'entendrez jamais sur une radio commerciale. C'est tout bonnement magnifique. On enchaîne ensuite avec le très bon électro-rock de "Three Sides Of Nazareth" et le gospel électronique de "History Lesson" qui hésite entre soul classique et Rnb moderne. Au final, le rendu est angélique.

  Ce Sirens est donc un excellent album dont il m'est difficile de parler tant l'expérience d'écoute est purement sensorielle, ce qui est un comble pour un artiste aussi intellectuel. Ce qui prouve aussi la profondeur de cette oeuvre, qui peut être ressentie et comprise de mille façons. Bref, un beau disque.


Alex



samedi 22 octobre 2016

Thee Oh Sees - A Weird Exits (2016)


  Waow ! Pas grand chose à dire sur ce dernier Thee Oh Sees si ce n'est que Dwyer tient une forme olympique. Depuis 3 ans, il nous a gratifié de 5 chef-d'oeuvres dignes des meilleurs Oh Sees, Floating Coffin, les deux Damaged Bug, l'excellent Mutilator Defeated At Last de l'an dernier, et ce petit nouveau. 

  Pas grand chose à signaler, il creuse le sillon de ces derniers albums. Si ce n'est que la production a encore gagné en clarté et que le groupe sonne plus assuré que jamais, mais dans le bon sens. Dwyer ouvre le bal avec le rock hypnotique, psyché et kraut sur les bords, d'un "Dead Man's Gun" ultra efficace. "Ticklish Warrior" et son riff ultra heavy à la Slaughterhouse du Ty Segall Band contient pourtant des soli presque prog dans la technicité mais réalisés avec une concision pop. "Jammed Entrance" est un interlude synthétique mais rock à la Damaged Bug, qui ouvre sur un "Plastic Plant" démentiel, très californien, tellement rock, tellement jouissif et bien produit qu'il pue la décadence et la classe des rockeurs de la West Coast comme dans un épisode de Californication (y'a un truc en commun avec le générique de la série, dans le son). Un sommet.

  Le côté punk revient avec le nerveux "Gelatinous Cube" à la batterie malmenée. "Unwrap The Fiend Pt. 2" et "Crawl Out From The Fall Out" explorent à nouveau cet habile mélange de psychédélisme pop rehaussé de folk et d'électronique et de rock à la fois prog, punk et concis. Avant une conclusion parfaite : "The Axis", son orgue soul, et son chant entre Zappa période doo-wop parodique avec les Mothers Of Invention (la guitare va dans ce sens aussi), et Presley période gospel. Et puis un solo noisy parfait.

  Cet album est une tuerie, y'a pas grand chose de plus à dire, si ce n'est foncez l'écouter ici. Alors bonne écoute !

Merci pour votre lecture et vos retours en commentaire, et à bientôt !

Alex



jeudi 20 octobre 2016

Danny Brown - Atrocity Exhibition (2016)


  Cet album m'a pris par surprise. Un mélange de hip-hop criard et de rock  bien sale, c'est plutôt rare. Et ça commence dès "Downward Spiral" et son titre emprunté à Nine Inch Nails, avec un Danny Brown qui couine plus qu'il ne rappe, mais avec un flow ultra intéressant qui rappelle André 3000 dans ses jours les plus énervés. Musicalement, c'est riche, entre post-punk aux guitares anguleuses et aux synthés basse inquiétants, basse et rythme free jazz en roue libre. La même recette est utilisée sur "Tell Me What I Don't Know", avec un flow rappelant davantage Notorious BIG et un refrain psyché classe que n'auraient pas renié les Black Angels ou les Doors.


  "Rolling Stone" rappelle carrément l'ambiance d'un LP de Joy Division (l'album est quand même nommé d'après une chanson du groupe, ça paraît logique), avec un superbe refrain là encore. "Really Doe" et sa dream team incroyable (Kendrick Lamar, Ab-Soul, et Earl Sweatshirt le compagnon de misanthropie et d'agoraphobie) chasse sur des terres plus hiphop avec ce beat lo-fi sorti du new-york du Wu-Tang, mais revisité façon trap avec des sons de film d'horreur et du glockenspiel flippant. Dans le même genre old school perverti, "Pneumonia" est une grande réussite.

  La suite, "Lost", est assez minimaliste, reposant sur des bases de jazz variété années 30-40, pour un résultat bon mais moins marquant, la faute à des répétitions à outrance. De même, le bon psyché "White Lines", et le plus rythmé "Dance In The Water" sont un peu courts en variations pour tenir l'auditeur tout du long. C'est d'ailleurs le seul point négatif de l'album, la voix de Brown est très nasillarde, les instrumentations ne lésinent pas sur la cacophonie et les arythmies, les sons peuvent être criards, et ça peut lasser les moins endurcis aux musiques plus exigeantes et moins immédiatement accessibles. Et ce n'est pas l'intervention très décalée avec le ton de l'album (trop doucereusement rnb ?) de Kelela sur le plus mou "From The Ground" ou la soul plate de "Get Hi" qui suffira à les faire raccrocher.


 Mais c'est dommage car "Ain't It Funny" qui combine l'approche jazz, les pouet pouet et le côté punk et coldwave est quand à elle ultra réussie, un vrai tube déviant. De même que "Golddust", ses ambiances western et son riff démentiel, et le génialissime "When It Rain". D'autres morceaux sont juste bons, comme le très André 3000 "Today", ou le final "Hell For It" et son superbe piano.

  Bref, l'album est un très solide disque, inclassable, quelque part entre rock intransigeant et hip-hop radicalement expérimental, c'est un vrai effort d'innovation réussie d'une main de maître, et à saluer. Du hip-hop East Coast, du funk-rap psychédélique façon Californie, du rock psyché voire stoner, de la coldwave bien brutale... Et tout ça maîtrisé et mélangé subtilement. Dommage, en coupant 4 ou 5 titres sur les quinze et en les groupant dans un EP accompagnant le disque, on avait un album court, cohérent et parfait, et plus facilement écoutable d'une traite sans les migraines occasionnées par le côté trop incisif du son. Mais cela n'enlève rien à la qualité visionnaire de cette oeuvre, dont je vous recommande vivement l'écoute ici.

Alors bonne écoute, et revenez nous donner vos avis !

Alex


mardi 18 octobre 2016

Izzy Bizzu - A Moment Of Madness (2016)


  Dans les années 2000, on a eu d'énormes succès forts mérités, notamment pour Norah Jones dans un style jazz/pop et Amy Winehouse dans une soul référencée mais couillue et vivante. Les suiveuses sont arrivées, à grand renfort de comm', pour un résultat parfois très bon (Duffy), parfois désarmant d'insipidité comme l'agaçante Adèle. Et bien en 2016, on a Izzy Bizzu, une jeune chanteuse britannique dont la fraîcheur et le talent inouï enverraient dans un monde idéal la soupasse des chanteuses de supermarché aux oubliettes de l'histoire et les bouteraient hors des ondes radiophoniques et des chaînes de clip.

  Que ce soit dans un style de ballade soul tire-larme à la production impeccable comme "Diamond", ou dans un style funk sur "Skinny", on n'a rien à redire, c'est du très très bon. Et puis on a le tube "White Tiger", où un piano funky quasiment house (rappelant Breakbot) sert de tapis de velours rythmique (avec quelques claquements de main) aux vocalises virtuoses de la chanteuse, avant que le beat discoïde n'emporte tout sur son passage.

  Pour la suite du disque, après ce trio incroyable de départ, on a de bons morceaux, pas aussi géniaux que les premiers mais très très corrects, comme les funk de "Naïve Soul" et "I Know", et "Give Me Love" façon soul-rock

  Retour des tubes potentiels à la pelle, avec le très accrocheur "Adam & Eve" entre funk avec cordes philly et cuivres 70s, et surf-rock. Le chant d'Izzy est toujours délicat, et quand il est mis en valeur comme sur "Gorgeous" ou l'excellente soul moderne de "Lost Paradise" c'est un plaisir. Les ballades "Glorious", "Mad Behaviour" et "What Makes You Happy" sont des régals de délicatesse et de puissance soul. 

  Et quand elle chasse sur des terres plus pop, c'est moins inspiré, mais ça suffit pour déloger Lorde de son pré carré sur "Circles" et ringardiser Lily Allen sur "Fly With Your Eyes Closed". L'électro lui convient pas mal du tout sur "Someone That Loves You", de même que le piano voix sur "Trees And Fire"et le reggae sur "Hello Crazy" (qu'on entend régulièrement en filigrane dans tout l'album mais qui s'exprime pleinement ici), même si ces morceaux ne sont pas non plus ses meilleurs.

  Bref, ce A Moment Of Madness n'est peut-être pas le Back To Black de 2016, mais c'est certainement un très bon album de soul/funk conquérante qui n'a pas peur de la pop et qui veut en découdre, et c'est déjà superbe. Comme l'excellent Nao de cette année, ce disque est le fruit d'une très jeune artiste qui a voulu tout donner sur un long format. Avec davantage de concision dans le choix des morceaux et une production plus charismatique et moins générique, Izzy Bizzu saura à n'en pas douter donner à ce bon disque des successeurs qui le surpasseront et nous éblouiront. Affaire à suivre donc !

En attendant écoutez cet album ici, et revenez nous en dire des nouvelles !

Alex



samedi 15 octobre 2016

Frank Ocean - ENDLESS (2016)


  Sorti en préambule à Blond(e), qui est le "vrai" album (mmmh... ça me plaît pas ça mais j'y reviendrai), pour remplir le contrat liant Ocean à sa maison de disques, ENDLESS n'en est pas moins une réussite. Plus expérimental et fouillis (en apparence seulement) que son successeur, il recèle d'excellents morceaux, et dégage une unité sans faille malgré le grand nombre de genres musicaux abordés.

  L'intro synthétique "Device Control" ouvre sur la magnifique reprise "At Your Best (You Are Love)", des Isley Brothers via Aaliyah (nous avons d'ailleurs déjà parlé de l'histoire de ces reprises ici). Si il vous fallait une preuve que Frank Ocean est un des chanteurs les plus passionnants de sa génération vocalement parlant, elle est là. Il est un de ceux ayant une personnalité forte et un talent inédit pour le chant, tels qu'on n'en rencontre pas tant par décennie. Récemment, je pense à Amy Winehouse, Bon Iver, Sufjan Stevens... Et sans doute quelques autres que j'oublie, mais y'en a pas tant que ça. Bref, cette reprise en apesanteur est un chef d'oeuvre absolu.

  Mais les compositions du sieur tiennent la route, comme "Alabama", et son côté pop semblant tout droit sorti de Channel Orange, avec un peu moins d'instrumentation (des voix qui se répondent et un piano avec reverb, ça suffit). On reste en terrain connu, quoique plus atmosphérique que ce à quoi il nous a habitués, avec la très belle "Sideways".

  De la qualité, il y en a aussi plein la plus hip-hop et vaguement jazzy "U-N-I-T-Y", la folk soul minimaliste et lo-fi de "Slide On Me" et "Wither" qui se fond dans "Hublots" et son sample tiré de "Contact" des Daft Punk. Même les interludes comme "Mine", les "Ambiance...", "Florida", les excellentes "In Here Somewhere" et "Deathwish(ASR)" très rnb versant électronique, et le génial et addictif "Comme des Garçons" sont intéressants, et participent à la construction d'un album, un vrai, qui est bien plus que la somme de ses parties.

  La fin de l'album prouve d'ailleurs cela, elle est très construite. La folk et le rnb se mêlent sur "Rushes", où l'on sent l'influence de Bon Iver notamment, avant que la musique ne soit déformée et triturée par le sampling, aboutissant à un beat hiphop/électro. Repassant par du franchement folk / pop sur le très beau également "Rushes To" avec sa gratte électrique magnifique et ses nappes de synthé. Et puis on finit par "Higgs", le morceau de bravoure qui démarre par un beat presque dancehall dansant, avec un chant rnb très pop. Et puis un break, et là un morceau de techno post-New Order technophobe démarre. C'est génial et inattendu, et ça fonctionne parfaitement (c'était un peu annoncé par la fin de "Rushes" et ça rappelle parfaitement "Device Control", le premier morceau).

  Bref, écoutez Blond(e), c'est un superbe album (et j'y reviendrai très bientôt), mais surtout n'oubliez pas d'écouter aussi ce ENDLESS. Ne faites pas comme la majorité de la presse musicale (et du public) qui a complètement oublié l'existence de cet album de grande qualité dès que l'autre est sorti. D'autant plus qu'il est exigeant et demande plusieurs écoutes avant de se dévoiler tout à fait (mais quand ça arrive, c'est magnifique). Vous ne le regretterez pas.
  Oh et il y a un film qui va avec dans lequel Ocean monte un escalier en noir et blanc, c'est une belle parabole sur le versant artisanat de l'art, et une façon à la fois profonde et humoristique d'aborder à la fois sa carrière et l'art en général, et de redonner aux valeurs temps et travail leur juste place.

Merci pour votre passage, votre lecture et vos commentaires et à bientôt !

Alex

jeudi 13 octobre 2016

Drugdealer - The End Of Comedy (2016)


  Tout d'abord, merci à Vincent de La Musique à Papa de m'avoir fait découvrir ce superbe disque (et artiste, au passage), sur cet article. Michael Collins, ici sous l'alias de Drugdealer, est un artiste pop touche à tout, avec un petit côté bricoleur génial. La musique qu'il propose ici est à mi chemin entre folk lo-fi indé et Pop léchée avec un grand P comme chez les plus grands, pour un résultat entre Barrett, baroque façon Left Banke, Bee Gees ou plus récemment Jacco Gardner et Connan Mockassin, et une pop folk moderne et directe façon Elliott Smith ou Beck

  L'intro jazz nocturne de "Far Rockaway Theme", très classieuse, ne prépare pas à la suite : de petites perles psyché folk comme "The Real World", "Easy To Forget" en symbiose avec le génial Ariel Pink, et le barrettien "Sea Of Nothing". Ailleurs on croise un interlude morriconien, "Theme For Alessandro". Ou du baroque sur "It's Only Raining Right Where You're Standing". Et un peu tout ça sur "The End Of Comedy", et "My Life". Les arrangements se font riches, un peu de country ici, des filtres psyché par là, des flûtiaux jazz-funk là-bas... Et tout est toujours parfaitement dosé. 

  Et puis il y a ce single imparable, le "Suddenly", qui me rappelle les magnifiques réussites récentes de Foxygen, Lionlimb, Unknown Mortal Orchestra ou Tobias Jesso Jr, cette façon de sortir un hymne pop imparable moderne, entre soul, folk, avec des changements de rythme, un saxo et une basse funky. Et si on remonte plus loin, je lui trouve une classe Beatlesienne à ce morceau. Influence qu'on rencontre à nouveau sur "Were You Saying Something", mixée à du Gil-Scott Heron musicalement (sisi c'est possible).

  Ce magnifique album se conclut à nouveau sur du psyché jazzy avec "Comedy Outro", et laisse l'auditeur très emballé par ce magnifique album qui sait toucher avec des chansons pop très bien foutues, et arrangées de manière riche mais parcimonieuse. C'est superbe !

Et vous pouvez l'écouter ici. Alors bonne écoute, et à bientôt !

Alex

dimanche 9 octobre 2016

Katerine - Le Film (2016)



L'avis d'Alexandre


  Katerine, c'est une sacrée histoire. Des premiers albums impeccables, jusqu'à un 8e Ciel que tout le monde adore. De la chanson française joyeusement dada, bien écrite et musicalement aussi impeccable qu'exigeante, rappelant le Gainsbourg des débuts. Et puis, avec Robots Après Tout, il s'engage dans une autre voie. Mi-pochade burlesque mi-exploration artistique, cette mue grand guignol parodique lui permet d'aborder mine de rien des thèmes assez profonds sous un angle naïf laissant passer davantage de choses dans le sous-texte, de façon moins frontale et moins littérale. A l'inverse, musicalement délivré de toute contrainte de forme, il explore l'électro-pop, ou la pop minimaliste avec le futé Philippe Katerine, puis avec l'aide de SebastiAn détourne les glorieux samples disco à son avantage sur le très beau Magnum. Mais certains sont passés à côté de ces albums, ne voyant là que des redites de "Louxor J'adore", et passant à côté des dimensions non humoristiques des projets (au moins 95% du truc quoi...).

  Cette fois-ci, les paroles sont plus frontales, tout en laissant par pudeur au sous-texte le plus difficile à dire. Beaucoup moins d'humour, plus de dada et de réalisme. La musique est quand à elle plus ouvertement "chanson française", Katerine s'étant mis au piano pour l'occasion, inspiré de pièces classiques assez simples. Les durées des morceaux sont courtes, les pièces concises. Tout cela, plus le chant fragile, concourt à créer un album très intime, très personnel. D'ailleurs il le dit derrière la chanson-titre qui ouvre le bal ("Le Film"), Katerine est un "acteur parmi les acteurs" de sa vie, qu'il conçoit comme un film qu'il réalise lui-même en permanence. Se mettre à distance pour regarder la vie sous cet angle, à la fois pour se protéger du monde, et pour y apposer son regard d'artiste et en retirer quelque chose. C'est beau, bien dit, c'est une réflexion universelle sur notre place ici bas, et la musique un peu anxiogène et cinématographique accompagne à merveille le titre. Si les décrocheurs des derniers albums ne raccrochent pas à celui-là, on ne peut plus rien pour eux !



  Les chansons peignent des petites vignettes tendres de la vie, comme "Pas Simple" qui conte avec brio la relation amoureuse, ses hauts et ses bas qui en font le sel. "Papa" est une ode à son père récemment décédé, sur un piano néo-classique guilleret puis tendu et vice versa. L’événement a provoqué un choc émotionnel chez Katerine, et lui a inspiré en grande partie cet album. Et là encore l'éventail d'émotions est brillamment rendu, de l'admiration, à la tristesse, la colère (manifestée par un assassinat de hérisson), le regret, le manque, et la reconnaissance. C'est impudique, c'est premier degré, cru, c'est à prendre ou à laisser, mais c'est surtout très beau. Et ça continue avec "Les Objets", où Katerine questionne notre mortalité via notre rapport avec les objets, qui potentiellement vont nous survivre. Et tout ce que ça lui évoque émotionnellement. La mélodie du morceau est excellente au passage, comme toutes celles de l'album. Katerine n'est peut-être pas un technicien du piano, mais c'est un grand artiste qui fait de son amateurisme et de ses limites techniques une source de créativité.

  "Compliqué", plus cacophonique et dissonant, décortique sur un ton plus énervé les rapports humains, l'idée que l'on a de soi et des autres, les sentiments contrastés qui en résultent. L'album exploite d'ailleurs de façon assez inédite une palette de sentiments complexes et nuancés d'une rare subtilité. C'est la tendresse béate qui préside au joyeusement enfantin "Doudou". Et à "Merveilleux". C'est le cynisme de "Le Bonheur", qui revient à ses premières oeuvres dans le chant, et évoque les difficultés de la communication et les bonheurs simples de la vie (tout comme "La Seine" et"Automobile", confrontant les tracas du quotidien et ses merveilles). Le film de Katerine se déroule dans nos oreilles, évoque milles images, comme un long clip mental. C'est favorisé par quelques extraits d'enregistrements de divers objets, sons du quotidien, bruits de la rue, d'insectes, de pas... 

  Parfois, c'est un peu trop descriptif et naturaliste, à mon goût en tous cas, comme "Les Plantes", malgré un final jouissif, "A l'Elysée" et "Danse Traditionnelle". Parfois ça touche au génie, comme la description aussi objectivement juste que débile (et très drôle) des enfants en bas âge sur "3 ans", à travers lesquels on entre-aperçoit plutôt une critique brute et une mise à nu de l'hypocrisie du monde des adultes. L'album se termine par un magnifique "Quand c'est fini" assez profond philosophiquement parlant et réussi formellement avec le jeu des voix. Puis, comme un générique de fin, ce magnifique single, "Moment Parfait". C'est émouvant, bouleversant, déchirant. C'est beau, c'est triste, mélancolique, joyeux et plein d'espoir. 

  Et surtout ça résumé bien l'écoute de cet album, qui pour toutes les raisons que j'ai évoquées et toutes celles qui ne me sont pas venues à l'esprit, constitue bien un moment parfait. Katerine est un artiste précieux, et il est une des raisons pour lesquelles je suis fier et heureux d'être français, ou au moins francophone. Et en se dépouillant des artifices, d'abord avec Magnum où des textes plus sensibles et personnels étaient pudiquement camouflés par le vernis néo-disco. Puis en appliquant cette démarche à la musique elle-même avec Le Film, où elle ne fait plus qu'un avec le texte carrément personnel, mais pas en s'effaçant derrière lui mais en l'accompagnant d'égal à égal. Pour un rendu superbe. Bravo et merci Philippe !

 Faites vous votre propre avis (et revenez nous en dire des nouvelles) en suivant ce lien spotify.

Alex




L'avis d'Etienne


     Katerine, cet homme que ni la voix ni le physique ne semblent destiner à la chanson, s'était depuis le succès de Robots Après Tout joué de ses attributs comme d'une auto-caricature dessinant en silhouette une critique naïve de nos vies dans cette drôle de société. Il jouait ce "chanteur qui chante aigu", ce "chanteur qui bouge le cul", dont il est question dans "Papa". Et c'est bien la mort de son papa qui semble avoir motivé le quadragénaire à ôter son costume pour reprend un style beaucoup plus introspectif, troquant la comédie pour la poésie.  La poésie naïve et contemplative, celle de "Prévert" tintée de surréalisme, la douce folie d'un artiste rêveur. Signifiant ainsi qu'un chanteur est avant tout un artiste, avant d'être une voix, un physique ou même une technique, cette technique au piano toute fraîchement acquise par Katerine. 



    Ce manque de technique plante très bien le décor naïf de ce "film" dont chaque pélicule est tantôt intimiste, voire psychanalytique dans "Papa" où il décrit la folie qui le guette dans le deuil de son père, allant jusqu'au meurtre d'un pauvre hérisson, tantôt suggestif, comme dans "Automobile", où dans le flux de la ville, il se laisse distraire par cette fille qui "fait bien du vélo", qui "se tient bien le dos". 

    
     C'est dans ces petits détails que s'encre la poésie de Katerine, prenant la vision d'un petit enfant qui additionne tous ces petits fragments de réalité pour recréer en mosaïque son monde unique. Ce style culmine sur le magnifique "Moment Parfait", pour lequel l'inspiration de Prévert y est la plus évidente, jouant lui aussi à décrire ses personnages "tout nu dans l'eau", vivant l'amour simple et sensible.
     
     Ici, Katerine semble avant tout vouloir prendre le temps : le temps de prendre conscience de ces "moments parfait", le temps de s'attacher à ces détails qui font notre vie, le temps de ce souvenir des ces "doudous" qui nous ont bercé. S'en dégage une sagesse simple, portée par une production mise à nu autours d'un piano et quelques rares instruments, donnant à ces titres des aires de comptines, pour un style illusoirement régressif.

Un album à écouter avec nos yeux d'enfants !



Etienne

jeudi 6 octobre 2016

Paradis - Recto Verso (2016)


  On va rester dans le thème de l'excellent article d'Etienne sur la house avec cet album de Paradis, groupe qui sait à merveille allier une chanson française proche de Daho et de Voulzy/Souchon, et des beats (deep) house classieux. Tout comme Daho l'avait d'ailleurs fait dans les années 80, les français piochent dans l'électronique (anglaise notamment) les synthés et les rythmiques du moment pour accoucher d'une synthpop langoureuse et finalement très française avec chant mélancolique sous reverb, sur des morceaux qui prennent leur temps (les intros et conclusions sont particulièrement soignées).
  
  L'entrée en matière est excellente, avec un "Instantané" de qualité, très house rétro. Avant un "Recto Verso" qui détourne le clavier house classique vers un rendu plus pop, pour un chant qui l'est tout autant. On pense davantage à Voulzy, notamment au niveau du refrain et des chœurs, ainsi que pour la fausse naïveté des paroles, et à 808 State pour le saxo froid. "Quand tu souris" est plus deep et sombre, plus Daho aussi dans le chant. On a encore de la bonne Synth/Deep House avec les deux parties de "Miroir", une excellente reprise de Chamfort avec "Paradis" (qui vaut l'excellente reprise de Souchon non incluse ici). "Contours" et "Chacun pour Soi", plus chanson française, sont excellents.

  Et là, le tube "Toi et Moi", au chant davantage mis en avant, aux basses et au rythme plus dansants, et au refrain fédérateur. C'est excellent. Ils sont très bons sur un terrain plus synthpop. Quelque part entre Junior Boys, Hot Chip, chanson française et house atmosphérique. Autre tube absolu, "Garde Le Pour Toi", son intro d'anthologie, ses mélodies synthétiques géniales, sa prod immaculée et son chant parfait (et très Daho).

  "Mieux que tout" est moins mémorable, malgré ses percus disco elle tombe un peu dans la formule du groupe sans y apporter grand chose, même si elle reste agréable. De même, "De semaine en semaine", dont le chant rappelle Michel Berger, est plus faible malgré de bons moments. Il aurait été préférable de mettre d'excellents titres sortis sur l'EP Couleurs Primaires ou en single comme "Sur Une Chanson En Français" à la place. D'ailleurs, ce problème va se poser pour la suite. Leur formule est géniale, et pour le moment ils marchent un peu sur l'eau avec leur mixture franco-house inédite, mais l'uniformité des ambiances, des sons, des rythmes et du chant qui fait la force et l'unité de leur oeuvre pour le moment nécessitera pour la suite des aménagement et des évolutions, sous peine de lasser. Mais laissons leur le temps, ils viennent à peine de sortir le disque, la question se posera en temps voulu.

  En attendant, le disque est excellent, et le nombre de superbes chansons / remixes et reprises géniales qu'ils ont déjà sortis avant et qu'ils n'ont pas inclut est vraiment impressionnant (je vous invite à les écouter sur youtube ou autre) et prouve la grande qualité de la production du duo, qui a magnifiquement relevé le défi du premier long format. Paradis est désormais un groupe qui compte non seulement sur la scène francophone, mais aussi sur la scène pop mondiale tout court. Et même si leur style peut laisser de marbre certains, ils ont la capacité de toucher beaucoup de monde, et de réaliser ce si précieux crossover entre qualité, intégrité et exigence artistique et succès public et commercial, en influençant le mainstream d'une façon positive. C'est tout ce que je leur souhaite pour cet excellent album, que vous pouvez écouter ici.

Bonne écoute, merci pour votre passage ici et à bientôt !


Alex

dimanche 2 octobre 2016

Bon Iver - 22, A Million (2016)


  Après deux albums et un EP magnifiques et ultra-influents (on a entendu du Bon Iver directement ou indirectement chez Kanye West, James Blake, Frank Ocean et j'en passe), le risque de décevoir est grand. Justin Vernon a donc pris son temps. 

  Et ça s'entend, car tout sur ce dernier album est à la fois la continuité de son travail et une rupture. L'aspect plutôt extraverti et parfois joyeux, bien que parfois mélancolique aussi, est à la fois une rupture totale avec son oeuvre et quelque chose d'amorcé sur Bon Iver (le 2e album) notamment. De même, les sonorités choisies plus électroniques, samplées, modifiées, et les influences 80s sont en rupture avec son étiquette folk, et en même temps ce sont ces éléments, présents au premier plan depuis l'autotune de "Woods" sur le Blood Bank EP, qui sont les plus entendus et repris par les artistes qu'il a influencés. Et ces éléments électroniques, ces effets sur la voix, étaient aussi allés crescendo depuis l'EP, puis sur le second album et surtout lors des collaborations avec différents artistes. 

  Et du reste, il ne faut pas l'oublier ni passer à côté par inattention, distraits par les feux d'artifice électropop, mais la folk, loin d'être disparue, se cache toujours dans le squelette de ces chansons, et dans leurs arrangements. De même, les structures fluides de ces morceaux, libre interprétation du canon classique de la chanson (pop)folk, étaient amorcées depuis quelques temps, mais prennent ici toute leur place. Vraie rupture donc, mais aussi vrai continuité. Disons, pour être dans le vrai, que cet album est donc un saut en avant.



  Qui commence magnifiquement, par le single inaugural "22 (Over Soon)", aux samples de voix angéliques qui font des merveilles. ll y a tout, des voix gospel, une guitare pleine d'âme, des saxos, et surtout cette magnifique mélodie vocale. Tout est passé à travers des dizaines de filtres, réenregistrés à partir de vieilles bandes, ça craquèle, ça grince, le volume fait des siennes... Bref, ça vit. 
  "10 Deathbreast" commence lui par un beat concassé et des nappes synthétiques entrecoupées de samples rêches et oniriques comme chez les Flaming Lips de The Terror. La mélodie du chant principal (très eighties... La fixation Phil Collins continue) est là aussi superbe, le travail sur les voix et les textures est excellent. Du bon psychédélisme version 2016.

  "715 - Creeks" quasiment un a capella autotuné, est quand à elle quasiment une réinterprétation de tout l'album de 2011 dont on reconnaît des bribes de mélodies ici et là. C'est poignant et superbement exécuté. "33 God" est une excellente chanson électropop indé, très enthousiaste et aussi extravertie et accrocheuse que personnelle. Il se joue des contrastes, tant dans les paroles "I'd be happy as hell / If you stay for tea", que dans les arrangements : le banjo et les samples de voix discrets contrastent avec le beat électrorock et psychédélique et le ton conquérant du "refrain". Le piano porte la même ambiguïté  entre mélancolie et plainte indie pop et magnétisme arena rock.



  Après un tel déferlement, Vernon calme le jeu avec un "29 Strafford APTS" plus calmement folk. Mais quand les chœurs noyés sous les effets et la voix pitchée reviennent, c'est pour mieux nous achever sous l'émotion déchirante du chant. Sur la fin du morceau, le rendu est proche du magnifique "Self Control" de Frank Ocean, sorti cette année et très influencé par Bon Iver. La similitude vient de l'utilisation d'une voix pitchée sur une musique pop/folk pour sortir une mélodie fragile et bouleversante. 
  "666", est quand à elle une respiration bienvenue, avant un "Moon Water" très déstructuré et lorgnant sur le jazz expérimental. L'intensité est un peu retombée à ce stade de l'album, après ces deux morceaux moins forts, mais pour le moment l'album est impeccable.

  Puis vient avec la ballade 80's "8 circle", de qualité mais qui souffre un peu de la comparaison avec "Beth/Rest" à laquelle elle nous ramène inéluctablement. "_45_" est un bon interlude entre saxos, reverb et banjo, avant un autre moment de bravoure philcollinsienne "00000 Million", là encore une bonne ballade mais moins marquante que ce qu'il nous a déjà montré.

  En bref, l'album est très très bon. Il souffre juste d'une baisse de régime sur la deuxième face plus contemplative, à partir du sixième morceau sur dix), "666", et après cinq morceaux époustouflants en première partie. Mais malgré cette "Face B" moins marquante, Bon Iver relève le défi de la réinvention haut la main avec ce bon disque, qui n'égale pas ses prestigieux prédécesseurs, mais n'a pas non plus à rougir devant la comparaison.

Bonne écoute, merci pour votre passage ici, et à bientôt !

Alex