Pour rappel, The Good The Bad & The Queen c'est Damon Albarn (Blur, Gorillaz...), Paul Simonon (bassiste des Clash), Simon Tong (de The Verve), et le batteur Tony Allen (légende de l'Afrobeat ayant joué avec Fela Kuti, mais aussi Sébastien Tellier et beaucoup d'autres). Et ce disque, Merrie Land, c'est la réponse de ce groupe très british, et en particulier d'Albarn, au Brexit. C'est donc selon son auteur la suite grise et désabusée du coloré et exubérant Parklife (1994) de Blur.
The Good the Bad & the Queen - Merrie Land (Clip, 2018)
Du british, il y en a. On se croirait presque chez Baxter Dury sur le single "Merrie Land" avec ce chanté-parlé traînant, ces touches électro-pop ponctuées de cordes élégantes, cette petite mélodie presque enfantine, et ce groove nonchalant. Mais on est bien sur une des compositions les plus délicates et prenantes du sieur Albarn, somptueuse nursery rhymes (comptines anglaises) d'une authenticité bouleversante, qui annonce la merveille qu'est l'album. Dans le même genre, la malicieuse comptine post-Syd Barret "Gun To The Head" évoque "The Fool On The Hill" ou "I'm The Walrus" des Beatles, autres grands anglais. Plus loin, "Lady Boston" répondra à ce morceau avec un son tout aussi populaire et facétieux.
The Good the Bad & the Queen - Gun To The Head (Clip, 2018)
Le son rétro ("Drifters & Trawlers" est très 60's), très classieux et impeccablement produit du disque ("Nineteen Seventeen") sert à merveille des morceaux qui ont tout pour plaire : des arrangements somptueux comme dans une BO de James Bond (ou dans le dernier Arctic Monkeys : surtout sur cette dernière et sur "The Poison Tree"), un groove impeccable presque soul/funk voire jazz assuré par le dieu vivant Allen et par la basse ronde de Simonon (excellence rythmique plutôt rare en pop anglaise davantage portée sur la mélodie), et les meilleures compositions d'Albarn depuis un bail, au moins depuis le très beau Everyday Robots (2014), auquel la délicate "Ribbons" jouée à la guitare non électrifiée, fait penser. Un ska de ville fantôme sur "The Great Fire" rappelle les influences variées qui ont bercées la plupart des musiciens, et montre bien que le meilleur du "glorieux" passé anglais doit pas mal à la richesse culturelle venue d'ailleurs.
The Good the Bad & the Queen - Nineteen Seconds (Clip, 2018)
A la première écoute, on a l'impression que le groupe joue la même chanson à chaque piste. Mais ce n'est pas péjoratif, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que cette chanson est bonne. Ensuite parce ce que ce n'est absolument pas le cas après une écoute approfondie. Et enfin parce que cette cohérence dans l'instrumentation, les tempos et même dans le phrasé monotone d'Albarn ajoute à la cohérence thématique et esthétique du disque.
Albarn ne peut cependant pas s'empêcher de faire du Albarn et de partir un poil dans tous les sens de temps en temps, avec le vaudeville british sans queue ni tête "The Last Man To Leave" et surtout la géniale "The Truce of Twilight" qui a le cul entre deux chaises : cet album et Plastic Beach (2010) de Gorillaz. Ce titre, comme "Ribbons" ou "The Poison Tree", donnent l'impression d'avoir déjà été entendus dans d'autres oeuvres de l'anglais, leur familiarité immédiate avec le style du songwriter et leur évidence pop leur donnant un côté réconfortant et intemporel.
The Good the Bad & the Queen - Ribbons (Clip, 2018)
On peut donc parler de réussite totale, pour un disque éminemment british, condensé du meilleur de ce dont Damon Albarn est capable, entouré d'une équipe de tueurs. La perfection pop, en somme. Après autant d'années et de disques aussi différents, c'est un exploit.
Mes morceaux préférés : Ribbons, The Truce of Twilight, The Great Fire, Drifter & Trawlers, Nineteen Seventeen, Merrie Land, Gun To The Head, the Poison Tree
Alex