Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

dimanche 30 juin 2019

Steve Lacy - Apollo XXI (2019)



  Si vous vous intéressez aux sorties musicales récentes, ou si vous lisez régulièrement ce blog, vous êtes sûrement tombés sur le nom de Steve Lacy. Et pour cause : en solo, il a sorti un des meilleurs EPs de 2017, avec son groupe The Internet une flopée d'excellents albums, dont le dernier Hive Mind (2018) a squatté la première moitié de mon top de l'année. Toujours en 2018, il a co-composé l'intégralité d'un des meilleurs EPs de l'année avec Ravyn Lenae, et il a participé à quelques-uns de nos albums préférés de ces 3-4 dernières années, parmi lesquels ceux de Kali Uchis, Blood Orange, Vampire Weekend, Kendrick Lamar et quelques autres... 

  Autant le dire tout de suite, ce très très jeune homme, multi-instrumentiste autodidacte, est un des musiciens/producteurs/artistes les plus demandés et les plus excitants du paysage pop (incluant pop, électronique, rock indé, soul, funk, rnb et hip-hop, sa musique étant un joyeux mélange de tout ça). Autant dire que j'attendais de pied ferme ce premier album solo, comme pas mal de monde d'ailleurs. 

Steve Lacy - Like Me (2019)

  Et je ne sais pas trop à quoi je m'attendais, mais les premières écoutes m'ont un peu déçu. Je trouvais l'ensemble sympathique sans plus, pas à la hauteur du génie de Lacy. Mais j'avais néanmoins envie d'y retourner régulièrement, et puis d'un coup, au cours d'une réécoute distraite, j'ai eu le déclic. Bon sang, qu'est-ce que j'ai été con. Ou aveugle. Ou pas dans l'ambiance. Mais ce disque est extrêmement bon. 

  Jouant de sa guitare comme d'un sitar sur un beat mécanique, "Only If" montre toute la créativité du jeune homme, qui en plus se révèle un excellent chanteur, dans un genre ici pile entre le rnb romantique des 80's et le hip-hop psychédélique et soul de Mac Miller. Sur "Like Me", un texte poignant de sincérité est appuyé par une pop funky post-Neptunes, lumineuse en surface mais laissant un goût amer et tragique en fin de bouche, appuyant le sens des paroles avec brio, avant que la morceau ne décolle vers un final entre rock indé et psychédélisme synthétique. Et lorsqu'on croit que c'est fini, on se rend compte que ce morceau à tiroir en contient en fait trois : l'acte 2 façon rnb électronique laisse place à un final soul psyché, et la boucle est bouclée, d'une très belle façon. L'album commence donc très, très fort avec ces deux morceaux. 

Steve Lacy - Playground (2019)

  Sur ce, Lacy ne nous laisse pas le temps de souffler puisqu'il balance le génial single funky "Playground", absolument irrésistible dans son immédiateté pop. On peut identifier quelques grosses influences déjà évoquées dans la suite, notamment sur des morceaux proches du travail de Thundercat et Mac Miller ("Basement Jack", "In Lust We Trust", "Outro Freestyle/4ever"), ou Pharrell ("Guide"), mais quelques morceaux assez uniques résistent à toute catégorisation facile, comme "Love 2Fast" et "Lay Me Down", qu'on aura du mal à décrire de façon satisfaisante même en citant Prince, le P-Funk  de George Clinton, Miguel, et Dâm-Funk

Steve Lacy - N Side (Clip, 2019)

  Et quelques autres morceaux prouvent l'ouverture musicale incroyable du jeune homme, comme "Hate CD", qui pourrait avoir été enregistré tel quel par un groupe de pop indé anglais dans les 80's, ou "Amandla's Interlude", délicieux instrumental de chamber pop tout en guitares délicates et cordes baroques. De même, l'autre grand single "N Side" est assez unique, et montre une autre facette vocale de Steve Lacy, que je n'attendais personnellement pas autant au chant, à tort puisqu'il est de toute évidence extrêmement doué là aussi. Lacy a su développer un style personnel, et je me prends à classer ce disque avec les réussites pop uniques de Connan Mockasin, Blood Orange, ou Frank Ocean...

Steve Lacy - Hate CD (2019)

  En quelques mots : ne vous fiez pas trop à vos premiers avis. Si vous avez le moindre doute, la moindre petite voix dans votre tête qui vous dit de retourner vers un disque, surtout lorsque vous savez son auteur surdoué, foncez. Une, deux, trois fois. Vous risquez, comme moi, de tomber sur un petit chef-d'oeuvre que votre aveuglement a failli vous faire rater.

Mes morceaux préférés : Only If, Like Me, N Side, Playground, Hate CD

Soyez plus malins que moi et écoutez ce disque sur Spotify ou Deezer ou Youtube

Alex

lundi 24 juin 2019

SBTRKT - Wildfire (2011)


  Mêlant des inspirations plus (soul) ou moins (rnb sombre, acid house) âgées à un dubstep alors au début de sa fin, ou plus exactement de son usure par récupération commerciale outrancière, le producteur SBTRKT, accompagné de Little Dragon au chant, signait en 2011 un tube futuriste qui sonnerait encore moderne s'il sortait aujourd'hui. On se réécoute donc ce "Wildfire" aujourd'hui.

Alex

mercredi 19 juin 2019

100 gecs - 1000 gecs (2019)


  100 gecs est un mystérieux duo américain composé de Laura Les et Dylan Bradi. Et leur musique est un mélange assez difficile à décrire d'électronique ultra-expérimentale, de trap accrocheuse et de pop-rock, ils sont quelque part dans la lignée de Charli XCX lorsqu'elle bossait avec PC Music ou Sophie, mais en beaucoup, beaucoup, beaucoup plus extrême. Voix ultra-autotunées et modifiées, pitchées à l'outrance, beats trap ou gabber sans cesse changeants, riffs de guitare, ska, drops EDM, rock emo ou dubstep, flows venus du rap, synthpop, métal... On croise tous ces éléments au long de ce disque, souvent tous dans la même chanson, comme sur "745 sticky" qui fait une bonne intro au concept. Sur le drop dubstep de ce morceau comme sur l'électro-pop putassière de "xXXi_wud_nvrstop_ÜXXx" les parties emo et metal de "800db cloud", on ne sait pas jusqu'où vont la blague, l'ironie, l'art, la sincérité, le bon ou le mauvais goût, et on remet joyeusement tout ça en question en le balançant. 

100 gecs  money machine (clip, 2019)

  Même les morceaux les plus focus, comme le tubesque "money machine" sont pas si évidents que ça, et fascinent par leur côté répulsif-attractif et leur jeu de ping-pong entre mainstream et underground, entre premier et millième degré. "Stupid horse" mêle ska, autotune, Weezer, trap, gabber et twee pop, et c'est aussi jouissif qu'improbable. Les deux seules façons d'apprécier le disque sont soit de poser son cerveau et de l'apprécier tel quel pour ce qu'il est : une décharge ininterrompue de plaisirs musicaux immédiats plus ou moins coupables, ou alors au contraire en l'écoutant attentivement pour déceler la façon avec laquelle le duo a su entremêler des styles musicaux aussi variés et les faire rentrer dans leur esthétique unique. J'aurais tendance à croire que c'est quand même de la musique pour nerds obsessionnels ayant comme moi bouffé des heures de musique de toutes les époques, du plus confidentiel au plus mainstream, dans tous les styles... Pas sûr que ça plaise à tout le monde à la première écoute. Même si des morceaux comme "Ringtone" pourraient être de petits tubes indés, et montrent à quel point le sens mélodique de 100 gecs va de pair avec leur gourmandise sonore (cf également "hand crushed by a mallet" et "gec 2 Ü").

100 gecs - stupid horse (2019)

  Le concept est poussé à l'extrême sur "I Need Help Immediately", collage de bouts de musique de quelques secondes à peine, passant de la BO de jeux vidéos rétro à un bout de clavecin à du funk synthétique à de l'EDM cassée à un drôle de truc ressemblant à un beat hardcore mêlé à de la trap. Le truc est à la limite du foutage de gueule, mais y'a quand même un fil rouge musical et une esthétique qui lie le tout (la musique de jeux vidéos), et le morceau s'apprécie mieux à la réécoute, preuve qu'il a son intérêt dans le disque. Dans le genre, "gecgecgec" est un joyeux bordel, qui a également sa place dans ce disque fou. 

  Le concept sans limites du "toujours plus" qui guide ce disque est un coup de pied bienvenue dans la fourmilière pop, et sa réception plutôt positive et plutôt large pour un disque aussi expérimental et tranché est un bon indicateur de la curiosité et de la culture d'un nombre pas si faible que ça de gens, et ça fait plutôt plaisir. Personnellement, lorsque je me pose la question du "génie ou escroc", ça finit souvent dans la première catégorie, et c'est le cas avec 1000 gecs.

Mes morceaux préférés : money machine, stupid horse, ringtone, 745 sticky

A écouter sur Deezer ou Spotify

Alex


dimanche 16 juin 2019

Future - Save Me (2019)


  Avec le long format The Wizrd, sorti plus tôt cette année et accompagné d'un documentaire sur l'artiste, Future semblait faire un point apaisé sur sa vie. Beast Mode 2, excellente sortie de l'an dernier, nous offrait déjà à entendre un Future plus posé, presque heureux. Ce dernier a confirmé en interview avoir arrêté la plupart des drogues qu'il prenait en quantités industrielles. Et musicalement, The Wizrd était un peu un bilan de ce que Future pouvait faire dans chacun des sous-styles de rap, de trap, de pop et de rnb auquel il s'est essayé depuis une décennie. Mais partant un peu dans tous les sens dans des directions déjà largement défrichées, sur une durée un peu longue, et sans coup de génie pour raviver l'attention de l'auditeur, l'album en lui-même est difficile à apprécier d'une traite, bien qu'agréable et bien foutu. 

Future - XanaX Damage (Clip, 2019)

  C'est donc une triple surprise qui nous attend à l'écoute de Save Me : le projet est ultra concis (7 titres dont 4 sous la barre des 3min), Future renoue avec l'expérimentation, et il va plutôt mal et a rechuté à en juger par la musique. En effet, dès l'intro "XanaX Damage", il croone d'une voix caverneuse de bluesman des années 2010 les dommages des addictions, de la dépression et des blessures amoureuses sur une trap aérée agrémentée de guitares et d'idées  d'arrangements piquées au folk et au rock. Le morceau, superbe et triste, surprend par sa fin abrupte plutôt bien vue qui donne envie de presser replay. 

  Même sur une prod classiquement trap comme "St Lucia", les pauses chaotiques à la Pi'erre Bourne, les effets et mélodies psychédéliques rendent la musique passionnante et captivante, tandis que Future se remet à innover vocalement, poussant les modifications vocales dans leurs retranchements, disposant déjà d'une palette impressionnante qu'il augmente en temps réel en inventant de nouvelles façons de faire sonner sa voix. Un grand morceau, tout comme "Please Tell Me", trap nocturne mélancolique portée par quelques flûtes, et magnifiée par le spleen de Future dont la voix ici est enfin relativement à nu. Autre prod classique mais impeccablement réalisée, et avec une vraie âme, "Government Official" est également un superbe support pour un flow trap implacable techniquement et plein d'une urgence et d'une rage qui manquaient un peu au rappeur sur certaines sorties récentes.

Future - Shotgun (2019)

  La grosse pièce de résistance émotionnelle, c'est "Shotgun", sorte de rnb de l'an 3000, construit sur une boucle de piano intemporelle, traversée d'éclats de boîte à rythme dramatiques et propulsé dans l'espace par le chant déchirant de Future. Ce morceau est incroyable, et c'est personnellement mon obsession du moment (j'écoute cet EP au moins une fois par jour depuis sa sortie). Autre rnb déconstruit, "Extra" traîne et emporte l'auditeur dans sa léthargie hypnotisante, avant un final emo-trap impeccable, "Love Thy Enemies", qui permet, comme pas mal de morceaux sur ce projet, de mesurer l'impact énorme que l'artiste a eu, en bien, sur la musique populaire, et son talent brut de bluesman moderne. 

  Vous l'aurez compris, cet EP est une tuerie absolue, et fait déjà partie de mes sorties solo préférées du rappeur, avec EVOL et Beast Mode 2. J'espère juste que Nayvadius va bien ou en tous cas est sur la bonne voie, même si  c'est compromis étant donné cet EP, qui du titre au contenu sonne comme un appel à l'aide. 

A écouter sur Deezer ou Spotify

Alex


samedi 8 juin 2019

Emil Rottmayer - Descend (2016)


   Encore une merveille de synthpop post-vaporwave mise en valeur par la chaîne youtube de qualité Electronic Gems, et encore une fois c'est au surdoué Emil Rottmayer qu'on la doit. Rien à ajouter, prenez votre meilleur casque ou allumez vos enceintes de compèt et laissez vous porter.
Alex


Pacific! - King Of The Night (2010)


  Après le Twin Shadow sorti la même année, je vous propose de (re)découvrir cet incroyable morceau de l'énigmatique groupe Pacific!, une chanson immortelle qui sonne comme si Brian Wilson des Beach Boys avait bossé avec Roxy Music, Sébastien Tellier et New Order. Autant dire que c'est une perfection pop indépassable. 
Bonne écoute,

Alex



mardi 4 juin 2019

Twin Shadow - When We're Dancing (2010)


  Je n'ai que de vagues souvenirs de cet album, et j'ai à peine accroché aux suivants. Mais ce morceau de Twin Shadow en particulier m'a souvent hanté, tout au long de ces années qui feront bientôt une décennie. "When We're Dancing" commence d'une façon déstabilisante, avec des synthés détunés, qui sonnent cassés, fantomatiques. Et puis la boîte à rythme, la basse, la guitare s'installent et le groove funky emporte tout, magnifié par une voix de crooner psychédélique. C'est assez unique, c'est mystérieux, c'est mélancolique, c'est joyeux et triste en même temps, et lorsque la guitare solo débarque en fin de morceau c'est carrément cathartique. 

Un grand morceau

Alex



dimanche 2 juin 2019

Lil Wayne - I'm Me (2007) et Dear Summer (2005)


  Aujourd'hui, on écoute deux titres un peu particuliers du grand Lil Wayne, king du southern rap, légende en Louisiane et considéré par pas mal de monde comme un sérieux prétendant au titre de meilleur rappeur de tous les temps (rien que ça). A travers deux fonds de tiroirs géniaux, on va voir que le rappeur, à l'époque ultra-prolifique, a de l'or entre les doigts et dans la voix. 

  En effet, le premier titre, "I'm Me", aurait dû être la chanson d'ouverture de l'énorme Tha Carter III (2008), mais ayant leakée, elle a été relayée sur l'EP de chutes de studio The Leak. C'est un gros égotrip, mais il y a quelque chose dans le dialogue entre le flow rêche, puissant et cassé de Wayne et  la prod sudiste, à la fois conquérante et mélancolique, qui fascine immédiatement.

Lil Wayne - I'm Me (2007)

   Sur la mixtape The Suffix (2005), Wayne reprend cette fois-ci la prod du morceau "Dear Summer" (Jay-Z, prod de Just Blaze samplant Weldon Irvine), pour en faire son morceau à lui. Il utilise cette prod psychédélique et jazzy, pour évoquer avec mélancolie son berceau, la Nouvelle-Orléans, frappée par la pauvreté, la drogue et les ouragans (l'évacuation de son quartier est décrite de manière poignante), ainsi que les moments heureux de son enfance à travers des souvenirs imagés (la cuisine de sa mère, sa Nintendo...). Le texte est virtuose car touchant, très visuel, et techniquement impeccable, gavé de rimes internes et délivré avec un flow doux et agile à la fois.

Lil Wayne - Dear Summer (2005)

Alors, convaincus ?

Alex