Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

dimanche 30 avril 2017

Animal Collective - Strawberry Jam (2007)



  Cette semaine, les disques sortis il y a dix ans déjà, en 2007, sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à mardi dans le cadre de notre troisième édition de La Semaine De La Pop.

   Un gargouillis électronique ouvre l'album. Dans ce chaos synthétique, un ordre se fait, une pulsation, puis la voix d'Avey Tare entre en scène, entre des samples de cris d'animaux. Ce morceau, c'est "Peacebone". C'est le morceau qu'aurait écrit Brian Wilson (ou Todd Rundgren) s'il avait eu 20 ans et prenait des acides en 2007. C'est un petit chef-d'oeuvre de pop, ayant l'intelligence de piocher des idées d'écriture et de production dans tout ce que la pop a fait de meilleur depuis les sixties, depuis la sunshine pop et les Beach Boys en passant par XTC, Brian Eno, les Pixies (ces hurlements façon "Tame"...) et Pavement. Et le vrai génie, c'est bien d'en avoir fait quelque chose de moderne, d'inédit, de jeune et plein de rage et d'urgence.

  On l'oublie souvent, mais c'est la guitare l'instrument le plus important sur cet album. Source de la majorité des samples, elle est détournée de toutes les façons possible, comme chez My Bloody Valentine, mais avec un esprit plus proche des inventeurs de l'électro psychédélique des années 50-60. Ça s'entend sur "Unsolved Mysteries", où la flamboyance du chant Avey Tare s'exprime sur une pop-folk psychédélique aquatique et pleine d'une vie inattendue, débordant de toutes les machines et samples. Ces gars-là jouent de l'électronique comme Brian Wilson, Joe Meek, Phil Spector, Barry White ou George Martin jouaient du studio. Pas d'une façon cliché en tous cas, d'ailleurs l'album a été enregistré à Tucson (Arizona), et le groupe le qualifie de "disque de désert" très influencé par son environnement. J'ai dit désert, et pas de dessert, même si la pochette aussi dégueu qu'attirante (photographiée par Avey Tare sur une idée de Panda Bear) a été une base pour définir le son du disque, autant que l'environnement désertique. Pour ce dernier point, s'entend pas à la première écoute, mais quand on le sait c'est génial, parce que ça marche et qu'ils n'ont pas du tout fait dans les poncifs, car comme le dit Brian Weitz (alias Geologist) : "when you think of the desert you think of twangy guitars and morricone soundtracks and jim morrison walking with the ghost of an indian, but we don't really see it that way".

  Et puis ce côté néo-hippie fonctionne à merveille sur "Chores" où l'on entend encore toute la pulsation du folk presque tribal de certains albums précédents du groupe. Cet aspect brut, joué live, avec des bruits inattendus, comme joués au coin du feu dans une grande plaine, contraste avec la grande modernité du son et lui donne toute sa profondeur. Et puis quant on chante d'une façon aussi enoesque (cf la fin de morceau), ça ne peut que me plaire.

  En plus de ça, aucun morceau n'est en dessous de "vraiment très très bon", et hors "Peacebone", on a plusieurs chef-d’œuvres absolus. "For Reverend Green" et sa guitare façon Johnny Marr des Smiths ("How Soon Is Now"), ces percus rock indé, ces chœurs mélancoliques, et ce chant entre Sinatra, Frank Black, Brian Wilson et Andy Partridge, à la mélodie inoubliable et à la rage salutaire. Et on enchaîne sur une merveille encore meilleure, "Fireworks" et son beat ferroviaire (probablement aussi réalisé à partir d'un son de guitare, mais qui rappelle "Etude aux chemins de fer" de Paul Schaeffer, de 1948) qui propulse tout le morceau, cette mélodie intemporelle qui encore une fois prouve tout le talent d'écriture des mecs, et cette alternance théâtrale dans le chant entre douceur pop et rage punk. L'utilisation du rythme et des samples mêlés à une instrumentation plus classique du rock indé, dans une chanson pop de cette ampleur est aussi remarquable. Et que dire de la mélancolie déchirante de cette chanson, à part que c'est absolument bouleversant ?

  Les arpèges oniriques à la Steve Reich de "#1" envoient l'auditeur encore un peu plus haut, tutoyer la douceur cotonneuse des nuages, avant que la mélancolie et la gravité ne resurgissent grâce aux chœurs de Panda Bear, et à ce chant qu'on dirait venu d'une autre fréquence et anormalement capté par la radio par dessus la chanson. Il y a un vrai côté irréel, presque alien dans ce morceau obsédant et hyper personnel (le groupe ne sacrifie sa musique à aucune convention, mais pourtant elle touche facilement grâce à son authenticité).

  L'album se termine par l'hyperactivité rythmique de "Winter Wonderland", puis par la douceur de "Cuckoo Cuckoo" qui possède une ligne de piano samplée absolument géniale, la pop enfantine de "Derek" (entre Beach Boys et comptines acides des débuts de Pink Floyd, période Syd Barrett). 

  Et enfin, sur la version deluxe du disque uniquement, vient "Safer"avec des influences assez marrantes allant du doo wop au jazz vocal, en passant par du rockabilly et du hip-hop notamment. "Street Flash", que le groupe jouait en live avec la quasi intégralité de Strawberry Jam avant de partir en studio, a été enregistré en même temps mais ne sera présente que sur l'EP Water Curses sorti l'année d'après, ces titres assez longs en eux-mêmes allongeant trop la durée de l'album selon le groupe.

  Bref, vous l'aurez compris, pour moi ce disque est un chef-d'oeuvre absolu, le genre de disque qui ouvre tout un monde musical entièrement nouveau quand on croyait que tout avait déjà été fait. Et surtout, qui le fait avec un vrai sens de la composition, de la chanson et de la mélodie, en respectant et dépassant en même temps ce cadre. Le groupe est authentique, a une vraie vision artistique qu'il partage sans filtre, et c'est peut-être le plus important. 

  Alors écoutez absolument ces mecs, ce sont d'authentiques génies pop qui méritent une place au Panthéon du genre

Alex


samedi 29 avril 2017

Justice - † (2007)





  Cette semaine, les disques sortis il y a dix ans déjà, en 2007, sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à mardi dans le cadre de notre troisième édition de La Semaine De La Pop.

     La génération 90 a eu les Daft Punk pour fer de lance et bien la mienne aura Justice! Moi qui n'avais guère l'âge de vivre pleinement la french touch, il m'était donné d'en vivre une nouvelle vague de plus excitantes, tel un second summer of love. Pour la première fois, j'allais vivre l'excitation d'un mouvement musical en marche. Je me pris alors en pleine adolescence cette nouvelle French Touch, enfant des Dafts portée par leur manager, le fameux Pedro Winter et son maintenant mythique label Ed Banger. Ce fin communicant arrive alors à créer un véritable engouement autours d'artistes tel Dj Mehdi, Sebastian, Mr Flash, le graphiste So Me, mais surtout Justice. En cette période où je ne faisais que découvrire l'océan musical qui s'offrait à moi, je fus confronté à cette musique d'extra-terrestre, avec ses sons ultra compressés, sa distorsion à tout va et ses centaines de mirco-samples assemblés en un titanesque patchwork, comme autant d'influences sonores et stylistiques différentes. En quelques tubes ultra denses, Justice me faisait découvrir la disco, la house, l'EDM, le funk, le hard-rock, les sons 70's, 80's et 90's. Un pur concentré multivitaminé, taillé pour la danse, ampli de la violence de sa production électronique et de l'hédonisme de ces titres dénués de tout message. A l'instar de cet album sans nom, que la presse appellera .


Xavier de Rosnay à gauche et Gaspard Augé à gauche, constituant le duo Justice.

     Au delà de la musique je succombais à ce visuel, à ces deux hommes habillés en rock star, jeans et vestes de cuir, capillarite hors norme et attitude outrageuse. Il faut dire que ces graphistes de formation attachent au moins autant d'importance à leur visuel qu'à leur musique, aimant à utiliser des symboles aussi forts que cette fameuse croix et ce nom chargé de sens. Et que dire de leurs live, alliant ampli Marshall et mur d'électronique? Ils y sont des bêtes de scène à la manière des icônes du hard rock ou du heavy metal. Une vie de super star débridée et paradoxalement assez triste, mise en scène dans le très immersif documentaire dédié à leur tournée américaine, humblement titré Across The Universe et réalisé par Romain Gavras.

Justice en live.

    Par toutes ces caractéristiques, Pedro Winter décrit d'ailleurs très pertinemment la musique de ses poulins comme de la heavy disco. Ils se définiront eux même comme à mi-chemin entre Chic et Slayer. On comprend ainsi mieux le nom du label Ed Banger qui fait allusion à la fameuse gimmik propre au milieu métal, le headbang. Montrant cette volonté de décloisonner les genres, comme Dj Mehdi a pu le faire dans le hip-hop.

De Gauche à droite :
Gaspard Augé, Pedro Winter et Xavier De Rosnay

     C'est en 2003 que le groupe signe chez le tout récent label parisien, grâce à leur remarqué remix de Never Be Alone de Simian. Se dessine alors déjà le son compressé et empreint d'une fièvre discoïde qui allait faire la marque de fabrique du groupe. S'en suit une flopée de remix et de collaborations, notamment avec les Daft Punk. Je vous passe les folles rumeurs qui ont couru sur la possibilité que ces deux groupes puissent être l'oeuvre d'un seul et même duo. Viendra ensuite des morceaux solos dont le fameux Wathers Of Nazareth en 2005, persistant dans cette lignée de disco hardcore. C'est entre 2006 et 2007 que le duo, qui a déjà une solide expérience live et une grosse réputation, entre en studio pour compiler et étoffer de d'autres titres ce travail. Ainsi, dans l'urgence d'une vie en tournée permanente, au sein d'un studio confiné au sous-sol non ventilé et exigu d'un batiment parisien, le groupe s'exécute et réalise ce qu'il ambitionne d'être un "opéra disco". Pour arriver à leurs fins, contraints par ce qu'ils déclarent être un manque de technique, ils coupent et recoupent des micro-samples de centaines de tubes disco, rock, funky, pour créer une créature hybride et donnant à cette production ce son si singulier, cette marque de fabrique Justice.

     Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce contexte si oppressant à la création musicale, resurgit, transpire, suinte de ces 12 titres. Le ton grave et violent y est donné dès le premier titre, Genesis, où cuivres et tambours body buildés semblent ouvrir les portes à une fournaise infernale et démoniaque, taillée pour les clubs. Introduisant un autre grand tube de l'album, Let There Be Light, un titre plus mélodieux et surtout plus funky, rappelant les géniaux samples 70's des Dafts sur Discovery
Puis vient ce qui restera comme le gros succès international de Justice, le mythique D.A.N.C.E.. Hommage déclaré à Michael Jackson, il met en avant un choeur d'enfant qui n'est pas sans rappeler les Jackson Five et est en faite une reprise de la mélodie de Me Against The Music de Britney Spears en duo avec Madona. Les paroles du titre sont d'ailleurs toutes reprises de chansons de king de la pop M.J. et sont visibles sur le fameux clip qui l'accompagne. Illustration du principe de composition en patchwork, les violons présents sur la chanson sont eux repris de l'orchestration de Sunny de Boney M. Le tout propulsé par un beat, la magie opère!
     Le morceau suivant Newjack, propose un électro-funk toujours aussi entraînant, avec ces sons ultra compressés et suffocants, rappelant la techno acide de l'Allemand Boys Noize.

     S'en suit le dytique Phantom et Phantom Pt. II qui de leur voix démoniaques vocodisées et de leur beat tranchant, opèrent la métamorphose de cette créature dans un style beaucoup plus violent et oppressant, déjà entrevu sur le titre d'ouverture. Phantom Pt. II resta d'ailleurs et reste encore, mon titre préféré de l'album, apogée de ce mixe house et disco. 

     Valentine ralentit le jeu dans des mélodies plus enfantines et plus 80's, avant de repartir sur TTHHEE PPAARRTTYY qui de sa voix féminine est imprimé d'un riff de basse ultra catchy.

     Vient ensuite DVNO, en collaboration avec le chanteur et producteur français du même nom, lui aussi signé chez Ed Banger. Il est souvent considéré comme le titre le plus faible de l'album, même si, à mon sens, il permet d'explorer une facette plus vocale de ce travail de reconstruction de la musique disco. 


Extrait du clip de stress réalisé en 2008 Par Romain Gavras

    Stress prend le relais. Il est sans contexte le titre le plus controversé de l'album. De sa mélodie digne des pires films d'horreur, il fait monter la tension à son paroxisme dans une violence musicale inouïe. C'est d'ailleurs cette violence qui a été mise en images par le très bon réalisateur franco-grec Romains Gavras (Signatune de Dj Mehdi, Born Free et Bad Girls de M.I.A ou No church In The WIld de Kanye West & Jay-Z), montrant une jeune bande de cité sans foi, ni loi, rassemblée sous la bannière de la croix symbolisant le groupe. Une violence telle que le clip sera interdit de télévision en France et paraîtra plutôt sur le site internet de Kanye West outre Atlantique. Les fans de DEVO reconnaîtront très vite dans ce morceau un sample tiré de Jocko Homo. L'autre sample notable est tiré d'un morceau de David Shire, Night On Disco Mountain


Le réalisateur Romain Gavras.

     Puis Water Of Nazareth rebondit sur cette violence, pour reprendre le chemin du dance floor toujours plus énervé, dans un son compressé à l'extrême. ici l'art de Justice exulte tout comme son public! Le duo ose même introduire une touche baroque en cet orgue reprenant la mélodie de Thriller de Michael Jackson. On y voit une façon très rock de faire de l'électro, un peu à la manière du duo italien Bloody Beetroots alors très en vogue.

     Cette inspiration rock est reprise avec les riffs très hard-rock de One Minute To Midnight clôturant magnifiquement l'album et présageant déjà le style de leur futur album Audio, Video, Disco, qui sortira en 2011. S'en suivra plus récemment Woman, paru en 2016. Mais aucun des deux ne saura égaler en qualité le premier opus, ni même reproduire l'engouement autour du groupe dont la musique s'est quelque peu assagi depuis, laissant découvrir d'autres facettes de leur musique. Un groupe qui reste encore aujourd'hui une référence dans le milieu de la musique électronique, en témoigne leur récente participation au festival Cochella 2017, où on a pu découvrir leur nouveau décort live, au moins aussi bien réussi que le précédent. Une expérience live que je vous recommande chaudement, comme j'ai d'ailleurs eu la chance de bénéficier à l'occasion de la tournée de leur deuxième album.

A écouter sur Deezer et Spotify.


Bonne écoute à tous !



ETIENNE

vendredi 28 avril 2017

Calvin Harris - I Created Disco (2007)


  Cette semaine, les disques sortis il y a dix ans déjà, en 2007, sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à mardi dans le cadre de notre troisième édition de La Semaine De La Pop.

  Je l'ai annoncé sur mon article vantant les qualités des deux derniers singles de Calvin Harris : pour moi, c'est pour le moment l'homme d'un seul album, celui-ci (et de quelques titres sur le suivant de 2009, et si on est vraiment indulgents quelques autres à picorer depuis). Mais quel album !

  Un peu à la manière de James Murphy (dont nous avons chroniqué ici un album hier), Calvin Harris est un geek obsédé de musique (de pas mal de musiques différentes d'ailleurs), démarrant sa carrière dans une époque où l'électro bricolée a déjà bien percé (merci les Daft Punk & Cie). Et pour revenir à LCD Soundsystem, finalement l'écossais s'en rapproche pas mal. Ça s'entend dès l'intro "Merrymaking at My Place", cette basse mi-funky mi-post-punk, au jeu très haché (et probablement programmée), ce beat électro-rock funky, ces synthés pouet pouet.... On n'est pas loin de James Murphy donc, mais en plus funky, plus rnb aussi, plus Pharrell Williams (qui dominait déjà les hits de l'époque) en somme. On pensera encore plus à James Murphy avec le disco-punk de "I Created Disco" ou la synthpop entre new wave et Yellow Magic Orchestra de "Electronic Man".

  D'ailleurs, c'est le côté "fait dans une chambre avec un vieil ordi" et le fun incroyable injecté à cette pop qui fait tout son charme. Harris est alors jeune, plein de gouaille (ce titre d'album !), et on a toute l'énergie, la fraîcheur et la rage d'un mec qui a tout à prouver, avec le second degré et le sens du détail du mec qui vient de commencer et s'applique (cf "Colours"). C'est pour ça que c'est un des disques que je passe le plus en soirée, pour toutes ces raisons. 

  Du fun, on en a sur le plastic funk post-Kraftwerk de "This Is The Industry" qui recrache toute la chaleur de la Philly Soul sur des synthés baveux, et avec second degré. Voire même millième degré quand, au détour de "Neon Rocks" la gouaille british de Harris se transforme presque en gloussement de poule, soutenu par des synthés bien pouet pouet. Plus loin, et puisqu'on en parle, cette soul, ce rnb qu'on a entendu dans ces fameux (et merveilleux) singles récents, on l'entendait déjà (aussi) dans "Love Souvenir"

  Et puis on a des tubes qui font bouger la tête et les pieds : "The Girls", le kitsch assumé de "Disco Heat", et puis le méga-tube "Acceptable In The Eighties", absolument imparable, qui porte bien son nom et ravira les amoureux de madeleines synthétiques au parfum néo-80s. Dans un genre tout aussi années 80, mais plutôt générique de vieilles séries télé, on a les interludes "Traffic Cops" et "Vault Character" et le moins direct "Certified". Et puis le bling bling hédoniste et dansant de "Vegas"... Tout ça sonne certes référencé, mais fait avec les moyens du bord, une ambition et une envie sans bornes, ce qui permet à Harris d'exploser ses modèles pour se créer un style unique. 

  Bref, c'est un disque qui sous un son plus ou moins volontairement gros, cheap et kitsch cache des chansons pop plus profondes qu'il n'y paraît et surtout beaucoup, beaucoup de fun et d'amour pour la musique populaire sous toutes ses formes. 

ALEX


jeudi 27 avril 2017

LCD Sounsystem - Sound Of Silver (2007)



 Cette semaine, les disques sortis il y a dix ans déjà, en 2007, sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à mardi dans le cadre de notre troisième édition de La Semaine De La Pop.

  J'aurais pu (et voulu, mais finalement 7 jours ça fait pas tant que ça), vous parler du renouveau de la musique électronique flirtant avec la pop, que ce soit à travers le revival glam-psychédélique de MGMT, la nu-rave des Klaxons ou la naissance de l'EDM via Alive 2007 des Daft Punk. Mais finalement, c'est l'option dance-punk façon DFA que j'ai choisi de vous présenter. Il y avait  déjà eu le précédent The Rapture, les petits génies mixant punk, house, Gang of Four et The Cure, il y aura par la suite The Juan MacLean ou Factory Floor, mais le dénominateur commun restera LCD Soundsystem. L'esthétique du label DFA, c'est un mix entre disco, house/techno et punk/glam. Quelque part entre Moroder et New Order si vous voulez, avec un fond de Lou Reed / David Bowie / Talking Heads

  Ce mélange détonnant, on le doit à James Murphy, gros passionné de musique devenu patron de label et artiste. Sa philosophie, c'est que "le punk était la dance music originelle", et que donc faire de la dance c'est être rock. On a donc une électro entêtante, aux rythmiques répétitives parfois proche du krautrock allemand mais jouées avec la violence de la techno, la froideur de la new wave, avec des mélodies pop et un esprit punk jouissif. Le meilleur exemple de ça, c'est le meilleur titre du disque, le premier, "Get Innocuous!". Où l'on a tout ça et bien plus encore (même une outro avec des violons dissonants). On n'est ni dans la pop ni dans la house, c'est un monde tout à fait à part. 

  Mais on ressent cette originalité même dans les morceaux les plus "classiques" comme "Time To Get Away", très post-punk avec sa basse et son rythme sautillant, son chant narquois très glam/punk et ses trémoussements funky. Ou encore "All My Friends", entre Bowie et le Velvet Underground, avec ce piano martelé et ce spleen new yorkais (et un petit côté presque irlandais dans la rythmique et la gamme utilisée, ou alors j'ai une hallu). 

  Le chant presque hautain (façon The Fall), déclamé et maniéré  fait le sel de morceaux comme "North American Scum" et "Watch The Tapes" (proches du premier album, cf "Losing My Edge"), dans une optique dance-rock proche du jouissif disco-punk de "Us vs Them", pour le coup très The Rapture (ces petites cowbells, ces guitares étouffées et tranchantes, ce rythme frénétique)... Elle est absolument géniale celle-là aussi.

  Et puis on a les autres sommets de l'album. La pop(-soul?) glam, dépouillée, amère et émouvante (et drôle aussi) de "New York I Love You But You're Bringing Me Down". Superbe. Et puis "Sound Of Silver", et ses choeurs addictifs, rejoints par toute une machinerie house implacable.... On l'oublie souvent, mais les disques de dance avec une batterie sont souvent parmi les plus prenants, en complément des boîtes à rythmes c'est une tuerie. Et puis ces choeurs à la Jurassic Park, ces bleeps, ces xylos, ces échos dub.... j'en ai des frissons, j'adore. Mais l'autre meilleur de morceau de l'album, c'est "Someone Great". Entre pop fragile (ce xylophone, très émouvant encore une fois), électro-pop à la Suicide ou Soft Cell, ces synthés house lancinants qui déchirent le coeur, ce synthé basse prenant, ce chant triste qui parle de deuil (je crois?)... C'est magnifique (et très triste et mélancolique).

  Bref, vous l'avez compris, ce disque est un chef-d'oeuvre de pop touche à tout qui réussit l'exploit d'être ludique sans être trop foutraque, d'être bricolée, ample et profonde, d'être très inspirée par beaucoup de monde sans virer au pastiche, d'être très personnelle, accessible et exigeante en même temps. C'est un grand disque qui m'a pas mal accompagné au cours de mon adolescence et dans la zone un peu floue du début de l'âge adulte où je me situe (je déteste "adulescence", ça sonne creux comme du marketing ce terme). 
  Et je suis sûr que vous pouvez aussi trouver une petite place au chaud près de votre coeur pour cet album précieux, il vous le rendra pendant les meilleurs moments comme pendant les plus difficiles.


Alex


mercredi 26 avril 2017

Radiohead - In Rainbows (2007)


  Cette semaine, les disques sortis il y a dix ans déjà, en 2007, sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à mardi dans le cadre de notre troisième édition de La Semaine De La Pop.

  Cet album de Radiohead, je l'ai très vite adoré. Je l'ai découvert quelques temps après sa sortie, vers 2009-2010 je pense. J'avais lu des critiques un peu mitigées dessus, mais les interviews de Yorke de l'époque étaient passionnantes, il y avait toute cette mythologie autour du prix libre de l'album que je trouvais chouette, et puis j'avais adoré OK Computer, Kid A et Amnesiac. En plus, la pochette était parfaite. Colorée, attrayante, et bien designée. En somme, elle évoque le parfait équilibre entre une pop généreuse, pleine de vie et attractive et une ambition artistique irréprochable, avec un vrai soin pour les détails. 

  J'ai pas mal de souvenirs, de ballades en bords de Loire après les cours en attendant le car pour rentrer du lycée, de devoirs maison de maths réalisés sur un banc, dans un petit parc face au fleuve, sous un rayon de soleil qui me réchauffait d'autant plus que la brise légère venant de l'eau me rafraîchissait à intervalle régulier. Avec ce disque dans les oreilles. Emprunté à la médiathèque pas très loin, car mon petit disquaire fétiche, qui a depuis arrêté, n'avait que Kid A & Amnesiac.... Je lui avais pris les deux, j'avais été dégoûté car beaucoup de ces petits bouts noirs qui tiennent la rondelle centrale étaient pétés dès l'achat, et qu'à l'époque les sous c'était pas ça et que les CDs c'est cher, même en occas (y'a des choses qui ne changent pas finalement). Maintenant je suis bien content d'avoir ce petit boîtier pété, je l'aime comme ça, pour tous ces petits souvenirs rattachés à l'usure.

  Bon, ça va être pas mal de souvenirs cette semaine, on parle de disques de jeunesse là, même si on est pas très vieux avec Etienne, ce sont des disques sortis entre nos classes de 4e et 3e, qui nous ont souvent accompagnés lors de notre éveil musical au lycée... Mais revenons à la musique.

  J'ai adoré In Rainbows immédiatement, grâce à "15 Step", un des meilleurs titres de Radiohead. Un rythme à la signature inhabituelle, quasi jungle, démarre le titre, Yorke chante magistralement (c'est quasi un chant jazz, écoutez bien), la guitare, divine, débarque, la batterie enfonce le clou de la boîte à rythme avec une classe jazzy, puis il y a ce break avec ce son de synthé incroyable, enveloppant, chaud et profond, la basse qui prend le relais.... Un feu d'artifice pop en Technicolor, la pochette n'avait pas menti. Voilà comment on fait de la pop moderne, puissante, vivante, rageuse, accessible, chaude, artistique sans pour autant sonner prétentieuse. C'est la synthèse du meilleur de l'électronique, du rock (comprenant le krautrock), du jazz, de la pop. C'est un mix enchanteur et complètement satisfaisant de sensorialité, d'émotion et d'intelligence. C'est brillant et inspiré.

  La tension monte d'un cran avec un "Bodysnatchers" qui commence très rock, mais pas dans le sens basique du terme, on entend une pulsation allemande, des gammes presque orientales, une fougue presque Blur période américaine (qui a dit "Song 2"?). Et la fin du morceau est du Radiohead classique, guitare acoustique doublée par une électrique colwave bourrée de reverb, soutenant le chant plaintif de Yorke, qui éclate toute la discographie d'Interpol et de Coldplay en même temps, malgré toute l'affection que je peux avoir pour les premières œuvres de ces groupes. Et puis ça finit presque punk, et l'auditeur est rincé par tant de talent. 

  Après tant de rage, place au cœur de l'album, plus calme et contemplatif. "Nude" émerveille et désarme tellement elle est belle, entre jazz et folk des grands espaces. Et "Weird Fishes/Arpeggi" nage dans les mêmes eaux, fait elle aussi partie de cette catégorie de chansons qui deviennent des classiques instantanés et marquent à vie de leur empreinte émotionnelle forte le cœur des auditeurs assez réceptifs à leur beauté infinie. Et puis elle est tellement riche... Il y a un truc presque africain sans l'être réellement dans cette chanson... On sent tout le poids de décennies, de siècles de musique étudiée, digérée, toute cette complexité, cette profondeur, ressortie de façon si légère, naturelle, fluide...

  L'ambiance reste cohérente avec un "All I Need" également éthéré (et aussi divin, sisi c'est possible), dont le coup de génie est ce basculement entre des notes de synthé basse pachydermiques, évoquant la marche lente d'un diplodocus et contrastant avec la légèreté du reste de l'instrumentation et le chant souple de Yorke. Le dépouillement de "Reckoner","House Of Cards", et les arpèges folk de "Faust Arp" émerveillent aussi avec peu... et en réécoutant cette chanson, ses cordes, sa mélodie, cette guitare, ce chant, je me dis que les gens qui ont encensé A Moon Shaped Pool ont raison (déjà) mais qu'ils avaient juste 9 ans de retard (et c'est pas grave) pour ceux d'entre eux qui avaient moyennement apprécié In Rainbows. Si c'est votre cas, réécoutez le, franchement. Vous n'allez pas en revenir.  

  Le rythme remonte légèrement avec "Jigsaw Falling Into Pieces", mais le dépouillement est toujours là. L'émerveillement aussi. Comme sur la conclusion, "Videotape", extrêmement mélo mais belle tout de même, que j'ai beaucoup associé a posteriori à "Foreground", également dernier titre tire-larmes et désarmant d'un album brillant, intense et dépouillé, Veckatimest de Grizzly Bear.


  Bref, ce disque est une merveille, un sommet inégalable dans son genre de pop qui sonne aussi bien intimiste que vaste, aussi bien dépouillée que complexe. 
  C'est un des meilleurs disques de Radiohead, probablement mon préféré avec Kid A, OK Computer ne traînant pas loin derrière. C'est un grand disque tout court. Sorti il y a 10 ans (si ça pouvait faire taire les grincheux, les déclinistes et les ultra-nostalgiques je prends).


Alex


mardi 25 avril 2017

La Semaine de La Pop n°3 (Avril 2017) : Dix ans déjà ! Back To 2007


  Comme vous le savez, une semaine par mois, nous mettons en valeur sept disques selon un thème soit décidé à l'avance par nous, soit par vous (vous pouvez suggérer le prochain en commentaires). La première édition qui s'est tenue il y a deux mois, et portait sur la Pop Française, quand à la dernière en date, elle portait sur les origines de la musique électronique.

  Cette fois ci, nous aborderons donc sept disques, de demain (mercredi) à mardi prochain, sur le thème "Dix ans déjà ! Back To 2007". Nous allons replonger dans une époque où personne ne connaissait Kendrick Lamar (ni Adèle), un merveilleux monde pré-Lady Gaga où Bowie, Lemmy et Prince se baladaient tranquille. 
  Ce recul de dix ans permet de faire un premier tri pour extraire ces chef-d'oeuvres pas si lointains. Et nous avons comme à notre habitude choisi parmi nos albums de chevets des disques reconnus par tous et des obsessions plus obscures et personnelles. 

  Etienne étant pas mal occupé, c'est sans doute moi qui vais assurer la plupart des articles. Bon courage à lui !

Alors à demain pour le premier, et bonne semaine à vous sur LPAE !





Alexandre

dimanche 23 avril 2017

Kendrick Lamar - DAMN. (2017)


  Après le monument jazz-funk-rap qu'était To Pimp A Butterfly (notre album préféré de 2015), et son complément untitled unmastered. sorti en 2016, ce DAMN. était plus qu'attendu, Kendrick Lamar étant devenu depuis Good Kid, M.A.A.D City (2012) le rappeur (voire même l'artiste tout court ?) le plus largement reconnu et honoré dans le monde. 

  Quand on sort d'une série aussi ambitieuse d'albums aussi réussis, soit on part dans la surenchère, soit on revient à quelque chose de plus direct, brut. C'est ce deuxième choix qu'a suivi Lamar (c'est visible dès la pochette à la Tyler, The Creator) ; sans se départir de la richesse musicale qui l'a fait connaître, il pose ses flows toujours plus affutés sur des beats plus bruts, plus roots, sur un album concis (14 titres, 55 min) qu'on aurait du mal à qualifier de minimaliste mais qui flirte avec l'idée. 

  On commence par l'introduction, "BLOOD.", qui pose le liant de ce disque dès le début : ce chant enchanteur, entre doo wop et pop 60s. Sur une instru qui sonne presque comme une ballade de prog (produite par Bekon aka Daniel Tannenbaum), Lamar pose sa voix, plus spoken word que rappée, racontant une histoire aussi mystérieuse que captivante, à la fin de laquelle Kendrick se fait tirer dessus. 
  Là on enchaîne avec un sample de ce "journaliste" de la FOX qui a dit "le hip-hop a fait plus de mal aux jeunes afro-américains que le racisme". Ouais, sans blague ? Nier la violence du racisme (même sans remonter à l'esclavage) en même temps que nier la culture que les jeunes blacks les plus défavorisés des quartiers les plus laissés à l'abandon ont réussi à créer à partir de presque rien (et malgré tous les obstacles, le hip-hop a réussi à conquérir le monde entier !), c'est un sacré combo de connard ignorant. 
  Pas étonnant que ça s'enchaîne sur le puissant "DNA.", avec des paroles comme "I Got Loyalty, Got Royalty Inside My DNA", où Lamar examine avec beaucoup de finesse ce qui fait l'identité des afro-américains, leur histoire arrachée, le contexte social difficile, et leur richesse culturelle. Le beat de Mike WiLL Made-It, très trap, est le plus lourd de l'album, le morceau cogne dur et ça fait du bien par où ça passe. Notamment sur la deuxième partie, avec ce sample de voix insistant qui dit un truc genre "Gimme Some Culture". Brillante entrée en matière.

  "YAH." est plus jazzy, plus cool et posée, produite par DJ Dahi, Bekon, Sounwave et Anthony "Top Dawg" Tiffith, où on retrouve la voix de canard et les ambiances posées de Good Kid M.A.A.D City (comme sur la très belle "Feel" avec Thundercat) pour notre plus grand bonheur. 
  Et un petit côté Drake aussi, qu'on retrouvera sur l'intro de l'excellente "ELEMENT." produite (entre autres) par James Blake. Dans cette tonalité plus introspective, posée, émouvante et réfléchie, on a l'étonnante "PRIDE." où la guitare du génial Steve Lacy (The Internet), les choeurs (et l'écriture) d'Anna Wise, et les pitchs incessants sur la voix de Lamar rappellent Connan Mockassin ou Mac DeMarco. Et c'est ultra réussi. 
  Il y a aussi "LUST.", qui est magnifiquement produite par DJ Dahi et Sounwave, avec l'aide des BADBADNOTGOOD et Kamasi Washington pour le côté jazzy (avec des voix de Kaytranada et Rat Boy), et la bluesy et profonde "FEAR.", produite par The Alchemist, qui déroule sur presque 8min le storytelling impeccable de Lamar.

  Et puis, outre ces moments introspectifs, il y a des moments de rage et d'énergie, et d'autres plus pop et accrocheurs. Ce versant pop est représenté par "LOYALTY." avec Rihanna, sur un sample de Bruno Mars utilisé comme pour un "California Love" part 2. De même, "LOVE." avec le divin chanteur rnb Zacari pourrait faire crossover tant ce rnb chanté-rappé à la Drake peut plaire au plus grand nombre tout en étant objectivement excellent. Tout comme "GOD." et son côté électro-rap de la fin des années 2000, quelque part entre le Kanye West de Graduation et le Drake de Take Care. Lamar sait aussi se faire plus accessible sans perdre de sa superbe.

  Quand à la rage, outre "DNA.", on l'entend sur l'ébouriffant single "HUMBLE." (au clip génial, dont on a parlé ici), produit par Mike WiLL Made-It, au piano bondissant et menaçant et au rythme trap permettant à Lamar de sortir un flow absolument virtuose et addictif. 

  On l'a aussi sur "XXX.", qui commence pourtant en douceur, avec ces choeurs dont on a déjà parlé, avant de virer très rythmique : boîte à rythme, scratches de James Brown, puis samples de piano détraqué et sirènes uniquement pour servir de tapis au flow de Lamar, hypnotique dans un premier temps puis urgent dans un second. Le morceau est très haché, sur la fin on a un passage plus jazzy, la voix de Bono, des mouettes.... c'est le bordel mais c'est génial. Mon morceau préféré de tout l'album. Ce côté roots, ce retour au plaisir de rapper, à l'aspect ludique et virtuose du flow au dessus de boucles simples mais addictives, ce retour à l'essence du hip-hop finalement, me touche beaucoup.

  Et on conclura avec "DUCKWORTH." (nom de famille de Kendrick), qui raconte l'incroyable histoire du moment où son actuel boss (Top Dawg, patron de Top Dawg Entertainment, le label de Lamar) aurait pu tuer son père, finissant en prison et privant Lamar d'un de ses parents et de son avenir en même temps. Utiliser ce qui aurait pu se passer pour donner le bon exemple, c'est brillant. D'autant plus que Kendrick Lamar ne rate pas une occasion de dire qu'il n'a jamais touché au deal ou à l'illégalité malgré les conditons sociales difficiles, et essaie de passer un message positif en ce sens. C'est excellent musicalement en tous cas, et le fait que le fond le soit aussi ne fait qu'améliorer le ressenti ultra positif. 
  La prod de ce titre, via 9th Wonder et Bekon, sample quatre excellents morceaux, "Be Ever Wonderful" (Ted Taylor, 1978), "Let the Drum Speak" (The Fatback Band, 1975), "Ostavi Trag" (September, 1976), "Atari" (Hiatus Kaiyote, 2015). A propos des samples, regardez cette vidéo pour en avoir un rapide aperçu.

  Bref, l'album n'est peut-être pas aussi définitif que GKMC ou TPAB, mais il n'en est pas loin, et l'approche plus directe choisie par Lamar est réussie à merveille. Un chef-d'oeuvre de rap de plus pour ce prodige, ça deviendrait presque une habitude !


ALEX.


vendredi 21 avril 2017

Méga-Parade - Angela (Single, 2016)



  Ca démarre, comme un avertissement, par un bouillonnement de synthés quelque part entre Soft Hair et Metronomy, avant de virer comptine pop inclassable, ni-sixties, ni-new wave, ni-synth-pop française eighties, ni-twee pop 2000's, mais un peu de tout ça à la fois, avec la patte du groupe : ces synthés-jouets qui donnent une vraie profondeur à ce titre acidulé, à la narration et aux changements d'accords entre ambiance Gainsbourg, parfum de La Femme (auquel le chant de Lucas fait penser), flegme et classe pop à la Daho, cool à la Sébastien Tellier, yacht-rock façon Metronomy, et second degré à la Housse de Racket.

  Avec une vraie science des synthés, de la construction, des arrangements (prêtez une oreille attentive aux chœurs  à tous les détails de synthés, à la guitare, aux variations rythmiques.... C'est d'une richesse inouïe). Et puis la production est impeccable. 

  Et puis le plus important est là : la mélodie est inoubliable. Non, franchement, rien à redire, c'est un petit chef-d'oeuvre de pop francophone, et on a hâte d'entendre l'EP du duo, qui va bientôt arriver.
Et on est particulièrement fiers que Méga-Parade fasse ses armes sur la scène nantaise. Bravo les gars, vous êtes géniaux.

PS : la pochette est magnifique.


Alex

mercredi 19 avril 2017

Quazar - The Nightshift EP (2017)


Cela faisait de longs mois que je n'avais pas partagé de house music en ces lignes et je dois bien avouer que cela m'a cruellement manqué. J'y remédie de la plus violente des manières avec ce titre très énervé en provenance d'Amsterdam. L'occasion de faire un petit crochet dans le monde de la techno en 2017.



     Gert Van Veen est initialement un journaliste musicale, avant de devenir en parallèle producteur, Dj, encore organisateur de soirées techno/house et enfin directeur d'un nightclub, le Studio 80 à Amsterdam. Le néerlandais est véritablement un pionnier du genre dans son pays, grâce à sa résidence au RoXY club à Amsterdam et ses productions, tel que le précurseur Pay the Piper qu'il sort avec deux autres artistes en 1989 sous le nom A Men. Il participe alors pleinement à l'explosion de la techno Berlinoise en  Allemagne et entre dans la légende avec son duo Quazar, qu'il formera avec Erik Van Putten, avant de continuer en solo, au gré de la disponibilité que lui donne ses différentes activités. Ce néerlandais est à l'image de cette scène techno et de ses activistes multi-fonction, ayant créé et faisant vivre indépendamment des circuits habituels des majors, un style musical et une plus encore, une culture alternative. 

Le RoXY club en 1988, un an après son ouverture, alors que la vague
 house s'apprête à déferler sur l'Allemagne et les Pays- Bas.

Le DJ Joost Van Bellen au Roxy Club.


     Après de nombreuses parutions dans le courant des années 90 et une grosse pause durant les années 2000, le projet Quazar renaît en 2010 avec le bien nommé Number One EP,  sorti chez Bla Bla records et appelant ainsi à un deuxième EP qui sortira deux ans plus tard sur le label We Dig Music sous le nom de Surkus Jam EP. Ceux-ci proposant une house beaucoup plus moderne que la techno berlinoise pour laquelle il oeuvrait durant les années 90.


     C'est au mois de mars 2017 que Gert Van Veen a sorti The Nighshift EP, son troisième EP, sur le très bon et tout récent label Néerlandais, MARY GO WILD. Autant vous dire que c'est de loin la meilleur de ses galettes depuis les 90's. Il y revient à ses origines musicales, la house berlinoise et nous fait exploser aux oreilles une véritable bombe techno 90's, violente et énervée. A l'apogé dès le premier des trois titres éponyme de l'EP, le rythme y est mécanique et infernal, industriel et froid, se confondant en de multiples couches de snares et kick aux timbres rappelant fortement la TR 707On pense alors à des productions comme Act's Of Sensation d'Intact sorti outre Rhin en 1990. Arrive soudainement ce sonar acide house semblant nous appeler vers les profondeurs, tel une sirène hypnotisante, cruelle et séduisante. Cette sirène, c'est peut être la voix du Dj de Détroit Anonym sortant d'une radio d'un autre âge. Atteignant son zénith, le titre se finit alors dans la paix d'une mélodie idyllique, rompant avec la brutalité des 7 minutes précédentes.

Gert Van Veen


     Sur le morceau suivant, sobrement nommé 
Fuck That Shit, c'est là encore la voix d'Anonym qui fait le lien avec cette techno froide et répétitive, aux rythmes ultra cadencés, plus classiques dans leur forme et dans les sonorités.


     L'EP se termine alors par Truce qui, comme son nom l'inique, pose le rythme effréné pour un production beaucoup plus ambient et organique, tranchant avec les 15 minutes qui ont précédé, nuançant alors l'ensemble des 3 titres. Un repos bien mérité !


A découvrir sur Soundcloud ou Spotify.

Bonne écoute à tous !



ETIENNE



Pour en savoir plus :

- La discographie complète de Quazar et de Gert Van Veen sur Discogs.
- Gert Van Veen parle du RoXY club pour Resident Advisor.
- Le livre Awakenings : 20 years of techno de MARY GO WILD retracant 25 ans de techno à Amsterdam.
- Le site internet du label néerlendais MARY GO WILD.
- Notre Playlist #9.2, parue en septembre 2016 sur ce blog et racontant en musique la fabuleuse histoire de la house.

dimanche 16 avril 2017

Damaged Bug - Bunker Funk (2017)


  Damaged Bug est le side project électro/psyché du leader de Thee Oh Sees, John Dwyer, déjà responsable d'un premier album (Hubba Bubba, 2014) absolument éblouissant, mêlant les influences de Syd Barrett, Eno et des Silver Apples au génie de son auteur le long de morceaux électro-pop déviants et inspirés, et d'un second, Cold Hot Plumbs (2015), très solide et également marquant (les deux ont figuré en bonne place dans mes tops de fin d'année). J'en attendais donc beaucoup de ce Bunker Funk, d'autant plus que Hubba Bubba est probablement mon album préféré de Dwyer tous groupes confondus et qu'avec les Oh Sees il est régulièrement excellent ces dernières années.

  Difficile de ne pas succomber au début de l'album : "Bog Dash" et "The Cryptologist" sont d'excellentes comptines psyché au groove entêtant, au chant malicieux et aux sonorités originales.
  Dans chaque album de Damaged Bug, la part belle est donnée aux jams électro-rock, et "Slay The Priest" démarre donc comme un rock mécanique avant de virer à la sucreries glam/pop davantage écrite, entre le premier Roxy Music et T.Rex. Encore une fois, sacré réussite. Le glam proto punk inquiétant de "Rick's Jummy" fait monter la tension d'un cran, et se révèle d'une totale perfection dans son genre.

  "Ugly Gamma" embrasse quand à elle totalement son statut de jam psychédélique à l'électronique aquatique, quelque part entre The Terror et Oczy Mlody des Flaming Lips. De même que "Gimme Tamanthum" et "Liquid Desert" aux atours prog-pop
  D'un autre côté, le jerk dansant de "No One Notices The Fly" donne autant envie de danser que d'écouter Pierre Henry, et ça c'est un exploit remarquable. Ce côté groovy, déjà pas mal présent le long de l'album, est également mis en avant sur "Bunker Funk", le morceau-titre dont le groove disco-glam contraste avec la sobriété de l'instrumentation. Excellent.

  La fin de l'album vaut également le détour, avec la ballade mélancolique "Mood Slime", la féérique et onirique "Heavy Cathedral" qui ferait presque penser à ce qu'Aphex Twin a fait de plus mélodique, le rock psychotique de "Unmanned Scanner", ou la conclusion "The Night Shopper", toute en douceur. 

  Tous les morceaux sont bons voire excellents, il n'y a pas une seule baisse de qualité ou d'inspiration, et le disque, très solide, creuse le sillon du groupe tout en multipliant les types d'écriture de morceau, et les sonorités des arrangements électroniques, acoustiques et électriques, et en étendant la palette d'expression du chant. 
Bref, un grand cru de plus pour Damaged Bug, et un vrai régal pour les amateurs de pop oblique.

Alex