Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes
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jeudi 16 avril 2020

Don Toliver - Heaven Or Hell (2020)


  Don Toliver est un jeune chanteur/rappeur de Houston, Texas, qui a commencé à se faire connaître sur internet et s'est fait un nom avec son premier projet/mixtape, le très bon Donny Womack (2018). Son timbre guttural et nasal à la fois, entre Cee-Lo Green, Akon et Gunna, le différence vraiment de la masse et le pousse à être plus mélodique que la moyenne. Ses goûts, un peu plus rnb voire soul, avec une prédilection pour les ambiances électro-funk nocturnes et introspectives, le poussent parfois vers un terrain où la trap se fait psychédélique. Ça n'a pas échappé à un autre texan, passé maître dans l'art du repérage et de l'association de talents, Travis Scott. Ce dernier a fait passer un échelon à Toliver en le mettant en valeur sur son morceau "CAN'T SAY", issu d'Astroworld (un des plus gros albums de 2018). Le morceau, très bien reçu, a fait gagner le Don en notoriété et a démarré la hype sur la suite de sa carrière.

  Scott l'a e également signé sur Cactus Jack pour Don Toliver puis sur son nouveau label JACKBOYS, lancé par une compilation maison sortie il y a quelques mois. La vraie star de ce court projet était peut-être Toliver justement, qui y brillait un peu plus fort que les autres, avec une envie d'en découdre qui transpirait de sa voix à chaque intervention et volait la vedette aux autres.

Don Toliver - After Party (Clip, 2020)

  Ce premier album, Heaven Or Hell, est donc son grand moment, et si ça sortie semble rapide depuis son ascension, comme pour surfer sur la vague, on peut relativiser en se rappelant que son dernier long format a presque 2 ans. On reconnaît en tous cas sur ce projet tout de suite ce qui a fait son charme ailleurs : sa voix nasale au timbre unique, et son goût pour les production électroniques nocturnes, un peu 80's, un peu funky et mélancoliques à la fois. En parlant des prods, malgré le formatage trap, elles ont toutes un petit quelque chose d'unique et son assez denses, généreuses, et loin d'être simplistes, et ont indiscutablement gagné en calibre depuis Donny Womack, on sent que le budget est là pour payer des producteurs de talent. 

  L'album commence fort, "Heaven Or Hell" ambiance tout en gardant une ambiance brumeuse comme chez Scott. "Cardigan" est instantanément marquante, et "After Party" est un tube aux sonorités très "scottiennes", avec ses samples dissonants et bordéliques et ses guitares western. Étrange, mais réussie, "Euphoria" met davantage en valeur les invités (Travis Scott et Kaash Paige) que Toliver, mais permet également de varier les voix, sur un morceau à l'instru plutôt épurée et pop (piano très en avant), ce qui permet à la voix de Toliver de faire son petit effet lorsqu'elle débarque au 2e tiers de la track. La plus rnb "Wasted" fait également bien le taff, portée par une instru primesautière et un refrain aussi mémorable que léger.

Don Toliver - Can't Feel My Legs (Clip, 2020)

  Le coeur du disque se révèle prenant, avec la géniale "Can't Feel My Legs" qui pousse l'aspect électrofunk à fond, pas si loin de The Weeknd sur ce terrain, et se révèle être ma préférée sur ce LP. Entre Scott, Kanye West et Kid Cudi, avec des inspirations rock, "Candy" est un petit monument de pop-rap où l'on sent l'apport du maestro Mike Dean. Après ces deux moments de bravoure, assez exceptionnels, la belle et vaporeuse "Company" remet les compteurs à zéro et fait redescendre la pression, magnifiée par des apports électroniques assez bien sentis et pas banals, et une outro magnifique (beat, guitare et piano au top). Tout ça pour débouler sur "Had Enough", autre tube, avec son intro beat + orgue soul et sa virée trap assistée par les 2/3 de Migos (Quavo et Offset) et quelques flûtes de pan synthétiques. Mine de rien, elle fait bien la jonction entre deux ères du rap (bien audibles ici grâce à la prod co-signée par TM88, El Michels et Mike Dean).

  La fin du disque est également réussie. "Spaceship" tente des trucs, avec une ambiance synthétique et répétitive, de science-fiction, quelque part entre Eternal Atake de Lil Uzi Vert et les prods de Pi'erre Bourne musicalement, avec un feat de Sheck Wes surprenant au premier abord mais qui sert vraiment bien le morceau au final. "No Photos" est un morceau de trap'n'b/pop assez standard dans la forme, très Travis Scott là encore, mais rehaussé par quelques bonnes idées (les voix démultipliées du premier couplet, les détails de prod et les arrangements soignés). De la même façon, "No Idea" est transcendée par le falsetto irréel de Toliver et est une belle conclusion à un album très solide. 

Don Toliver - No Idea (Clip, 2020)

  Globalement, ce disque est charmant, assez original -même si dans la lignée directe de Travis Scott- plein de personnalité, d'amour de l'artisanat musical, et d'enthousiasme.

Mes morceaux préférés : Heaven Or Hell, Cardigan, After Party, Can't Feel My Legs, Candy, Company Had Enough, No Idea



Alex


mercredi 28 août 2019

Young Thug - So Much Fun (2019)


  Young Thug a remodelé le hip-hop à son image. En partant de solides bases plantées par un autre alien sudiste, Lil Wayne, le génie d'Atlanta a imposé ses flows agiles, ses expérimentations vocales et mélodiques, ses ad-libs fou, ses choix pour les instrus trap les plus bizarres et son autotune musicale. Avec des sorties comme Barter 6, la série des Slime Seasons, I'm Up, mais aussi JEFFERY et Beautiful Thugger Girls, il a également su bâtir une discographie imposante aussi folle et prolifique qu'à ses débuts. Mais depuis 2017, la machine a quelque peu ralenti, et les projets collaboratifs, souvent courts, ont occupé son temps, tandis qu'il se mettait légèrement en retrait.

  Que faire quand on a l'impression que tout a été fait, du plus expérimental au plus pop, du plus street au plus universel ? Thugger a choisi de faire la même chose, plus ou moins, avec quelques coups de folie à la marge et une maîtrise de son art acquise avec le temps et l'expérience. So Much Fun, c'est l'album de l’atterrissage, du retour sur terre, du bilan. 

Young Thug - Light It Up (2019)

  Rien ne dépasse ou n'a le tranchant de ses expérimentations les plus folles, mais l'ensemble se tient plus que bien et convainc rapidement. Est-ce que cela est dû au rôle de producteur exécutif du bon mais tout sauf excentrique J Cole ? Les morceaux réussis ne manquent pas, on remarque notamment quelques collaborations trap-pop très chouettes avec "Hot" et "Surf" en feat avec Gunna, ou "Bad Bad Bad" avec Lil Baby, "What's The Move" avec Lil Uzi Vert, "Big Tipper" avec Lil Keed, "Circle Of Bosses" avec Quavo, "Mannequin Challenge" avec Juice WRLD"Boy Back" avec NAV, ou "I Bought Her" avec Lil Duke

Young Thug, Lil Uzi Vert - What's The Move (2019)

  Dans un style trap plus dur, il reste inclassable ("Jumped Out the Window", "Pussy"), et dans une ambiance plus abstraite, aérée, il brille également ("I'm Scared" avec 21 Savage et Doe Boy). Les petits jeux habituels avec les ad-libs ne sont pas en reste, cf la malicieuse "Sup Mate" avec Future, même si on a connu Thugger plus créatif sur ce terrain (même récemment, chez Playboi Carti par exemple). 

  Quelques petites nouveautés cependant, comme l'emo-trap acoustique ("Just How It Is"), les effets de "Lil Baby", donnant un rendu proche de la voix de Future, ou "Ecstasy", morceau assez unique et indescriptible. "Cartier Gucci Scarf" est l'occasion de l'entendre partir à nouveau dans les graves (ça arrive pas si souvent, et c'est jouissif). Et même s'il suit quelques tendances récentes de la trap (guitares acoustiques, flûtes), il a le mérite de s'entourer de bons beatmakers (dont Pi'erre Bourne), le fournissant en beats iconoclastes qui donnent une vraie saveur à l'ensemble du projet, et sur lesquels il peut briller, comme sur "Light It Up"


Young Thug, J Cole, Travis Scott - The London (Clip, 2019)

  Et puis il y a "The London", qui se démarque par son aura de tube immédiat, sur lequel J Cole et Travis Scott apportent de cruciales intervention. 

  En résumé, si les sorties de route et coups de génies habituels manquent un peu, et que So Much Fun sonne presque comme un disque de trap "normal", on ne peut en revanche nier sa qualité. Même si le projet est long, il est homogène, et il serait difficile de couper dedans tant tout se tient, et on en tire finalement pas mal de titres plus que bons et éminemment attachants. Pour un disque de sythèse, c'est vraiment pas mal du tout. D'autant qu'à la réécoute, presque tous ces morceaux montent dans mon estime, je risque donc de le réévaluer à la hausse dans un futur proche. En tous cas, j'ai hâte d'entendre Punk, 2e album de Young Thug prévu pour cette année, qui s'annonce vu son titre plus sauvage.

Mes morceaux préférés : The London, Light It Up, Jumped Out the Window, Cartier Gucci Scarf, Ecstasy, Just How It Is, Boy Back, Hot, What's the Move, I Bought Her, Circle Of Bosses

Ecouter sur Deezer ou Spotify

Alex



  

jeudi 31 janvier 2019

James Blake - Assume Form (2019)


  Petit point de contexte rapide sans tomber dans le people : James Blake est un artiste anglais oscillant entre le soulman délicat et l'électronicien fou de studio, et sa musique assez sombre s'est éclaircie sur ce disque parce que dans la "vraie" vie, il file depuis quelque temps le parfait amour avec celle qui semble être, selon lui, la femme de sa vie. Et ça se ressent sur cet album, qui parle beaucoup d'amour, de la façon dont on construit et maintient une relation, et fait également pas mal d'introspection. 

James Blake - Mile High (ft Metro Boomin, Travis Scott, 2019)

  Le disque commence par un très beau morceau-titre, "Assume Form", très Radiohead dans tous ses éléments (rythmique IDM, modification vocale, chant plaintif, boucle de piano, cordes...), qui trouve une belle conclusion dans un mantra chanté par des voix pitchées paraissant enfantines bientôt rejoint par le chant de Blake dans sa mélodie entêtante. Ce morceau a une présence spectrale, il sonne comme hanté, impalpable. Ce sentiment perdure, mais si l'album est ramené sur terre sur "Mile High" (paradoxal) par la collaboration avec le producteur Metro Boomin (et  ses rythmiques puissantes) et par l'intervention vocale de Travis Scott. Les deux hommes susurrent autant qu'ils chantent, superposant lascivement leurs mélodies vocales pures au milieu de boucles obsédantes. Un morceau parfait, qui se révèle vraiment avec les écoutes répétées, au casque, dans le noir et le soir si possible. 

James Blake - Tell Them (ft. Metro Boomin & Moses Sumney, 2019)

  Autre exemple de collaboration réussie, "Tell Them" fait la part belle à la voix du très bon Moses Sumney, dont on avait beaucoup aimé le précédent album (ainsi qu'à la prod de Metro Boomin, une seconde fois). Là encore, la superposition de ces voix d'anges sur un beat mélodique et accrocheur fait mouche. Les autres moments forts du disque viennent quand Blake associe la douce langueur de comptines nocturnes qui fait cet album et la violence qui a fait la grandeur de son premier album solo : déconstructions imprévisibles ("Don"t Miss It"), voix robotiques ("Into The Red"),  ou synthés acides comme sur ma préférée ("Are You In Love" qui réussit cette synthèse électro-soul que j'aime tant chez Blake : on dirait du Stevie Wonder 70's joué par Autechre)

  Lorsqu'il ne reste que la douceur, ça reste beau, mais pour ma part, je m'ennuie un peu même si c'est beau, comme sur la ballade "Lullaby For My Insomniac" ou sur l'étonnante relecture de variété US des années 40 d'"I'll Come Too" ou "Power On"Dans le genre, "Can't Believe The Way We Flow" est un peu entre deux eaux, ses superpositions vocales magnifiques (un peu doo-wop ?) sauvant un titre qui aurait pu tomber dans le pathos mais se retrouve au final parmi les réussites du disque.  

  Et cet ennui relatif arrive même en présence d'invités comme Rosalia ("Barefoot In The Park") qui commence pourtant très joliment, ou sur "Where's The Catch" dont le beat basique n'est pas à la hauteur d'une intervention d'André 3000, qui a pourtant tendance à transcender tout ce qu'il touche. 

James Blake - Don't Miss It (2018)

  Malgré le fait que ce soit un album un peu en demi-teinte qui ne me convainque vraiment que sur une grosse moitié, on peut quand même parler d'un bon disque tant les hauts sont hauts et les bas davantage ternes que réellement mauvais. Et puis, une demi-douzaine de chansons de ce calibre, avec un tel niveau d'écriture et de travail sur la forme et notamment le son, c'est assez rare pour être célébré. Je sors donc un poil déçu et moins enthousiaste que la majorité de la presse musicale, mais content quand même de l'écoute de ce disque. Convaincu aussi que Blake a sous le capot de quoi nous sortir un truc transcendant de bout en bout, chose qui n'est pas arrivée à mon humble opinion depuis son premier album solo, malgré des fulgurances régulières sur chacune de ses sorties depuis.
A suivre, donc !

Mes morceau préférés : Tell Them, Mile High, Are You In Love?, In The Red



vendredi 4 janvier 2019

Travis Scott - Astroworld (2018)


  Il aura fallu du temps, 3 albums et quelques mixtapes, pour que la presse généraliste commence à prendre Travis Scott réellement au sérieux. Sa signature chez Kanye West, duquel son esthétique découle largement (cf Yeezus (2013)), ainsi que sa collaboration étroite avec Mike Dean, génie de l'ombre qui est pour beaucoup dans le succès artistique des albums de West, tout ça pointait vers un poster boy poussé par une solide équipe d'ingés. En plus, ses textes sont assez banals, et sa voix est passée par de nombreux filtres. Il était donc facile d'écrire quelque chose dans le genre. Pourtant, dès Rodeo (2015), voire même avant, quelque chose se dégageait : derrière les morceaux à tiroirs hyper ambitieux, les mélodies accrocheuses, la voix robotique et caverneuse, il y avait un auteur. Impression vite accentuée par le fait de savoir que Scott était producteur dans l'équipe de Kanye et qu'il a un vrai talent de beatmaking, affinant son oreille musicale.

Travis Scott & Drake - SICKO MODE (Clip, 2018)

  Ce que certains n'ont pas entendu derrière la flopée d'invités prestigieux sur chaque sortie successive, c'est qu'à la différence de beaucoup, Scott les utilise comme des instruments à part entière plutôt que des cache-misère, et qu'ils servent souvent à souligner son esthétique plutôt qu'à la diluer pour du cash. En cela, il suit la méthode de West à la lettre, réunissant une armée de gens hyper talentueux pour faire émerger des idées et fructifier une vision très personnelle avec une direction artistique indéniable.

  Ce troisième album, Astroworld, énorme succès commercial et critique, est un hommage à un ancien parc d'attraction texan, qui a fermé lorsque Scott était petit, et à travers ça un hommage au rap du Sud et en particulier de Houston, qui l'a bercé et formé. Le meilleur morceau du disque, "RIP Screw" rend d'ailleurs un hommage direct à DJ Screw, pionnier d'un hip-hop psychédélique, avec une distance très respectueuse et vis-à-vis de son modèle qu'il honore par des audaces de production bluffantes. Un morceau d'anthologie à écouter absolument au casque.

Travis Scott - Stop Trying To Be God (Clip, 2018)

  Les tubes absolus se succèdent : "Stargazing", "Sicko Mode" (montagne russe composée de trois beats collés ensemble et propulsés par Drake et Scott). Les collaborations sont fructueuses : exceptionnel "Carousel" avec Frank Ocean, magnifique "Stop Trying To Be God", désarmant de beauté grâce en partie aux choeurs de Kid Cudi, à l'harmonica de Stevie Wonder et au chant de James Blake. Avec ce morceau, il arrive à un magnifique crossover pop/rap, lui qui a une esthétique assez rock - ce qui se traduit par des concerts d'anthologie. La merveilleuse "Skeletons" composé avec Kevin Parker de Tame Impala, les guitares de "Wake Up" et "Coffe Bean" vont également dans ce sens. 

  A l'image de ces derniers titres, une ambiance psychédélique se dégage régulièrement de la musique de Scott, sur "Astrothunder", co-produite par Thundercat, Frank Dukes, John Mayer et Vegyn dans un style que ne renierait par Pi'erre Bourne. Mais aussi sur "Butterfly Effect" et "Yosemite" avec Gunna, qui emploie une guitare sèche et de petits synthés qu'on jurerait sortis d'un vieux Zelda

Travis Scott - YOSEMITE (Clip, 2018)

  Même les bangers trap ("No Bystanders", "NC-17", "Can't Say", "Who? What!", "Houstonfornication") sont gavés de bonnes idées de production. Et quelques autres morceaux sortent du lot, comme la dramatique "5% Tint", avec son piano sombre et son ambiance dub et gothique. 

  Pour faire court, cet album est une petite bombe, enchaînant les tubes et les audaces créatives de manière effrénée, malgré un dernier tiers un peu en dessous. C'est un des disques les plus épatants de l'année, et derrière son esthétique marrante (cf les clips qui ne se prennent pas au sérieux) de fête foraine, il offre son lot de sensations fortes musicalement parlant. Ce kaléidoscope d'influences propulsées par une volonté de faire bien et neuf donne, à l'aide d'une équipe de collaborateurs de qualité, un grand album qui ne se contente pas de saisir le son de l'époque mais qui l'impose. On attend du très, très grand dans la suite des aventures discographiques du jeune Travis Scott et de Mike Dean.

Travis Scott - BUTTERFLY EFFECT (Clip, 2018)

Mes morceaux préférés : Stargazing, Astrothunder, 5%Tint, Sicko Mode, RIP Screw, Stop Trying To Be God, Yosemite, Carousel, Skeletons

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Alex


  

mercredi 19 décembre 2018

Playboi Carti - Die Lit (2018)



  Deux choses très intéressantes rendent ce disque vital. Premièrement, l’énergie punk de Playboi Carti, qui caractérise le Soundcloud rap dans son ensemble : amateurisme total assumé, aucune peur de la répétition, tout est fait au charisme «don’t give a fuck», et ça marche : les concerts sont complets, les foules très jeunes pogotent, suent et hurlent avec l’artiste (à l'imgae de le pochette pleine d'énergie). Mais le deuxième atout, c’est la production novatrice de Pi’erre Bourne, présent ici sur 15 des 17 titres. Avec des synthés qui doivent davantage à l’électro-pop psychédélique de MGMT et aux BO des vieux Zelda qu’à la production hip-hop, ses beats extravagants à la structure éclatée mais pop font des merveilles. A vrai dire, Carti n’a pas grand-chose à faire tant les prods sont déjà excellentes, et il est davantage utilisé comme un instrument de plus que comme le centre de l’attention ici. Ad-libbant plus qu’il ne rappe, il est cependant tout à fait à l’aise sur ces beats peu orthodoxes sur lesquels beaucoup se casseraient les dents, et le duo producteur/rappeur fonctionne ici à merveille.

  Les morceaux les plus oniriques (« Long Time », « Lean 4 Real », « Right Now », « FlatBed Freestyle ») sont aussi réussis que les gros bangers (« RIP », qui tabasse sévère en faisant du surplace,  « Pull Up », « RIP Fredo »), et l’entre deux est bien négocié (« Old money », « Love Hurts », « Home (KOD ) », « Foreign », « TOP »). 

Playboi Carti - R.I.P (Clip, 2018)

  Les invités (Skepta, Travis Scott, Lil Uzi Vert, Bryson Tiller, Chief Keef, Gunna, Young Nudy, Red Coldhearted, Bourne lui-même) apportent une diversité vocale bienvenue tout en étant tous tout à fait à leur place ici, mention particulière à Nicki Minaj qui sonne particulièrement à l’aise sur ces prods, au point qu’on aimerait bien entendre un projet d’elle entièrement produit par Bourne. Sa collaboration sur « Poke It Out » fait partie des grosses réussites plus pop de l’album, avec « Mileage », possédant elle aussi un gimmick synthétique entêtant, « Shoota », et la magnifique « Fell In Luv » qui fait pesner aux plus belles prods du classique Barter 6 de Young Thug

Playboi Carti & Nicki Minaj - Poke It Out (2018)

  On part même parfois presque sur de la trap'n'b (« No Time », « Middle Of the Summer ») tant la douceur pop du son enrobe ces morceaux aux prods envoûtantes.

Playboi Carti & Young Thug - Choppa Won't Miss (2018)

  Belle synthèse de tout ça, « Choppa Won’t Miss » sonne comme un concours de l’ad-lib la plus pétée, entre Carti et Young Thug justement, sur une musique proche de la BO d’Ocarina Of Time sous marijuana. C’est à la fois ludique, hypnotique, fun et mélancolique.

  L’album dans son ensemble est donc une sacrée réussite, et le duo Carti/Bourne prouve qu’il est à la pointe de ce qui se fait de plus fun, obsédant et cool dans la trap, versant psychédélique et pop. Un petit bijou WTF à découvrir absolument.

Mes morceaux préférés : Long Time, RIP, Poke It Out, Mileage, Fell In Luv, Choppa Won’t Miss, Lean 4 Real, Foreign

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Alex


dimanche 16 septembre 2018

Le Bilan de l'été 2018


  Je vous livre en retard un bilan court, qui remplace les Tops du Mois pour cet été, en attendant je l'espère un Bilan de la rentrée plus conséquent !

BILAN ALBUMS :

On a adoré :


The Internet - Hive Mind
USA
Nu-Soul, Pop, Rnb, Hip-Hop, Soul, Funk, Psychédélisme, Jazz, Electrofunk
Lien vers la chronique
     Après de nombreuses aventures solo leur ayant permis d'étendre leur palette musicale tout en gardant une certaine cohésion (ce "Hive Mind"), The Internet s'est donc réuni pour donner une suite à leur discographie. Le groupe y sonne comme une entité unique et riche, à la fois ultra moderne (tous ses membres étant demandés par les plus grands) et intemporel, sachant mêler les styles, les influences et les instruments pour en faire leur sauce. Chaque morceau possède un univers sonore unique, un groove et une mélodie immédiatement identifiables. Et surtout, la somme des talents d'interprétation des instrumentistes et chanteurs.euses donnent vie à une myriade d'idées, de la composition à la production en passant par les arrangements, faisant de ce disque un grands album pop. 
Mes morceaux préférés : Come Together, La Di Da, Roll (Burbank Funk), Look What You Started, Stay the Night, Wanna Be


Future - BEASTMODE 2
USA
Rap, Hip-Hop/Rnb, Mumble Rap/Trap, Pop, Electro-Pop Jazz, Blues
Lien vers la chronique
  Ce qui s'annonçait comme une petite mixtape sans grandes ambitions se révèle être une oeuvre majeure de Future, à la hauteur de ses meilleurs disques, sans doute au-dessus du premier BEASTMODE (2015). Profitant d'un instinct pop intact et de la virtuosité de Zaythoven au piano, Future accouche d'un disque tirant le meilleur parti de sa concision (9 titres seulement, une bénédiction pour un disque de rap mainstream) et de la diversité des ambiances sonores abordées au sein d'un projet par ailleurs cohérent thématiquement, à l'instar d'EVOL (2016). Bref, c'est un magnifique disque.
Les meilleurs morceaux : WIFI LIT, RACKS BLUE, RED LIGHT, WHEN I THINK ABOUT IT
A écouter sur Spotify, Youtube et Deezer

Thee Oh Sees - Smote Reverser
USA
Rock Progressif, Psychédélisme, Krautrock, Garage, Hard Rock, Pop, Folk, Punk, Blues, Soul-Funk
Lien vers la chronique
  Cet album est (encore) une éclatante réussite artistique pour Dwyer, un autre très, très bon album qui fait honneur à une discographie gargantuesque et qualitativement impressionnante. Les influences venues du garage, du hard et du psychédélisme se mêlent à merveille à une pop-folk nocturne volontiers accompagnée de touches électroniques et glam rock, assaisonnée de soul, de blues et de funk, dans un mélange rendu cohérent par une approche inclusive des différents genres musicaux venue du rock progressif et du krautrock, les deux genres qui forment la matrice de cet album. A écouter absolument.
Mes morceaux préférés : Sentient Oona, C, Beast Quest, Moon Bog, Last Piece
Lien Spotify / Lien Deezer 


Travis Scott - Astroworld
USA
Hip-Hop/Rap, Trap, Pop, Mumble Rap, Psychédélisme, Rnb, Electronique, Rock, Soul
  Un album renversant par son ambition, son ampleur sonore et sa luxuriance (avec un nombre d'invités record), ce disque qui donne le tournis mise tout sur une production impeccable qui aboutit à un grand disque malheureusement un poil terni par un dernier tiers moins inspiré pas à la hauteur de l'uppercut du début de l'album. Néanmoins, on a là quelques-uns des plus bons morceaux de l'intriguant Travis Scott, qui poursuit sa voie assez unique dans la pop avec un magnétisme et une volonté d'expérimentation intacte.
Mes morceaux préférés : Stargazing, Carousel, Sicko Mode, R.I.P Screw, Stop Trying To Be God, Skeletons, 5%TINT, Astrothunder
Lien Spotify / Lien Deezer




The Carters - Everything Is Love
USA
Hip-Hop/Rap, Pop, Mumble Rap, Rnb, Soul/Funk/Gospel, Trap
  Cet album aux ambitions artistiques relativement modestes si on les compare à la comm entourant sa sortie s'en sort pourtant très bien, avec quelques instrumentaux magnifiques ("SUMMER"), une Beyoncé qui se lâche un peu plus que d'habitude et un Jay-Z au sommet de sa forme, capable de raps épiques comme à l'époque du Black Album (sur "BLACK EFFECT" par exemple). Finalement, une très bonne surprise, un album solide et fun. 
Mes morceaux préférés : SUMMER, APESHIT, BOSS, NICE, 713, HEARD ABOUT US, BLACK EFFECT
Lien Spotify / Lien Deezer


Mac Miller - Swimming
USA
Hip-Hop/Rap, Pop, Soul/Funk, Nu-Soul, Psychédélisme, Rnb
  Ce disque a pris une teinte plus sombre depuis le décès tragique de son auteur par overdose. Je commençais à apprécier Mac Miller, le rappeur/chanteur/producteur finalement plus intéressant que ce que je pensais en ayant entendu un single de son précédent album.  Sur cet album, entouré du génie Thundercat, il avait maîtrisé à merveille le funk liquide et psychédélique, descendant en ligne directe de la nu-soul, du P-Funk et de J Dilla, qui a fait le sel des dernières sorties de Flying Lotus, Thundercat, The Internet, mais aussi de MNDSGN ou de To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar. On entend le soin apporté pour donner une personnalité à chaque morceau, et c'est ce qui fait de ce disque une si belle réussite.
Mes morceaux préférés : Come Back To Earth, Hurt Feelings, What's The Use, Perfecto, Self Care, 2009, So It Goes
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On a bien aimé :


Freddie Gibbs - Freddie
USA
Hip-Hop/Rap, Trap, Pop, Rnb, Electrofunk
  Cet album oscille entre bounce G-Funk (hommages multiples sur "Death Row" empruntant son lead à Eazy-E et son nom au label de Dre) et trap implacable avec un petit côté Future voire un peu d'inspiration grime dans son flow ("Set Set"). Lorsque c'est réussi, comme sur les quelques morceaux listés ci-dessous, ça défonce, dommage que le reste soit un peu en pilotage automatique car on aurait eu un incroyable EP avec ces quelques tracs facassantes. 
Mes morceaux préférés : Weight, Death Row, Triple Threat, FBC
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YG - Stay Dangerous
USA
Hip-Hop/Rap, Pop, Rnb, Electrofunk, Trap
  On tient là un rappeur capable du meilleur (les deux derniers albums de YG sont des chef-d'oeuvres du genre, parmi les meilleurs de la décennie), mais dans une position paradoxale : ici, pas d'ambition, juste des gros bangers produits par son comparse des débuts, DJ Mustard. Et en appliquant de vieilles recettes, on tombe un peu dans l'écueil de l'album "efficace mais peu inspiré, un peu en pilotage automatique". Ça n'est jamais mauvais, mais c'est rarement brillant. Pas très grave, mais un poil décevant. Restent une poignée de singles simples mais jouissifs, et quelques morceaux plus profonds, presque miraculeux, semblant échappés de Still Brazy, étrangement placés plutôt en fin d'album. Et c'est déjà bien pour cet album de transition, qui s'apprécie comme une bonne compile d'inédits destinée aux initiés.
Mes morceaux préférés : 10TIMES, HANDGUN, TOO COCKY, BIG BANK, POWER, TOO BRAZY, PUSSY MONEY FAME, DEEPER THAN RAP, BOMPTOWN FINEST
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Drake - Scorpion
Canada
Hip-Hop/Rap, Pop, Rnb, Electropop, Trap
  Contenant quelques bons morceaux, cet album est cependant le pire du Drake post-Take Care. Etirant la durée d'écoute sans le construire en fonction de cette longueur, et préférant le saturer de morceaux moyens plutôt que de trancher, il joue avec la patience de l'auditeur et perd à tous les coups. Drake arrive même à juxtaposer des morceaux de façon moins cohérente que sur sa mixtape internationale de l'an dernier, More Life. Malgré tout ça, il est entouré de tant de talent, notamment dans la production, que ce disque reste attachant grâce à ses bon morceaux, certes un peu planqués dans la masse mais bien présents. Entre le mauvais goût présent sur certains bons morceaux (mettre un vocal inédit réanimé façon Simetierre de Michael Jackson par exemple), et bonnes idées de prod sur des morceaux plus faibles, on s'y retrouve quand même, plutôt en écoutant le disque comme une compilation, piochant un morceau de temps en temps. Pour ne pas gâcher le talent de ses producteurs, un peu de vision artistique ne serait pas de trop la prochaine fois, même si apparemment ça ne gêne pas le commerce.  
Mes morceaux préférés : Survival, Nonstop, Elevate, Emotionless, God's Plan, Summer Games, Peak, Nice For What, Don't Matter To Me
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Nicki Minaj - Queen
USA
Hip-Hop/Rap, Pop, Rnb, Electropop, Mumble Rap/Trap
  La sortie de cet album s'est accompagnée de pas mal de drama, dont Nicki Minaj est en partie responsable (ces actions étant néanmoins poussées par le racisme et la misogynie du milieu quand même) ne rendant pas forcément justice à sa qualité. En effet, que ce soit dans un style plus pop ou plus rap (pas d'EDM dieu merci !), c'est probablement son LP le plus abouti à ce jour. Le chant est touchant, les raps incisifs, bien écrits, scandés avec un flow élastique dans lequel on entend un sens du fun assez old school, notamment lorsqu'elle détourne Notorious BIG sur "Barbie Dreams". Mais même dans un style plus moderne et incisif, à la limite de l'atonalité, influencé par la trap, elle impressionne par son rap sans pitié plus que jouissif, aboutissant à des morceaux blockbuster comme "Hard White" ou "Chun-Li". Les morceaux les moins réussis étant souvent les plus commerciaux, et particulièrement les collaborations avec de gros noms, on se prend à rêver d'un album concis, rempli de ces morceaux plus resserrés, débarrassés de l'excès, alignant raps acerbes et refrains pop à la fragilité émotionnelle évidente. Même si c'est encore un peu dilué, on s'en rapproche en tous cas.
Mes morceaux préférés : Ganja Burn, Barbie Dreams, Hard White, Chun Swae, Chun-Li, Miami, Coco Chanel
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Alex






lundi 20 août 2018

Les Chansons de l'été : DJ Screw & E.S.G - Sailin' Da South (1996)


  Cet été, on vous fait replonger dans un déluge de chansons estivales sur LPAE. C'est vraiment chouette, c'est une rubrique qu'on fait tous les ans depuis un an, et ça s'appelle tout simplement "Les chansons de l'été", et ça vous permettra de savoir quoi mettre lorsque ce sera à votre tour de lancer un stream pendant le barbecue sur la plage

  Sorti en 1996 sur 3 'N The Mornin' Part Two, ce morceau de bravoure de DJ Screw porte bien la patte musicale de son auteur : ce chopped and screwed  psychédélique qu'a popularisé E.S.G. qui a posé les bases de cette track samplant son propre travail. DJ Screw était un visionnaire, et ce morceau pionnier, dense et épique montre l'étendue folle de son talent, de sa vision artistique, et sa sensibilité unique. 

  En tous cas, bravo à Travis Scott, qui a permis de faire redécouvrir cette légende de Houston, sa ville natale, en lui rendant hommage dans son superbe album Astroworld (2018) à travers ce qui en est probablement le meilleur morceau : "RIP Screw", en écoute ci-dessous (avec Swae Lee au chant). Musicalement, il garde respectueusement une légère distance vis-à-vis de son modèle tout en en gardant les traces, et les audaces de production d'un goût sûr et d'une réelle profondeur rendent cet hommage aussi sincère et beau que touchent. 


Alex

mardi 1 novembre 2016

Travis Scott - Birds In The Trap Sing McKnight (2016)


  J'avais beaucoup aimé son Rodeo de l'an dernier, entre digne successeur des ténèbres du Yeezus de Kanye West et intuition mélodique folle ("Antidote"!). Et ce nouveau projet ne me déçoit pas du tout. Scott est à l'aise en tant que producteur et ça se sent, ses beats sont subtils, mélodiques, bruts et sophistiqués, sombres et obsédants. Il se balade dans un océan d'autotune bien gérée, délivre motif catchy sur motif catchy, et gère ses invités aussi bien qu'un Kanye West. André 3000 fait des merveilles sur le magnifique "The Ends", Kid Cudi sur "Through The Late Night", Young Thug sur "Pick Up The Phone",etc... et même (miracle!) l'irritant Bieber se change en rappeur trap convaincant sur la très bonne "Beibs In The Trap". Un miracle qui vaut bien celui de West, qui a réussi cette année à me faire aimer un chant de Chris Brown sur "Waves".

  Absolument tous les titres sont de très bonne facture. Et le côté rock et saturé de la production très soignée, toujours originale et ultra bien bossée, ajoute à la profondeur de l'ensemble et place Scott bien au dessus de la mêlée, que ce soit pour ses tubes qui donnent envie de sauter partout ou pour ses bangers sombres. Et marque une étape de plus dans le parcours sans faute du rappeur/producteur. Et en plus il a été numéro 1 des ventes, il a donc contribué à l'amélioration de la qualité de ce qu'écoute l'auditeur moyen (ce qui est un exploit!). Bref, une réussite ! A écouter ici.

Alex