Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes
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lundi 12 décembre 2016

Perfect Week (Jeu Interblogs) - Lundi Motivation



  Cette semaine, nous participons au jeu interblogs PERFECT WEEK, lancé par El Norton sur Last Stop ? This Blog !. Les règles du jeu ? Pendant une semaine, un thème par jour est attribué, à charge aux blogueurs de proposer un morceau correspondant à ce thème (règlement complet ici).

Lundi 12/12 - Motivation : La chanson parfaite que l’on écoute le lundi matin, au moment du café ou dans la voiture pour aller au boulot, afin de nous donner l’énergie nécessaire pour affronter une semaine éprouvante.

E : The Beach Boys - I Get Around (1964)
Rien de mieux qu'une louche de naïveté et une pincée de rébellion juvénile, en enrobant le tout d'une pop mélodieuse et aguicheuse, pour commencer la semaine en folie. J'ai nommé les Beach Boys et leur "I Get Around" !

A : The Crusaders - Street Life (1979)
Le lundi matin, faut commencer en douceur. Avec les claviers, le saxo et les délicates percussion du début de morceau, on atteint le bon dosage. De discrètes cordes accompagnent ensuite la délicieuse voix soul de Randy Crawford. Le rythme se fait funky, la progression est parfaite pour lutter contre la grisaille du matin, se mettre d'humeur progressivement. Le crescendo est parfait, à mesure que la caféine fait son effet, les cuivres et la voix se font plus pêchus, et on a l'impression d'être Jackie Brown en prenant les transports en commun. "Street Life", ou comment commencer la semaine de bon pied.

Alex & Etienne

vendredi 13 mai 2016

The Beatles - Beatles For Sale (1964)


  Comme nous l'avons vu, l'album précédent des Beatles, A Hard Day's Night, sorti la même année, représentait pour le groupe à la fois leur premier chef-d'oeuvre inattaquable de bout en bout, et le point culminant de la Beatlemania. Mais après la fête vient la cuite du lendemain. Ce sont des Beatles exténués et au bout du rouleau physiquement et mentalement qui enregistrent ce 4e album, Beatles For Sale. Moins percutant, reposant sur beaucoup de reprises, moins homogène en termes de qualité, cet album est souvent un des moins aimés de la discographie des 4 de Liverpool. Pourtant, à mon humble avis, c'est sûrement le plus sous-estimé de leurs albums, et il est à des années lumières de mériter une si mauvaise réputation. Nous allons donc voir en quoi ce disque est une perle et en aucun cas un raté.

  Déjà, la doublette qui entame l'album est immaculée. "No Reply" fait partie des classiques du groupe, c'est une grande chanson pleine d'émotion et de rage, très classe dans ses arrangements acoustiques, avec là encore un piano qui soutient énormément l'ensemble. D'ailleurs, en écoutant tous ces petits arrangements tellement précis, quasi chirurgicaux, on comprend mieux l'obsession de nombre de groupes de pop indé avec les petits détails d'arrangement qui participent à la force de ces chansons intemporelles. 

  La deuxième partie de cette superbe doublette est la très Dylanienne "I'm A Loser", qui après la 1ere nous montre qu'émotivement ce grand écorché vif de Lennon (secondé par McCartney) n'était pas en grande forme sur le moment. Mention spéciale au magnifique solo de guitare sur le pont du morceau et repris à la fin (sans doute Harrison, j'ai pas revérifié). McCartney & Lennon poursuivent en duo avec "Baby's In Black", troisième composition du duo et très bonne chanson pop, pas aussi incroyable que les deux premières, mais que j'ai toujours beaucoup aimé (le thème du texte est assez original).




  Puis on a une reprise efficace et toute en énergie du "Rock And Roll Music" de Chuck Berry par John, grand admirateur de rockabilly devant l'éternel. Un classique de leur set live réutilisé ici faute de temps pour composer plus d'originaux pour cet album, entre les tournées, le film et l'album précédents. Mais une bonne reprise ceci dit. Un autre classique à mi-chemin entre Northern Soul, presque gospel dans la pureté, et folk/pop, avec le magnifique "I'll Follow The Sun" de McCartney, une magnifique magnifique magnifique chanson, une de mes préférées de Macca. C'est d'une simplicité, d'une beauté et d'une pureté telles que l'évidence est là : c'est un classique. Un classique méconnu, comme la plupart des chansons de cet album. Une perle, vous disais-je !

  Ensuite, Lennon reprend "Mr Moonlight", là encore la reprise vaut le coup pour son chant écorché et son ambiance rock plus raw et sombre qu'à l'accoutumée (les percussions, l'orgue). Macca donne dans le medley avec "Kansas City / Hey-Hey-Hey-Hey" prouvant que lui aussi admirait le rockab' et pouvait tout déchirer dans le genre. Et aussi qu'il avait bon goût car reprendre (et donc reconnaître le talent de) Little Richard est toujours preuve d'un esprit clairvoyant, ce type est au moins aussi important qu'Elvis, Jerry Lee ou Chuck, mais injustement mésestimé. Comme cet album des Beatles, mais vous commencez à voir où je veux en venir avec ça...

  Le single "Eight Days A Week" chanté et écrit par John signe le retour des compositions des Beatles. C'est un single imparable, qui fait hailement la synthèse entre les hits pop évidents des débuts et la période folk/pop voire psyché qui se dessine, un morceau charnière (écoutez cette intro). Et cette soul dans la voix de John, ce feeling, cette fêlure aussi... On sent aussi dans cet album, encore plus que dans le précédent, la maturité artistique des Beatles monter. Ils se permettent d'être plus expressifs en en faisant moins, apprennent l'art du dosage, de la retenue et gagnent en subtilité et en profondeur et de morceau en morceau. Le morceau suivant, une reprise de "Words Of Love" de Buddy Holly (un autre grand sous-estimé), se situe entre country-folk et carrément proto-psychédélisme et illustre à merveille ce que je viens de dire, là grâce à Dylan les Beatles participent en direct à inventer le folk rock et le psychédélisme avec ces guitares acides, ces choeurs et ces percus. 

  Après les deux leaders, Ringo donne à son tour dans le rockabilly tendance country/folk (signé Carl Perkins, encore un génie oublié du grand public) avec un "Honey Don't" pour lequel j'ai toujours eu beaucoup d'affection. Et un bon petit solo de guitare concis.




  Retour aux compositions avec "Every Little Thing", chantée en duo, qui là aussi préfigure bien l'aspect folk/rock. Une vraie petite merveille de chanson, avec là encore des arrangements divins. Dans la même veine, "I Don't Want To Spoil The Party" est absolument géniale, une merveille à la Byrds. Ce folk-rock réussit définitivement beaucoup à nos 4 Beatles, qui arrivent à exprimer davantage d'émotions de façon plus prenante et subtile qu'auparavant, et gagnent en finesse musicale à vitesse grand V. C'est confirmé avec le "What You're Doing" qui a du bien inspirer Big Star et en particulier Chris Bell. Une merveille de pop folkisée, avec ce motif de guitare incroyable carrément proto-psychédélique. Un autre classique du groupe, méconnu.

  On finit avec la chanson rockab de George Harrison, il avait bien le droit à la sienne aussi. Ce sera "Everybody's Trying To Be My Baby", encore de Carl Perkins.

  Si on enlève les morceaux et les reprises un peu moins bonnes et qu'on ne garde que les classiques intemporels, on a 8 morceaux. 8 chef-d’œuvres intemporels. Ca ne fait pas un grand album selon vous ça ? D'autant plus que ces morceaux confirment la voie esquissée sur certaines chansons de A Hard Day's Night, la direction vers le psychédélisme en passant par le folk. Ca ils ne le savent pas encore, mais en s'ouvrant davantage à d'autres musiques, ils viennent non seulement de trouver un moyen d'expression plus vaste mais aussi de poser la première pierre vers leurs futures révolutions musicales. Avec le précédent, ils ont mis le monde et la concurrence à leurs pieds, maintenant ils commencent à prendre le large et distancer tout le monde. Et cet album est une étape importante dans la maturation de ce groupe qui sera amené à devenir le plus grand et le meilleur groupe de pop et de rock de tous les temps. C'est donc un grand album, et en tous cas ce n'est pas un album à ignorer à la légère.

Merci pour votre lecture, et pour vos commentaires 

Alexandre

vendredi 6 mai 2016

The Beatles - A Hard Day's Night (1964)


  Vous vous souvenez qu'à propos des deux premiers albums des Beatles, je disais qu'ils étaient bien au-dessus de la norme des albums pop, tant par leur qualité homogène que par leur personnalité forte (majorité de compositions, débuts d'expérimentations avec les arrangements) ? Et bien avec ce troisième, tout cela aboutit à un premier chef-d'oeuvre, tout simplement.

  Avec cet album, on est en plein coeur de la Beatlemania. Les States ont succombé après le deuxième album, le film qui illustre ce disque, aussi nommé A Hard Day's Night, fait un carton, les filles crient encore plus fort et plus longtemps à chaque apparition publique supplémentaire des Fab Four. 




  Concernant les morceaux, c'est John qui démarre fort les hostilités avec la chanson titre irrésistible et d'une énergie folle, le genre de power pop avant l'heure dans laquelle excellait Lennon à l'époque. Puis avec une réminiscence des premiers albums, "I Should Have Known Better", et son harmonica. Cependant, si elle rappelle les premiers albums, elle ne fait que renforcer l'idée que le groupe a fait un pas de géant avec cet opus... Cette guitare cristalline, le chant de Lennon, la synergie du groupe... Tout cela a gagné en intensité et en efficacité, le groupe a pris du coffre et ça s'entend. On continue avec la magnifique ballade "If I Fell", partagée avec McCartney pour des choeurs magnifiques. Là encore, que ce soit dans les voix, la structure du morceau ou la composition, cette ballade est au-dessus de celles des albums précédents, sans problèmes. Et elles étaient déjà magnifiques au possible, celles des albums précédents. 

  Un autre titre irrésistible, "I'm Happy Just To Dance With You", emportée avec classe par un Harrison en grande forme, avec des particularités très sympa : la reverb sur le chant, et surtout cette guitare obsédante... Mi-funky avant l'heure, mi-tranchante, elle anticipe les Smiths, le post-punk et Franz Ferdinand, qui ont dû prendre des notes à l'écoute de ce morceau, pour sur. Macca nous ressort la ballade "And I Love Her", avec des effluves moins anglaises et plus continentales. On imaginerait bien un clip à Venise, Paris ou Barcelone. Très bon.

  Ensuite, viennent deux autres morceaux de power pop incroyables pour clore cette extraordinaire face A, le "Tell Me Why" de Lennon, toute en énergie là encore (le glam et le punk s'en souviendront), et soutenue par un piano qui fait un job remarquable pour soutenir le morceau, et une guitare presque crade assez jouissive. Puis c'est au tour de Macca avec "Can't Buy Me Love", là encore un single imparable.




  Et la face B reprend avec "Any Time At All" et son énergie très Who avant l'heure (on entend presque Daltrey dans le chant de Lennon dans le refrain, un an avant la sortie du premier album des Who). Si la guitare cristalline du refrain eût été un peu plus grasse, on aurait sûrement eu le hard rock quelques années plus tôt... Là encore, John hurle à merveille, la synergie acoustique/électrique et section rythmique / mélodies fait mouche, et les idées d'arrangements géniales sont bien là, comme ce fantastique piano.

  John ressort le coup de la chanson américaine avec le "I'll Cry Instead", bonne chanson uptempo entre pop, country-folk et R&B. Pas la plus inoubliable de l'album, mais elle reste de bonne facture et est tellement courte (1'46") qu'elle n'a pas le temps de diminuer la qualité globale du disque. D'ailleurs à ce sujet, les chansons ici sont racées, compactes, courtes, designées. On reste en effet sur des morceaux d'1'45" à 2'35" grand max. C'est de la pop pure, de la pop en barre. 

  Macca revient pour son dernier tour de piste avec "Things We Said Today", là encore formidable morceau acoustique et électrique, et là encore saluons les guitares acoustiques et le piano, ainsi que la section rythmique implacable. Puis Lennon nous offre un "When I Get Home", là encore très sauvage, entre Rythm&Blues et proto-garage. On comprendra pourquoi les américains, en entendant les Beatles, feront du garage, tout est là : riff, grosses guitares, beat de batterie très lourd, chant crié. Ce morceau est excellent. Tout aussi énervé dans le chant, moins dans la musique (sauf avec l'irruption des merveilleuses guitares saturées en fin de morceau), vient ensuite le "You Can't Do That" de Lennon. Puis la ballade finale lennonienne, "I'll Be Back", fonctionne comme le "And I Love Her" de Macca, une belle ballade continentale au refrain tire-larme et aux guitares acoustiques magnifiques. 




  Pour résumer, on a un album uniquement composé de morceaux originaux,  tous meilleurs les uns que les autres, presque sans aucune faiblesse, avec une interprétation magnifique. Porté par Lennon, cet album est compact, efficace, énergique et sauvage. Il préfigure grâce au chant écorché de Lennon, aux guitares saturées et à la frappe massive de Ringo les sauvages des sixties (les Who, les Troggs, le garage rock). Mais aussi grâce aux guitares acoustiques et aux guitares électriques 6 et 12 cordes cristallines de Harrison, les merveilles futures des Byrds et du folk-rock. Les arrangements sont plus fouillés, les chansons ont une ossature plus solide, souvent renforcée par les pianos de George Martin ou McCartney. Bref, le premier grand chef-d'oeuvre absolu des Beatles, un condensé de tout ce que la pop du début des sixties peut offrir de plus généreux, énergique, créatif et beau. 


Foncez découvrir ou réviser ce classique :

Lien Spotify


Merci pour votre lecture, n'hésitez pas à donner votre avis en commentaires



Alexandre

mercredi 9 mars 2016

George Martin (& His Orchestra) - Off The Beatle Track (1964)

  



  Petite pause dans la séquence Beatles (quoi que pas tellement...) pour rendre un petit hommage à l'immense producteur et musicien qu'était George Martin qui nous a quitté aujourd'hui, je vous invite à (ré)écouter cet excellent album de reprises jazz des chansons des premiers albums des Beatles.

  Sans lui, le 5e Beatle, sûrement point autant d'audaces en studio, de fantaisies symphoniques, d'effets sonores, de sophistication des arrangements, de finesse sonique. La pop en général lui doit beaucoup, beaucoup, beaucoup. Quand il aida les Beatles à signer leur premier contrat, puis en les produisant, lui l'homme de musique classique a fait preuve d'une ouverture et d'une clairvoyance peu commune dans le milieu, saisissant la pureté et la beauté d'une nouvelle forme d'art en train de naître et d'un trio (allez Ringo, on peut même dire quatuor rien que pour ton "Octopussy's Garden" enchanteur) de compositeurs majeur doublé d'un groupe à l'interprétation incarnée. Sans cette collaboration trans-musicale, la musique populaire aurait un tout autre visage aujourd'hui, bien moins radieux sans aucun doute.

  Cet album est un petit délice de légères reprises jazz des tubes pop des 1ers Beatles, et il est enchanteur pour les néophytes comme pour les plus ardents fans des Fab Four.

RIP au 2e grand George des Beatles. Et merci pour tout.



Alexandre


lundi 7 juillet 2014

Pete Drake And His Talking Steel Guitar - Forever (1964)

 
 
  Un classique, que dire de plus ? Avec sa Talking Steel Guitar, Pete Drake était (sans le savoir ?) un pionnier du son. 1964 ! C'est fou quand on écoute ça non ? Les prémices de la talkbox, à la Zapp & Cie, des triturations vocales omniprésentes désormais (Kraftwerk, Daft Punk, Moroder, le vocoder, l'auto-tune, James Blake, même Coldplay et Bon Iver...), mais incroyables à l'époque. Exceptés quelques chercheurs de sons barrés et géniaux (Joe Meek...). En revanche, niveau genre musical, ici on ne fait ni de l'électro, ni du funk synthétique mais de la pop américaine (doo-wop/country/folk). Et il ne s'agit pas que d'un gadget sonore, le morceau est très bien composé, arrangé et interprété. C'est de l'orfèvrerie pure.
 
La grande classe.
 
Filez m'écouter ça.
 
 
Alex

dimanche 15 juin 2014

Stan Getz & João Gilberto - Getz/Gilberto (1964)

 
Stan Getz & João Gilberto - Getz/Gilberto (1964)
 

 
 
  Disque mythique s'il en est, ce disque fut enregistré en 1963, paru en 1964, et réunit un sacré line-up. Je dirais même un line-up sacré, tant ses membres sont des légendes, individuellement. Jugez plutôt :
 
Stan Getz, saxophoniste américain, surnommé The Sound, et adulé par Coltrane. Ca pose le personnage. Carrière hors-norme, en quantité comme en qualité, et de façon variée. Ce personnage, ouvert et curieux, désireux de chercher et d'explorer avant tout, abordera nombre de genres musicaux différents.
 
João Gilberto, chanteur et guitariste brésilien, pionnier des pionniers de la bossa nova, et figure tutélaire du genre.
 
Antônio Carlos "Tom" Jobim, célèbre compositeur et arrangeur brésilien, autre père de la bossa nova, et auteur, seul ou en collaboration, d'un nombre hallucinant de grands classiques du jazz. Il est ici à la composition et au piano.
 
  Et puis Astrud Gilberto, la femme de João, qui fait ici ses débuts en tant que chanteuse, sur deux titres. N'oublions pas Sebastião Neto à la contrebasse, Milton Banana à la batterie, et Vinicius de Moraes, considéré comme le meilleur parolier du genre.
 
 

Gilberto, Jobim, et Getz.
 
 
  Mais comme chacun le sait, en musique le casting ne fait pas tout, même si en jazz, cet adage perd un peu de sa pertinence. Le fait est que ce line-up a accouché d'un des albums les plus mythiques du jazz. C'est véritablement un disque qui a changé à jamais la face de la musique moderne. En effet, il connut un succès commercial considérable, et quelque peu inattendu (même si il s'agit d'une musique assez accessible car très mélodique). On en parle même comme du disque jazz le plus vendu de tous les temps. Ce succès commercial et critique (Grammy Awards...), donc, va faire connaître au grand public, mais aussi à énormément de musiciens à travers le monde ce qu'il se passe musicalement au Brésil au début des années 60, c'est à dire la bossa nova. Que l'on peut résumer à un genre de samba ralentie pour laquelle la mélodie prime avant tout. Le son est souvent très clair, pur, l'orchestration minimaliste, et les chansons sont accompagnée d'un rythme caractéristique à la guitare acoustique, parfois substituée ou accompagnée par un piano.
 
  Par cette alliance de cool jazz et de bossa nova assez novatrice, Getz, Gilberto et Jobim ont réussi à populariser la musique brésilienne d'une façon spectaculaire à travers le monde, diffusant partout ce son qui en inspirera beaucoup, et malheureusement aussi quelques suiveurs qui feront pas mal de tort à cette musique, mais c'est le jeu.
 
  Ce succès monstrueux, on le doit surtout aux deux titres chantés en partie par Astrud Gilberto, à savoir Corcovado, mais surtout la célèbre (j'ai presque envie de parler de tube) The Girl From Ipanema, qui deviendront dans ces versions des standards du jazz. Chantées en partie en anglais, ce qui facilitera l'exportation de ces chansons.
 
 
 
Getz et Astrud Gilberto
 
 
  Ce morceau mythique, The Girl From Ipanema, a été composé par Jobim, lui-même carioca (habitant de Rio), qui a demandé à de Moraes d'écrire des paroles d'après ses observations sur la célèbre plage, et sur la femme idéale selon lui. 
 
  Et en 5 minutes et des poussières (d'étoiles), elle résume bien tout le génie de cet album. Une mélodie si belle qu'on ne peut qu'être touchés par sa grâce. Le jeu dépouillé et le chant pur de João Gilberto sont d'une poésie plus qu'émouvante. Il démarre le morceau calmement, appuyé discrètement par la batterie, la contrebasse, et le piano discret de Jobim. L'intensité augmente subtilement, sans que l'on ne s'en rende trop compte, les larmes montent aux yeux, le sourire se dessine sur les lèvres, et l'on est au comble de la joie lorsque Astrud Gilberto entre en scène pour chanter le "refrain" de la chanson, de sa voix belle, fragile et mélancolique, et le saxophone de Getz fait des merveilles mélodiques. J'ai rarement entendu chose aussi bouleversante de toute ma vie. Pour tout vous dire, la première fois que j'ai écouté la chanson, le temps s'est suspendu. J'avais l'impression d'avoir écouté une chanson d'à peine 2 minutes, alors qu'elle en fait presque 5 et demie. Une seule solution : la repasser immédiatement.
 
Rien que pour ce morceau, l'album serait déjà un indispensable. Mais ce n'est pas tout.
 
 
 
  En effet, les autres morceaux ne sont pas en reste. Doralice et sa mélodie entêtante, joyeuse, servie par ce line-up qui décidemment ne mérite aucun qualificatif inférieur à parfait. L'évidence de ce morceau qui coule tout seul, entre la beauté brute du chant et de la guitare de Gilberto et la sophistication du saxophone de Getz, dans l'écrin délicat des arrangements de Jobim.
 
  Les morceaux se suivent, dans une ambiance qui varie du plus mélancolique (Para Machuchar Meu Coracao, Desafinado, Corcovado, O Grande Amor ), au plus guilleret (So Danço Samba, Vivo Sonhando). Mais toujours avec cette même classe inégalable.
 
 
Stan Getz
 
  Bref, vous l'aurez compris, cet album que j'ai découvert au début de l'année, m'a énormément marqué. Pour tout vous dire, je crois que pendant deux ou trois bonnes semaines, je n'écoutais presque que lui sur ma platine. Et je l'écoute au moins deux ou trois fois par semaine depuis. Cet album a accéléré ma découverte de la musique brésilienne de façon considérable. Vous verrez, vous aussi vous serez accros assez rapidement au diamant brut qu'est João Gilberto, ou à ce génie absolu de Tom Jobim...
 
  L'apparente simplicité d'une musique en réalité assez complexe, le dépouillement de l'orchestration, et son dévouement absolu au service de la mélodie sont une véritable leçon de musique et de musicalité. L'émotion qui s'en dégage est indescriptible. La guitare de Gilberto tresse un rythme entêtant, autour duquel s'épanouit le piano de Jobim, souligné par la section rythmique. La voix de Gilberto, d'une sensibilité inouïe, joue la mélodie, provenant du plus profond de son âme. Mélodie autour de laquelle tourne le saxo de Getz, qui d'abord accompagne Gilberto, puis prend son relai. De façon précise, il délivre des notes toujours nécessaires, jamais superflues, qui d'abord accompagnent la mélodie principale, la caressent, la rejoignent quelques instants, puis s'en démarquent, continuant la danse tout autour en autant de variations et de reprises qui ne font que souligner et rappeler la beauté de cette mélodie.
 
 
Gilberto et Getz


 
  Il ne faut d'ailleurs pas oublier que la bossa nova, si on la considère (grossièrement) comme une samba ralentie, est donc une musique de danse (ou issue d'une musique de danse). Ici, le rythme assuré par la guitare, sa section rythmique, et les danseurs sont les deux voix d'Astrud et de João, ainsi que le saxophone de Getz. Et le piano, observateur, s'amuse de son côté, à traîner un peu sur la scène avec les musiciens, regarder ces danseurs d'un œil complice, nourrir le rythme, puis va parfois se joindre à eux et danser autour de la mélodie. En tous cas c'est comme ça que moi je visualise cette musique.
 
  Si vous n'êtes pas convaincus, remettez The Girl From Ipanema. Allez-y, n'ayez pas peur. Vous entendez, d'abord ce rythme léger, João qui entre en piste, sur cette piste de danse qui pour le moment est déserte. Heureux de voir cela, les musiciens augmentent petit à petit l'intensité de l'accompagnement pour ce danseur solitaire. Intriguée par ce charmant jeune homme, Astrud entre elle aussi dans la danse, fragile et belle à la fois. Elle remue au rythme des musiciens, et fait sensation. Tout le monde est ébahi par la grâce de sa performance. Le saxophone de Getz se lève de son siège, pour à son tout fouler le parquet, tourne autour d'Astrud, séducteur, et lui dévoile son numéro de charme. Il danse de façon divine, ne refait jamais deux fois le même mouvement, mais de temps en temps il fait des clins d'œil appuyés à Astrud en reprenant quelques pas qu'elle a exécutés avec brio quelques instants auparavant. Puis le piano de Jobim, un peu jaloux, et qui s'était mêlé de façon plus discrète à la danse, s'invite lui aussi pour tenter sa chance, mais de façon plus timide et retenue, quoiqu'élégante. Astrud revient sur la piste, immédiatement courtisée à nouveau par Getz qui la sollicite pour danser avec lui, en continuant ses mouvements sophistiqués autour d'elle, mais elle continue, impassible, inaccessible, à regarder un peu plus loin, le danseur solitaire du départ, jusqu'à la fin de la chanson. Voilà, maintenant, repassez-là, fermez les yeux, et essayez de vous imaginer la scène.
 
  Tiens, cela pourrait être très intéressant de comparer les images évoquées par ce disque, dites-moi ce que vous pensez de ma version, et donnez-moi la vôtre.


 
 
  Pour conclure, c'est un disque que je recommande à tout le monde, amateur de jazz ou pas, sa sensibilité saura, j'en suis sûr, vous émouvoir autant que je l'ai été à son écoute. Cet album est vraiment un indispensable de toute discothèque, de la beauté à l'état pur, qui permet un partage assez immédiat. La première fois que je l'ai passé, j'étais chez mes parents, et à la fin du disque ma mère m'a demandé des renseignements sur l'album. Je l'ai passé à un repas, et mes deux parents étaient conquis. Depuis, ma mère (qui a étudié le portugais à la fac, ça aide), essaie de retrouver les disques de bossa qu'elle écoutait quand elle était plus jeune. Voilà, tout simplement, un passage, la totalité de l'auditoire (même l'auditoire imprévu, je le passais juste pour moi au départ), est conquis. Cet album universel célèbre la beauté, et fait du bien.
 
  C'est pourquoi vous devez, si ça n'est pas déjà fait, l'écouter impérativement. Je vous mets des liens pour cela vers deezer, et spotify. Voilà, vous n'avez officiellement plus aucune excuse. Revenez ici nous donner votre opinion sur ce chef-d'oeuvre.
 
Bonne écoute !
 
 
ALEXANDRE