Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 26 février 2016

The Beatles - Please Please Me (1963)




  C'est là que tout commence. Nous sommes en 1963, et la pop va subir une accélération fulgurante. Après avoir sorti une poignée de singles mettant le feu aux hits-parades ("Love Me Do", "Please Please Me"), enfin vient l'album. Sauf qu'à l'époque le format album, malgré quelques exceptions c'est pas trop ça. Généralement les groupes sortent un ou deux singles géniaux, pouvant être des reprises, et étendent cela sur un format long d'une trentaine de minutes, avec des chansons un peu remplissage et pas toujours inspirées, souvent des reprises. Evidemment, ce n'est pas le cas de tout le monde mais c'est quand même peu ou prou la formule des albums pop du début des années 60. Et on va voir qu'avec ses 8 chansons écrites par les Beatles et ses 6 reprises, l'album respecte ce canon et en même temps a participé à le dynamiter. Mais on y reviendra.

  Ce qui caractérise cet album, c'est sa fraîcheur. Peu de disques ont une telle énergie juvénile. Cela est en partie dû à l'enregistrement du disque, outre les 4 morceaux déjà sortis en single (Faces A et B), les 10 titres qui complètent cet album ont été enregistrés en un total d'un peu moins de 10h en une seule séance aux studios Abbey Road. Autant dire qu'on est presque plus proches du live que du studio. Et ça se ressent dès le "I Saw Her Standing There" d'ouverture. Composition originale, c'est un morceau assez rock, en direct des fifties mais qui sonne frais et qui dévoile toute la fougue du McCartney de l'époque. 

  Et on entend tout de suite ce qui a fait la différence avec tous les autres groupes de l'époque : la mélodicité de la composition, l'alchimie du groupe, les choeurs harmonieux et énergiques, mais surtout le son... Ce son qui captive immédiatement, la basse ronde, les guitares claires, l'écho sur la voix, la batterie qui claque avec là aussi un léger écho... Tout sonne d'une façon précise et chaude, c'est un délice de tous les instants à l'écoute. On peut remercier l'équipe d'Abbey Road et George Martin.





  On enchaîne avec "Misery", plus pop, avec son intro accrocheuse et son piano (le son, les arrangements je vous dis, tendez l'oreille il y a des trésors à chaque mesure !). Et la première reprise : "Anna (Go To Him)" d'Arthur Alexander, encore plus pop et plus posée après les deux morceaux introductifs, qui met en valeur le timbre bien éraillé de Lennon. Assez typique d'un certain type de chansons d'amour des Beatles et en général de l'époque (les Zombies de Begin Here notamment), entre blue-eyed soul et folk (attention ces appellations a posteriori sont d'origine non contrôlée). 

  Puis viennent les deux autres reprise "Chains", des Cookies, écrite par Carole King et Gerry Goffin et "Boys" des Shirelles, écrite par Luther Dixon et Wes Farrell. Moins intéressantes que les autres chansons, elles restent très très agréables à l'écoute. C'est intéressant de noter que sur 5 chansons, les 3 qui surnagent vraiment sont les compositions originales et non les reprises, chose peu courante pour l'époque. A noter, "Chains" marque les débuts de Harrison au chant lead avec réussite, et "Boys" est la première incursion au chant de Ringo Starr, et dans son rôle de rocker fifties il est impeccabe.

  Retour aux compositions originales avec la ballade romantique "Ask Me Why", assez typique de ce que je vous disais sur les chansons sentimentales des sixties. Beaucoup pourront trouver ça mièvre, je trouve ce genre de morceaux magnifiques et très pur, n'ayez pas peur d'un peu de premier degré de temps en temps ! Puis le single "Please Please Me" avec son gimmick d'harmonica, ses choeurs, sa guitare caverneuse et sa batterie galopante (et toujours cette basse, mon dieu cette basse !). Et enchaînement sur le deuxième single, "Love Me Do" et (encore) son harmonica mémorable, son refrain qui colle au cerveau... Un tube, pas étonnant qu'il ait bien lancé les Fab Four. Une autre composition du groupe, "PS I Love You", continue sur la lancée des pop songs romantiques, avec de belles lignes de mélodies vocales.





  Puis vient une autre reprise des Shirelles, écrite entres autres par le grand ponte de la pop Burt Bacharach, "Baby It's You". Là encore typique des reprises de l'époque et démontrant l'influence des girls groups sur les Beatles (comme sur beaucoup d'autres de l'époque, Beach Boys en premier lieu), cette reprise est une réussite, avec des arrangements très fins et une interprétation de Lennon très convaincante. Puis Harrison revient au chant pour uen composition de Lennon/McCartney, "Do You Want To Know A Secret", autre ballade magnifiquement réussie, en tous les cas je l'adore.

  "A Taste Of Honey", en revanche, reprise de Herb Alpert, chantée par Macca, sur un ton plus sombre, est moins marquante, malgré un gimmick de guitare génial qu'on entend un peu après la 36e seconde et qui revient dans le morceau. Sans doute pas le meilleur choix de reprise pour l'album, mais bon là encore l'écoute est très agréable quand même. Dernière composition originale "There's A Place", est une vraie réussite, entre tension, énergie, mélancolie (cette intensité quand ils chantent "And There's No Tiiiime..." suivi par un harmonica déchirant). Très bon.




  Et là, le feu d'artifice final, le mythique "Twist & Shout", des Isley Brothers, avec un Lennon déchaîné au chant, inventant quasiment le punk en forçant sur sa voix tel un Little Richard anglais. Soutenu par la frappe puissante et legère à la fois de Ringo, les guitares d'une précision chirurgicale et la basse bondissante de Paul, Lennon s'égosille pour une chanson d'une intensité assez inédite pour l'époque. D'autant plus pour un groupe de pop bien habillé plaisant aux jeunes filles bon chic bon genre mais mais... C'est un peu vite oublier leur période Hambourg, l'alcool les filles et le rock à fond.

  Bref, bilan rapide : les Beatles réalisent un album qui malgré quelques faiblesses s'écoute avec bonheur de bout en bout. De plus les quelques faiblesses sont en fait des reprises, et il n'y a rien à redire sur leurs compositions originales. Le nombre de ces compositions originales est plus grand que celui des reprises, ce qui était rare à l'époque, on avait tendance à dissocier l'interprète du compositeur voire même du parolier. 

  Et ils ont créé un son grâce à leur jeu très particulier, leur travail sur les voix et l'assistance de George Martin & son équipe aux arrangements et à la production. Ils ont également synthétisé girls group, country/folk, pop, blues, rock fifties en y apposant une patte personnelle pour créer un style tout à fait original, et ont réalisé le tour de force d'être acceptables par le plus grand nombre tout en se permettant des moments plus sauvages (coucou "Twist & Shout"). 

  Tout cela est très novateur, et formera le modèle de ce que sera un groupe pop à l'avenir : un groupe qui compose lui-même en plus d'interpréter, qui ne s'appuie plus uniquement sur des reprises, qui a un son très personnel, qui mélange musiques noires et blanches, et qui n'a pas peur de jouer plus brutalement tout en étant adulé par le plus grand nombre. 

  Pour la fraîcheur extraordinaire et les premières compositions réussies, ainsi que les reprises démentielles, cet album vaut vraiment l'écoute, alors foncez :
Lien Spotify.

Merci pour votre lecture et vos commentaires 


Alexandre

11 commentaires:

  1. Les Stones reprennent la même formule pour leur premier album, avec une chanson originale pour 11 reprises. Le tout mis en boîte en cinq jours !
    De nos jours, il faut le même temps pour régler une corde de guitare ou la tension d'une peau !!!!! ;-)

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    1. Tous ces 1ers albums ont été capitaux pour tous ceux qui chérissent le format album, composé et interprété par le groupe. Attention je ne dis pas que les disques de producteurs à la Phil Spector ou d'interprètes à la Sinatra n'ont pas d'intérêt, je dis juste que si les deux peuvent cohabiter c'est parfait ça ouvre tout un champ d'expression souvent plus "libre" pour le groupe.
      Les cadences de l'époque sont ahurissantes. Quand on voit aussi la vitesse de la mise sur bandes des 1ers Doors, et qu'on compare ça à la finesse des arrangements c'est inouï.

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  2. Ah dommage ! Tu verras comme je le dis ça n'est pas leur meilleur mais il y a d'excellents morceaux dessus :)
    Ah bah chacun ses blocages ça arrive c'est pas grave ;p

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  3. Cent ans plus tard, je l'écoute toujours avec la même tendresse.
    Les plus malins iront voir à quoi ressemble les originaux, c'est ainsi qu'on se construisait une discothèque...

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    1. Exactement ! Les disques des débuts des Beatles, Stones, Who, Them, Animals... sont des mines pour découvrir des originaux passionnants.
      De même que les notes de pochettes & interviews. Je serais sûrement venu bien moins vite à Coltrane sans Fun House et à James Brown sans le 1er Who et les interviews d'Iggy.

      La curiosité est la 1ère des qualités en musique et plus généralement en art.

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    2. Si tu savais le temps que j'ai passé à fouiller les bacs à la recherches des musiciens que Jeffrey lee Pierce citait dans ses interviews! A l'époque, il n'y avait pas encore de cd's ni donc les rééditions de blues qui vinrent avec. Quand j'arrivais à dégoter un titre sur une obscure compilation, c'était fête!

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    3. J'ai eu des périodes de traversée du désert pour choper les Manset non sortis en CD sur le net.
      Là je suis en quête de la discographie complète de Prince, j'ai pas mal avancé, j'ai écumé un tas de disquaires !

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  4. Un album que j'ai pas mal écouté ces derniers temps grâce à ton article et ce qui m'a frappé c'est de découvrir les nombreuses inspirations états-uniennes dans ce groupe emblématique de la pop anglaise, avec des morceau comme Ask me Why ou des reprises de titres états-uniens.
    Ce groupe me subjugera toujours par la qualité mélodique de sa composition. N'étant pas un fin connaisseur des beatles, je prends un plaisir toujours plus ample à les découvrir. Vivement la suite !

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    1. Hey bien vu et c'est ce que je me suis aussi dit à la réécoute. J'en parle un peu à la fin mais il y a là du folk, de la country, du rock fifties et de la variété diablement US en effet ! ;)

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    2. C'est justement ça qui est fabuleux avec cette époque et ce pays, même quand les chanteurs (Jagger en tête) imitait l'accent de tel ou tel bluesman ricain, les disques respiraient quand même un air anglais. Et puis, il y eu la suite, l'arrivée du "garage rock", soit des américains, imitant des anglais imitant des américains!

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    3. Il y a un peu la même chose avec le folk un peu plus tard, entre les anglais et les américains, ça me fascine pas mal aussi.

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