Janelle Monaé est une incroyable artiste américaine, découverte sur le label de Big Boi d'Outkast puis adoubée par Of Montreal, Prince, Stevie Wonder (présent ici sur l'interlude "Stevie's Dream")... Musicienne multi-instrumentiste surdouée, show-woman sans équivalents, grande chanteuse, elle a déjà sorti un EP et deux albums incroyables de pop/soul/rock/rnb/funk/... psychédélique, racontant une histoire de science-fiction dans laquelle elle incarne Cindy Mayweather, une androïde bisexuelle censée sauver le monde d'une dictature dystopique raciste et LGBTIQ-phobe. Elle s'écarte de cette suite narrative sans en abandonner les thèmes avec ce Dirty Computer plus personnel, mais usant toujours de métaphores, certes moins obscures, mais toujours présentes (les "dirty computers", étant les femmes, les minorités ethniques et sexuelles et tous les gens brimés pour ce qu'ils sont).
Ce titre donne également son nom à l'introduction de l'album, "Dirty Computer", chantée avec Brian Wilson des Beach Boys, autre influence de l'artiste chaméléon de la pop. Ce morceau se fond à merveille dans "Crazy, Classic, Life" qui aurait pu être un peu facile avec sa grosse prod mais qui possède d'intéressants éléments empruntés autant à Prince qu'à Beyoncé, un sens de la retenue appréciable, et surtout une suite d'accords d'une beauté classique. La pop funky de "Take A Byte" (avec là encore des choeurs de Wilson) est du même acabit, en moins grandiloquente ; elle possède une fin très soul intense et bien foutue.
Janelle Monaé - Django Jane (Clip, 2018)
On commence réellement à avoir peur de la surdose de sucre sur "Screwed" (avec Zoë Kravitz) mais là encore la chanson est sauvée par une écriture solide, et une ligne de basse implacable. En plus, elle s'enchaîne très bien avec "Django Jane" qui sonne comme son épilogue rap, rappelant les morceaux à tiroirs découpés en plusieurs parties des folles productions 2000s de Timbaland. Janelle est d'ailleurs une excellente rappeuse dans son genre, et pose avec maestria sur cette prod classe, samplant "A Dream" de David Axelrod. Mais quand elle retourne au chant sur "Pynk", co-écrite avec Grimes, on ne peut que fondre devant cette électro-pop aux tournures rock (un sample de "Pink" d'Aerosmith s'y est glissé) et rnb/funk (et aux intonations trap très Migos en pré-refrain) d'une profonde douceur sachant alterner entre le caressant et le groovy. Et là encore, c'est la science de la retenue de Monaé qui donne tout son relief au morceau en accentuant ses explosions, et en lui donnant une classe, une subtilité et un supplément d'âme indéniables.
Le parfait exemple de cette maîtrise s'entend sur "Make Me Feel", coécrite avec Prince, énorme tube funk et sommet de cet album pourtant solide et homogène. Je vous laisse écouter, cette production moderne post-Neptunes et ce funk princier, ça ne se décrit pas, ça se vit :
Janelle Monaé, Grimes - Pynk (Clip, 2018)
Le parfait exemple de cette maîtrise s'entend sur "Make Me Feel", coécrite avec Prince, énorme tube funk et sommet de cet album pourtant solide et homogène. Je vous laisse écouter, cette production moderne post-Neptunes et ce funk princier, ça ne se décrit pas, ça se vit :
Janelle Monaé - Make Me Feel (Clip, 2018)
En parlant Neptunes, on a une autre preuve que l'art de la construction d'album ne s'est pas perdue avec l'abandon de la narration sur ce disque, puisque c'est carrément Pharrell Williams qui assure la transition sur le morceau suivant, "I Got The Juice", plus rnb et très ludique et ouvert (comme le dernier NERD d'ailleurs, dont le morceau est proche). La dernière partie du disque ainsi lancée, on a le droit à des prods très modernes entre soul d'église, pop/rnb et trap ("I Like That"), glam rock gavé de soul psychédélique ("So Afraid"), et une conclusion princière avec un "Americans" très bon dans un quasi-pastiche du son classique de Mr Roger Nelson. Et puis il y a un OVNI de 6 minutes, "Don't Judge Me", entre slow soul/funk, folk psychédélique, bossa, et jazz vocal, d'une beauté simple et époustouflante.
Janelle Monaé - I Like That (Clip, 2018)
Au long de cet album, on retrouve le "son" Janelle Monaé, toujours audible grâce à la présence de ses fidèles, membres de son label Wondaland Arts Society, comme le duo funk Deep Cotton (Chuck Lighting et Nate "Rocket" Wonder, frère de Roman GianArthur Irvin, également présent en filigrane), Nana Kwabena ou encore des constructrices de tubes pop en série comme Tayla Parx.
Mais ce son est modifié, poli et boosté façon pop. L'album est plus épuré, plus concis que tout ce qu'elle a fait jusqu'à présent, et pour le coup si la presse US semble s'en réjouir, on perd un peu au change lorsque comme moi on adore son art et qu'on n'a pas trouvé ses précédent albums trop longs (mais la presse musicale en général ne prend pas vraiment le temps de s'imprégner d'albums aussi denses que les siens...). Mais même en version pop survitaminée, on est en bonne compagnie, je dirais même que son virage "accessible" est encore plus réussi que celui de St Vincent avec MASSEDUCTION (2017), ce qui veut dire beaucoup vu la qualité de ce dernier.
C'est donc un très bon 3e album que publie Monaé, 5 ans c'était long mais ça valait le coup. Malgré mes petites réserves sur le son parfois extrêmement radiophonique, les chansons sont au rendez-vous, et le disque est plus que réussi, avec une démarche totale (cf l'artwork et les clips). En live, elle va mettre le feu avec ces morceaux. Rendez-vous dans moins de 5 ans j'espère pour entendre la suite de la saga Metropolis/Cyndi Mayweather... Ou pas ?...
A écouter sur Spotify ou Deezer
L'album est accompagné d'un "emotion picture", sorte de compilation thématique de tous ses clips, absolument dantesque, et à voir absolument ci-dessous :
Mais ce son est modifié, poli et boosté façon pop. L'album est plus épuré, plus concis que tout ce qu'elle a fait jusqu'à présent, et pour le coup si la presse US semble s'en réjouir, on perd un peu au change lorsque comme moi on adore son art et qu'on n'a pas trouvé ses précédent albums trop longs (mais la presse musicale en général ne prend pas vraiment le temps de s'imprégner d'albums aussi denses que les siens...). Mais même en version pop survitaminée, on est en bonne compagnie, je dirais même que son virage "accessible" est encore plus réussi que celui de St Vincent avec MASSEDUCTION (2017), ce qui veut dire beaucoup vu la qualité de ce dernier.
C'est donc un très bon 3e album que publie Monaé, 5 ans c'était long mais ça valait le coup. Malgré mes petites réserves sur le son parfois extrêmement radiophonique, les chansons sont au rendez-vous, et le disque est plus que réussi, avec une démarche totale (cf l'artwork et les clips). En live, elle va mettre le feu avec ces morceaux. Rendez-vous dans moins de 5 ans j'espère pour entendre la suite de la saga Metropolis/Cyndi Mayweather... Ou pas ?...
A écouter sur Spotify ou Deezer
L'album est accompagné d'un "emotion picture", sorte de compilation thématique de tous ses clips, absolument dantesque, et à voir absolument ci-dessous :
Janelle Monaé - Dirty Computer (Emotion Picture) - 2018
Alex
Bien vu et d'accord avec toi sur la carrière de la dame. j'ajouterai aux lecteurs, ne pas se fier aux pochettes qui évoquent (trop?) du R&B banal, c'est bien davantage, plein de références puis abandon des références tant elle a construit son sillon (et je craque sur le chant de Brian, mais c'est perso)
RépondreSupprimerHum, j'ai été trop sévère sur ses pochettes. En revoyant les précédentes, j'ai pensé qu'il y avait autre chose que la mise en avant de la miss.
SupprimerJ'aime bien ses visuels de manière générale, ses clips sont très beaux et bien pensés également
SupprimerSinon c'est une de mes artistes contemporaines préférées, elle ne déçoit jamais même quand elle va vers du plus accessible comme cet album, ça reste cent mille fois plus sophistiqué, sensible et beau que ce qu'on peut entendre sur les radios commerciales