Je vous propose aujourd'hui une magnifique reprise du cultissime Perfect Day de Lou Reed. Véritable monument de la pop états-unienne sorti en 1972, le titre, produit par un grand admirateur de l'époque, David Bowie accompagné de son acolyte de sa période glam rock, Mick Ronson, permet à Lou Reed de connaître un succès phénoménal sur son deuxième album solo Transformer, après un Lou Reed passé inaperçu. Il marque ainsi le véritable départ d'une carrière solo faisant suite à son départ du Velvet Underground un an plus tôt.
Sur ce titre, il est d'abord question de Bettye Kronstadt, sa première femme. "Oh, it's such a perfect day I'm glad I spent it with you" chante Lou Reed étonnement mélancolique. Mais en miroir se dessine une autre lecture, celle de son addiction à l'héroïne que l'on devine clairement "You just keep me hanging on", donnant toute sa noirceur à cette chanson.
Lou Reed et David Bowie au Dorchester Hotel de Londres en 1972.
Lou Reed et sa première femme, Bettye Kronstadt.
L'interprétation que je vous propose, est celle de Caro Emerald, chanteuse néerlandaise de jazz et de pop, ayant notamment fait succès en Allemagne avec son premier album Deleted Scenes from the Cutting Room Floor. Elle revisite ici la chanson pour la radio néerlandaise 3FM, de sa voix féminine et soul, rappelant celle d'Amy Winehouse. Elle gomme ainsi la tristesse du titre original dans la chaleur de cuivres latins et laisse parler la sublime mélodie, évoquant de tant à autre les premiers album de Coldplay.
Je ne vais pas faire dans l'originalité, mais comme un certain nombre d'entre vous (pas tant que ça apparemment vu le peu de programmations...), je suis allé voir le Jersey Boys de Clint Eastwoodau cinéma la semaine dernière. Je ne vais pas vous faire la chronique détaillée du film ici, sachez juste que je l'ai énormément apprécié, qu'il m'a ému comme aucun film ne l'avait fait depuis un certain temps maintenant. Alors oui, il y a des petits défauts, certains choix scénaristiques ou de mise en scène peuvent être discutés (mais c'est tout le temps le cas non ?), et de manière générale je me suis fait la même réflexion qu'à chaque film que j'ai vu récemment, c'est-à-dire "Il manque une heure, une heure et demie à ce film".
A ce propos, je ne sais pas si ce sont les codes de Hollywood (la masse a du mal à ingurgiter un film de plus de 2h30, sauf si c'est un Peter Jackson, au moins un qui arrive à s'imposer sur ce point-là), ou l'effet des séries qui développent de plus en plus des narrations ambitieuses et ce sur un temps beaucoup plus long, mais le constat est là. Je trouve la plupart des films un peu bâclés. Généralement la mise en place est bonne, et puis au milieu ou aux trois quarts du film, tout se précipite et des évènements ou situations qui auraient mérité d'être développés se retrouvent bouclés en 20 minutes avant le dénouement. Mais c'est hors-sujet.
Donc bref, j'ai adoré Jersey Boys, pour tout un tas de raisons. Et avant tout pour la musique sur laquelle se base le film. C'est à dire celle des Four Seasons. Pour être plus précis, celle de Bob Gaudio, souvent cosignée par le producteur Bob Crewe en tant que parolier, et incarnée par Frankie Valli, le charismatique chanteur lead du groupe. Cette musique, directe, accessible, pop, sans détours, sans embrouilles, peut être résumée ainsi : une mélodie qui tue, un chanteur phénoménal, un groupe impeccable, des arrangements ciselés et des chœurs divins. Un peu les mêmes ingrédients qui m'ont fait adorer la pop baroque/psyché/sunshine des sixties triomphantes, et qui font tout le sel de cette pop américaine de très grande classe. Un peu dans la lignée de ce que Sinatra a fait dans ses grands jours (son sommet Watertown a d'ailleurs été en partie composé par Gaudio), avec des chœurs divins (pensez Beach Boys), et un Frankie Valli hallucinant vocalement, entre falsetto haut perché et chant plus grave et rugueux, comme un croisement entre le Sinatra crooner et une version blanche de shouters rythm'n'blues à la James Brown. Fascinant.
Je pourrais vous parler de nombreuses chansons issues de cette formule magique, mais celle qui m'obsède le plus en ce moment, que j'écoute au moins quinze fois par jour dans trois ou quatre versions différentes, que j'ai en tête toute la journée et que je chantonne au travail, c'est celle-ci. Can't Take My Eyes Off You. Qui apparaît dans une scène-clé particulièrement émouvante du film, d'ailleurs. Et que vous connaissez sûrement dans une autre version (au hasard, Gloria Gaynor, disco). Mais oubliez tout ça, et mettez ce live pour une émission de télé, de 67.
La chanson d'amour parfaite non ? Si vous n'avez pas les yeux qui brillent, c'est que vous êtes probablement atteint d'un degré assez élevé d'insensibilité (le même test fonctionne avec I am the Cosmos de Chris Bell). A la fin d'une telle chanson, personnellement, je ne peux que sourire bêtement, les yeux un peu humides, claquer des doigts éventuellement. Avoir envie de déambuler seul sous la lumière des lampadaires à Nantes. Appeler un proche, lui envoyer un message d'amour. Aller dans un bar et offrir un verre à qui j'y rencontrerais. Ressentir ce mélange de bonheur béat et de mélancolie lucide qui fait les grands moments de l'existence.
Allez, filez m'écouter ça. Et appuyez sur repeat s'il vous plaît.
Et puis si vous êtes sages on parlera de Sherry, ou de Watertown...