Paul McCartney - McCartney II (1980)
Cet album de McCartney, sorti en 1980, a beaucoup fait parler de lui, et continue d'ailleurs de le faire. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, sa conception. Comme sur McCartney 1er du nom, sorti 10 ans auparavant, en 1970, Paulo joue de tous les instruments, chez lui, avec quelques interventions de sa chère Linda aux chœurs.
C'est même écrit derrière mon livret :
"This album was recorded at home. The microphones were plugged direclty into the back of a Studer 16 track tape machine, bypassing the record console"
Cette approche très home studio dans l'esprit marque un autre point très important concernant cet album : son aspect visionnaire. Mais j'y reviendrais.
Ensuite, c'est avec cet album que Macca s'émancipe des Wings pour devenir McCartney l'artiste studio. Les Wings ayant toujours plus ou moins été "sa chose", ce changement peut donc paraître mineur, mais il ne l'est pas. En effet, c'est ce qui permettra à McCartney plus de libertés, ce qui l'amènera à expérimenter davantage. C'était déjà le cas sur l'album de 70, c'est très visible ici, et cela aura des répercussions importantes sur sa carrière future (on pense à Press To Play, et surtout à son projet électro(-rock) The Fireman, avec Youth).
Enfin, l'album est un succès commercial et critique important. La légende veut que "Coming Up", le tube de l'album alors en heavy rotation sur toutes les radios, ait redonné l'envie à John Lennon de rentrer en studio pour enregistrer son ultime album (non-posthume), Double Fantasy.
Le clip de Coming Up
Cependant, malgré tout ce que je viens de dire, cet album a une réputation assez ambivalente. En effet, d'un côté vous avez les amateurs de rock pur et dur, qui souvent ne daignent même pas écouter Macca en solo et se contentent d'en parler avec condescendance (les pauvres). Parmi cette catégorie, pour ceux qui ont écouté l'album, ce qui ressort le plus souvent est que McCartney s'est fait plaisir en studio, mais que l'album est dispensable. Qu'il a sorti là un disque avec quelques titres sympas, mais dans l'ensemble assez mineur. Moi qui ait d'emblée énormément apprécié ce disque, et qui lui trouvait tout un tas de qualités artistiques assez évidentes, j'ai cru pendant un moment être parmi les rares personnes à aimer ce disque comme un des meilleurs de son auteur, et comme un disque pop majeur.
Et là, à la lecture du magazine Tsugi, je lis, plusieurs mois de suite, des pointures de la musique électronique, du plus vendeur (Justice), au plus pointu, et des journalistes musicaux d'habitude très exigeants, tresser des lauriers à cet album considéré comme une étape majeure dans l'histoire de la pop électronique, voire de la pop (ou de l'électro) tout court. Surpris mais heureux de lire ça, je saute depuis sur chaque occasion de faire partager mon amour pour ce disque à tout le monde (Etienne peut en témoigner, je l'ai soulé avec il y a peu).
Mais pourquoi tant d'amour et de respect pour ce disque de la part de tous ces types ? Me direz-vous.
Eh bien c'est simple.
Cet album contient un imparable tube de funk-rock blanc s'acoquinant avec de l'électro pop (Coming Up), des ballades pop magnifiques dont seul Macca a le secret (Waterfalls, Summer's Day Long, One of These Days)
Mais aussi des morceaux irrésistibles car un peu fous (Le rockabilly/soul/dub de On the Way, le rockabilly / funk-rock / country de Nobody Knows, et le seul morceau plus dispensable mais sympathique Bogey Music, sorte d'électro boogie à vocation plus humoristique).
Et surtout les morceaux de bravoure électroniques que sont la confiserie Front Parlour (dans un genre d'électropop qui plaira au amateurs d'Eno), l'obsédant et presque inquiétant groove de Darkroom, et surtout les incroyables Temporary Secretary au son acide et unique, qui préfigure tout un pan acide de l'électro(pop) de 1980 à la fin des temps (Mr Oizo...), et Frozen Jap, qui anticipe le Kraftwerk de Computerworld avec 1 an d'avance, rien que ça. Et par là, tout un pan de la musique pop sortie depuis, du mainstream au plus indépendant. Rien que pour ces deux titres (mais c'est vrai de pas mal de chanson ici, notamment les magnifiques ballades), cet album mérite votre respect éternel.
Pour conclure là-dessus, cet album-jalon est donc un classique à réhabiliter parmi les meilleurs disques de McCartney, tout en haut à côté de Ram pour ma part, et surtout parmi les disques pop les plus importants qui soient sortis.
Bref, je vous en recommande vivement l'écoute (ICI par exemple), et je vous encourage vivement à partager votre ressenti sur cet album en commentaires.
ALEXANDRE
J'ai un problème avec les albums d'époque que j'ai ratés à l'époque. Je tente une écoute pourtant, mais ça ne fonctionne pas. Cela doit venir du son. Il existe une meilleur qualité audio dans les productions actuelles et c'est difficile d'apprécier un disque enregistré il y a 40 ans et dont le son a mal vieilli. Les seuls qui résistent au temps ont bénéficié de producteurs et d'ingénieurs du son novateurs. Alors ce McCartney enregistré à la maison...
RépondreSupprimerEric
Je comprends ton problème. Je suis assez jeune pour tout te dire, né en 94. Alors les enregistrements sixties, voire des albums encore plus vieux (Leadbelly...), j'ai eu du mal au début, mais mon oreille s'est vite habituée au son. Et à vrai dire je préfère un son chaud, légèrement saturé à la Kinks qu'un son propret voire clinique à la Snow Patrol ou autres.
SupprimerMais je conçois que ça ne fonctionne pas pour tout le monde. Ceci dit, ce McCartney, je le trouve plutôt bon niveau son. D'abord le mastering a été fait certes à partir de prises de son maison (avec du bon matos, il avait les moyens), mais avec l'aide d'ingénieurs du son calés, et à Abbey Roas (là aussi, il y avait la technique). J'ai la réédition cd de 2011, le son est vraiment bon, pour moi en tous cas. Ca c'était juste pour dire que parfois, youtube et les plateformes de streaming, c'est trompeur, ça nous ferait passer à côté de chef d'œuvres à cause du son qui y est pauvre. Alors que sur une platine correcte, avec un bon ampli et de bonnes enceintes, une bonne réédition sonnera bien. Ce qui n'enlève rien à la pertinence de ta remarque, nos oreilles se sont habituées à un son "niquel" depuis que le numérique a fait d'énorme progrès.
Merci pour ton message ! :)
Je sais bien que je ne suis pas tout seul (j'attends de pied ferme notre Charlu national sur ce coup-là). C'est juste que, dans l'ensemble, les avis sur ce disque étaient plutôt négatif, et qu'il reste relativement méconnu alors qu'il est d'une grande qualité.
RépondreSupprimerMerci pour ton message, heureux de t'avoir envie de te repasser ton vinyle (que je te jalouse presque, je n'ai que la réédition cd d'il y a 3 ans)
Ah merde..bah moi, je croyais être le seul :D
RépondreSupprimerBon Etienne !! après des jours et des jours de Macca II.. parles nous..dis qqchose ;D
Bon en fait, ce disque est spécial dans sa carrière, pas ordinaire, un peu comme "Press to play". Toutes les fins de décennies il remet tout à plat..et ici pour la dernière fois. Les Wings out, un album avec des touches japonisantes, lui enfermé dans les geôles à Tokyo pendant la tournée pour possession de stup.. Son frère d'âme va disparaitre, il restera juste après une longue période sans sortir de disque...mais pour un retour fracassant ("Tug of war", "pipe of peace").
Perso, j'ai eu du mal au début avec ce disque à part, je lui préféré tous les autres et surtout le Maccartney I. Puis il a muri, doucement, j'ai appris à dompter le son et prendre le matériel. Maintenant, c'est un grand disque que j'écoute régulièrement, surtout depuis la réédition dont tu parles, avec tous les bonus etc etc.
Paul est un ludique par moment, je fuyais "temporary secretary".. faut oser ;D
Puis le blues torride de "On the way" me refout dedans direct..
"Waterfalls", "one of these days"..La marque de fabrique ... arrrffff
Tiens..vais m'ressortir du Paulo moi ;D
Oui Alexandre et revenu à la charge plusieurs fois avec cet album, mais il a su taper directement dans le mille en me dupant. Tout portait à croire que Temporary Secretary était une authentique maquette d'un morceau de Mr Oizo. Du coup, toutes mes défenses mises à plat, je n'ai pas pu résister. C'est d'autant plus fort que je ne suis pas un acharné des Beatles et de McCartney.
SupprimerSinon je trouve que le nom 'album fait un peu nom de paquebot vous trouvez pas ? ( en tous cas il a pas vraiment l'air d'avoir coulé :p )
Si j'ai fait ressortir du Paulo à Charlu, je peux mourir en paix ! ^^
SupprimerPlus sérieusement, ce Macca II est proche de pas mal de disques que j'apprécie, de pop plus ou moins moderne, qui s'acoquine volontiers avec différents genres, dont des musiques dites électroniques. Et surtout, et tu as trouvé LE mot juste, il est ludique.
Et quand c'est ludique, musicalement, ben c'est pour moi. MGMT, Foxygen, Kanye West, Django Django, Of Montréal... Pourquoi c'est cool ? Parce que c'est ludique. Macca d'ailleurs a apporté beaucoup de fantaisie et de 2nd degré aux Beatles. D'où ma passion immédiate pour "Temporary Secretary".
Ces ballades pop en apesanteur que tu cites... La perfection dans son genre. Et ce blues extravagant, typique de Macca aussi... Grand disque, je le répète, merci de ton passage Charlu.
C'est vrai Etienne, pour le nom, je n'y avais pas pensé comme les noms d'albums en chiffre romain sont courants (Led Zeppelin I, II, III, Chicago I à douze mille, etc....)
Pour le côté ludique, et mon comm sur Tellier comme moi j'étais d'obédience mélancolique, voir plombé.. je n'ai jamais compris pourquoi Paulo était le seul qui arrivé à ma faire plonger dans le ludique, le gai !! et comme tu dis, il a apporté ça aux Beatles.. Obladi, when i'm 64, Honey pie... je mets ça sur le sens de la mélodie, le génie d'un autodidacte à écrire juste, un môme qui s'amuse et ne pense qu'à son travail, habité quoi :D
SupprimerBon, bien joué Alex, je vais essayer de mon côté à forcer sur le Paulo, auprès d'un paquet de sourds qui ne veulent rien entendre de ce mec au regard cassé.
En tout cas, tu m'as mis du baume au cerveau, j'ai passé Macca II, Macca I, Tugs of war, Flaming pie... mais c'est pas une raison pour mourir hein !! :D
Paquebot...bon, ça va... je dis rien, mais c'est limite ..on va dire insubmersible :DD
Tu as raison Charlu, le Tellier c'est le même cas, c'est ludique. Et moi ça me plaît.
SupprimerJe n'en ai pas fini avec Macca non plus !
Le paquebot, c'est limite, mais ça m'a bien fait marrer. Ca fait très anglais. A côté du Queen Mary II, un McCartney II... Qui jouerait Ob-La-Di Ob-La-Da avec sa sirène, ça me ferait bien rire. Et puis une croisière avec Macca ça a quand même plus de gueule qu'avec Frank Mickael ou autres. Et puis si ça peut faire une commande de plus pour nos amis nazairiens ^^
Bon ben je vois que Macca plaît toujours autant, ça fait plaisir de vous lire tous les deux, Chris et Charlu.
Voilà une chronique intrigante. Je dois avouer que cet album, de tout ce que j'avais pu en lire, figurait en dernière place de ceux qu'il me restaient écouter de Macca. Autant vous dire que je m'en serais carrément passé... Et en plus, c'est absolument lumineusement expliqué...
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas ton blog, je vais me le noter dans un coin pour le suivre.
Un grand merci... Je vais tacher de noter dans un coin le blog pour ne pas l'oublier.
Eh bien un grand merci à toi pour ce commentaire ! Ca fait très plaisir de lire ça, j'espère que le disque te plaira.
SupprimerJ'ai hâte de lire tes prochains papiers pour le Club.
Effectivement, je revise mon jugement sur cet album (que je n'avais jmais écoué). Je connaissais Waterfall, qui fait quand même partie des merveilles de Macca.
RépondreSupprimerMaintenant, faut que je réecoute davantage pour partager ton enthousiasme. Mais effectivement, je crois que tu as très bien expliqué comment découvrir ce disque. Je pense placer RAM toujours très au-dessus de celui-là, mais il mérite qu'on le regarde avec un peu moins de mauvaise foi. Sur certains point, il apporte une approche bien plus moderne que beaucoup de ses autres disques. Oui, on peut dire que, derrière son côté décontracté, il était en avance!
Voilà, on est complètement du même avis. Content d'avoir pu t'éclairer sur cet album, tes commentaires me font vraiment très plaisir ! C'était le but de cet article, de faire réécouter sans a priori cet album souvent un peu oublié ou dénigré de Macca, à tort selon moi (et quelques autres à la lecture des commentaires). Sous ses airs de "Macca s'amuse en studio", se cache effectivement un aspect précurseur indéniable, comme tu le dis.
SupprimerTrès heureux d'avoir pu t'être utile avec cet article, et merci pour tes commentaires, toujours très agréables ! A bientôt, ici ou au Club.