Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

mercredi 17 janvier 2018

Benjamin Biolay - Chambre 7 (Chanson, 2005)


  "Chambre 7" est une chanson de Benjamin Biolay présente sur l'album Négatif (2005). Je le dis tout de suite, c'est un petit chef-d'oeuvre qui musicalement résume bien l'esprit de Biolay, faire cohabiter le rock, l'électronique et "les orchestrations à la papa" (comme il le disait dans une vielle interview pour Rock'n'Folk), à la manière de son influence revendiquée, le groupe anglais XTC. Influence particulièrement audible ici, des guitares tranchantes aux cordes somptueuses (également gainsbourgiennes) associées à un côté bruitiste et complexe rythmiquement.

XTC - 1000 Umbrellas (1986)

  La chanson en elle-même est un genre d'exercice de style classique dans la chanson française, venu de la littérature, puisque son texte est en effet une lettre. Une lettre de rupture, menaçante, hargneuse, revancharde, dans laquelle l'amour ne subsiste que par traces, tel du sang séché sur le papier. La noirceur épistolaire de Biolay est puissante, ne fait pas de quartiers et est bien appuyée en cela par la musique qui sait se faire somptueuse et vicieuse à la fois, avec un côté profondément tordu, malsain, presque méprisant. 

Benjamin Biolay - Chambre 7 (2005)

  L'interprétation impeccable achève de faire de ce titre un classique de la chanson française "à texte", et je vais d'ailleurs clore ce papier par une retranscription de celui-ci :

Paris,
Un matin de décembre
Je t'écris d'une chambre
Dépourvue de confort
Sans terrasse
Semble-t-il, sans fleurs
Et sans téléviseur
Rien
Qu'un sinistre abat-jour
Et la tiédeur d'un radiateur
Sur lequel j'ai posé
Ce pull à col en V
Que tu portais souvent
Souvent les jours fériés
J'ai fini mon roman
Mais il ne m'a pas plu
Il finit tristement
Sur un malentendu
Car je ne t'aime plus


Paris,
Un matin de décembre
J'ai bien reçu ta lettre
Et perçu me semble
Ton mal-être
Te faire dire bien des choses
Je regrette, et pour cause
Que nous en soyons là

Ces invectives
Ces vérités tronquées
M'ont blessé
Comment as-tu osé?
Ne m'écris jamais plus
Mon adresse a changé
Car j'ai changé de rue
Un matin de décembre
Après avoir reçu
Ta lettre, un tas de cendres
Que je n'ai pas relu
Car je ne t'aime plus


Alex

6 commentaires:

  1. J'ai toujours pensé que Biolay était le plus digne héritier de Gainsbourg. En voici encore une preuve flagrante !

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  2. Tu as raison, chef d'œuvre.. l'album en entier même. Billy Bob, Chaise à Tokyo, Glory hole.. ce disque est passé pilier, indispensable..
    Ce que j'aime le plus chez lui, la noirceur et le son.

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  3. J'arrive un peu tard pour commenter, mais bon. J'ai été davantage intéressé par ta chronique que par les chansons elles mêmes.
    Dans le sens qu'elles illustrent bien l'avantage des arrangements qui sont ici plus importants que la mélodie. Ce n'est pas une critique c'est une façon de dire qu'en musique ça existe une chanson qui n'existe qu'avec ces arrangements.
    Les deux avec juste un instrument pour accompagner, hum... Il ne reste plus que le sens du texte pour accrocher, je crains une ligne mélodique peu facile pour séduire. Mais il n'y a pas que séduire dans la musique, on me l'a assez dit.
    J'ajoute que et Biolay et XTC savent combiner les deux. Pour moi, c'est là que je pense chef-d'oeuvre, quand en + la chanson tient la route sans les arrangements.
    Un exemple: Richard Thompson qui reprend "ooops I did it again" avec juste sa guitare. C'est lui qui l'explique: j'ai entendu une putain de belle chanson.
    C'est ma définition: celles que je peux fredonner sous la douche, celles qui sont enregistrées dans ma mémoire, mon juke box perso quand plus rien d'autre ne me sera accessible.
    Et comme tu dis, pour revenir à ta chronique, ici j'admire la travail des arrangements qui te proposent des couches de discours parfois en harmonie parfois grinçant pour accompagner la chanson.
    Question: au lieu de signer une chanson avec Paroles et musique, il ne manquerait pas ici arrangement de...?
    A vérifier, mais je crois que le départ piano de la chanson de Renaud "Mistral Gagnant" n'est pas de Renaud mais de celui qui l'a arrangée. Si c'est le cas, cette partie apporte tellement à la chanson que son nom mérite d'être ajouté.
    Bon, merci pour cette occasion Ciao

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    1. Je suis d'accord avec la fin de ton commentaire, pour des gens comme Gainsbourg par exemple la place de l'arrangeur est cruciale, et un des talents de certains musiciens est justement cette oreille qui leur permet de s'entourer des bons. C'est d'ailleurs de plus en plus vrai dans les disques de pop ou de rap modernes accumulant les musiciens de studio, les compositeurs et les producteurs, c'est une manière très "moderne" de faire de la pop. D'aucuns se plaindront que les arrangeurs ont tué les mélodistes, mais je ne suis pas sûr que les opposer soit une si bonne idée que ça, comme partout on s'en sort mieux quand on a les deux.
      Merci pour ce commentaire très intéressant, il n'est jamais trop tard pour commenter et j'essaie de me tenir à jour dans ce qui a été dit même sur les "anciens" articles.

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