Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 20 mars 2020

Brand X - Unorthodox Behaviour (1976)


Enfant passionnant du rock progressif, le jazz fusion a su tirer le meilleur des codes et du format de son aîné, pour le réadapter au génie du jazz. C'est un tournant historique dans le jazz qui vit alors une nouvelle révolution se dérouler. Des musiciens hors paire s'y épanouiront dans style laissant pleinement s'exprimer leur maîtrise technique et leur délire créatif au sein des morceaux s'étendant souvent sur plus de 10 ou 15 minutes. Le géniteur de cette révolution n'est autre que l'inlassable avant-gardiste Miles Davis, avec son In A Silent Way de 1969, puis l'iconique Bitches Brew, un an plus tard, qui fera office de référence en la matière. In a Silent Way garde cependant une place cruciale de génial incubateur des artistes qui feront le jazz fusion pour la décennie à venir. On y retrouve ainsi au clavier trois artistes hors du commun, un certain Herbie Hancock qui poursuivra la dynamique jazz-fusion de sa Mwandishi trilogy (Mwandishi en 1971,  Crossings en 1972 et Sextant en 1973 ), Chick Corea qui fondra Return To Forever avec des influences américo-latines portées par son album éponyme sorti en 1972 et enfin l'austro-hongrois Joe Zawinul qui s'associe dès 1971 avec le saxophoniste Wayne Shorter, ancien du mythique Jazz Messengers et du fabuleux deuxième sextet de Miles Davis, lui aussi présent sur In A Silent Way, pour former le légendaire Weather Report, tremplin d'un des plus grand bassistes que le jazz ai connu, Jaco Pastorius. Côté batterie Tony Williams, autre vétéran du second quintet de Miles Davis, sera un des précurseurs du genre, fondant Lifetime en 1969 avec le guitariste et autre ancien de In A Silent Way, John McLaughlin, qui le quittera deux plus tard pour lui aussi devenir fer de lance du mouvement en créant le nom moins célèbre Mahavishnu Orchestra, avec l'album The Inner Mounting Flame paru en 1971. On n'oubliera pas non plus de mentionner la présence Dave Holland à la contrebasse, tout autant actif dans les 70's, prenant part aux formations de Chick Corea ou encore Stan Getz. De nombreux jeunes musiciens viendront alors s'intégrer à ces formations, à l'instar de Jaco Pastorius précédemment cité ou encore du violoniste français Jean-Luc Ponty, que l'on a pu entendre sporadiquement avec Return To Forever ou bien dans la formation Mahavishnu Orchestra, avant de se lancer dans une carrière solo remarquée.


     La formation anglaise Brand X fait parti de ces jeunes musiciens happés par la vague jazz-fusion initiée depuis le début des années 70 et en vogue dans les festivals de jazz du monde entier. Initialement rassemblée autour du guitariste John Goodsall, du bassiste Percy Jones et du claviériste Robin Lumley, la formation s'est renouvellée à de nombreuses reprises. On retiendra surtout celle de 1976 avec le passage éclair de Phil Collins à la batterie pour leur premier album studio, Unorthodox Behaviour et quelques dates, avant que le succès mondial ne gagne Genesis en 1977, signant le départ du géni. 
Ce premier album est un coup de maître, brillant par sa technique, il se démarque par des influences funk-rock très affirmées, rendant très accessible leur composition jazz ambitieuse.


     L'album commence d'ailleurs par le fantastique Nuclear Burn, qui introduit dans un torrent d'énergie les 7 titres, grâce au jeu racé de John Goodsall et au rythme infernal et intrépide de Phil Collins largement mis en avant au mastering et tranchant radicalement avec le style adopté pour Genesis. Guitare et batterie se répondent alors avec mordant tout le long des 6 minutes que compte le titre, mélodiquement impulsé par la basse ultra rythmique de Percy Jones

     Euthanasia Waltz vient ensuite apaisé nos sens de sa guitare folk et de ses ambiances plus tropicales à la Chick Corea. Percy Jones en profite alors pour briller de ses slides et autres bends.

     S'en suit Born Ugly qui nous embarque dans une ambiance ultra funky avec sa guitare boostée à la wha-wha et une basse rappelant avec insistance le jeu de Bootsy Collins qui sortait en cette année 1976 son premier album solo Stretchin' Out In Bootsy's Rubber Band, mais aussi les ambiances de Head Hunters sorti trois en plus tôt. S'en suit, grâces aux ambiances de Robin Lumley, une tranquille dérive vers un univers de plus en plus progressif venant chatouiller le krautrock de Can.

     Smacks Of Euphoric Hysteria reprend la main, dans une composition mélodique irréprochable de John Goodsall et une construction très jazz de ses nombreux breaks, de ces solo qui se répondent et de ce même thème qui revient inlassablement. 

     Arrive alors le titre Unorthodox Behaviour et ses ambiances plus vaporeuses à la Weather Report , faisant magnifiquement relais au très mélodieux Running On Three dont s'inspira très probablement le chef de file du jazz-fusion japonais, Casiopea, qui se forma en cette même année 1976, soit trois avant la parution de leur premier et anthologique album 1979.

     L'album se termine avec l'énigmatique et mysthique Touch Wood, pleinement ancré dans la culture progressive, n'attendant que la voix du regretté Jim Morrison pour percer cette atmosphère chaude et électrique à la Riders Of The Storm.

     Les 7 titres écoulés, une seule envie demeure, réécouter l'album en se concentrant sur chaque instrument, pour les décortiquer, les apprécier individuellement. On comprends alors pleinement la cohésion singulière de la formation. C'est cette cohésion, ce feeling, ce sens de l'improvisation dans des structures proches du jam qui étonne le plus avec cet album, comme si tout la musique se déroulait de façon évidente. En cela réside le succès du jazz-fusion, tant pour ses musiciens que pour ses fidèles amateurs.

     Pour ce qui est de Brand X, ils changeront de formations de nombreuses fois, se sépareront en 1980 avant de se reformer pour quelques années et un album, X-Communication, en 1992. Preuve de cette cohésion, ils ont, en 2016, reformé le groupe autour de John Goodsall et Percy jones, pour une tournée Nord Américaine.

A écouter sur Deezer ou encore Spotify

Bonne écoute à tous !


Etienne

2 commentaires:

  1. On en est tous là, planqués derrière nos fenêtres à regarder le monde agoniser...
    État dépressif mis à part, quel album ! Phil Collins lui-même a déclaré qu'il ne savait pas comment il avait pu jouer comme ça et qu'il en serait incapable aujourd'hui (la citation remonte aux années 90), c'est dire le niveau technique du machin. Un indispensable du jazz fusion, à n'en pas douter.

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    1. Oui jamais eu autant envie d'écouter du prog'. Merci pour l’anecdote, en effet on peine presque à croire que c'est bien lui qui joue sur l'album. Il a sans nul doute participé à la légende.

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