Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

mardi 7 juin 2016

Frank Ocean - Channel Orange (2012)



  Vous voulez du classique moderne ? Vous croyez que des Thriller, des Songs In The Key Of Life ou des Sign "O" The Times ne pourraient plus sortir de nos jours et qu'aucun disque de ce calibre ne sortira plus jamais ? Ce disque est fait pour vous. Connaissez-vous Frank Ocean ? C'est celui qui dans le collectif de hip-hop hardcore Odd Future composait des ballades à la Stevie Wonder plutôt que des bangers rap. C'est celui qui pour beaucoup a déringardisé le terme rnb (au sens moderne), et pris la relève de D'Angelo et sortant le Voodoo des années 10, ce Channel Orange donc.

  Le disque commence par un bruit, puis un sifflement très aigu que peu d'entre vous pourront entendre (passé un certain âge... désolé !), comme celui émis par les télés en fonctionnement, puis justement un jingle TV, qui conclut ce "Start" introductif et nous plonge dans le premier classique de l'album : "Thinking Bout You". Cette ballade est une héritière de Wonder via D'Angelo justement, le falsetto de Ocean dans les refrains contrebalance son chant plus grave dans les couplets, et le tout (instrumentation et chant) évolue entre hip-hop (boîte à rythme), (nu)soul (cordes), et pop (synthés, guitares). Dans une modernité absolue et en même temps en s'inscrivant dans une immense tradition. Et ce chant si subtil, si touchant.... Un classique vous disais-je ! Tout est merveilleux de simplicité, d'évidence et d'émotion dans ce morceau, la moindre mesure est à sa place.




  "Fertilizer", qui sonne comme un jingle publicitaire composé par Stevie Wonder, est une courte introduction menant vers un autre sommet : "Sierra Leone", qui dédouble le chant de Frank Ocean un peu comme le faisait Marvin Gaye en gérant les questions-réponses et les choeurs en plusieurs prises. Je ne vais pas le répéter tout l'album mais l'instrumentation là encore est impeccable, mélodique, touchante, sobre et riche, tout comme le chant. On a le vertige en entendant Curtis Mayfield, Prince, Janelle Monaé, Michael Jackson, Sly Stone et autres... évoqués par la voix d'Ocean et/ou la musique. Sans que cela n'enlève quoi que ce soit à la personnalité hyper forte du tout. 

  Même chose pour le suivant, "Sweet Life", merveille soul/rnb/pop. Oh et le plus beau c'est que les paroles sont bonnes, et il y a des liens entre les morceaux, c'est un peu un album-concept sans le côté chiant du truc, ce qui justifie les intermèdes et leurs bruitages de télé branchés sur cette fameuse "channel orange" (il y a dans ces paroles l'histoire d'un bar à strip-tease, le Paradise, et d'une des "danseuses" etc... je vous laisse découvrir ça tous seuls !).




  "Super Rich Kids", le titre suivant, introduit par un court skit ("Not Just Money") rappelle la blue-eyed soul au piano martelé comme une percussion du "Bennie & The Jets" d'Elton John, et le flow misanthrope d'Earl Sweatshirt complète parfaitement le chant rnb sensible d'Ocean. Parfait.

  Plus psychédélique et flirtant avec une électronique plus expérimentale ainsi qu'avec la pop, "Pilot Jones" est un autre classique instantané, qui évoque du coup un peu l'esprit des Temptations avec une rythmique proche du genre de rnb blanc post-dubstep de James Blake. "Crack Rock", entre beat hiphop old school et claviers soul, émeut et est encore un sommet. Tout comme l'enchaînement avec le carrément électronique (et funky aussi, ainsi que hip-hop / rnb à la The Weeknd sur la fin). 




  "Pyramids", morceau fleuve de presque 10 minutes, absolument incroyable, un vrai moment de bravoure bluffant. Je vous laisse vous faire souffler par le morceau. Le pire c'est qu'on penserait qu'il est impossible de suivre cela, mais il y arrive le bougre, et avec un des meilleurs morceaux de l'album, et peut-être le plus accessible : "Lost", et sa rythmique funky. Le très délicat intermède "White", avec John Mayer, termine cet enchaînement de morceau absolument délirants, un des meilleurs que j'aie jamais entendus. 



  "Monks" poursuit à merveille l'enchantement, avec un rythme plus soutenu qui apporte une dynamique bienvenue. Là encore rien à redire c'est parfait, absolument parfait. Bon, il fallait bien un petit hic, "Bad Religion" est une ballade voix-orgue-piano plutôt jolie mais un peu convenue, pas à la hauteur du reste même si elle reste bonne et très écoutable, avec de bons moments. "Pink Matter", avec André 3000, est meilleure, c'est-à-dire au niveau stratosphérique et intouchable du reste du disque. De même que la très pop "Forrest Gump", qui apporte une touche plus enjouée à cet album autrement très sombre et dépressif, avant une "End" en field (urban?) recording




  Bref, un classique. Pour ceux qui pensent que Back To Black de Winehouse est le dernier du genre, foncez sur Channel Orange. J'ai rien à ajouter, la musique parle d'elle-même, si vous voulez entendre comment sonne un génie capable de synthétiser et de moderniser la soul, le funk, la pop, l'électronique, le hiphop et le rnb dans les années 2010 tout est là. 

Pour écouter sur Spotify c'est ici


Merci pour votre lecture et vos commentaires !


Alexandre

 
     Un album hors-norme, un artiste hors-pair, une production exemplaire, une sensibilité glaçante, une poésie touchante. Les superlatifs manquent pour décrire cet album qui déchaîna les passions à sa sortie en 2012 et se posa dès lors comme un standard de l'histoire du R'n'B.

     Utilisant son background hip-hop comme support de production et y appliquant des compositions dignes des plus grands noms de la soul et du R'n'B tels Marvin Gaye ou bien Stevie Wonder ( oui rien que ça ! ), il casse littéralement les cloisons du genre, à l'image de D'Angelo. S'y exprime alors pleinement la sensibilité de Frank Ocean dans des textes narratifs et introspectifs que le genre hip-hop beaucoup plus démonstratif et extraverti ne permettrait pas. On est ainsi embarqués dans cette histoire sur fond de bandes FM que les très nombreuses et intelligentes transitions mettent parfaitement en vie, sans être nullement pompeux. Laissant respirer un album qui s'apprécie à la fois dans l'unicité de 17 titres homogènes en qualité et cohérents dans leur recherche artistique, tout aussi bien que dans la diversité des titres ayant leur personnalité propre comme autant de stations FM et autant de petits tubes à découvrir, à l'instar de ces Thinkin About YouSweet LifeSuper Rich Kids, Lost ou encore Pink Matter.

Bonne écoute !

ETIENNE



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