J'ai décroché légèrement d'un de mes groupes favoris, après deux albums de bonnes factures mais dont les singles éblouissants ("Bassem Sabry"...) n'arrivaient pas à occulter les morceaux "remplissage" moins inspirés. Le retour à une instrumentation moins électronique (d'abord folk/country/rock puis glam/funk) qui a séduit les critiques américains (qui sont passés à côté de tous les joyaux du groupe depuis Hissing Fauna..., les idiots), ne m'a pas convaincu. J'y entendais un Kevin Barnes en roue libre, mal à l'aise et ne sachant pas quoi faire de ces riffs de guitares éculés et de cette production rock clinquante. Bref, cette direction, bien qu'ayant accouché de bons morceaux, ne m'a pas convaincu.
Et là, avec ce Innocence Reaches, j'ai complètement repris le train en marche. A force de partir dans du trop barré (Paralytic Stalks, que j'ai beaucoup aimé mais qui était un peu la limite d'une formule), puis passé comme je viens de le dire par du trop convenu, Barnes a retrouvé un équilibre instable. Les instrumentations retrouvent ce mélange des genres si particulier, entre funk, pop, rock, électronique, glam, entre acoustique et électronique, beauté et folie, danse et contemplation.
Et ça commence dès le premier titre "Let's Relate" et ses synthés kitsch et too much (électro 90's ultra exagérée), qui, accompagnés de la voix dépressive de Barnes, donnent un côté Innuendo de Queen à la musique. Comme quand Mercury, se sachant condamné, pondait des hymnes déchirants et barrés comme "I'm Going Slightly Mad". La production, le rythme, les voix, tout est parfaitement dosé (sachant que parfaitement dosé pour Of Montreal, ça veut dire un peu trop de tout). C'est absolument brillant, comme une parodie de l'électro commerciale qu'on nous sort depuis 25 ans, mais avec une maîtrise musicale qui dépasse la parodie pour imposer un nouveau genre d'électropop too much mais crédible et de qualité. Comme chez Passion Pit par exemple.
"Different For Girls" et "A Sport And A Pastime" sont des tubes parfaitement à mi-chemin entre le Barnes électro-funk / pop-rock des chefs d'oeuvres Hissing..., Skeletal Lamping, False Priest et Controllersphere et cette nouvelle orientation. Le propos mélange les genres musicaux et sexuels avec brio.
L'ancien Of Montreal se retrouve aussi sur d'autres morceaux, mais toujours avec une nouveauté. Le glam rock très T-Rex de "Gratuitous Abysses" et son riff générique façon Lousy With Sylvianbriar est sauvé par un refrain jouissivement pop entre Lou Reed, Bowie et Bolan. "Les Chants de Maldoror" est sur la même pente glam rock déviante, mais avec un côté sombre et psychopathe génial (le côté entêtant de la mélodie principale, le long solo oblique de la fin, les dissonances très musique contemporaine à la Paralytic Stalks...). Dissonances qui se retrouvent dans le final "Chap Pilot", qui fond progressivement dans l'orchestration et la production buissonante. La même chose est vraie de "Chaos Arpeggiating", entre la débauche orchestrale de False Priest et glam rock au riff hispanisant (là encore, ça rappelle "Innuendo", le morceau...).
"My Fair Lady" rappelle la période Hissing Fauna... / Skeletal Lamping avec sa basse funk, son chant désabusé, ses arrangements somptueux (la musicalité de ces choeurs bon sang!!!), et son refrain accrocheur. "Ambassador Bridge", "Def Pacts", "Nursing Slopes", "Trashed Exes" c'est exactement la même chose, en plus sombre, de vrais chef-d’œuvres pop.
L'album (écoutable ici) est vraiment excellent, je le place juste au dessus de The Controller Sphere, égalant presque les joyaux de la fertile période 2007-2010 du groupe. Barnes a ici réussi le coup de force de faire une synthèse de son oeuvre, sans se répéter et en se réinventant. Un des meilleurs et plus inventifs disques pop de cette année. Et je suis heureux de me dire que j'attendrai le prochain Of Montreal avec moins d'appréhension que celui-ci.
Viva Barnes !
Alex
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