Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

mercredi 18 avril 2018

Sons Of Kemet - Your Queen Is A Reptile (2018)


  Les Sons Of Kemet sont un quartet de jazz britannique formé autour du saxophoniste virtuose Shabaka Hutchings que nous suivons avec intérêt sur ce blog. Quartet peu commun dans sa formation puisque deux autres membres jouent de la batterie et le dernier du tuba. Les morceaux de cet album, leur troisième sous ce nom, commencent tous par "My Queen Is.." suivi d'un nom d'une des 9 femmes fortes, sortes de modèles du groupe auxquelles il a ainsi rendu hommage. Hommage qui donne le titre de cet album un brin provocateur, qui renvoie ces portraits à la face de l'auditeur en le questionnant sur ses propres modèles. Musicalement, on oscille entre un jazz plus posé, quelques digressions free, et la musique caribéenne (soca, calypso...), avec notamment une grande influence des fanfares de la Nouvelle-Orléans ou d'Haïti, influences dues à la jeunesse d'Hutchings à la Barbade. Le meilleur exemple de ça, c'est "My Queen Is Harriet Tubman", morceau absolument irrésistible de groove, qui invite à la danse avec sa mélodie insolente. Tout aussi facétieuse, et plus incisive, "My Queen Is Angela Davis" rend un hommage de circonstance à cette figure des droits civiques.

 Le résultat est toujours très rythmé, souvent mélodique, et donc plutôt accessible même si vous n'êtes pas un grand connaisseur de jazz. Pour les allergiques à l'instrumental pur, les voix sur "My Queen Is Ada Eastman" font d'ailleurs via ce côté caribéen quasi reggae/ska/dub un pont involontaire avec la gouaille jamaïcaine et british de The Specials. Ce côté dub est également apprécié sur "My Queen Is Mamie Phipps Clarks" ou "My Queen Is Nanny Of The Maroons". "My Queen Is Anna Julia Cooper" est entre deux eaux, plus apaisée mais en surface seulement tant on sent que la tension peut poindre à n'importe quel moment au long de ce morceau quasi synthpop/house dans sa construction qui illustre à merveille le renouveau du jazz de clubs british, tout comme le dernier EP de notre chouchoute Nubya GarciaEnfin, c'est une influence africaine qui nourrit "My Queen Is Albertina Sisilu", morceau qui possède une mélodie irrésistible qui pousse n'importe quel être humain normalement constitué à taper frénétiquement du pied. 

  Un petit côté 60's-70's et un soupçon de jazz-rock traversent "My Queen Is Yaa Asantewaa", avec de bonnes idées de production et d'interprétation (la batterie lo-fi un peu distante donnant un côté vintage au tout, le tuba joué comme une basse funk-rock). "My Queen Is Doreen Lawrence" insiste sur ce côté plus rock, plus agressif, avec une musique implacable et martelée qui clôt l'album avec panache, et un chant revendicatif. 

  L'album est une merveille de jazz, et c'est également un vrai miracle qui peut convaincre même un non amateur de jazz grâce à un sens mélodique aigu, une fièvre du groove sans limite et une oreille sûre pour les gimmicks accrocheurs. Tout en conservant une radicalité jazz et un minimalisme intègre. Je me répète : c'est un chef-d'oeuvre du genre et un des meilleurs disques de l'année.

Ecouter sur Spotify ou Deezer

Alex



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