Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

lundi 9 avril 2018

The Voidz - Virtue (2018)


  Le contexte, vous le connaissez sûrement, surtout si vous avez eu l'âge d'écouter les Strokes au collège-lycée comme moi, ou à la fac. Julian Casablancas est - ils sont officiellement toujours en activité - le chanteur et leader de ce groupe de rock devenu instantanément mythique en 2001. Mais avec le temps, et suite à un gros hiatus et plusieurs crises au sein du groupe, les sorties des Strokes se sont espacées dans le temps, et chacun des membres a pu développer sa discographie solo. Pour Casablancas, ce fut d'abord un excellent album d'électro-pop à tendance rock, Phrazes For The Young (2009), puis fonde un deuxième groupe : The Voidz, qui nous intéresse ici, et avec lequel il a déjà sorti le très bon Tyranny (2014), qui marque un renouveau dans la musique du bonhomme avec davantage d'expérimentations et de fun que dans les derniers Strokes (même si ces derniers ont été un peu injustement descendus, moi-même j'ai été longtemps sceptique à leur propos).

  On sent Julian à l'aise avec ce nouveau groupe formé de requins de studios venus de plein de genres différents, de l'électro au punk, et très portés sur le digging d'obscurs pans de la musique, à la recherche de sons nouveaux provenant de décennies et de continents oubliés. Après avoir pu expérimenter en studio et jouer en live avec eux, un déclic a eu lieu et on entend une certaine magie supplémentaire à l'écoute de ce disque (alors que, je le rappelle, le précédent était déjà formidable). Cet album, c'est un peu le meilleur de Casablancas, condensé et nourri de milles influences captivantes, avec en plus un fond politique (au sens large) intéressant et un sens du fun clairement à l'honneur : on entend que le disque a été fait avec beaucoup de plaisir.

The Voidz - Leave It In My Dreams (2018)

  Pour illustrer tout ça, le premier single issu de cet album, "Leave It In My Dreams", placé judicieusement en piste 1, rappelle le meilleur des débuts des Strokes par son écriture pop-rock impeccable, ainsi que le meilleur de leur deuxième partie de discographie, avec ce son impeccable et ce petit côté funk-rock post-Phoenix. Au passage, c'est amusant d'entendre comme ces deux groupes se sont entre-influencés au cours des années 2000, mais ça pourrait faire l'objet d'un autre article incluant également les Daft Punk dont la collaboration avec Julian sur "Instant Crush" a laissé des traces déshinibantes chez ce dernier. Mais en plus de ça, on entend des parties de guitare venant tout droit de l'afro-pop, d'autres venant du punk voire du post-punk déglingué, et des textures sonores riches proches d'un rock indé n'ayant pas peur du synthétique, comme chez Mac Demarco. D'ailleurs, l'irrésistible single "Wink" est assez proche de la démarche de ce dernier. 

The Voidz - QYURRYUS (Clip, 2018)

  Le meilleur exemple de cette richesse et de cette ouverture incroyables reste  le mélange barré de krautrock, de synthpop, de punk, de rock berbère autotuné et surtout de funk turc composant "QYURRYUS", dont on a déjà parlé ici (et qu'on a même nommé clip du mois de janvier). L'autre grosse réussite du genre est "ALieNNatioN", entre électronique, funk à la Sly Stone, (glam) rock (psyché), (synth)pop, hip-hop, rnb, envolées lyriques et couplets plombés, son lourd et étincelles de légèreté, une vraie leçon de pop, pleine d'amour pour la Pop la plus inventive et accessible à la fois. Une merveille. Autre grosse expérimentation, "My Friend The Walls" rappelle furieusement l'influence que les épopées sonores de Radiohead et Queen ont pu avoir sur Casablancas, et qu'on pouvait entendre notamment sur le dantesque "Human Sadness" sur le précédent album. On pourrait dire la même chose de la belle et triste ballade synthétique clôturant l'album, "Pointlessness"

The Voidz - ALieNNatioN (2018)

  Au rayon pop, "Permanent High School" rappelle le premier solo de Casablancas avec son croisement tubesque de synthpop et de rock, mélodique, en apparence facile mais prenant et très bien construit. Tandis que "All Wordz Are Made Up" mixe refrain de tube synth-rock FM 80's, vocoders à la Laurie Anderson, et prod bouncy proche du travail de The Neptunes (Chad Hugo & Pharrell Williams) qui a fait danser de façon intelligente les années 2000. "Pink Ocean" sonne comme un slow disco quasi rnb, mais version psyché et saturé, et est vraiment un excellentissime morceau. "Lazy Boy" mixe de façon habile et futée Daft Punk, DeMarco, art-rock et Strokes récents. 

The Voidz - All Wordz Are Made Up (Clip, 2018)

  Plus loin, c'est un hard rock sombre et déviant à la Black Sabbath qui est perverti par des influences rock (Queens Of The Stone Age, Queen, Ratatat), glam, punk, post-punk et électroniques (quasi dub au sens anglais du terme) sur "Pyramid Of Bones". On pense à The Fall sur le post-punk déglingos, saturé, distordu et partiellement atonal de "One Of The Ones", sympathique mais moins indispensable. Le rock indé lo-fi imbibé de folk de "Think Before You Drink" est un peu sauvé par sa montée finale intense, tandis que le punk hardcore de l'espace de "Black Hole" et celui plus psychotique de "We're Where We Were" sont sauvés par leur folie et leurs rythmiques folles. 

The Voidz - Pyramid Of Bones (Clip, 2018)

  C'est donc un superbe album que nous livrent les Voidz, avec très peu de points faibles malgré un nombre de morceaux conséquent et un son dense, un vrai petit chef-d'oeuvre qui arrive à innover en faisant de la pop et du rock sans se dénaturer ou perdre en efficacité (ce qui est un exploit en soi), avec un juste dosage entre tubes obliques et expérimentations obscures. On a la double impression un peu paradoxale que chacune des chansons provient d'un groupe différent (comme le suggèrent les visuels de chaque single), mais que l'album est cohérent, et rien que ça en dit beaucoup sur le talent du groupe. A coup sûr un des albums de l'année, et une superbe surprise qu'on attendait pas à ce niveau avant d'entendre les singles ravageurs. Au point que j'attendrais désormais chaque sortie de ce groupe avec ferveur.

A écouter sur Spotify ou Deezer ou Youtube


Si vous en voulez encore :

Alex




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