Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 22 juin 2018

Nas - Nasir (2018)


  Dans le cadre de la folle lancée des Wyoming Tapes (cf les chroniques de DAYTONA, ye et Kids See Ghosts), Kanye West a accompli un nouvel exploit en sortant enfin un album de Nas, le dernier datant de 2012. Le légendaire MC avait même sorti un morceau nommé de façon assez malicieuse "Nas Album Done"... il y a deux ans. Bref, cette sortie semblait compromise jusqu'à ce que Kanye se retrousse les manches pour produire l'album en entier pour son idole. Nasir, assez classiquement hip-hop old school, gavé de samples plus ou moins obscur, est proche dans son approche du DAYTONA de Pusha-T, à l'approche assez classiciste également, dans une démarche "un MC et un beatmaker", tandis que le solo de Kanye et Kids See Ghosts avec Kid Cudi sont des albums plus pop, dans lesquels West a une place plus proéminente, oscillant entre de nombreux styles musicaux, modernes dans leur mise en son, et pensés avec de nombreux collaborateurs.  

  C'est sur un sample de l'intro de la musique de film "Hymn For The Red October" (1990) de Basil Poledouris, à la gloire du communisme, que démarre "Not For Radio". Le morceau comprend quelques interventions et interjections de Diddy, ajoutant au côté épique de la prod, permettant à Nas de sortir d'énormes couplets, écrivant sa propre mythologie dans un morceau bigger than life transcendé par le refrain épique chanté par 070 Shake qui résume avec une simplicité désarmante le sous-texte décortiquant le racisme ambiant aux US : "I think they scared of us". Grosse prod, couplets marquants, ça commence bien. 

  Le morceau suivant, "Cops Shot The Kids", s'ouvre sur un sketch du comédien Richard Pryor puis sur un sample vocal en boucle (façon "A Milli" de Lil Wayne) de "Children's Story" (1988) de Slick Rick, que Kanye apprécie sampler récemment. Des cris, des voix doublées comme sur les collabs avec Bon Iver, des nappes de synthé menaçantes, des basses qui claquent, Kanye énervé : on se croirait sur Yeezus (2013). Clairement "le morceau de K West" sur ce disque, même si Nas offre un bon couplet.

  C'est sur un sample génial, venant d'une reprise de "Prison Song" de Graham Nash par le groupe de funk iranien Shahram Shabpareh, que s'ouvre "White Label". Le morceau est énorme, avec un Nas en grande forme. Seul regret : c'est tellement épique qu'on attend un gros drop avec d'énormes basses et un beat trap pour dynamiser tout ça, mais le producteur a choisi de la jouer sobre, ce que je respecte totalement. 


  Sur "Bonjour", c'est la bossa mélancolique de "Dance Music" (1988) de Rahul dev Burman qui donne le ton, avec des interventions vocales de Tony Williams (ainsi que Victoria Parker et Philip Peterson), donnant un côté Marvin Gaye, très aérien, à cette superbe prod rappelant également le très francophile Dear Annie de Rejjie Snow (2018). Là encore, sur cette prod parfaite, Nas est chez lui et ça s'entend. 

  L'album prend une tournure plus mélancolique avec deux morceaux co-écrits et chantés par The-Dream, à commencer par "everything", sur lequel Kanye chante d'une façon touchante et fragile un texte aussi naïf et simple que beau et universel. On retrouve le fidèle Mike Dean, ainsi que le jeune producteur d'électro-pop/rnb Cashmere Cat à la prod. Un superbe morceau qui parle par lui-même, comme sa suite directe "Adam & Eve" et son sample chaud et vintage de "Gole Yakh" (1974) de l'iranien Kourosh Yaghmaei, agrémenté d'une pincée de "Ain't No Sunshine", version Michael Jackson enfant (1972), et d'extraits du film Le Parrain. Ce sample poussiéreux convient parfaitement à Nas qui le transcende totalement, façon Django de Tarantino. Un autre grand morceau. 

  L'album finit sur "Simple Things", encore co-produit par Mike Dean, dans une démarche proche de celle de Bon Iver (on croit d'ailleurs entendre la voix de Justin Vernon). Un beau morceau, émouvant et parfait pour clore cet album. On sent le sens de la finition et la perfection de la prod qui traverse tout l'album, notamment par cette basse jouée qu'on entend à peine mais qui structure le morceau.

  Cet album pour Nas est donc un pari réussi. C'est une oeuvre totalement différente des 3 précédentes de la série Wyoming Tapes, mais qui semble s'inscrire, comme DAYTONA, dans une démarche hip-hop plus classique. Ses samples incroyables et le rap impeccable de Nas semblent d'ailleurs propulser l'album vers un statut de classique instantané, qui serait mérité. Du bon boulot.
A bientôt pour ce qui semble être l'ultime album de cette folle lancée, le Teyana Taylor !

Nasir (Nas), à écouter sur Spotify ou Deezer

Alex


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