Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 6 mai 2016

The Beatles - A Hard Day's Night (1964)


  Vous vous souvenez qu'à propos des deux premiers albums des Beatles, je disais qu'ils étaient bien au-dessus de la norme des albums pop, tant par leur qualité homogène que par leur personnalité forte (majorité de compositions, débuts d'expérimentations avec les arrangements) ? Et bien avec ce troisième, tout cela aboutit à un premier chef-d'oeuvre, tout simplement.

  Avec cet album, on est en plein coeur de la Beatlemania. Les States ont succombé après le deuxième album, le film qui illustre ce disque, aussi nommé A Hard Day's Night, fait un carton, les filles crient encore plus fort et plus longtemps à chaque apparition publique supplémentaire des Fab Four. 




  Concernant les morceaux, c'est John qui démarre fort les hostilités avec la chanson titre irrésistible et d'une énergie folle, le genre de power pop avant l'heure dans laquelle excellait Lennon à l'époque. Puis avec une réminiscence des premiers albums, "I Should Have Known Better", et son harmonica. Cependant, si elle rappelle les premiers albums, elle ne fait que renforcer l'idée que le groupe a fait un pas de géant avec cet opus... Cette guitare cristalline, le chant de Lennon, la synergie du groupe... Tout cela a gagné en intensité et en efficacité, le groupe a pris du coffre et ça s'entend. On continue avec la magnifique ballade "If I Fell", partagée avec McCartney pour des choeurs magnifiques. Là encore, que ce soit dans les voix, la structure du morceau ou la composition, cette ballade est au-dessus de celles des albums précédents, sans problèmes. Et elles étaient déjà magnifiques au possible, celles des albums précédents. 

  Un autre titre irrésistible, "I'm Happy Just To Dance With You", emportée avec classe par un Harrison en grande forme, avec des particularités très sympa : la reverb sur le chant, et surtout cette guitare obsédante... Mi-funky avant l'heure, mi-tranchante, elle anticipe les Smiths, le post-punk et Franz Ferdinand, qui ont dû prendre des notes à l'écoute de ce morceau, pour sur. Macca nous ressort la ballade "And I Love Her", avec des effluves moins anglaises et plus continentales. On imaginerait bien un clip à Venise, Paris ou Barcelone. Très bon.

  Ensuite, viennent deux autres morceaux de power pop incroyables pour clore cette extraordinaire face A, le "Tell Me Why" de Lennon, toute en énergie là encore (le glam et le punk s'en souviendront), et soutenue par un piano qui fait un job remarquable pour soutenir le morceau, et une guitare presque crade assez jouissive. Puis c'est au tour de Macca avec "Can't Buy Me Love", là encore un single imparable.




  Et la face B reprend avec "Any Time At All" et son énergie très Who avant l'heure (on entend presque Daltrey dans le chant de Lennon dans le refrain, un an avant la sortie du premier album des Who). Si la guitare cristalline du refrain eût été un peu plus grasse, on aurait sûrement eu le hard rock quelques années plus tôt... Là encore, John hurle à merveille, la synergie acoustique/électrique et section rythmique / mélodies fait mouche, et les idées d'arrangements géniales sont bien là, comme ce fantastique piano.

  John ressort le coup de la chanson américaine avec le "I'll Cry Instead", bonne chanson uptempo entre pop, country-folk et R&B. Pas la plus inoubliable de l'album, mais elle reste de bonne facture et est tellement courte (1'46") qu'elle n'a pas le temps de diminuer la qualité globale du disque. D'ailleurs à ce sujet, les chansons ici sont racées, compactes, courtes, designées. On reste en effet sur des morceaux d'1'45" à 2'35" grand max. C'est de la pop pure, de la pop en barre. 

  Macca revient pour son dernier tour de piste avec "Things We Said Today", là encore formidable morceau acoustique et électrique, et là encore saluons les guitares acoustiques et le piano, ainsi que la section rythmique implacable. Puis Lennon nous offre un "When I Get Home", là encore très sauvage, entre Rythm&Blues et proto-garage. On comprendra pourquoi les américains, en entendant les Beatles, feront du garage, tout est là : riff, grosses guitares, beat de batterie très lourd, chant crié. Ce morceau est excellent. Tout aussi énervé dans le chant, moins dans la musique (sauf avec l'irruption des merveilleuses guitares saturées en fin de morceau), vient ensuite le "You Can't Do That" de Lennon. Puis la ballade finale lennonienne, "I'll Be Back", fonctionne comme le "And I Love Her" de Macca, une belle ballade continentale au refrain tire-larme et aux guitares acoustiques magnifiques. 




  Pour résumer, on a un album uniquement composé de morceaux originaux,  tous meilleurs les uns que les autres, presque sans aucune faiblesse, avec une interprétation magnifique. Porté par Lennon, cet album est compact, efficace, énergique et sauvage. Il préfigure grâce au chant écorché de Lennon, aux guitares saturées et à la frappe massive de Ringo les sauvages des sixties (les Who, les Troggs, le garage rock). Mais aussi grâce aux guitares acoustiques et aux guitares électriques 6 et 12 cordes cristallines de Harrison, les merveilles futures des Byrds et du folk-rock. Les arrangements sont plus fouillés, les chansons ont une ossature plus solide, souvent renforcée par les pianos de George Martin ou McCartney. Bref, le premier grand chef-d'oeuvre absolu des Beatles, un condensé de tout ce que la pop du début des sixties peut offrir de plus généreux, énergique, créatif et beau. 


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Alexandre

6 commentaires:

  1. Que dire? Merci. Bon comme j'aime écrire et que cela mérite un développement ce Merci.
    Le hasard plus qu'autre chose, je n'ai aucun vinyle des Beatles. Mes toutes premières cassettes: Tommy des ho, Goats des Stones et les double bleus et rouges des Beatles.
    Ensuite je développe une posture pour minimiser l'importance des Beatles et augmenter celle des Beach Boys. Je continue, cela reste marrant.
    Mais je n'avais jamais écouté VRAIMENT un album des Beatles en entier. J'ai tenté encore récemment mais je suis tellement imprégné des deux doubles que toute autre chanson est écrasé par celles que j'ai en mémoire.
    Il me falait un article accompagnateur comme toi, bien détaillé jusqu'à une petite dose de mauvaise foi assumé j'imagine, je vais y revenir. N'empêche tu as réussi à rehausser à un haut niveau les titres que j'ignorais. J'ai même entendu certaines de tes analogies, oui, oui, je l'ai entendu le Daltrey. Je n'ai pas fait attention mais si c'est un fil consistant à remonter la disco des Beatles, je compte bien le suivre.
    Ma question: ta distribution Macca ou Lennon (et Harrison) des compositions, c'est à ton oreilles ou bien tu as une source, je ne garde que le souvenir des signatures LenNon/McCartney.
    Bon un autre commentaire pour le plaisir de débattre (ou pas?)

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    1. C'est le but, je fais la discographie des Beatles dans l'ordre, en essayant de ressortir les particularités de chaque album.
      Pour les Beach Boys, ils ont tendance à être sous-estimés, alors ta posture peut apporter beaucoup à ceux qui les ont ratés pour cette raison.
      Je suis très subjectif dans ce que je fais en général, pour cet article ou pour les autres, j'essaie de donner ma lecture du truc, je ne prétends pas avoir raison ou bon goût ou quoi que ce soit, je donne juste ma grille de lecture des albums, et les analogies qui me viennent à l'esprit :)
      Du coup, j'ai déjà fait les 2 premiers Beatles si tu veux voir les articles ;)
      Pour la distribution, c'est la voix principale que je donne. Et souvent chez les Beatles, la voix principale c'est le principal compositeur du morceau. Mais certaines compos se sont vraiment faites à 4 (ou plus) mains, donc c'est pas une règle absolue mais ça donne une idée de qui fait quoi sur quel album (les proportions Lennon vs Macca sur le total de chansons de l'album sont intéressantes à suivre notamment)

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  2. Je retrouve dans ta présentation des souvenirs de discussions entre potes, puis entre internautes: de l'influence primordiale des Beatles sur la musique pop. Elle est indiscutable, mais justement discutons. Elle est indispensable mais elle n'est pas miraculeuse ils sont placés sur une ligne où il faut penser à ajouter d'autres qui sont aussi indispensable pour expliquer par exemple des Divine Comedy ou des Elvis Costello aujourd'hui pour la dimension pop.
    Non, pas le coup des Beach Boys, Beatles et Beach Boys, chacun de son côté de l'atlantique, je les compare volontiers à deux chiens de tête de traîneaux, chaun entraînant l'autre pour rester sur la ligne pop.
    mais parlons de ce talent d'écriture, ce talent à arranger une ritournelle pop qui devait ne jamais nous quitter. Les Beatles font surtout suite au Brill Building. "Crying in the Rain" de King/Goffin, 1961... Mister MacCartney lui doit son approche tendre. "Stand By Me" 61 encore. "Will You Love Me Tomorrow" 60 à tomber celle là. Voilà pour les fondations, comme je viens de le lire, les règles d'or de la chanson pop sont posés. Ensuite je reconnais au Beatles & Beach Boys d'avoir emprunté une voie plus ambitieuse pas forcement plus talentueuse mais libératrice. J'imagine que tu y viendras?
    Ensuite, la suite. Ce qui me manquait à moi chez les Beatles (que Lennon tentera de trouver aux US?) mais là c'est mon histoire (la seule que j'ai vraiment vécue) pas de quoi se défouler, ado j'avais besoin et ce n'est pas original de trouver un écho à cette frustration sans nom. Les Stones apportaient ce début de "méchanceté" davantage frustré et colérique dans le musique des Who, plus sauvage de l'autre côté avec en tête les Stooges et tout le courant garage. Il y dans la réussite des Beatles une machinerie à écrire bien huilée et solide. Pas de félure comme chez Brian Wilson ou de perversité sensuelle à la Stones.
    D'ailleurs ce qui est amusant, c'est que la palette des Beatles est telle - je le reconnais - qu'elle se noie dans toute la musique pop à venir sans qu'il y en ait beaucoup à le revendiquer. J'ai lu davantage d'artiste parler d'héritage ou d'influence à propos de Brian Wilson, Burt Bacharach et même Ennio Morricone dont la ligne est plus facilement identifiable comme apport.
    Chez Jimmy je me demandais ce que vaudrait une compilation, non pas de reprises des Beatles, mais des titres directement influencés par eux. J'en ai un évident "The Kids Are Alright" des Who. XTC pour le côté Lennon? Electric Light Orchestra... Histoire de rappeler l'ingrédient Beatles dans la musique. Je survolais le Sgt Peppers mais il est tellement riche et kaléidoscopique, j' n'arrivais pas à identifier une chanson témoin BEATLES.

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    1. Tu as raison, je ne nie pas ce qui a précédé au contraire. D'ailleurs, de Please Please Me à Beatles For Sale il y a une tripotée de reprises de gens qui ont cadré cette pop magnifique. Des girls band (qui ont aussi inspiré énormément Brian Wilson), aux grand orfèvres du Brill Building ou du rockabilly (Perkins, Little Richard...) et notamment son versant pop (Buddy Holly). Et puis on entend ici et là les guitares des Shadows et Cie. C'est vraiment un héritage direct et assumé de la part des Beatles. Ainsi que le jazz vocal qui a beaucoup inspiré Macca via son père, et qui a aussi participé à son côté plus tendre, de crooner pop.
      Et c'est aussi ça ce que je trouve intéressant dans les Beatles, au dela du cadre pop "parfait", ce mélange d'influences allant du songwriting américain classique, au rythm'n'blues, au rock fifties, au folk et à la country. Ces frictions, à l'intérieur d'un cadre pop, donneront de nouvelles pistes très intéressantes, et un vrai modèle d'appropriation réussie de différentes musiques qui fera école.

      Beach Boys et Beatles : influences croisées, ce serait un super article. Je pense qu'il existe déjà et est très bien fait. Moi même en comparant les chronologies et les morceaux, j'aime bien m'imaginer ce que Wilson ou les Beatles avaient chipé à l'autre.

      Chez les Beatles, le défouloir c'est sur un ou deux morceau par album, certes. Ils sont plus dans la catharsis d'une certaine mélancolie adolescente, dans la lutte du "loser" pour avoir LA fille ou se trouver une place dans le monde. Moi-même j'ai écouté beaucoup de Who et de Stooges pour sauter partout. Pas la même façon d'aborder la jeunesse, mais c'est très complémentaire, je trouve.

      Pour les descendants directs ça mériterait un article... Les Move puis Jeff Lynne en solo ou avec ELO et les projets de Roy Wood (en solo ou avec Wizzard), me viennent vite à l'esprit. Todd Rundgren aussi, très Beach Boys mais aussi très Beatles, en solo avec Nazz ou Utopia.
      XTC aussi, pour Lennon et Macca. Le garage américain aussi, énormément. Les orfèvres baroque pop : Bee Gees, Left Banke, etc... Plus récemment, Tame Impala, Alex Turner, Ty Segall etc... Je pense que la période Revolver a marqué énormément de gens. Tous ceux qui font peu ou prou du psychédélisme ou de la pop baroque ont été marqué par ce disque. Je pense que l'influence Beatles est tellement évidente et cliché que peu le citent également. Crois moi, quand tu dis que ton groupe préféré c'est The Beatles, tu passes pas pour un original,ça donne envie de sortir un truc plus obscur, pour ne pas être confondu avec ceux qui disent ça juste comme ça.

      La fêlure est bien présente, chez Lennon évidemment mais aussi Macca et Harrison (et un peu Ringo aussi), elle est moins démonstrative que chez Wilson ou les Who, mais elle est là ;)

      Merci pour tes commentaires en tous cas, ça fait plaisir d'échanger comme ça, c'est vraiment le Graal des blogs ce genre de messages ;)

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  3. Les filles ne vont pas crier bien longtemps.. la scène va commencer à s'éloigner du groupe. On est au sommet de la beatlemania là.. et "Things we say today" ainsi que "And i love her" sont surement parmi mes préférées. Ils montent en qualité, fulgurance.. la suite va éclabousser plus encore, s'endurcir... arrfff, qu'est ce que c'est bien de tout réécouter dans l'ordre.
    Pour l'influence réelle.. euhh.. ça doit être assez colossale je crois.. si on va par là qu'ils ont inventé la brit pop ?? même Travis en est. Et aussi la world.. et donc Kula Shaker.. et pas loin d'avoir lancé le hard "Helter skelter"... nan ?? :DD et la face de disque avec un long morceau.... et le psyché ??? Jacco Gardner......

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    1. Ouais je pense que ce que décrit Devant, le fait que peu de groupe qui clament partout haut et fort qu'ils sont inspirés par les Beatles, c'est parce que c'est ultra-évident que tout le monde l'est.
      Alors par omission devant l'évidence ou par snobisme dans certains cas, c'est pas le groupe qui ressort le plus alors que c'est celui qu'on entend le plus.
      Et là encore on entend tellement du Beatles partout qu'on vient à se demander ce que c'est que "faire du Beatles" justement... Toutes ces influences et ces groupes postérieurs qui copient ou s'inspirent, ça dilue leur empreinte, leur son qu'ils ont pourtant forgé. Si tout le monde copie les Beatles, il devient difficile de cerner leurs particularités, puisqu'elles ne sont plus particulières du tout.

      Sinon y'a tout le rock des années 2000, de Franz Ferdinand (c'est tellement Beatles dans la structure, les voix...) aux Arctic Monkeys...

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