"There's too much too much"
Un disque beaucoup trop compliqué, indigeste, ampoulé, il y a un peu trop de tout partout mais... c'est pour cela que vous l'aimez.
Le choix d'Etienne :
Thomas Brinkmann - Klick (1999)
Je voudrais vous montrer quelque chose d’hallucinant, qui relève autant de la performance, au sens artistique du terme, que de la musique. Quelque chose de complètement expérimental, très conceptuel, tant dans le rendu que dans la recherche instrumentale sous jasent et fondamentale dans ce processus de création. Je vous le présente peut être même plus pour le procédé utilisé par l'artiste que pour la musique, qui n'en demeure pas moins de très bonne qualité, mais assez indigeste.
Il s'agit d'un producteur allemand de techno minimaliste des 90's, très prolifique à la fin de cette décennie et fondateur du label Max Ernst, nommé Thomas Brinkmann. C'est ici un album sorti en décembre 1999.
La très grande singularité de cetartiste réside dans sa façon de créer de la musique. C'est à dire qu'il se sert de vinyles vierges comme instrument, qu'il va alors rayer avec un cuter pour créer des rythmes et les faire tourner sur de multiples platines simultanément. Il utilise ensuite une table de mixage pour donner des effets à ces "Klick", que l'ont pourrait même qualifier de "bruits". Thomas Brinkmann créer ainsi une musique sonnant Dub, à la Pan Sonic, pour son travail purement rythmique, dénué de mélodies, mais aussi techno minimaliste ( même le titre et le "nom" des morceaux en binaire en témoignent ) avec ces boucles répétées, bidouillées, trafiquées, rappelant Steve Reich . S'en dégage une atmosphère dense, stérile, impersonnel et froide, mais synchronisée la musique se révèle une poésie électronique en réptation, rappelant les expérimentations de Ryuichi Sakamoto et Alva Noto . Imprévisible et monotone ( aléatoire ?), gras et sec à la fois, simple et compliqué, hyper grave et ultra aiguë, les contrastes de la composition ne laissent pas indifférent et cela fait avancer d'une longueur la perception que l'on a des limites mouvantes de la musique.
Voici un live datant de 2010 qui rend beaucoup mieux compte que mes mots de la singularité de la composition :
Pour l'écoute je m’excuse mille fois mais le seul lien que je peux vous proposer est celui du label. Descendez dans la liste des album et cliquez sur album MP3 une fois que vous avez trouvé "Klick". Le problème étant que la lecture se coupe toutes les 45 secondes et que l'on est obligé de mettre play à chaque fois. Mais si vous avez le courage de l'écouter, il en vaut vraiment la peine. C'est ici : http://www.max-ernst.de/
Etienne
Le choix d'Alexandre :
OUTKAST - SPEAKERBOXXX / THE LOVE BELOW (2003)
Je l'avais annoncé, ce Grand Jeu va être punk pour moi. Me voilà, à moins de 3h de la publication de cet article, en train de le taper en direct, alors qu'il y a une demie heure je pensais parler d'un tout autre album. D'ailleurs, je pense me mettre en danger de la sorte jusqu'à la fin, et choisir un album au dernier moment parmi ma présélection, ou en dehors comme pour ce soir, l'idée me plaît. Je ferais un récap de mes choix alternatifs en fin de jeu, comme la dernière fois, il y en a quelques uns qui me tiennent à cœur.
Enfin bref, si j'ai changé au dernier moment, c'est parce que j'avais envie de varier un peu les genres musicaux, et vous faire découvrir d'autres choses. Et aussi parce que j'écoute cet album en boucle en ce moment. Je me suis fixé comme contraintes supplémentaires de ne vous parler que de disques publiés après 2000. Pas envie de faire dans le passéisme, ce dont on m'a parfois accusé à tort (y'a pas moins passéiste que moi), et puis j'ai plus de chance de faire découvrir des choses à certains sur ce terrain.
Maintenant la longue (et pas trop lassante je l'espère) intro passée, parlons de la musique. Pourquoi "Too Much" ? Tout d'abord, comme cela est visible dans le titre, et sur la (les) pochette(s), ce disque est un double album. Je vois d'ici la plupart d'entre vous valider mon choix rien qu'avec cette phrase. Les doubles, c'est bien connu, ont souvent trop de titres plus faibles, et auraient été bien plus efficaces si ceux-ci avaient été amputés. Oui, mais c'est un peu plus compliqué que ça. Le Double Blanc serait-il le Double Blanc sans "Ob-La Di Ob-La Da" ? Peut-être, mais peut être que ce qui fait le charme des bons double albums, c'est à la fois l'éclectisme obligatoire, pour tenir sur la durée, et l'alternance de morceaux plus ou moins réussis. Ces petites imperfections qui font tout le génie de ces albums. Au-delà de la démarche mégalo, c'est une vraie mise à nu de l'artiste, qui est obligé de donner tout ce qu'il a, ce qui peut accoucher de vrais miracles. Dois-je mentionner Songs In The Key Of Life ?
Bref, 2 disques, 2 pochettes, 39 pistes, entre 2h et 2h et demie de musique, des intros, skits et interludes par wagons.... (disques surremplis et interludes à outrance, les grands maux de pas mal de disques hiphop) Je suis dans le thème non ?
Ceci dit, je dois vous prévenir : ce disque est absolument dingue. Publié en 2003, à la suite du chef-d'oeuvre Stankonia (un des meilleurs albums de la décennie), il porte les marques des tensions dans le duo. En effet, Big Boi et André 3000 font cd à part, chacun ayant une rondelle dont il est star et sur laquelle il contrôle tout. Ce qui n'empêche pas les compères de se rendre service sur leurs disques respectifs, manière plutôt très intelligente de gérer ce genre de situations. Et ça fonctionne.
Disque 1 : Speakerboxxx, le disque de Big Boi. Le plus hiphop des deux, tout en tension, voire agressif parfois (mais dans le bon sens du terme), porté par le charisme et le flow incroyables de l'homme. Musicalement, on est une fois de plus émerveillés par les trouvailles du duo, qui naviguent sans aucune variation apparente de la cohésion du tout entre électro (rythmiques parfois presque jungle), hiphop, rnb, soul, funk, rock, jazz... Une tuerie, bluffante du début à la fin.
Meilleurs morceaux :
Ghetto Musick (hiphop électrofunk, avec rythmiques IDM)
Unhappy qui rend paradoxalement n'importe qui heureux instantanément.
Flip Flop Rock, avec Jay-Z et Killer Mike.
Mais franchement, un grand cd, malgré les quelques interludes qui suivant les écoutes, permettent l'immersion dans le disque, ou agacent.
Disque 2 : The Love Below, le disque d'André 3000. Plus jazzy, plus pop, plus funk. Le disque qui amène les fans de rock, de jazz, de pop, vers Outkast et le hiphop. Disque très chargé sensuellement, on passe du romantique à l'explicitement sexuel au gré des envies d'André, qui comme Big Boi et son flow dingue, guide tout le cd de sa voix qui passe comme la musique du chant jazzy, à un électrofunk très Prince, à de la pop.... Il susurre, chante, rappe, crie, et on est en admiration devant tant de fougue si admirablement canalisée. Pour comprendre ce disque très varié, il faut l'écouter. Electro, rnb, gospel, jazz, soul, funk, hiphop, pop, rock, toujours au service de ces paroles outrageusement sexuelles. Ce disque est une leçon, vraiment impressionnant dans sa maîtrise et sa fusion de styles musicaux. On fait dans le moderne et le malin ici, je vous ai dit.
Meilleurs morceaux :
L'enchaînement Intro-Love Hater (jazz)
Spread (hiphop-jazz-électronique)
Prototype et She Lives In My Lap (ballades sous influence Prince)
Take Off Your Cool (ballade pop-folk avec Norah Jones)
Mais là encore, tout le cd vaut le tour.
Pour résumer, on a là un (ou deux) disque(s) pas loin d'être aussi quintessentiels que le monument Stankonia, et qu'il faut découvrir d'urgence. Deux albums en un, qui se complètent admirablement, et montrent chacun de leur façon le génie de ce groupe, qui éclate ici au grand jour, dans cette surenchère de morceaux incroyables. Des chansons comme Hey Ya ! peuvent être la porte idéale d'entrée vers l'univers assez difficile à appréhender de ces deux-là, et je vous invite très chaudement à franchir le seuil, avec ce double ou avec le précédent album. Pour ceux qui n'ont pas peur de voir les clichés prémâchés qu'on leur sert sur le hiphop bouleversés par ce groupe pas comme les autres.
Je remercie les gens qui ont lu mon papier en entier, ainsi que les commentateurs. A dans deux jours !
ALEXANDRE
Le Thomas Brinkmann a l'air bien spé, au vu de l'extrait écouté. Pas sûr que j'ai le courage d'essayer ça plus longtemps mais ça rentre parfaitement dans la consigne, bien vu !
RépondreSupprimerOui c'est assez spé, C'est le genre d'album que je ne réécouterai pas souvent, mais c'est très intéressant de l'avoir écouté au moins une fois et de savoir que ça existe. J'ai hésité à la mettre car c'est du minimalisme, mais à la fois il y a tellement de klicks de partout que ça en devient complexe.
SupprimerTrès interpelé par le Brinkmann, je flaire le bon plan.
RépondreSupprimerOutkast ? Y a le tube qui était irrésistible mais qu'on a trop entendu, j'avais écouté cet album mais, bon, le hiphop et moi...
C'est pas évident-évident de rentrer immédiatement dans Outkast. En revanche, c'est typiquement le genre de groupes "passerelle" qui peuvent te faire apprécier le hip-hop. Enfin, j'imagine que tu as déjà dû essayer pas mal de fois sans succès.
SupprimerQuestion d'âge, je connaissais bien le tube, mais je n'ai pas subi le matraquage de l'époque.
Excellent le Thomas Brinkmann... merci pour la découverte.
RépondreSupprimerEhh, tu m'enlèves pas Ob la di !!! :D, non mais...
RépondreSupprimerJe me souviens de Outkast .. gros truc avec un hyper tube..je me souviens de m'être lassé à la longue. Super choix.
Connais pas Brinkmann.
Mais le pire c'est que je l'aime Ob-La Di.... Et pour ce genre de choses je sais que toi seul peut me comprendre ;)
SupprimerMais Outkast, en vrai, c'est génial, ce disque vaut le coup. Et Stankonia aussi !
bah c'est clair... je discutais avec un pote qui m'affirmait que le plus difficile c'était de faire une chanson gaie !!! plus dur que le vague à l'âme, le plomb..etc etc. Et le Paulo, il est bon pour créer ce genre de chose..qui, bizarrement, n'est pas mon truc du tout :DD Comme quoi, y'a que lui pour le lège ;D
SupprimerOutKast le meilleur est encore avant Stankonia. Sur le double je préfère le Big Boi mais mon morceau préféré serait sans doute le vampirique Dracula's Wedding sur celui d'Andre 3000 avec une Kelis impeccable.
RépondreSupprimerBrinkmann c'est de toute évidence pour moi mais j'ai jamais pris la peine d'écouter plus d'un morceau par-ci par-là. Merci du rappel et bravo pour ces deux choix !
(petite coquille à sous-jacent au passage)
Complètement d'accord avec toi, Stankonia est encore meilleur, mais je l'ai dit deux ou trois fois déjà ^^
SupprimerJe voulais dire avant, encore avant Stankonia, que j'aime beaucoup aussi mais les très barrés ATliens et Aquemini, à l'époque où j'étais tombé sur le groupe via un remix complètement fou pour Björk... ils ont viré plus glam que martiens par la suite mais je retiens surtout cette période des 90s, moins radiophonique mais toujours aussi excitante aujourd'hui.
SupprimerAh d'accord, excuse-moi, je t'avais mal compris ! Je les connais encore assez peu ceux-ci, mais je vais m'y plonger très rapidement, c'est prévu ! Merci pour ton commentaire.
SupprimerJe ne connais pas le premier, et pour Outcast un grand mélange de perceptions en moi et au final un album (s) dans lequel je picore plus que je n'écoute.
RépondreSupprimerJe te comprends, pas évident de tout aimer là-dedans, c'est tellement varié... Mais il reste une cohérence assez hallucinante, malgré cette diversité énorme.
SupprimerSouvent, dans ce genre d'œuvres, j'ai évidemment des morceaux favoris, mais il y a peu de passages que je n'aime pas, et j'apprécie le disque dans son intégralité, j'aime me le passer en entier.
Brinkmann, inconnu au bataillon pour moi.
RépondreSupprimerOutkast, oui, il y a un côté tapageur qui tombe pile poil dans le thème !
Merci !
SupprimerConnais pas du tout le teuton technoide, pas sur que ce soit ma came.
RépondreSupprimerLe Outkast, sans bien connaitre l'album (dense en même temps), je dois admettre que c'est un excellent choix...
Merci ! Dense, mais plus facile à s'approprier que certains autres très gros albums du genre.
SupprimerHello les kids.
RépondreSupprimerEtienne : ben moi j'attends qu'il s'en serve de la tronçonneuse, un peu chicken ton BrinkMachin ...
Alexandre : cet Outkast a constitué un point de rendez-vous entre mon fils (à fond dans le hop-hop à l'époque) et moi : ça marque !
Il vaut bien plus qu'une écoute superficielle mais le matraquage média a pu en écœurer plus d'un (ça m'arrive tellement ...)
Ou hip-hip ... ou hip-hop. Oui c'est ça, hip-hop.
SupprimerAgréablement surpris de lire que tu apprécies ! Merci beaucoup pour ton commentaire.
SupprimerPersonnellement, j'avais 9 ans en 2003, le matraquage m'est passé à côté ;) Ce disque est avec le précédent notamment, oserais-je le dire, une part d'histoire de la musique quand même, comme tu le dis, il FAUT l'écouter.
ah tu me rassures, je ne suis pas le seul à me demander pourquoi il a une tronçonneuse !
SupprimerMon cher Étienne, déjà je n'ai rien compris au concept de l'artiste que tu présentes. "… expérimental, très conceptuel… recherche instrumentale sous jasent et fondamentale…" pour moi, c'est du Mandarin !!!!! J'ai quand même écouté le résultat de ce brainstorming musical et j'avoue que ça m'a laissé l'encéphalogramme à zéro !!!
RépondreSupprimerHi, Alex, j'ai trouvé dans le disque de Outkast quelques petites choses sympathiques. Ton choix de "meilleurs morceaux" est fort juste. J'y ajouterais "The Way You Move", très soul !
Merci jeunes gens, pour ce voyage apocalyptique !!!!!
Merci à toi ! :) Content que tu aies aimé quelques petites choses, il y a pas mal de soul et de funk là-dedans effectivement. Voire du Gospel.
SupprimerJ'ai eu du mal à faire simple avec une musique compliquée, du coup mes phrases ne veulent pas dire grand chose, un peu comme cette musique. Mais à la fin de l'album c'est exactement ça, tu as l'impression de t'être fait lavé le cerveau !
SupprimerPrends avant tout Stankonia, l'album d'avant, mais bon, pas sûr que ça soit ton truc en effet.... Pour moi tout n'est pas lié, et puis c'est aussi du show, dans la droite ligne de Prince, Hayes, Clinton.... Il faut assurer le spectacle avec des tenues extravagantes. Sans faire un parallèle direct, c'est aussi incarner son personnage scénique, "à la Bowie" que de se vêtir de la sorte.
RépondreSupprimerIls aiment se déguiser (cf la parodie du style BCBG, clip de Hey Ya!, les tenues de lycéens dans Roses...), et en dehors sont souvent habillés de façon assez classe. Ce sont donc bien des costumes de scène.
Il vaut le détour ! :) Stankonia aussi.
RépondreSupprimerMerci pour ton commentaire.
Brinkmann est un doux dingue de l'expérimentation savamment barré.
RépondreSupprimerOutkast, je me souviens qu'à l'époque de sa sortie en 2003, toute la presse musicale en parlait de manière dithyrambique, des inrocks à magic en passant par pitchfork ! Ça m'a un peu blasé....Perso, j'ai jamais trop écouté même si ces 2 artistes sont bons.
A +
Tu peux tenter, toi qui aimes le hiphop, je suis sûr qu'un de leurs albums pourrait te plaire !
SupprimerJe ne lisais ni les inrocks ni magic ni pitchfork en 2003, et je n'écoutais pas grand chose, je te fais confiance donc. Mais c'est vrai qu'ils ont une superbe réputation critique, même si pour ce disque c'est plus mitigé (j'ai lu celle de pitchfork par curiosité après avoir écrit le billet ci-dessus, ils ne sont pas complètement extasiés, loin de là). A vrai dire en 2003 je devais avoir quelque chose comme 9 ans. ^^
Alexandre et Etienne, ou les choix extrêmes. Vous êtes les deux pôles que tout oppose ce coup-ci. Je ne sais que choisir... Mais pour la peine, choix parfaits pour le too much!
RépondreSupprimerOn essaie de ne pas proposer le même post tous les deux, c'est l'idée ! Merci de le souligner, on fait des efforts dans ce sens, content que ça se remarque ;)
SupprimerBrinkmann : j'aime bien l'idée, évidemment ça ne peut pas plaire à tout le monde mais c'est grâce à des allumés comme ça que des voies nouvelles se créent. Ces gens-là sont indispensables. Le résultat est intéressant, mais je me limite à quelques minutes.
RépondreSupprimerOutkast : la pochette me fait fuit d'entrée. Je me souviens que quand je voyais le nom, je pensais direct aux vrais Outcasts, les ptits jeunes de Belfast en 77.
Bref, je viens d'en écouter deux titres et c'est pas aussi terrible que je le craignais - même pas hip hip ou hop hop d'ailleurs - mais dans l'ensemble j'accroche pas vraiment et la voix me déplait.
Question : c'est quoi le tube dont vous parlez tous ? Hey ya, jamais entendu ce truc. Roses non plus. Bon faut croire que j'avais pas la radio qui fallait à l'époque, j'ai changé de poste depuis. Ou alors ça ne passait pas sur France Culture :-D
Même avis que toi sur Brinkmann.
SupprimerEt à mon avis ça peut passer sur France Culture, maintenant, ce groupe est très apprécié des critiques.
Mais franchement la radio en général, je trouve que ça craint. Nova, et quelques autres petites stations trouvent grâce à mes oreilles, mais musicalement, c'est compliqué d'être satisfaits dans notre beau pays, à ce niveau.
Et même si des émissions sur France Inter et France Culture sont excellentes, en général, ce ne sont que des guignols qui n'y connaissent rien, même sur ces radios, qui, j'ose le dire, passent souvent de la merde. Et avec prétention en plus.