Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

vendredi 20 janvier 2017

Foxygen - Hang (2017)


  Le précédent effort du groupe avait divisé : alors qu'il contenait certaines des chansons les plus intéressantes de la décennie (certes pompées sur Todd Rundgren entre autres mais qu'importe au fond ?), il avait aussi son lot de morceaux bruitistes amorphes et un manque global de direction.

  Ce coup-ci, le projet est plus resséré : une trentaine de minutes, 8 morceaux, et une vraie proposition en termes de son sur tout le long du disque. Ce son, c'est un genre de pop-rock symphonique, avec orchestre à cordes plus des cuivres de partout, un peu comme dans la variété classe d'un Lee Hazlewood, ou chez les Kinks version music-hall, les Four Seasons et le Sinatra de Watertown, le glam de Bowie, Bolan ou Lou Reed (Transformer), les Last Shadow Puppets, Nilsson, ou les géniaux Lemon Twigs (mon 5e album préféré de 2016, produit par Jonathan Rado, moitié de Foxygen). D'ailleurs, on entend l'expérience de producteur de Rado partout, cette musique est riche, ample, le son est divin et les arrangements aussi exquis qu'innombrables. Et même si on reste chez Foxygen, le groupe s'est calmé : moins de tiroirs et de changements de rythme partout dans les chansons.

  Du coup, ça touche en plein dans le mille, la volatilité du groupe mieux canalisée donne des morceaux jamais emmerdants, toujours passionnants et richement produits, mais désormais mieux canalisés. La perte en énergie pure est compensée par le gain en impact. Bon sang, rien qu'à écouter "Follow The Leader" on se demande si y'a vraiment besoin d'écrire d'autres chansons derrière. Même avec ce titre seul sur un CD je suis prêt à lâcher 15 balles pour me l'acheter. 

  Je pourrais dire la même chose d'"America", qui a l'intensité de la variété 60s de qualité et du crossover pop - jazz vocal pour crooner de haute volée (d'ailleurs je tiens à le souligner : Sam France n'a jamais aussi bien chanté que sur ce disque, et diversifie énormément son "flow"). Si le début du morceau est intense, la mélodie qui se pointe à 2' est carrément bouleversante, et la partie qui s'ensuit fait plus penser à du Tchaïkovski suivi d'un peu de Duke Ellington qu'à n'importe quoi d'autre.... Retour du cabaret et fusion de toutes les parties en une conclusion abrutissante tellement elle est belle et puissante. Waow. Rien à dire, je suis soufflé. 

  J'attendais depuis un moment un revival bien foutu de doo-wop, de pop 60s à la Four Seasons, de variété un peu music hall et de jazz vocal à la Sinatra, entre cet album et le Lemon Twigs de 2016 je suis servi.   

  Alors bien sûr, parfois c'est juste bon et pas excellentissime, comme "Avalon" qui commence bien entre piano honky tonk et vaudeville kinksien, et poursuit avec un refrain Beach Boys période Sunflower. Cette chanson n'arrive pas à être plus que la somme de ses parts, mais cette somme est assez bonne pour qu'on lui pardonne aisément. La même théâtralité exagérée est mise à disposition sur "Mrs Adams", mais cette fois-ci l'excellence est atteinte, on n'est plus dans la déconnade mais l'intensité émotionnelle (les leçons de tonton Rundgren ont été bien digérées), et la conclusion est absolument brillante. Je vais vous donner un petit truc pour juger rapidement de la qualité d'un compositeur : écoutez si la conclusion est bonne. Parce que la conclusion ça doit être le truc le plus dur à faire dans une chanson, et elles sont vraiment non seulement pas foirées mais carrément très mémorables ici,  donc les mecs sont vraiment des tueurs. Le diable est dans les détails. Ca n'a rien à voir (quoique si, sinon je n'y aurais pas pensé), mais un proche, cuisinier, m'a un jour donné un conseil semblable pour tester un chef dans un restau : prenez une crème brûlée en dessert. C'est tout con à faire mais ça montre l'attention aux détails et la technique : si le dessus est pas bien caramélisé et chaud tandis que le fond est pas bien pris et froid, c'est que c'est pas un si bon restau que ça. Voilà, fin de la parenthèse. 

  On reprend avec l'album. Dans toute cette chantilly orchestrale, il y a une relative accalmie pour les oreilles délicates : la country-folk champêtre qui ouvre "On Lankershim" (bonne chanson). Mais bon, ça se re-remplit assez vite d'arrangements foisonnants, alors pour les gens sensible, prenez une bonne inspiration. Car le jukebox pop reprend dès la suivante ("Upon A Hill"), où les mélodies se succèdent avec excès et brio (et la voix.... On dirait Iggy non ? C'est très cool en tous cas). Tiens on dirait toujours un peu l'Iguane sur "Trauma", morceau assez dantesque et carrément intense. "Rise Up" conclut ce très bon disque sur une note très Lou Reed. La voix, les cordes.... Ca fait très Transformer tout ça... Mais pas que. Même si il aurait pu pondre ces saillies de guitare bien crado entre 76 et 89. Mais là encore, la musique est tellement riche que si elle évoque des trucs, c'est un peu logique et on est loin de se réduire à un pastiche. 

  Et c'est là où les mecs sont forts. Ca explique qu'ils aient quasiment créé un sous-genre musical à eux tous seuls (avec l'aide du Congratulations de MGMT et d'illustres anciens comme les Flaming Lips quand même), cette pop jukebox ultra moderne dans le fond et ultra vintage sur la forme. Et ça explique que malgré leur jeunesse (1er album en 2012!) ils soient l'un des groupes les plus influents et cruciaux de la décennie. Chapeau les gars.

  Enfin bref, je vais pas m'éterniser davantage : ce disque est vraiment superbement composé et réalisé. Je suis pour ma part totalement conquis, et je vous encourage vivement à l'écouter par vous-mêmes pour vous faire votre propre idée.

A écouter là

Alexandre


2 commentaires:

  1. Encouragement bien reçu. Je suis souvent dans le même trip que toi Cabaret Pop orchestré (Marc Almond le "kitsch" de l'album "Stardom Road") et je m'apprête à faire un petit papier sur mon chouchou dans ce style. Le dernier Divine Comedy est à tomber, à ranger près de tes chouchous à toi... J'y viens... Mais le FOXY, YES!! Il me faudra penser au Lemon aussi..

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    1. Marc Almond est une grosse référence aussi pour moi depuis Soft Celle jusqu'à ses solos.
      Lemon Twigs c'est la quintessence du genre, un énorme album. Je vais aller les voir en live au printemps, j'ai hâte !
      Merci pour ton commentaire, je suivrai attentivement ça chez toi ;)

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