Le king du mumble rap revient avec cette suite à sa tape de 2015 BEASTMODE (produite par Zaythoven), son projet le plus sérieux depuis le diptyque FUTURE/HNDRXX (2017). L'hyperactif s'était entre temps fendu d'un album collaboratif avec Young Thug et de la BO du remake de Superfly, ces deux projets étant sympathiques mais pas indispensables non plus. La première tape du nom, celle de 2015, avait une certaine sensibilité pop (cf des morceaux comme "No Basic", "Where I Came From", "Just Like Bruddas" ou "Peacoat"), utilisant la virtuosité au piano de Zaythoven et les textures synthétiques quasi électro-pop et parfois à la limite de la pop japonaise, avec un petit côté BO jeux vidéos ("Lay Up", "Forever Eva") comme écrin à un rap mélodique et expressif. Sa suite, elle aussi signée par Zay et teasée depuis 2016, continue donc dans cette même lancée, et "WIFI LIT" démarre les hostilités en terrain connu, c'est à dire une charmante électro-pop vaguement orientalisante ponctuée de sons synthétiques et d'un piano printanier, portée par le flow entêtant d'un Future aux instincts mélodiques intacts. La seule différence, c'est la maturité musicale acquise en trois ans, qui s'entend surtout grâce à un mix plus aéré, mettant davantage en avant ses éléments et gagnant ainsi en relief.
La mixtape complète, sur youtube
Le côté mélancolique, chill de morceaux comme la quasi comptine "CUDDLE MY WRIST", traversées de parties de piano entre jazz soft et blues, ajoute à ce côté mature, un poil nostalgique, pensif et posé. Des fulgurances mélodiques au piano et dans le flow de Future, toujours assisté par son autotune magique, transcendent des morceaux comme le magnifique "RACKS BLUE", un morceau très expressif et touchant. On approche presque le somme "Codeine Crazy" sur ce dernier, ainsi que sur "RED LIGHT", où le duo a eu la bonne idée de mettre le piano et quelques cordes en avant, donnant un aperçu de ce qu'aurait pu donner un album de rap moderne produit par Chilly Gonzales (en espérant qu'un rappeur réponde à ses appels du pied). On n'est pas si loin d'un style adult contemporary influencé par le jazz des cocktails et des piano bars, méritant l'appellation de post-Katrina blues apposée à la musique chantée-rappée depuis Lil Wayne.
Dans un style tout aussi touchant, mais plus proche de l'électro-pop de groupes comme Passion Pit musicalement, Future est déchirant sur "WHEN I THINK ABOUT IT". Zaythoven s'y surpasse également au piano, aboutissant à un grand morceau. "HATE THE REAL ME" utilise des synthés qui sonnaient déjà too much dans les 80's comme sur Pluto, qui avait fait décoller Future en 2012, ou sur des morceaux plus récents comme la géniale "Lie To Me", présente sur le très cool EVOL (2016). Et elle les utilise là encore à des fins plus adultes et matures que jamais, avec un côté auto-référentiel très intéressant, tant pour souligner le temps passé depuis ces marqueurs de sa carrière (et donc de sa vie), y invitant une distance critique, une complicité malicieuse et bienveillante avec l'auditeur l'ayant suivi depuis, et un certain sens de la continuité.
Zaythoven (à gauche) et Future (à droite)
Même des morceaux plus classiquement trap profitent de cette ambiance pop et de ce feeling émouvant, comme "31 DAYS", sur laquelle le flow de Nayvadius se fait aussi agile et instinctif que celui de Young Thug. L'influence de ce dernier est également présente sur la très pop "SOME MORE", à l'aspect comptine dopée aux basses trap faisant également penser à Lil Yachty. Pour autant, le fun et le rythme n'ont pas disparu, comme sur "DOH DOH", qui utilise avec malice un pattern proche du thème de James Bond pour déballer des onomatopées régressives et le flow sudiste de Young Scooter (qui fait furieusement penser à un croisement entre T.I. et YG ici).
Ce qui s'annonçait comme une petite mixtape sans grandes ambitions se révèle être une oeuvre majeure de Future, à la hauteur de ses meilleurs disques, sans doute au-dessus du premier BEASTMODE (2015). Profitant d'un instinct pop intact et de la virtuosité de Zaythoven au piano, Future accouche d'un disque tirant le meilleur parti de sa concision (9 titres seulement, une bénédiction pour un disque de rap mainstream) et de la diversité des ambiances sonores abordées au sein d'un projet par ailleurs cohérent thématiquement, à l'instar d'EVOL (2016). Bref, c'est un magnifique disque.
Alex
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