Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

jeudi 31 janvier 2019

James Blake - Assume Form (2019)


  Petit point de contexte rapide sans tomber dans le people : James Blake est un artiste anglais oscillant entre le soulman délicat et l'électronicien fou de studio, et sa musique assez sombre s'est éclaircie sur ce disque parce que dans la "vraie" vie, il file depuis quelque temps le parfait amour avec celle qui semble être, selon lui, la femme de sa vie. Et ça se ressent sur cet album, qui parle beaucoup d'amour, de la façon dont on construit et maintient une relation, et fait également pas mal d'introspection. 

James Blake - Mile High (ft Metro Boomin, Travis Scott, 2019)

  Le disque commence par un très beau morceau-titre, "Assume Form", très Radiohead dans tous ses éléments (rythmique IDM, modification vocale, chant plaintif, boucle de piano, cordes...), qui trouve une belle conclusion dans un mantra chanté par des voix pitchées paraissant enfantines bientôt rejoint par le chant de Blake dans sa mélodie entêtante. Ce morceau a une présence spectrale, il sonne comme hanté, impalpable. Ce sentiment perdure, mais si l'album est ramené sur terre sur "Mile High" (paradoxal) par la collaboration avec le producteur Metro Boomin (et  ses rythmiques puissantes) et par l'intervention vocale de Travis Scott. Les deux hommes susurrent autant qu'ils chantent, superposant lascivement leurs mélodies vocales pures au milieu de boucles obsédantes. Un morceau parfait, qui se révèle vraiment avec les écoutes répétées, au casque, dans le noir et le soir si possible. 

James Blake - Tell Them (ft. Metro Boomin & Moses Sumney, 2019)

  Autre exemple de collaboration réussie, "Tell Them" fait la part belle à la voix du très bon Moses Sumney, dont on avait beaucoup aimé le précédent album (ainsi qu'à la prod de Metro Boomin, une seconde fois). Là encore, la superposition de ces voix d'anges sur un beat mélodique et accrocheur fait mouche. Les autres moments forts du disque viennent quand Blake associe la douce langueur de comptines nocturnes qui fait cet album et la violence qui a fait la grandeur de son premier album solo : déconstructions imprévisibles ("Don"t Miss It"), voix robotiques ("Into The Red"),  ou synthés acides comme sur ma préférée ("Are You In Love" qui réussit cette synthèse électro-soul que j'aime tant chez Blake : on dirait du Stevie Wonder 70's joué par Autechre)

  Lorsqu'il ne reste que la douceur, ça reste beau, mais pour ma part, je m'ennuie un peu même si c'est beau, comme sur la ballade "Lullaby For My Insomniac" ou sur l'étonnante relecture de variété US des années 40 d'"I'll Come Too" ou "Power On"Dans le genre, "Can't Believe The Way We Flow" est un peu entre deux eaux, ses superpositions vocales magnifiques (un peu doo-wop ?) sauvant un titre qui aurait pu tomber dans le pathos mais se retrouve au final parmi les réussites du disque.  

  Et cet ennui relatif arrive même en présence d'invités comme Rosalia ("Barefoot In The Park") qui commence pourtant très joliment, ou sur "Where's The Catch" dont le beat basique n'est pas à la hauteur d'une intervention d'André 3000, qui a pourtant tendance à transcender tout ce qu'il touche. 

James Blake - Don't Miss It (2018)

  Malgré le fait que ce soit un album un peu en demi-teinte qui ne me convainque vraiment que sur une grosse moitié, on peut quand même parler d'un bon disque tant les hauts sont hauts et les bas davantage ternes que réellement mauvais. Et puis, une demi-douzaine de chansons de ce calibre, avec un tel niveau d'écriture et de travail sur la forme et notamment le son, c'est assez rare pour être célébré. Je sors donc un poil déçu et moins enthousiaste que la majorité de la presse musicale, mais content quand même de l'écoute de ce disque. Convaincu aussi que Blake a sous le capot de quoi nous sortir un truc transcendant de bout en bout, chose qui n'est pas arrivée à mon humble opinion depuis son premier album solo, malgré des fulgurances régulières sur chacune de ses sorties depuis.
A suivre, donc !

Mes morceau préférés : Tell Them, Mile High, Are You In Love?, In The Red



2 commentaires:

  1. Premier contact à l'émission "ça balance à Paris" Ils ont passé un extrait de "I'll Come Too" qui m'a de suite emballé. Une reprise? J'ai eu du mal à trouver, le Bruno Nicolaï (Italien, film "contessa incontro") qui lui a fourni le chant féminin, ça tient davantage du "sample" que de la reprise.
    J'ai trouvé le titre envoûtant, Nicolaï y est aussi pour quelque chose, mais le tout pourrait ouvrir le James Blake à un plus grand public?
    Pour le reste j'ai bien apprécié ton papier. Pour une fois que j'écoute Blake autrement qu'en le survolant. Subtile, parfois trop ça peut bercer parfois et du coup dans une somnolence béate on écoute moins bien. Mais je le pensais aussi pour les albums précédents

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    1. Un poil trop sage en effet, et d'ailleurs pas mal de retours disent que c'est son disque "le plus accessible" et c'est souvent le "préféré" (même si c'est prématuré de dire ça de toutes facons) de ceux qui n'avaient accroché qu'à moitié. Je reste un peu sur ma faim mais c'est un bon disque, j'attends encore un vrai chef-d'œuvre venant de lui mais j'y crois dur comme fer (son album homonyme étant assez parfait, il peut renouveller l'exploit d'autant qu'il s'est beaucoup diversifié depuis), mais en tous cas en attendant sa discographie est très intéressante et agréable à suivre. Qu'on aime ou pas je le trouve assez integre et fidèle a l'idée qu'il a de sa propre musique, c'est assez beau, y'a une continuité, un sillon creusé malgré de petites réinventions.

      D'habitude j'essaie de regarder les samples des albums que je chronique mais j'y ai même pas pensé pour celui là, merci pour le tuyau !
      Et pour ton passage ici,

      A+ !

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