BUOYS, nouvel album de Panda Bear, ne surprendra pas totalement les amateurs de sa musique, mais réussit néanmoins le toujours délicat équilibre entre perfectionnement et réinvention. On retrouve le son aquatique d'Animal Collective, les guitares folk assez rythmiques de Young Prayer et des débuts d'AnCo, l'influence de la dub et du hip-hop (cf Panda Bear Meets The Grim Reaper, son précédent long format) et les mélodies vocales post-Beach Boys.
En revanche, il y a quand même pas mal de changements, dus à des influences inattendues. Bon déjà, les guitares très présentes ici, ça n'était pas arrivé depuis un moment, et ça vient du fait que Noah Lennox -de son vrai nom- avait besoin de ressortir ses vieilles guitares et de répéter avant d'entamer une tournée autour de l'album Sung Tongs (2004) d'AnCo. La plupart des morceaux de BUOYS viennent d'ailleurs d'ébauches conçues pendant cette période de ré-appropriation de l'instrument.
Les influences hip-hop sont également assez différentes, car avec l'aide de son collaborateur Rusty Santos, c'est plutôt vers les rythmiques et les basses trap et latines que ce producteur l'a amené ; lui qui est aussi à l'aise dans le footwork que dans le reggaeton ou la batida, électro portugaise mutante que son label Principe Discos fait rayonner. Lennox est également devenu fan de Swae Lee du groupe de trap-pop Rae Sremmurd, et cette influence l'a amené à épurer ses instrumentaux, utiliser l'autotune sur sa voix et chanter de façon plus directe sans forcément chercher à harmoniser avec lui-même, tranchant avec les chorales pop de ses précédentes sorties. Une des choses qui l'a poussé dans cette direction est l'embarras de ses enfants, notamment sa fille jeune ado, vis-à-vis de sa musique assez non-conformiste. Il a donc essayé de les impressionner avec un disque plus pop dans sa forme. C'est a priori raté pour eux, mais réussi pour nous.
Panda Bear - Dolphin (2019)
En effet, cet album est réconfortant pour le fin connaisseur d'Animal Collective, mais assez unique dans sa forme, et surtout parfait dans son genre tout à fait unique. Il faut quelques écoutes pour rentrer dans "Dolphin", avec son chant beau comme du Brian Wilson, autotuné presque tendrement, rythmé par des samples aquatiques. Il faut comprendre et accepter que la guitare soit jouée comme si c'était un sample, volontairement, et utilisée comme un outil rythmique et une base d'accords sur lesquels la voix se pose plutôt que comme un instrument lead. Pensez à Syd Barrett jouant le même accord en boucle. Mais ce titre, une fois qu'on est rentrés dedans, est magique, hypnotisant. Il pourrait durer des heures. C'est le premier titre composé pour l'album, qui a donné la "formule" guitare-beat-basse-voix à Santos et Lennox pour la suite du LP.
Et c'est tout aussi beau tout du long. "Cranked" et "Token" évoquent les moments les plus épurés du magnifique et sous-estimé Tomboy. La direction pop se ressent sur la très directe "Master", sorte de suite apaisée au tubesque et violent "Mr Noah" sur le disque précédent dans son esprit. Cette ambiance de plage nocturne, à la Beach Boys, est également présente sur la très belle et obsédante "I Know I Don't Know".
Panda Bear - Token (Clip, 2019)
Sur la fin du disque, notamment "Buoys", "Crescendo" et "Inner Monologue", Panda Bear laisse presque tomber l'idée d'utiliser les guitares de façon mécanique, et le jeu plus fluide donne une tonalité folk apaisante aux morceaux là aussi très directs, tandis que quelques enluminures électroniques gardent un petit côté joueur proche des fêtes foraines pop de Painting With. Une cadence syncopée, presque boogie donne un petit côté roots à "Home Free", sorte de blues électronique et psychédélique, comme une version futuriste des albums solo de Barrett justement.
La démarche épurée de Lennox a payé et il arrive à se renouveler sans aucun accroc et en produisant au passage un de ses plus beaux disques. A écouter absolument !
Alex
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