Mêlant des inspirations plus (soul) ou moins (rnb sombre, acid house) âgées à un dubstep alors au début de sa fin, ou plus exactement de son usure par récupération commerciale outrancière, le producteur SBTRKT, accompagné de Little Dragon au chant, signait en 2011 un tube futuriste qui sonnerait encore moderne s'il sortait aujourd'hui. On se réécoute donc ce "Wildfire" aujourd'hui.
Ce split fait partie d'une lancée d'EPs initiée par le label Dub-Stuy, réunissant à chaque fois deux artistes ayant des influences dub mais ne faisant classiquement pas du dub pur et dur, en utilisant à chaque fois un titre très évocateur du genre : "...meets...". Ici c'est le producteur expérimental californien Ras G de hip-hop/funk cosmique et psychédélique (auteur au passage d'un des meilleurs albums de l'année), et le producteur parisien d'électro-dub Moresounds.
Ras G - Gorilla Glue (2018)
Ras G fait du dub organique, fait main sur la MPC façon J Dilla sur la géniale et fumeuse "Gorilla Blue", avec ses samples dans tous les sens et ses cris de singe, et mêle ainsi habilement son héritage hip-hop avec les canons de la dub tout en restant expérimental. Un autre exemple de cette démarche naturelle et réussie et l'utilisation d'une mélodie rappelant à la fois les claviers du G-Funk et le melodica classique du dub. "Global Shit-uation" est plus radicale encore, entre une approche jazz et une électronique exploratoire évoquant autant les débuts de l'électro de laboratoire des années 40 à 60 que la musique concrète ou l'IDM anglaise des années 90-2000. Un morceau hypnotisant qui s'impose petit à petit et qui fait honneur à l'esprit défricheur et bricoleur des pionniers de la dub.
Ras G - Global Shit-uation (2018)
Moresounds fait plutôt un mélange entre dub et post-dubstep, et c'est pas mal (ça fait même penser à SBTRKT parfois sur "We A Tribe", c'est un compliment), voire entre IDM façon Aphex Twin et dancehall sur "Deep Base" et làencore c'est réussi dans le genre, même si pour être honnête sa moitié d'EP m'a moins marquée. Disons qu'en tant qu'exercice de style et de prod c'est de l'excellent boulot mais que dans l'absolu c'est un poil daté et pas essentiel. Mais bon ça passe avec plaisir quand même, ça reste de bons morceaux bien cool, ça fait surtout bizarre de les entendre après du Ras G, et pour être honnête la construction de cet EP est plutôt bizarre, le concept est sympa sur le papier mais peut-être pas si génial que ça dans l'absolu.
Dans tous les cas, si vous êtes amateurs du genre, foncez m'écouter ça sur Spotify ou Deezer ou Bandcamp par exemple, ces 4 morceaux valent le détour
Une série d'EPs géniaux, un premier album séminal, un second moins enthousiasmant mais très solide, puis ce The Colour In Anything sorti cette année... Dans lequel il reprend le son électronique et gospel minimaliste de James Blake avec l'enrobage pop et les structures plus directes et l'étoffe ambitieuse d'Overgrown. C'est un peu son album bilan si l'on peut dire. Et ça fonctionne à merveille sur les superbes singles "Radio Silence" et "Modern Soul" où pop plaintive et électro sombre se complètent avec merveille par exemple. La même formule est parfois moins maîtrisée et donne des résultats un peu bancaux et amorphes comme sur "Choose Me", "Always", "Two Men Down", ou "I Hope My Life" qui commence pourtant bien avec un gimmick de synthé new wave détourné sympa mais tourne vite en rond.
Ailleurs, le dosage est plus électronique et c'est tout aussi bon comme sur le single "Timeless"dont on vous avait déjà parlé, ou le bizarre mais réussi "Put That Away And Talk To Me" et le quasi a capella"Meet You In The Maze" (bon au début mais beaucoup trop longuet), tous deux sous grosse influence Bon Iver, avec lequel il collabore d'ailleurs sur un "I Need A Forest Fire" d'anthologie, un morceau absolument éblouissant. Les influences croisées entre Frank Ocean, Bon Iver et James Blake sont très intéressantes à suivre d'ailleurs.
Le gospel post-dubstep du 1er album vient hanter "Points" et "Noise Above Our Heads" avec beauté. Et quand les ballades se font quasiment juste au piano-voix, c'est parfois tout aussi bien ("Love Me In Whatever Way"), mais souvent c'est moins marquant ("f.o.r.e.v.e.r.", "Waves Know Shores", "My Willing Heart", "The Colour In Anything").
Vous l'aurez compris, mon avis est plutôt mitigé. Avec 8 superbes titres (sur 17 quand même !), je suis tiraillé entre mon admiration pour les singles géniaux et la déception d'un ensemble qui s’essouffle vite faute d’élagage suffisant. Je ne peux m'empêcher de penser qu'un petit 8 titres plus concis débarrassé des 9 autres aurait été génial... Pour vous faire votre propre avis sur les titres que j'ai moins aimé et le disque en globalité, et (re)découvrir les excellents morceaux dont j'ai parlé, écoutez l'album en suivant ce lien.
Décembre, le mois du regard, le regard du moi. Tête dans le rétroviseur et son lot d'albums oubliés. Mon album oublié à moi remonte à juillet et vient d'Italie.
Le DJ Florentin Digi G'Alessio s'est lancé en cette année 2014 dans un nouveau projet musical au très sympathique nom Clap! Clap! sur le label électro bristolien The Black Acre. Et là quelle surprise de découvrir que le Dj italien nous plonge dans un style africain, où les samples de chants et d'instruments traditionnelles sont retravaillés en une manière dubstep singulière. Le dubstep se marrie alors parfaitement aux rythmes tribaux africains et noue un alliage brut et sensible. L'album nous brosse ainsi une carte postale quelque peu cliché et européanisé de cette musique lointaine, tels ces peintres de la renaissances peignant des félins qu'ils n'avaient jamais vu. Finalement la pochette représente très bien cet esprit où seuls les contours et le rendu comptent, au détriment du détail et de la véracité. L'ensemble de courts morceaux permet alors un large panorama d'ambiances et de sonorités, allant d'oppressante à rêveuse. N'appréciant pas particulièrement la musique dubstep, je souligne ici la réussite du travail de composition et le conseils vivement à tous ceux qui, comme moi, changent de trottoir à la vu de ce genre. Alors moi je dis Clap! Clap! ( trop facile celle là, mais ce nom est vraiment génial ). Pour vous en faire une idée : Clap! Clap! - Sailing In The Seas Of Wood Et pour écouter : Clap! Clap! - TaYi Bebba ( spotify ) Clap! Clap! - TaYi Bebba ( deezer )