Difficile de qualifier la musique de Ras G. Son abstract hip-hop s'accommode en effet de psychédélisme, d'IDM, de musique concrète, de noise, de classique contemporain, de jazz, d'électrofunk, de soul, de dub, de hip-hop plus "classique"... Le californien, rattaché au label Brainfeeder de Flying Lotus dont la démarche artistique est relativement proche, cet autodidacte le déclare lui-même, il ne sait pas comment il fait sa musique, il n'a jamais appris ça nulle part, il utilise uniquement sa sensibilité pour savoir si c'est bon au fur et à mesure des tâtonnements. Je l'ai découvert avec le formidable Back On The Planet, sorti en 2013, un classique personnel, un disque de chevet quelque part entre DJ Shadow, Tangerine Dream, Boards Of Canada et Sun Ra. Et il a tout récemment sorti chez Leaving Records un disque tout aussi réussi sous le nom de Ras G & The Afrikan Space Program, dont on va parler aujourd'hui. Ce disque, Stargate Music, référence au film du même nom, à l'esthétique afro-futuriste proche de celle de Ras G, est une métaphore de l'utérus qu'il décrit comme "La porte des étoiles (Stargate) de l'humanité", l'endroit magique par lequel toute femme et tout homme arrive sur cette Terre. Ce disque a donc pour but de nous faire revivre le voyage mystique et corporel de notre propre naissance, rien que ça.
Ca paraît fumeux comme ça, mais même si la musique de Ras G peut paraître un peu déconstruite aux personnes les moins familières avec une électronique plus aventureuse, son côté autodidacte et son oreille sûre permettent à l'ensemble de garder un côté charnel et sensoriel qui la rendent relativement accessible. Après une intro psychédélique en 3D, "Primordial Water Formations 1" (rappelée plus loin sur "Infinite Possibilities"), c'est une boucle de cloches d'Eglises et d'un grincement (une voix ?) qui guident "Water Broken (The Opening Of The Stargate)", hypnotique morceau qui vire électrofunk saturé, quasi acide, d'une richesse telle qu'on entend à chaque ré-écoute de nouveaux détails saisissants. Cet électro-funk expérimental est également la base du cosmique et funky "Quest To Find Anu Stargate", qui est tellement bonne qu'elle sonne un peu comme du Dâm-Funk. Le planant "Is It Lust Of Luve" poursuit la démarche.
Les morceaux les plus chill, ayant le potentiel de plaire à une plus large audience, comme "Intimate Reconnection", ou "The Arrival", plus soul/gospel et un poil pop, émerveillent également par leur beauté apaisante. Tout comme "The Nector of Stargate (taste)", bouclant une soul à la mélodie enchanteresse dans une démarche plus classique de production hip-hop.
Ras G & The Afrikan Space Program - The Arrival (2018)
C'est dans un fourmillement sonore luxuriant et labyrinthique que le gospel mystique, tribal, intriguant et inquiétant de "Heaven is between her legs... (Initiate the return)" ouvre la fin de l'album. Introduisant la deep house afro de "The Great Return (racing seed)", et les nappes de "Primordial Water Formations 2", bouclant ainsi la boucle, l'enfant conçu en introduction devenant père si vous avez suivi l'histoire racontée par les titres.
Et concluant au passage cet album obsédant, prenant, magnifique et à la personnalité très forte. Ras G est un producteur sans pareils, son approche autodidacte et radicale en font une voix unique et précieuse dans le paysage musical moderne, comme le prouve cet album incroyable, que je vous recommande absolument.
Alex
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