Peut-être est-ce dû au fait que je sois né en 1994, que pendant mon enfance mon chanteur préféré était Michel Berger (avec Balavoine pas loin). Peut-être que c'est ça qui fait que je place cet album de M83 bien plus haut que la majorité de la critique qui y voit au mieux une kitscherie sympathique, au pire une bouse. Personnellement, je suis conquis dès les premières mesures de ce piano boogie qui rythme "Do It, Try It", très Michel Berger justement. Ces synthés too much, ces voix qui le sont tout autant, cette basse jouée au synthé pour enfants, ça doit rappeler des génériques de dessins animés de l'époque. Ou alors c'est juste l'oeuvre d'un musicien pop surdoué, et il faut juste avoir la même affinité que lui pour certains sons certes sucrés et peu organiques mais avec une personnalité affirmée. Ces deux hypothèses ne sont pas mutuellement exclusives. Et quand on entend le niveau de détail de l'arrangement de ce morceau (vous entendez le banjo ?), et qu'on observe la structure du morceau se dérouler comme par magie, avec une richesse et une complexité inouïe et ce sentiment d'une facilité et d'une évidence qui est à la fois le but ultime et ce qui est le plus dur à atteindre en pop, le doute n'est plus permis. Il y a du génie là-dedans.
Comme dans le merveilleux "Go!", qui fait voyager avec ses synthés baveux, son saxo, et le chant aérien de Mai Lan. La montée en puissance funky (ces guitares!!!) et ce drop de synthé qui aurait à merveille servi pour le générique d'un Magnum boosté aux hormones fout des frissons. D'autant plus que cette puissance contraste avec la douceur des couplets. Et puis bon sang, le groove de cette basse, le solo de guitare tellement cheesy de Steve Vai qui ramène en enfance immédiatement, ce saxo qui se perd dans l'écho... Tous ces éléments sont tellement bien foutus et impriment tout de suite le fond de votre cervelle qu'on y reconnaît bien plus qu'un pastiche amusant. Les montagnes russes sonores sont aussi des montagnes russes émotionnelles dans lesquelles on peut projeter tout son être, tous les sentiments imaginables.
On a ensuite les cathédrales de prog-pop symphoniques "Walkway Blues" et "Solitude" qui évoquent tour à tour Pink Floyd, Supertramp et Electric Light Orchestra dans leur poignante démesure, leur sens de la mélodie qui tue et touche le coeur, et leur science des arrangements, avec ce jeu entre organique, synthétique et électronique. Dans le même style, "Moon Crystal" pourrait être un générique de sitcom, qui creuse dans la même veine disco-funk orchestrale à la Bee Gees, qu'un Breakbot ou que les récents Justice ou Daft Punk, avec ce côté variété qui peut évoquer également certaines gloires françaises. Et là encore, le sens mélodique, la construction et la mise en son admirable sauvent le tout du kitsch sans fond (si vous n'êtes pas convaincus, penchez vous sur la basse gainsbourgienne ou les cordes façon Barry White).
Les tubes 80s revus façon électro-pop ludique ne sont pas en reste, avec ce chanté-parlé sexy à la Adjani de Mai Lan sur "Bibi The Dog". Mai Lan qui fait aussi des étincelles sur "Laser Gun". Et puis il y a ce générique de sitcom là encore, mais façon débuts d'Indochine sur le prenant "The Wizard". Et puis il y a Beck, qui revêt ses habits funk le temps d'un "Time Wind" très French Touch.
Et ce funky "Road Blaster", drivé par des cuivres over the top, avec en filigrane des onomatopées féminines très Bardot (cf "Comic Strip"). C'est ce qui est passionnant avec ce disque. Ceux qui l'écouteront rapidement entendront de la pop 80s générique, et ceux qui s'y plongeront entendront tout un pan de la chanson française, remise au goût du jour (un plan de piano à la Sanson par ci, par là...). C'est sûrement pour ça que les américains sont passés à côté de ce disque en majorité. Cet aspect chanson française revisitée par un type hyper talentueux et sûr de ses racines, mais qui a vu du pays. On est proche de Daho dans la démarche.
Et puis cette schizophrénie due au déracinement, ce blues du pays et ce rêve américain mélangés, ce drôle de sentiment donne une profondeur supplémentaire à l'album. Cette couche s'entend sur "Tension" et "Ludivine" pour qui veut bien l'y entendre. De chanson française il sera question plus frontalement sur "Atlantique Sud", ce duo magnifique avec Mai Lan, collaboratrice de premier choix sur l'album vous l'aurez compris. Le côté comédie musical (y'a de la théâtralité, comme un soupçon de Polnareff) et ultra premier degré fera fuir les puristes, tant pis pour eux. Nous on se régalera, on frissonnera, on pleurera.
Alors bien sûr, des fois c'est un peu trop. "For The Kids" est très sympa et a un bon côté Michael Jackson à son plus tendre, mais le monologue enfantin est plus à ranger à côté du générique de Sauvez Willy que de "Heal The World". Et la conclusion, "Sunday Night 1987", malgré son bon solo d'harmonica au son uuuultra Stevie Wonder, ronronne un peu. Mais bon je chipote.
Vous l'aurez compris, je n'aurais pas écrit une tartine aussi grosse sur un album que je ne trouve pas absolument passionnant. Je vais sans doute en laisser beaucoup sur le bas-côté sur le coup, car beaucoup ne l'ont pas compris. Mais si j'ai pu donner envie à certains de l'écouter, ou d'y revenir avec une oreille plus attentive, j'en suis ravi. Cet album le mérite.
Alex
Arf, je fais effectivement partie de ceux qui considèrent ce disque comme une bouse, et ça me fait du mal car j'ai vraiment adoré M83 jusqu'à Saturdays=Youth, et même le précédent n'était pas en tous points affreux bien qu'il marquait le début de ma désaffection (et l'intérêt des FM).
RépondreSupprimerMais là c'est juste plus possible, je passe mon tour.
Dommage ;) mais je comprends. Comme je l'ai dit, ça demande des prédispositions au niveau son, il faut pouvoir apprécier le mille-feuille un peu kitsch pour aimer les magnifiques chansons cachées sous le vernis pop. Personnellement c'est cette dernière incarnation plus pop de M83 que je trouve la plus essentielle, malgré la qualité de ce qu'ils ont fait avant.
Supprimer