Nous allons parler aujourd'hui de deux remises en question musicales marquantes de l'année 2016, ayant abouti à deux disques très bons, mais pas parfaits, qui sonnent comme de solides transitions entre des débuts brillants et un avenir radieux. J'ai nommé les albums Mystère des frenchies de La Femme et Dreamless des géniaux américains Crocodiles.
La Femme - Mystère (2016)
Introduit par le titanesque "Sphynx", cet album avait tout pour plaire, l'ambiance cinématographique, l'exagération du style du 1er album étiré en une longue transe électro-pop orientalisante et sexuelle. Puis la surprise ! Les influences yéyé et pop 60s/70s sont bien plus présentes dans le mix foutraque mais inédit du groupe. Pour le meilleur comme sur "Le Vide Est Ton Nouveau Prénom" aux accents prog folk celtiques et au magnifique pont morriconien, et "Où Va Le Monde", dans laquelle le texte bancal n'arrive pas à gâcher le surf rock irrésistible. Mais aussi pour des résultats très mitigés, comme le naïf "Septembre", sauvé par sa conclusion, et un "Tueur de Fleurs" avec de bonnes idées mais un peu mou.
Ailleurs, la diversité stylistique et la folie créatrice font mouche. Le punk pop décadent façon Plastic Bertrand de "Tatiana" (au final dantesque) couplé à la techno post punk de "SSD", sont enthousiasmants.
Le psychédélisme est fort réussi sur "Exorciseur" avec un rap féminin ultra jouissif, celui mâtiné d'influences arabisantes de "Al Warda", le chaloupé "Psyzook" et la pop sous patronage de St Syd Barrett sur "Le Chemin". C'est parfois longuet par contre, comme sur "Vagues", le morceau plus ou moins prog au long solo de guitare pas si mémorable.
On a de la synthpop de haute volée sur "Elle Ne T'aime Pas" à la Jacno, et de bonne facture sur un "Always In The Sun" un peu plus générique mais très bonne pour une bonus track. Et puis surtout le surf post-punk très B-52s jouissif de "Mycose", énorme chanson où tout est parfait, du thème inédit au sous-texte hyper malin, à la musique tubesque et ultra bien construite.
Bref, après un premier EP époustouflant, et un album qui a donné un grand coup de pied dans la fourmilière pop-rock française et a inventé un nouvel espace pop rien qu'à eux, les jeunes gens de La Femme nous ont livré là un superbe deuxième album, peut-être un peu trop généreux (quelques morceaux plu faibles, même si aucun n'est mauvais loin de là), mais de qualité et augurant le meilleur pour la suite. Le succès incroyable de Psycho Tropical Berlin ne semblait pas égalable, le groupe a choisi de s'étoffer et de prendre en ampleur ce que fatalement ils allaient perdre en efficacité punk et en effet de surprise, et ça fonctionne (comme vous pouvez le constater en l'écoutant ici). En plus, ils sont excellents en live (dans des petites salles en priorité). Croyez moi, on les a vus deux fois avec Etienne, c'était de la folie.
Crocodiles - Dreamless (2016)
Après avoir porté leur post-punk abrasif et marécageux sur deux excellents albums en 2009 et 2010, le groupe explose en 2012 avec l'excellent Endless Flower, mêlant pop, punk, shoegaze et rock sexuel avec brio, et réalisant une excellente fuite en avant vers toujours plus de pop brillantissime et de rock énervé avec le chef-d'oeuvre Crimes Of Passion en 2013 puis le très sombre et punk Boys de 2015, où l'on entendait un groupe plein de rage, mais arrivant peut-être un peu au bout d'une démarche sex'n'drugs'n'rock'n'roll, toujours plus fort toujours à fond, sauvé par ses brûlots intransigeants et ses incursions vers une pop synthétique plus downtempo plus influencée par Suicide, inquiétante et toujours aussi sexuelle.
Le groupe s'est donc réinventé avec de Dreamless, et a réalisé une mue pop plus que convaincante. "Telepathic Lover" convaincra n'importe qui, c'est une parfaite chanson de pop indé un peu typée 80s d'une efficacité inattaquable. On a aussi des morceaux avec cette nouvelles direction pop 80s, mais une approche toujours aussi ténébreuse : "Maximum Penetration" et "Jailbird", entre basses post-punk et échos dub, les plus lents et berlinois "Go Now" et "Time To Kill" qui partage un certain charme sombre avec les derniers Arctic Monkeys, "Welcome To Hell" et "I'm Sick", entre beat discoïde, basse ronde, riff qui tranche et ambiguïté sexuelle glam. La rythmique reggae du rock décadent de "Alita" est rafraîchissante, de même que le piano bondissant et la basse disco-punk très The Rapture de "Jumping On Angels" et le final pop 60s-70s bondissant de "Not Even In Your Dreams".
L'album est très très solide, mois génial que ses prédécesseurs, mais ouvrant une nouvelle voie au groupe et évitant l'impasse et la redite. Et là encore, ce disque déjà très bon en lui-même (et que vous pouvez écouter ici) est plein de promesses pour l'avenir du groupe.
Alex
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