Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

mardi 5 septembre 2017

Damso - Ipséité (2017)


  Un jour il faudra que je vous reparle de Batterie Faible (2016), la précédente mixtape de Damso, qui n'a de mixtape que le nom vu la qualité du projet. J'étais dans la phase d'assimilation du disque, si bien qu'il n'a pas fini dans mon top de l'année alors qu'il l'aurait dû. Des productions qui rivalisent avec le meilleur de ce qui se fait dans le monde, un flow vraiment personnel avec une voix très intéressante, un sens du détail dans le mix qui fait mouche et une vraie plume acérée, même s'il est vrai qu'elle trempe souvent dans la violence, ce qui a retardé ma pleine et entière acceptation du style Damso. Mais une fois cette barrière franchie, c'est brillant, absolument brillant. Et le plus fou, c'est qu'avec Ipséité, son dernier album, il a réussi à franchir une étape supplémentaire et à défoncer le rap game francophone, commercialement comme artistiquement. Sur un album, il y a plus de qualité, d'homogénéité, d'originalité et de soin apporté que sur la totalité des projets rap fr du même calibre commercial.

Damso - Nwaar Is The New Black

  Cet album est plein de bangers, il commence lourd et sombre avec "Nwaar Is The New Black", et emporte tout le monde avec la prod bondissante de "Quedu saalVie" et son flow empruntant parfois à la scène rnb de Toronto, riche de ses influences caribéennes, jamaïcaines, africaines et US. Les intrus sont originales, implacables et portent un flow plus assuré que jamais déversant les jeux de mots, les références érudites et les punchlines avec la même agilité. On a une once de trap (et de cloud rap) sur "Mosaïque Solitaire", et dieu sait que c'est dur de réussir à faire de la trap en français sans tomber dans les vieux clichés comme Kaaris. Et que c'est encore plus dur de faire fonctionner un changement de beat comme celui qui se profile à 2', c'est une vraie symphonie rap à la prod ultra moderne, très électronique mais tellement vivante et consciente de l'histoire de la musique populaire mondiale qu'elle sonne vivante, finalement elle aurait pu être sur DAMN., le dernier Kendrick Lamar, tellement elle est bonne. Et on ressent la recherche musicale lors du dernier changement de rythme, lorsque le beat est porté par un clavier vaporeux, digne d'une BO de film d'horreur des années 70-80, et qu'il joue des arpèges baroques inattendus sur un disque rap de ce calibre. Un peu comme le clavier réminiscent de l'électro du début des années 2000 de "Dieu Ne Ment Jamais", plus mélodique et mélancolique, qui rappelle les prod blingbling mais percutantes de Booba sur des morceaux comme "N°10".

BOOBA - N°10 (2004)

  Et puis il y a ce tube électro-dancehall, "Signaler", absolument imparable, qui dans le genre vaut bien mieux que le "One Dance" épuisant de Drake, et chasse carrément sur le même terrain que les meilleurs tubes dansants de ce dernier, comme "Controlla", et aurait été dans un monde un monde parfait un tube planétaire. Une des chansons de l'année. Qui introduit la face la plus calme et pop de l'album, très accrocheuse, comme sur "Kiétu", porté par de délicats arpèges, et là encore très intéressant dans son tiraillement entre un côté hyper tubesque, rnb, doux, hyper bien produit et exécuté, avec un hook mémorable, et un côté très sombre dans l'écriture et en filigrane dans la prod qui reste marquée par une trap sans concessions, comme sur "Gova", morceau sans pitié qui ne fait que dans le dark, un peu plus unidimensionnelle du coup mais ça passe quand même, d'autant qu'elle introduit bien l'autre tube du disque : "Macarena".      

Damso - Macarena

  Ce titre raconte avec brio un triangle amoureux, avec Damso dans le rôle de la troisième roue du carrosse, avec une vraie subtilité d'écriture malgré les punchlines salaces, qui rend cette histoire très crédible et touchante. La prod ultra mélodique, empruntant à l'électro chill mélodique et nostalgique et prenant appui sur des bases rythmiques trap imparables, et le refrain fédérateur finissent d’asseoir ce morceau comme un tube incontestable. En plus le clip, comme souvent avec Damso, vaut vraiment le détour et explose la concurrence en termes de qualité, à la fois d'écriture et visuelle. 

  Dur de suivre un tel morceau, et "Dur d'être Père" a du mal à tenir la comparaison, même si ses guitares afro-pop (dues à Youri), son flow nonchalant et son synthé virevoltant sont bien sympathiques. Ce léger ventre mou de l'album continue avec "Kin La Belle", là aussi sympathique chanson afro-pop hésitant dans les paroles comme la musique entre chant et pop, et rap, sympathique dans son genre mais ne tenant pas totalement la comparaison avec le reste du disque, thématiquement et musicalement très différente. Peut-être que ces deux morceaux et le tube un peu facile "Lové", auraient dû être sur un petit EP à côté, étant globalement moins bonnes et dans un trip beaucoup plus ensoleillé que la majorité du disque. 

  De même que "Noob Saibot", qui est un peu top grossièrement trap française, même si elle introduit bien un grand morceau assez sombre dans un genre plus cloud rap, "J Respecte R", impeccable musicalement malgré un déluge de vulgarité.

Damso - J Respecte R

   Puis on finit sur "Une Âme Pour Deux", morceau assez étrange voulu comme un film, avec pas mal de références, très travaillé mais que j'apprécie diversement selon les réécoutes. Je vous laisse le découvrir, étant donné l'importance de l'"histoire" dedans, je me dois de ne rien spoiler. 

  Bref, entre cet album et le bon tube "Vitrine" paru sur l'album de Vald, Damso a pris la tête du rap français, commercialement et artistiquement, et c'est une très bonne nouvelle pour les mélomanes, ce type surnageant à mille lieues au dessus de la concurrence en termes qualitatifs. Je vous encourage donc à écouter l'album ici si ce n'est pas déjà fait.

Vald & Damso - Vitrine (2017)


Alex


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