La pochette, sans concession
comme à l’époque bénie des premiers albums post-NWA d’Ice Cube, donne le
ton : pas de prisonniers, et on fait ça comme à l’époque sans prendre en
compte les modes. L’intro tabasse, et débouche sur un furieux « Arrest The
President » au texte acéré, porté par une voix ample (vocalement aussi les
rappeurs peuvent bien vieillir) sur un beat à la construction old school mais
au son mine de rien pas si daté (quelque part entre le piano martelé de Mike
WiLL Made-It sur « Humble » de Kendrick Lamar et la fanfare
post-dubstep de Hudson Mohawke pour lui-même ou Kanye West, cf « Blood OnThe Leaves »). Ca claque, ça fait du bien, ça challenge l’establishment,
c’est tout ce qu’on attendait d’un album de Cube en 2018.
Ice Cube - Arrest The President (2018)
La même chose se produit sur la
violente « Chase Down The Bully », sorte de vieille prod de Dre
boosté à l’électronique, avec la même tendance que les vieux Cube à créer des
sons inédits en dégradant énormément les samples (cf les guitares de The
Predator). « Bag Dope » se permet même une instru épique façon dirty
south qu’on aurait davantage imaginée chez Juicy J, Jeezy ou même Lil Wayne,
mais que Cube maîtrise à merveille avec un flow prenant en compte les avancées
des 20 dernières années dans le domaine. Bon, « Fire Water » se perd
un peu en exagération dans le même style, mais ça reste correct. Quelques
tics de production estampillés années 2000 sur ces morceaux comme sur
« Still in The Kitchen » ou « Everythang’s Corrupt »
désarçonnent un peu mais sont plutôt bien utilisés.
Ice Cube - That New Funkadelic (Clip, 2018)
Les morceaux plus doux sont
également très réussis : « Don’t Bring Me No Bag » et son
électronique datée à la limite du kitsch fonctionne quand même. « On Them
Pills » est pas mal également, mais souffre davantage d’une prod un peu
vieillotte. Et puis on a de vraies réussites indiscutables, « Street Shed
Tears » qui sonne pour le coup assez old school, est très belle, et
débouche sur une partie du disque plus funky assez impeccable :
« Ain’t Got No Haters » est une merveille de hip-hop funky, marquant
et subtil à la fois, « Can You Dig It » avec ses accents rock, dirty
south et funk rappelle quelques bonnes idées du Compton de Dre, et « That
New Funkadelic » porte à merveille son titre puisque c’est une tuerie de
G-Funk qui ne cache pas son admiration pour George Clinton et Bootsy Collins.
« One For The Money »
et son ambiance théâtrale réussit malgré un rythme down-tempo à envoyer du
lourd, « Non Believers » sonne
comme un vieux Timbaland, ce qui est un compliment, et le final « Good Cop
Bad Cop » sonne comme un mélange entre ce dernier et un vieux sample de
James Brown ; tout cela concourt à donner une fin d’album plutôt solide.
Ice Cube - Good Cop Bad Cop (Clip, 2018)
Everythang’s Corrupt n’est donc
pas le meilleur album de Cube, il n’est pas parfait, mais c’est franchement
bien plus que ce qu’on était en mesure de lui demander vu tout ce qu’il a
accompli depuis les 80’s, et c’est la magnifique preuve que le rap peut garder
son tranchant en vieillissant. Sans featurings, sans autotune, avec une prod volontairement "à l'ancienne", contenant un sacré paquet de morceaux qu’on a
immédiatement envie de réécouter, il se rangera sans honte dans une
discographie exceptionnelle, et sortira souvent de l’étagère. Une belle réussite.
Mes morceaux préférés : Arrest The
President, Chase Down The Bully, That New Funkadelic, Ain’t Got No Haters
Alex
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