Pour cette première vraie
chronique, je vais commencer en douceur
avec un EP.
L’EP en question s’intitule « Summertime ! », est paru en
octobre 2009, sur le label indie Moshi Moshi Records, et il s’agit du premier
effort du groupe The Drums, originaire de Brooklyn. Pourtant, ce n’est pas un
coup d’essai. Ses membres, bien que jeunes, ont déjà tous une certaine
expérience au moment de la formation du groupe fin 2008, ayant joué dans
diverses formations plutôt électro-pop (plusieurs d’entre eux ont déjà joué
ensemble).
Cet EP qui a une teinte très indie pop, a été très remarqué au niveau de
sa sortie, on les a vus un peu partout (au Grand Journal notamment) et de fait,
la chanson « Let’s Go Surfing » qui en a été extraite a quasiment été
un petit tube. Le groupe a été assez remarqué à l’époque, et a bénéficié d’une
certaine hype, mais cette fois très justifiée.
Et la musique alors ? Encore un peu de patience. On en a déjà une
petite idée, rien qu’en regardant la pochette. La présentation sobre, et les
couleurs éteintes rappelleront aux fanatiques du label Factory les belles
heures de la fin des années 70 / début 80. Tout ça situe déjà un peu plus le
groupe, on s’attend donc à une musique à la fois triste, et pourquoi pas
dansante en même temps, à la New Order éventuellement. On voit aussi une photo
d’enfants, en noir et blanc, au centre. Les plus grincheux dénonceront le cliché
rock indie pleurnichard, je me contenterais de noter cette touche de
mélancolie. Et le « Summertime ! », sous le nom du groupe, avec son point
d’exclamation, tout seul au milieu de tout ce gris, semble bien dérisoire, bien
hors sujet. Ca confirme donc à quoi on a affaire.
Pourquoi avoir passé autant de temps à décrire la pochette ? Déjà
parce qu’elle est plutôt pas mal, dans son genre très sobre, et surtout parce
que comme je l’ai dit, elle résume parfaitement la musique de cet EP, une sorte
de pop indie mélancolique très imprégnée d’une certaine ambiance post-punk
anglaise, habitée par l’énergie du désespoir. Sautiller frénétiquement sur une
chanson pop accrocheuse pour oublier sa vie trop grise, en résumé.
La 1ère chanson, « Let’s Go Surfing », en est
l’exemple parfait. Tube pop immédiat, avec sa ligne de basse accrocheuse, sa
rythmique métronomique, ses guitares new wave aux accents lointainement surf.
Pour donner une idée, elle ressemblerait à une chanson de Joy Division, mais
accélérée de façon frénétique, pour donner envie de danser, et popisée (chant
plus aigu et très mélodieux, chœurs harmonieux, peu d’agressivité). La chanson
en elle-même est une vraie perle mélodique, avec ce subtil dosage très réussi
entre le côté festif du thème et la frénésie du rythme, et la mélancolie
évidente qui s’en dégage. Ce genre de mélange dont je raffole quand c’est aussi
bien fait qu’ici.
Ensuite vient « Make You Mine », avec les mêmes couleurs pop
et postpunk, encore une réussite. Thématique toujours plutôt grise, les tourments
amoureux, contrastant avec une mélodie sifflée et réhaussée d’un synthé qui
permet une transition parfaite avec la chanson suivante. Un chouia plus
synthpop, et plus légère musicalement « Don’t Be A Jerk Johnny », est
une troisième merveille d’immédiateté. Dans un monde parfait, ça serait un
tube. Les chœurs féminins assurés par Julia Burkhart rehaussent vraiment la
chanson, et lui donnent tout son charme. De plus, elles mettent en valeur la
magnifique voix du chanteur Jonathan Pierce, qui semble encore plus jouer sur
l’interprétation sur cette chanson, grâce aux relances de la chanteuse. C’est ce
jeu de pingpong entre le chanteur et les chœurs féminins qui fait vraiment tout
le sel du titre, et le rend aussi jouissif. « Submarine » ensuite
permet sur la même base que les deux premières d’agrandir la palette
émotionnelle du groupe en y ajoutant quelques nuances, avec une teinte un peu
plus spectrale. Encore une superbe chanson.
Changement de ton très perceptible pour « Down By The Water ».
Le rythme ralentit, la musique s’alourdit (grâce au synthé basse très présent
dans le mixage) on est tout en émotion ici. Mais c’est encore une fois fait
avec tellement de justesse, que c’est un vrai bonheur à écouter.
L’interprétation du chanteur ici est tuante. Jonathan « Jonny »
Pierce a une voix à se damner, de base, mais en plus il sait l’utiliser, et
divinement bien.
Down by The Water : https://www.youtube.com/watch?v=EI_XUqYhF7U&list=PL61409AFEF4E8F73E
Nouveau virage à 180° avec « Saddest Summer », la plus
ouvertement enjouée de l’EP. On a envie de taper dans les mains, de sautiller.
Elle permet de se remettre immédiatement de l’écoute de la chanson précédente.
Mais encore une fois, malgré l’évidente coupure par rapport à « Down by
The Water », si le groupe nous balade d’une émotion à l’autre, ça n’est
absolument pas sur un mode binaire, c’est beaucoup plus fin que ça. Tout est
dans les nuances : rien que le titre de la chanson indique que tout n’est
pas noir ou blanc, et on avance encore une fois dans les nuances de gris que
peignent avec brio les Drums depuis le début de l’EP.
Saddest Summer : https://www.youtube.com/watch?v=ROQTZHez5XE
Enfin, la dernière chanson, « I Felt Stupid », est
complètement synthpop. On se rapproche du côté cheesy de la Force. Et de fait,
c’est la chanson la moins réussie, à mon sens, sur tout cet EP. Mais attention,
cela ne veut pas dire qu’elle soit mauvaise. Elle reste diablement addictive et
mélodique, sauf pour ceux qui feront un blocage sur ses quelques atours un peu
kitchs, notamment sur le refrain.
I Felt Stupid : https://www.youtube.com/watch?v=o5pPHbfBkjI
Je voudrais souligner le fait que toutes les chansons s’enchainent
parfaitement. Les transitions entre les morceaux sont naturelles, on a
l’impression d’une vraie continuité. Un EP bien construit donc, et ce malgré
les changements de rythme, et l’ascenseur émotionnel par lequel le groupe nous
fait passer. Notamment grâce à l’ambiance générale plutôt mélancolique qui se
dégage de cet EP et est préservée tout du long. La courte durée des chansons,
d’un peu moins de 3 minutes à 4 minutes, et la sobriété de l’instrumentation
contribuent beaucoup à cette cohérence parfaitement maintenue tout au long du
disque. Le groupe y est parfait tout du long, l’interprétation est au top. Tout
en restant très pop, très accessible, le groupe arrive à nous faire passer par
des ambiances plutôt sombres, avec une musicalité exigeante, des arrangements
inventifs, et ce sans oublier d’écrire de bons morceaux.
C’est donc un excellent premier EP pour le groupe. On sent encore
quelques imperfections, le groupe se cherche un peu parfois, mais le ton du
groupe et son identité sont déjà là. C’est en tous cas très prometteur pour la
suite, qui ne sera pas décevante, loin de là ! Je vous raconterai tout ça
un peu plus tard. Je recommande très chaudement son écoute, en attendant. Si
vous ne connaissez pas encore the Drums, jetez-vous dessus, ils sont un groupe majeur de la pop indie de ces
dernières années.
Meilleures chansons :
“ Let’s
Go Surfing”, “Don’t Be A Jerk Johnny”, “Down By The Water”, mais honnêtement, elles
sont toutes bonnes.
Tracklist :
Tracklist :
1. |
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2:56
|
2.
|
"Make You Mine"
|
3:22
|
3.
|
"Don't Be a Jerk, Johnny"
|
4:06
|
4.
|
"Submarine"
|
3:55
|
5.
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"Down By the Water"
|
3:27
|
6.
|
"Saddest Summer"
|
3:26
|
7.
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"I Felt Stupid"
|
3:53
|
(Toutes les chansons ont été écrites par
Jonathan Pierce)
Line-up:
Jonathan
“Jonny” Pierce, voix
Jacob
Graham, guitare
Adam
Kessler, guitare
Connor
Hanwick, batterie
Musiciens
Additionnels :
Julia
Burkhart (voix additionnelles sur “Don’t Be A Jerk Johnny”)
Christopher
Pease (saxophone sur “Saddest Summer”)
Alexandre
Oui, ces mecs sont des esthètes, ils citent : " The Smiths, Joy Division, The Wake, The Zombies, The Tough Alliance, The Legends, The Shangri-Las et Orange Juice" comme influences.
RépondreSupprimerJe ne pense pas pour les liens, non.
Merci ! :) J'aborderai leur 2e album, une vraie merveille nommée Portamento, d'ici peu.
RépondreSupprimerMmmh... Surtout pratique, je ne suis inscrit nulle part, je ne sais pas comment faire, ça me prendrait encore plus de temps.
RépondreSupprimerUn peu de peur du gendarme aussi, enfin, sans plus.
Personnellement, quand quelque chose me plaît et est disponible en magasins, j'achète. Par solidarité avec le créateur. On a assez de moyens avec internet, même pour les plus frileux qui n'achètent pas sans être sûrs de leur coup, d'écouter assez de fois un disque en streaming pour savoir si on le veut vraiment, auquel cas on achète, ou si on peut se contenter d'une écoute deezer de temps à autres. Et je suis assez physique, j'aime le contact avec l'objet, la jolie pochette en vrai et pas sur un écran, lire les notes du livret. Mais je ne suis pas du genre à cracher sur ceux qui partagent, bien au contraire. Je suis de ceux qui pensent que le téléchargement permet d'augmenter les ventes de disques. Enfin pour moi, c'est clairement le cas, si un truc que j'ai entendu me plaît, il me faut l'objet physique, et entre un gravé un peu naze et un neuf ou une bonne occasion quasiment au même prix que le gravé (voire un vinyle), il n'y a pas photo. Et puis si c'est trop cher, j'attends un peu et je patiente avec le streaming.
Ceci dit, je suis assez fan de l'esprit partageur qui vous anime toi et les quelques autres qui ont des liens, et si quelqu'un veut vraiment quelque chose, qu'il me le dise et je lui envoie un mail. Mais cet EP par exemple, m'a coûté uniquement dans les 3 euros, neuf. A peine plus que le prix du boîtier plastique, du cd vierge, du papier et de l'encre.
Il faut aimer les Smiths entre autres effectivement, c'est très typé eighties. Mais ils ont un don pour pondre le single pop addictif, comme "Money" sur Portamento. Et ils ont leur son, leur écriture, je trouve que cette identité et la tension qu'il y a dans chaque chanson les place au dessus de toute tentative uniquement revivaliste.
RépondreSupprimerJe n'en doute pas ! :) Je crois qu'on s'est mal interprétés dans nos messages respectifs, je croyais que tu étais hermétique à une certaine pop indé eighties, apparemment non ;)
RépondreSupprimerD'accord ! Ca ne me dérange pas, ce qu'ils font me rappelle uniquement les côtés positifs des eighties.
RépondreSupprimerTu as raison pour le "The", même si pour le coup les Drums sont arrivés bien après la bataille (fin 2008), et ne cherchent pas la crédibilité garage rock.