The Jesus & Mary Chain, pour moi, c'est d'abord la découverte avec Darklands (merci la médiathèque), et le choc de Psychocandy acheté peu après. Un de ces albums phares, immensément importants. Comme Elvis, les Beatles, Kraftwerk, James Brown, Isaac Hayes ou Joy Division, Les J&MC ont inventé un truc énorme, un style, une nouvelle façon de faire de la Pop music au sens large. Une musique mélodique et addictive comme de la pop, violente et dangereuse comme du rock, noisy comme de l'indus, vaporeuse comme de la dream pop et surtout d'une classe et d'une intransigeante authenticité remarquables.
Autant dire que des décennies (et quelques très bons albums) après, il est difficile de faire la part des choses concernant un de leurs albums (et ce n'est pas le seul groupe dans ce cas). On risque de le surestimer par complaisance inconsciente avec nos idoles, ou de le descendre de façon irraisonnée à cause de nos préjugés sur ce que cet album devrait être ou de la comparaison avec les hauteurs inatteignables des chef-d'oeuvres passés. Mais l'avantage des Jesus & Mary Chain, c'est que même si le son a joué un rôle important dans leur réussite artistique et dans leur esthétique, leurs succès se sont surtout leurs chansons. Ce qui a l'avantage de mieux supporter les modes et le temps qui passe, et ce qui est plus facile à juger en faisant abstraction du passif et du présent.
Et pour le coup, on est servis dès "Amputation", diablement efficace avec ses ronronnements de guitare et sa mélodie catchy. La production moderne et le chant désinvolte évoquent les héritiers Crocodiles, et les discret ajouts électro-rock psyché et acide de la prod, plus les "houhou" de stade évoquent les cousins de Primal Scream. Impeccable. Concis, percutant, vicieux et mélodieux, c'est parfait. Le folk-rock cotonneux de "War And Peace", qui partage avec la précédente une certaine gouaille british narquoise très rock, est de la même trempe, et la dernière partie à mi chemin entre punk et motorik (très Neu! donc) est très bien vue, ingénieuse, inattendue et redynamise à merveille le morceau.
Ces deux excellents morceaux inauguraux passés, l'album redescend d'un cran. Après tout, les frères Reid se font vieux, et cela se ressent lors de morceaux plus convenus, mais néanmoins très agréables et réussis dans leur genre. Ainsi, "All Things Must Pass", "Facing Up To The Facts" et "Get On Home" plus ouvertement rock indé et plus grosses dans la production, fonctionnent bien aussi même si elles manquent de subtilité (c'est pas grave, le bon gros rock leur va bien aussi). Les petits ajouts électro de "Simian Split" ne suffisent pas pour émettre un avis différent. Et on pourrait en dire autant de la britpop un poil psyché de "Song For A Secret" et du mix entre rock de biker à la Easy Rider et rock indé 80s /post-punk de "The Two Of Us", toutes deux avec avec Isobel Campbell au chant. Et toutes deux réellement réussies, sans non plus être exceptionnelles. Comme "Black And Blues", elle non plus pas transcendée par Sky Ferreira, mais réussie, et comme le rock psyché post-Johnny Marr (et très Primal Scream) de "Can't Stop The Rock". Au final, ce côté très british et ce rock un poil trop produit tirant sur le psychédélisme me rappelle le dernier Oasis, Dig Out Your Soul. Ce qui n'est pas une insulte de ma part, je ne suis pas dingue du groupe mais cet album, avec leurs deux premiers, est vraiment plutôt réussi. C'est juste un peu trop prévisible et trop produit, mais ça reste du bon artisanat rock.
De même, "Los Feliz (Blues & Greens)" est un poil pompeuse et pour être honnête je l'aime un peu moins, mais c'est personnel (c'est dommage l'intro de la chanson est superbe). Par contre, il y en a une avec laquelle j'ai beaucoup de mal, c'est le rock un peu trop teenager 90s de "Presidici (Et Chapaquiditch)", qui appellerait presque à un parallèle avec les derniers Pixies, qui sont à la fois remplis de pépites mais qui souffrent de remplissage (comme par exemple ce titre) et n'arrivent pas à se débarrasser d'une prod boursouflée et dépassée.
Mais les vraies réussites du disque (outre les deux morceaux inauguraux), c'est d'abord "Always Sad", pop song d'une perfection absolue, grâce notamment aux choeurs de Bernadette Denning. Des titres comme ça, j'en redemande avec joie, cette chanson devrait être en boucle sur toutes les radios. Et d'un autre côté, on a l'excellente "Mood Rider", qui arrive à retrouver l'intensité de Psychocandy en y ajoutant une touche presque hard/grunge assez sombre.
Au final, l'album est très correct. 4 superbes chansons sur 14, seulement 2 pas terribles, et le reste plutôt bon et se révélant sûrement un peu plus à la réécoute. Certes, le disque n'est pas à la hauteur du groupe, mais qui pourrait en espérer autant, c'est ridicule, il y a peu de chances que ça arrive à nouveau. Les frères Reid continuent à faire des chansons comme ils savent si bien le faire, se font plaisir au passage et arrivent à nous livrer quelques pépites. Ce serait malhonnête de demander beaucoup plus après tout ce qu'ils ont déjà donné. Et qui sait ? Peut-être que d'avoir remis le pied à l'étrier sur cet album va les relancer dans un rythme plus régulier.
Alex
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