Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes
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mardi 3 mars 2020

Tennis - Swimmer (2020)


  Tennis, c'est le couple le plus cool de la pop indé, et Swimmer fait suite à leur génial Yours Conditionally (2017), que j'avais adoré... et il ne déçoit pas. 

  Déjà, il y a les tubes immédiats, comme "Need Your Love", avec un duo batterie/piano propulsif et un jeu sur les voix qui est un vrai bonbon auditif. Ou "Runner", qui ajoute habilement des idées venues de l'électronique dans le mix, et joue sur l'agilité du chant pour se faufiler dans les interstices étroits de l'instrumental.

  Et puis il y a les morceaux qui se révèlent au fil des écoutes, avec leur lustre à l'ancienne façon Carpenters et leurs mélodies sucrées ("I'll Haunt You"), leur électropop doucement caribéenne ("Tender As A Tomb"), ou leur ambiance de conduite de nuit dans le LA 80's ("How To Forgive"). Et les autres, moins marquants mais très beaux tout de même, comme la country-pop "Echoes", la très Laurel Canyon "Matrimony II", ou la dream pop tranquille de "Swimmer" et "Late Night"

  Sans atteindre les sommets de son prédecesseur, ce petit album a tout de même un charme fou, et je vous le recommande chaudement.

Mes morceaux préférés : Need Your Love, I'll Haunt You, Runner, Tender As A Tomb

A écouter sur Spotify ou Deezer

Alex

vendredi 6 juillet 2018

Melody's Echo Chamber - Bon Voyage (2018) & Halo Maud - Je Suis Une Île (2018)


Melody's Echo Chamber - Bon Voyage (2018)

  Après un accident grave qui lui a presque coûté la vie, la géniale Melody Prochet, auteure d'un chef-d'oeuvre co-produit par Kevin Parker de Tame Impala en 2012, est partie se ressourcer en Suède. Là-bas, elle  fut aidée par Fredrik Swahn (The Amazing), Reine Fisk (Dungen) et Nicholas Allbrook (Pond) pour finaliser cet album qui s'est écrit depuis les sessions avec Parker. 

Melody's Echo Chamber - Cross My Heart (Clip, 2018)

  Et on sent que le lieu inspiré la française, l'ouverture "Cross My Heart" commence en effet avec un son chaleureux façon BO suédoise de Lee Hazlewood, avec une mélodie cristalline d'une beauté immédiate et pure. Mais le morceau prend vite un détour inattendu : beatbox, scratches et breakbeats 90's (autant hip-hop/rnb que pop-rock) encadrent une flûte psyché et une guitare cocotte funky avant d'ouvrir sur une partie francophone assez néo-psychédélique, décidément 90's (on pense à Broadcast ou Beck) dans sa réécriture d'obscurs génies du début des 70's (les jazzmen funky trippants de Cortex). De là, un interlude mi-funky mi folk-prog maximaliste (pensez à Tommy des Who) nous ramène au point de départ et laisse la flûte dialoguer avec un clavier soul-jazz et une basse fonde, avant une ultime explosion rock. Ce premier morceau à lui seul donne le tournis et nous entraîne dans sa fascinante folie créatrice. Une fois tombé dans ce terrier, on se retrouve sans repères dans un album aux formes étranges mais pop, où chaque tournant révèle son lot de surprises excitantes. 

Melody's Echo Chamber - Desert Horse (Clip, 2018)

  Comme sur "Desert Horse" par exemple, sur laquelle Prochet fait un usage remarqué de l'autotune, façon Bon Iver, et de la microtonalité, avant de convier une partie symphonique grandiose et de mélanger tout ça dans un melting pot incroyable qui a peu d'équivalents (comme si on avait mélangé toutes les explorations de Radiohead d'OK Computer jusqu'à A Moon Shaped Pool). "Breathe In, Breathe Out", en contraste, sonne plus terre-à-terre, même si son rock 90's curieux est ouvert sur le psyché, la pop, le hard FM et l'électronique. De même, "Var Har Du Vart", chantée en suédois, est un interlude folk plus posé. 

Melody's Echo Chamber - Breathe In, Breathe Out (Clip, 2018)

  La majoritairement francophone "Quand Les Larmes D'un Ange Font Danser La Neige" retrouve cette folie initiale dans sa construction, et bâtit autour d'un morceau de rock tellement ample qu'il sonne prog (mon dieu que ces gens jouent bien et que la production est belle !) une symphonie délirante incorporant un interlude de synthés 80's, un autre avec un spoken word farfelu, avant de clore les hostilités sur un climax riche en soli. Cette amplitude musicale, associée à la voix frêle et belle de Prochet, rappelle rapidement le Gainsbourg de la grande période, particulièrement sur "Visions Of Someone Special, On A Wall Of Reflections", qui tourne autour de la "Ford Mustang" du grand Serge, avant de renouer avec le psyché/prog orientaliste et les synthés pour un final néo-psychédélique de toute beauté. La très funky  (et psychédélique)"Shirim" clôt ce très bon disque avec panache.

  Melody Prochet nous offre un album incroyable, bien plus alambiqué que son précédent, mais dont tous les détours ont la bonne idée de surprendre l'auditeur tout en faisant complètement sens. C'est une oeuvre riche, dense, mais concise (7 titres seulement), permettant à son auteure de multiplier les idées sur une chanson sans lasser au long de l'album entier. Ce disque intime et luxuriant, détournant le néo-psychédélisme pop qui l'a fait connaitre à grands coups de rock progressif, d'électronique, de funk, de jazz et de touches orchestrales est une réussite totale qui fait bien mieux que succéder à son classique instantané de 2012 : il lui offre une nouvelle route, belle, dégagée et excitante.

A écouter sur Spotify ou Deezer



Halo Maud - Je Suis Une Île (2018)

  Si je vous parle d'Halo Maud en même temps que Melody Prochet, ce n'est pas un hasard. Les deux femmes ont joué ensemble sur les projets de l'autre et sont liées dans leur style musical comme dans leurs relations. Nous avons découvert cette magnifique artiste en live, puis nous avons adoré son EP Du Pouvoir, qui se révèle être la base, puisqu'il contenait déjà les géniales "Du Pouvoir/Power", "Baptism", et "Dans la Nuit", également présentes sur cet album, et dont je ne vais pas reparler (cf la chronique de l'EP juste au-dessus pour ça). 

Halo Maud - Wherever (Clip, 2018)

  De toutes façons, ces chansons sont vraiment magnifiques et parlent d'elles-mêmes, tout comme le premier single "Wherever", à l'émotion palpable et poignante et à la mise en son magistrale et dramatique comme chez Beach House, et écrit avec une patte très personnelle. "Chanceuse" continue dans cette veine théâtrale associant rock et synthés avec la même intensité qu'Alesia de Housse de Racket (ce qui est un immense compliment venant de ma part). Plus aéré, le néo-psychédélisme pop de "Surprise" ravit, tandis que la basse de "Tu sais comme je suis" propulse un morceau déjà mémorable vers des sommets de dream pop. L'interlude rêveur et apaisé "De retour" est à classer dans la même catégorie.

  Entre dépouillement folk, rock indé, et prog (cette basse bondissante ! ces synthés ! ces accords !), "Fred" est le morceau qui se rapproche le plus du dernier Melody's Echo Chamber chroniqué ci-dessus, et il émerveille tout autant. Le rock psyché inversé de "Je suis une île" convainc un poil moins, mais reste bon. Tout comme "Proche proche proche", qui évoque elle plutôt François & The Atlas Mountains dans la diction et la mise en son. La fin de l'album est donc un peu plus faible même si "Des bras" est légèrement au-dessus malgré des "aaaah" un peu répétitifs. On sent le morceau davantage écrit pour la scène que pour le studio, avec un final électro propice aux soli et aux digressions, et suggère même une sortie de scène dans les paroles, dont l'exécution est d'ailleurs un poil gênante. 

  Mais malgré ces critiques un peu pointilleuses, cet album est vraiment réussi. C'est un beau disque de dream pop néo-psychédélique, intime, émouvant et personnel, que je recommande fortement.    

A écouter sur Spotify ou Deezer

Alex


samedi 19 mai 2018

Beach House - 7 (2018)


  Le duo Beach House est, à raison, un des chouchous des amateurs de pop élégante. Au long d'une carrière parfaite jalonné d'albums impeccables, ils se sont imposés comme un des grands groupes de leur génération. Après une période prolifique (2 albums en 1 an suivi d'une compilation d'inédits), le duo s'est recentré et a cherché à sortir de sa zone de confort en allant chercher de nouveaux sons, de nouvelles méthodes d'écriture. Et pour cela, ils ont fait appel aux talents de producteur de l'ex-Spacemen3 Sonic Boom, ayant déjà fait des merveilles avec MGMT notamment. 

  Et la démarche du groupe s'entend. Alors qu'ils ont toujours eu un son assez dense, le disque possède une profondeur dans ses textures et ses reliefs encore inédite chez eux. Un côté propulsif nouveau, également, grâce à des rythmiques davantage mises en avant, comme sur l'introductif "Dark Spring", croisant leur dream pop à la new wave expérimentale façon Bowie, ainsi qu'au rock épique du Arcade Fire période The Suburbs. Comment ne pas fondre à l'écoute d'un titre aussi magistral que "Drunk In L.A.", avec son intro irréelle tant elle est belle. Ce morceau est un écrin parfait pour le chant de Victoria Legrand qui captive grâce à la pureté grave de sa voix et grâce à sa diction expressive, tandis qu'Alex Scally tresse des motifs de guitare inoubliables en fond.

Beach House - Dark Spring (Clip, 2018)

  Comme je le disais, le groupe qui se forçait à composer et produire des chansons pouvant être reproduites en live s'est davantage autorisé à expérimenter pour cet album, et sur des titres comme "L'Inconnue", au parfum inattendu de Françoise Hardy voire Charlotte Gainsbourg, cette volonté d'ailleurs fait mouche. Ce charme mystérieux, un peu européen, un peu américain, se retrouve sur "Last Ride", un peu Nico avec son piano triste, et sur "Dive", qui inscrit sa beauté pure dans le sillage des girls band 60's, du Velvet Underground, de Suicide et de Mazzy Star, et qui finit plus rock, quasi indus. Un petit côté psyché-folk aussi, façon Tame Impala ou Melody's Echo Chamber, qu'on retrouvera sur "Lose Your Smile" et ses guitares à la Ratatat

Beach House - Dive (2018)

  Leur principale force, c'est avant tout d'écrire des chansons aussi immortelles que "Pay No Mind", qui est aussi belle et essentielle que du Jesus & Mary Chain des deux premiers albums, ou "Lemon Glow" dont la production virtuose (ces synthés acides....) ne doit pas faire oublier le songwriting qui a tout du génial. Le psychédélisme doux et intriguant de ce titre se retrouve sur l'obsédant "Black Car", dont le mixage et le mastering sont marquants par leur utilisation assez inédite de l'espace et des volumes.

Beach House - Lemon Glow (2018)

Beach House - Black Car (2018)

  Entre pop gothique lumineuse et néo-80's, "Woo" émerveille par sa délicate simplicité et ses belles harmonies, tandis que le slow cosmique "Girl Of The Year" dévaste par sa puissance évocatrice proche de leur merveilleuse "Space Song" sur Depression Cherry (2015), avec une mélodie vocale d'une qualité quasiment jazz et d'énormes accords d'orgue invoquant le grandiose, épicés par une guitare déchirante, davantage dans le registre de l'intime. 

  Lorsqu'un des meilleurs groupes de la décennie voit grand et sort l'un des meilleurs (si ce n'est LE meilleur) album de sa discographie, ça donne forcément des étincelles, et c'est exactement ce qu'il s'est passé avec 7. Un monument de dream pop signé Victoria Legrand et Alex Scally, co-produit par Sonic Boom. Des chansons immortelles, une production éblouissante. Un paradis pop.

Ecouter sur Spotify ou Deezer ou Youtube

Alex

  

jeudi 29 mars 2018

Gwenno - Le Kov (2018)


  Gwenno est une artiste pop, connue pour avoir été la chanteuse du girls group The Pipettes. Et on en avait parlé ici, la particularité de ce disque, c'est qu'il est uniquement chanté en gallois et en cornique ou cornish en VO (langue de la Cornouailles), les langues qu'elle entendait durant toute son enfance. 

  L'autre particularité, c'est que c'est très beau. Sa musique fait souvent penser aux pops psychédélique et baroque des 60's, ainsi qu'à la variété orchestrale de Lee Hazlewood ou Scott Walker par exemple, mais revue au travers d'un filtre moderne, avec des ajouts synthétiques voire électroniques, un peu comme Stereolab, Portishead, Broadcast, Air, presque dream pop 90's-2000's, ou plus récemment Tame Impala, Sébastien Tellier ou The Last Shadow Puppets. Ainsi, la délicate "Hi a Skoellyas Liv a Dhagrow" commence doucement, portée par un piano fragile et par la voix délicate de Gwenno, et décolle grâce à de somptueux arrangements orchestraux soutenus par une rythmique intense. Le single "Tir Ha Mor" est excellent grâce à un juste dosage entre rythmique entêtante, mélodie mémorable et un vrai sens de l'espace audible dans les arrangements. Ce travail mélodique néo-60's, réminiscent des Pipettes, s'entend aussi sur "Eus Keus", mais comme distordu à travers une production aquatique que ne renieraient pas nos chouchous les Soft Hair.

Gwenno - Tir Ha Mor (Clip, 2018)

  L'album se permet même des respirations planantes comme "Herdhya", qui évoque une Björk qui aurait encore les pieds sur terre. "Jynn-amontya" est presque un slow psychédélique, faisant preuve d'une habile utilisation des dissonances, tandis que "Den Heb Taves" émeut avec un piano martelé comme chez Harry Nilsson.

  Musicalement, l'auditeur est gâté : c'est riche, c'est varié, c'est fait avec goût et subtilité. On entend même un boogie bluesy en trame de fond de "Daromes y'n Howl", chose peu habituelle dans la frange de la pop contemporaine ne faisant pas ouvertement dans le revival. Difficile de classer un morceau comme "Aremorika", même en évoquant sa filiation avec Air -surtout l'album Talkie Walkie qui a également beaucoup influencé Tame Impala- on est loin d'avoir fait le tour de ce grandiose morceau. D'ailleurs, ce morceau, ainsi que le mystérieux et très européen "Hunros", apportent un charme fou à la fin de l'album, clôt avec grâce par le délicat "Koweth Ker".

Gwenno - Eus Keus (Clip, 2018)

  C'est donc un album de pop légère, gracieuse et profonde que je vous recommande aujourd'hui, n'hésitez pas trop c'est du tout bon.

A écouter sur Deezer ou Spotify

Alex


mercredi 20 septembre 2017

L'électro-pop apaisée made in 2017 de Cigarettes After Sex, Hot Sugar, Cornelius, & Dâm-Funk

Cornelius

  Ca ne vous aura pas échappé, l'électronique "chill" est une tendance lourde ces dernières années, du domaine purement électro à la pop en passant par le jazz ou le rap. Retour aux BO italiennes des 70's ? A la pop lounge du début des années 2000 (Air...) ? Probablement une réponse à un système qui fait de nous des êtres sursaturé d'informations, forcés à aller toujours plus vite, mais on ne va pas faire de la psychologie du dimanche ou de la sociologie de plateau télé ici. On va plutôt parler de 4 disques merveilleux qui font naviguer nos tympans en eaux calmes avec maestria.


Cornelius - Mellow Waves (2017)

  Commençons par le maître du genre, le japonais Cornelius, dont on a déjà parlé sur ce blog puisque j'ai fait de l'intro de l'album, "If You're Here", un de mes morceaux de l'été. Sa musique est subtile comme du Air, nuancée comme du Radiohead, douce-amère et drôle comme du Beck, et s'autorise des sorties rock ("Sometime Someplace"), minimalistes ("Surfing On My Mind Wave Pt.2"), dancehall ("Helix Spiral"), avec toujours ce soupçon de folk, de jazz et une électronique maîtrisée, discrète mais audible, texturée mais pas clinquante. Un très bel exemple de ce qu'on peut réussir à merveille dans le genre. Ce superbe album à la pochette sexuelle est à écouter ici.

  Mais comme on va le voir, malgré un vécu mois long, les petits nouveaux peuvent aussi se fendre d'un disque tout en retenue. Car on va évoquer le cas de Cigarettes After Sex, qui partagent avec Cornelius un traitement de la voix assez personnel et addictif. 



Cigarettes After Sex - Cigarettes After Sex (2017)

  Comme du shoegaze avec une voix en avant, comme des The xx sans le silence, comme du trip-hop sans les rythmiques ("Opera House"), la musique des Cigarettes After Sex intrigue. D'abord grâce à cette voix, comme on l'a dit, légèrement modifiée. Un poil boostée dans les graves, un poil saturée, un peu de reverb quant il faut... Et ce, toujours bien dosé. Et puis le plus important suit : les mélodies vocales. Bien mises en avant par un accompagnement musical qui sait calmer le jeu pile au moment où la voix déboule, chacun laissant la place à l'autre dans un échange permanent chant - musique (c'est criant sur les très belles "K" et "Sunsetz").

  Le seul défaut de ce disque, s'il fallait en trouver un, c'est qu'à l'instar d'un LP de Lana Del Rey (dont ils partagent l'esthétique rétro référencée : cf le titre d'un morceau comme "John Wayne"), le rythme lent et homogène tout au long du disque et le son éthéré peuvent captiver lors d'une écoute et lasser lors d'une autre plus distraite ou d'une humeur incompatible. C'est surtout vrai pour les morceaux un peu plus faibles comme "Each Time You Fall In Love", "Truly". Mais là encore, ce défaut peut être une qualité, forçant l'esprit au calme, au ralentissement, et ça marche toujours avec des morceaux comme "Flash", relecture moderne d'un post-punk au léger parfum americana, comme une reprise de Chris Isaak par les xx ou Beach House. Ou comme sur "Sweet", dont le refrain un poil psyché folk (ces guitares carillonnantes) émerveille. 

  Bref, le disque n'est pas parfait, mais il est tout de même très très bon. Une vraie démarche, un son personnel, à contre courant de ce qui marche a priori (même si des précédents comme Cornelius, les Young Marble Giants, les xx, ou Lana ont montré que ça pouvait prendre), c'est tout ce qu'on peut espérer d'un jeune groupe, et c'est largement atteint ici. Et on va encore en écouter deux autres exemples ci-dessous.
A écouter par là.



Hot Sugar - The Melody Of Dust (2017)

  Je ne connaissais pas du tout Nick Koenig, qui produit de la musique sous le nom de Hot Sugar depuis 2011. Enfin, si, je connaissais le morceau "Sleep", qu'il avait produit pour l'excellent album Undun de The Roots, sans savoir que ça venait d'un membre extérieur au groupe. Pas totalement un débutant donc, il a développé un vrai son et une technique à lui ("associative music", en gros un énorme travail de sampling pour arriver à des sons inédits),  depuis son adolescence, et il a déjà publié un album, des EP, produit pour des rappeurs et pour des documentaires.

The Roots & Hot Sugar - Sleep (2011)

  Bref, son deuxième long format, The Melody Of Dust, est une merveille de pop électronique dans lequel la science du son de Hot Sugar sert des mélodies limpides, touchantes et attachantes. Et ça donne forcément un résultat assez inédit et immédiatement appréciable, dès l'introductif "Frosted Glass". Dans lequel on entend bien sa démarche : mêler instruments, samples, field recording, filtres, bref comme il le dit lui même "capturer un son tel un photographe immortalisant une belle image", pour servir une mélodie. 

  Mais il ne sort pas de nulle part. On entend des échos post-dubstep à chercher chez SBTRKT ou James Blake dans la rythmique puissante de "Plasma" ou "Nausea", servant à appuyer ces mélodies liquides, insaisissables, cachées entre deux nappes de voix trafiquées et jouées au synthé (façon Soft Hair). Et qui font la beauté des chef-d'oeuvres que sont "For The Bird", "Coffin in the Clouds"à la prod presque trap, l'excellente "i first heard the melody within the womb", dont le titre résume bien la démarche sonore du bonhomme,  et surtout ma préférée, la renversante et hyper bien nommée (c'est drôle, et poétique) "The Life Of A Goldfish".

  Certes, parfois on peut avoir l'impression d'une répétition dans les rythmes, les structures ou les sons, mais le projet est tellement unique en lui-même qu'il serait malhonnête de demander à l'artiste de ne pas exploiter ce terrain vierge à fond avant de passer à autre chose. De même, une certaine grandiloquence pointe parfois son nez, mais elle ne fait que mieux mettre en valeur des douceurs comme la comptine oblique "Death Is The Ultimate Reward".

  Vous l'aurez compris, ce LP est singulier, il vaut vraiment le détour, ne serait-ce que pour "The Life Of A Goldfish" et vous auriez tort de vous en priver. 


Dâm-Funk - Architecture EP (2017)

  Dâm-Funk est autre musicien que j'adore, ayant fait ses preuves en renouvelant considérablement l'électrofunk avec une intégrité, une vision et un talent rares. Ce dernier EP, plus froid, plus house voire un chouia techno, illustre magnifiquement son thème architectural avec des morceaux de house / funk constructiviste comme l'obsédante "Break Out" et la nostalgique, tranquille mais musclée "Your House", et sait s'en écarter avec la mélancolique et sensuelle "Hazy Stomp" aux percus discrètes mais futées planquées derrière la beauté aguicheuse des synthés. 

  Un magnifique EP trois titres, parmi les meilleurs de l'année, qui offre également repos et apaisement en faisant appel à la sensualité et à intelligence de son auditeur. Une magnifique oeuvre d'art dans laquelle on ressent toute la grandeur d'âme de l'artiste. A écouter absolument là !

Alex



  

lundi 15 mai 2017

The Jesus & Mary Chain - Damage & Joy (2017)



  The Jesus & Mary Chain, pour moi, c'est d'abord la découverte avec Darklands (merci la médiathèque), et le choc de Psychocandy acheté peu après. Un de ces albums phares, immensément importants. Comme Elvis, les Beatles, Kraftwerk, James Brown, Isaac Hayes ou Joy Division, Les J&MC ont inventé un truc énorme, un style, une nouvelle façon de faire de la Pop music au sens large. Une musique mélodique et addictive comme de la pop, violente et dangereuse comme du rock, noisy comme de l'indus, vaporeuse comme de la dream pop et surtout d'une classe et d'une intransigeante authenticité remarquables. 

  Autant dire que des décennies (et quelques très bons albums) après, il est difficile de faire la part des choses concernant un de leurs albums (et ce n'est pas le seul groupe dans ce cas). On risque de le surestimer par complaisance inconsciente avec nos idoles, ou de le descendre de façon irraisonnée à cause de nos préjugés sur ce que cet album devrait être ou de la comparaison avec les hauteurs inatteignables des chef-d'oeuvres passés. Mais l'avantage des Jesus & Mary Chain, c'est que même si le son a joué un rôle important dans leur réussite artistique et dans leur esthétique, leurs succès se sont surtout leurs chansons. Ce qui a l'avantage de mieux supporter les modes et le temps qui passe, et ce qui est plus facile à juger en faisant abstraction du passif et du présent. 

  Et pour le coup, on est servis dès "Amputation", diablement efficace avec ses ronronnements de guitare et sa mélodie catchy. La production moderne et le chant désinvolte évoquent les héritiers Crocodiles, et les discret ajouts électro-rock psyché et acide de la prod, plus les "houhou" de stade évoquent les cousins de Primal Scream. Impeccable. Concis, percutant, vicieux et mélodieux, c'est parfait. Le folk-rock cotonneux de "War And Peace", qui partage avec la précédente une certaine gouaille british narquoise très rock, est de la même trempe, et la dernière partie à mi chemin entre punk et motorik (très Neu! donc) est très bien vue, ingénieuse, inattendue et redynamise à merveille le morceau. 

  Ces deux excellents morceaux inauguraux passés, l'album redescend d'un cran. Après tout, les frères Reid se font vieux, et cela se ressent lors de morceaux plus convenus, mais néanmoins très agréables et réussis dans leur genre. Ainsi, "All Things Must Pass", "Facing Up To The Facts" et "Get On Home" plus ouvertement rock indé et plus grosses dans la production, fonctionnent bien aussi même si elles manquent de subtilité (c'est pas grave, le bon gros rock leur va bien aussi). Les petits ajouts électro de "Simian Split" ne suffisent pas pour émettre un avis différent. Et on pourrait en dire autant de la britpop un poil psyché de "Song For A Secret" et du mix entre rock de biker à la Easy Rider et rock indé 80s /post-punk de "The Two Of Us", toutes deux avec avec Isobel Campbell au chant. Et toutes deux réellement réussies, sans non plus être exceptionnelles. Comme "Black And Blues", elle non plus pas transcendée par Sky Ferreira, mais réussie, et comme le rock psyché post-Johnny Marr (et très Primal Scream) de "Can't Stop The Rock". Au final, ce côté très british et ce rock un poil trop produit tirant sur le psychédélisme me rappelle le dernier Oasis, Dig Out Your Soul. Ce qui n'est pas une insulte de ma part, je ne suis pas dingue du groupe mais cet album, avec leurs deux premiers, est vraiment plutôt réussi. C'est juste un peu trop prévisible et trop produit, mais ça reste du bon artisanat rock. 

  De même, "Los Feliz (Blues & Greens)" est un poil pompeuse et pour être honnête je l'aime un peu moins, mais c'est personnel (c'est dommage l'intro de la chanson est superbe). Par contre, il y en a une avec laquelle j'ai beaucoup de mal, c'est le rock un peu trop teenager 90s de "Presidici (Et Chapaquiditch)", qui appellerait presque à un parallèle avec les derniers Pixies, qui sont à la fois remplis de pépites mais qui souffrent de remplissage (comme par exemple ce titre) et n'arrivent pas à se débarrasser d'une prod boursouflée et dépassée. 

  Mais les vraies réussites du disque (outre les deux morceaux inauguraux), c'est d'abord "Always Sad", pop song d'une perfection absolue, grâce notamment aux choeurs de Bernadette Denning. Des titres comme ça, j'en redemande avec joie, cette chanson devrait être en boucle sur toutes les radios. Et d'un autre côté, on a l'excellente "Mood Rider", qui arrive à retrouver l'intensité de Psychocandy en y ajoutant une touche presque hard/grunge assez sombre.

  Au final, l'album est très correct. 4 superbes chansons sur 14, seulement 2 pas terribles, et le reste plutôt bon et se révélant sûrement un peu plus à la réécoute. Certes, le disque n'est pas à la hauteur du groupe, mais qui pourrait en espérer autant, c'est ridicule, il y a peu de chances que ça arrive à nouveau. Les frères Reid continuent à faire des chansons comme ils savent si bien le faire, se font plaisir au passage et arrivent à nous livrer quelques pépites. Ce serait malhonnête de demander beaucoup plus après tout ce qu'ils ont déjà donné. Et qui sait ? Peut-être que d'avoir remis le pied à l'étrier sur cet album va les relancer dans un rythme plus régulier. 


Alex


vendredi 6 juin 2014

Isaac Delusion - Isaac Delusion ( 2014 )

Le premier album du groupe parisien sort en ce début de mois de juin sur le label Cracki Records ( + Parlaphone ) pour nous délivrer une dream pop aux forts accents de folktronica ( surement un mot inventé par Barney Stinson, mais qui a pour principale qualité d'être plus original qu' "electrofolk" )



     En soit il ne créent rien de novateur dans ce genre de la deuxième partie des 00's et qui fut encore très fécond l'an passé, ils jouent dans les même registres que Warpaint ( quoi que moins rock ), Pantha du Prince pour le versant plus electronica ou Bon Iver pour le versant plus folk. Mais c'est fait avec tant de délicatesse et d'une manière si somptueuse que je n'arrive pas à me lasser de ces ambiances et de ses voix aériennes, épicées de mélodies et sonorités orientales, états-uniennes ou nordiques. 




     Ils réussissent alors le difficile pari de faire une musique rêveuse sans nous endormir, grâce à des boîtes à rythmes fermes et mises en valeur, rendant des morceaux comme Pandora's Box très dynamiques ou même grâce des morceaux plus électriques à l'instar de The Devil's Hand, sonnant comme un bon vieux rock'n roll fantomatique. Cet album a aussi son lot de tubes comme Early Morning ou Midnight Sun, sorti depuis plusieurs mois ou années, et ayant fait la renommé du groupe. En résulte ainsi un équilibre parfait, alternant ambiances, cultures, instruments, rythmes, pour un splendide voyage auriculaire. 



Isaac Delusion - Midnight Sun


Pour écouter : 
Isaac Delusion - Isaac Delusion ( Deezer )



Etienne

lundi 12 mai 2014

Jaakko Eino Kalevi - Dreamzone ( 2013 )

    

     Voilà une découverte au goût de première fois pour le célèbre label indé londonnien Domino Records ( Blood Orange, Animal Collective, Arctic Monkeys, Dirty Projectors, Four Tet, Franz Ferdinand, Hot Chip, The Kills, The Last Shadow Puppets, Real Estate ). C'est en effet la première fois de son histoire, depuis ses débuts en 1993, que le label signe un artiste finlandais, qui plus est chauffeur de tram à mi-temps ! On a donc pu découvrir le jeune autodidacte, multi-instrumentiste, auto producteur Jaakko Eino Kalevi début décembre 2013 avec l'excellent EP, et largement relayé par la presse, Dreamzone. Il y concocte de la dream pop "lo-filisé" et rythmée ( la batterie étant son instrument de prédilection ) accentuée de folk. On y ressent l'influence d'Ariel Pink ( bien au delà de la coupe de cheveux ! ) ou Chris Rea. En particulier sur l'excellent No End, chef d'oeuvre de l'EP ( rien à voir avec le fake au sujet du dernier album des Dafts punk je vous rassure ! ).

Pour les yeux :




Pour les oreilles :
Jaakko Eino Kalevi - Dreamzone ( Deezer )
Jaakko Eino Kalevi - Dreamzone ( Spotify )

Pour le cerveau :
http://www.dominorecordco.com/



Etienne






samedi 8 mars 2014

Grand Blanc - Devant De Nous ( 2013 )

     Voilà un genre avec le quel j'ai beaucoup de mal, et que je fuis comme la peste. Ou peut être est-ce lui qui me fuit ? C'est la chanson française. Fâché avec ma langue, avec ces artistes de la"nouvelle scène française", ces Zaz, ces Bénabar, polluant mes oreilles et dont les médias traditionnels nous abreuvent comme pour nous éloigner de façon mal saine de ce monde méritant beaucoup mieux. Mais ma rédemption est en route et Grand Blanc en sera peut être le tendre chemin, avec cet EP sorti en mai 2013 et regroupant leur travail s'étendant de 2011 à l'année de parution.




     Groupe originaire de Metz, Grand Blanc base clairement sa musique sur son chant grâce à la parfaire osmose entre  son chanteur, qui est aussi le parolier, et sa chanteuse. Son univers musical balaye alors une variété française des années 80, n'ayant pas peur de faire sonner leurs guitares tachantes et d'assumer leur chant. C'est celle de Bashung, notamment dans la voix, mais aussi de Christophe, Alain Kan et tous ces artistes qui ont sut trouver une identité propre, affirmée et indépendante et dont le groupe est le digne échos.



     C'est alors dans une brume sombre, grave et énigmatique que nous emmène le groupe, où le chant et sa poésie jouent les pièces maîtresses, sublimés par des guitares brutes et animales, des rythmes violents et nets ( un petit goût de Suicide notamment sur L'homme serpent ), et des synthés scintillants new-wave. Ce pourrait presque être du Bowie à la française, en moins pop, plus sérieux et remasterisé 2013. 




A vos oreilles ! Voici le lien pour écouter cet Ep -> http://grandblanc.bandcamp.com/

P.S. : Ils ont visiblement  enlevé les morceaux de leur bandcamp entre le moment où j'ai écrit cet article et maintenant, je n'ai donc pas trouvé d'autres moyen d'écouter l'EP en streaming. A défaut je vous mets une lien vimeo leur leur vidéo du single "devant de nous" : ICI




Etienne