Camel était un groupe anglais de prog formé en 1971 autour d'Andrew Latimer, guitariste mais aussi chanteur, bassiste, flûtiste, et claviériste. Après l'échec commercial de leur premier album éponyme sorti en 73, ils sortent donc ce Mirage qui va récolter les louanges des critiques et leur faire accéder au statut de grands du prog, ce qui sera confirmé par les deux albums suivants - et leurs 10 (!) successeurs - l'ambitieux et orchestral The Snow Goose (1975) et le très beau et apaisé Moonmadness (1976), aussi bon que ce Mirage dans un style plus pop, cotonneux et froid, et que j'aurais également pu aborder ici.
Après une intro synthétique façon grand spectacle, c'est une basse pulsatile, quasi post-punk avant l'heure, qui introduit des salves de guitares puis un jeu plus prog sur l'intro "Freefall", très jazz-(hard) rock dans l'esprit. Le chant est très accessibles, et les guitares mi tranchantes mi groovy ont le riche son du début des 70's, lorsque funk, folk, hard-rock, jazz et prog n'étaient pas tout à fait différenciés et séparés dans des petites cases hermétiques. J'en veux pour preuve ce clavier soul-funk qui part dans des divagations bluesy ou classiques. Mais même si les changements de rythme et les constructions mélodiques sont complexes, rien n'est sacrifié à l'accessibilité du morceau, et un fan de classic rock, de soul ou de pop pourra s'y retrouver sans problème, grâce aux petits moments de bravoure ultra pop comme le court solo de guitare à 4'30" tellement théâtral qu'il évoquerait presque Queen, mais qui est surtout magnifique (et ça vient de quelqu'un qui n'apprécie que modérément les soli en tous genre).
"Supertwister" est quant à elle une merveille de prog-pop instrumentale, drivée par une superbe flûte traversière, des claviers divins et une section rythmique toujours aussi impeccable dans les instants les plus musculeux comme dans les plus subtils.
"The White Rider" commence comme une BO de SF et plante une ambiance troublante et belle, avant qu'une rythmique martiale assortie de cuivres et d'une flûte folklorique, et appuyée de la clameur de la foule ne viennent perturber l'ambiance et introduire un motif de guitare qui n'a rien à envier à David Gilmour de Pink Floyd. Comme vous l'aurez peut-être deviné si vous êtes grand lecteur (ou si vous êtes allés au cinéma depuis l'an 2000), le texte de ce morceau tourne autour de l'oeuvre de Tolkien, le titre du morceau faisant explicitement référence à Gandalf, et son découpage en plusieurs parties : a) "Nimrodel" b) "The Procession" et c) "The White Rider" allant dans le même sens. Ce morceau est une merveille de guitare cotonneuse et mélodique, de synthés accrocheurs, de syncope prog-funk, de théâtralité hard-rock, et d'accalmies pop-folk. Un vrai festival de plus de 9' durant lequel on en prend plein les oreilles, mais sans cette sensation d'en entendre trop en même temps tant chaque élément est net, à sa juste place et précisément dosé.
"Earthrise" est sans doute mon morceau préféré ici même si j'aurais bien du mal à les départager. Son feeling mélodique pop, son tranchant rock, ses folies rythmiques jazz, et son goût pour les synthés m'évoquent le génial dernier Thundercat (notre chronique ici). Et l'ultime morceau, "Lady Fantasy" avec son intro toute en arpèges de synthé, batterie imposante et riffs hard-rock, va plutôt dans le sens des Who de Who's Next, et plus précisément de "Baba O'Riley", alors que le reste du morceau (découpé en 3 également : "Encounter", "Smiles For You", et "Lady Fantasy") alterne sur près de 13 min entre prog-folk là encore très accessible, hard-rock funky, soli prog mélodiques à l’extrême (et bouleversants), et l'album se clôt sur un bouquet final mêlant hard dramatisant, quasi glam, avec cette fameuse guitare tellement 70s appuyée par un orgue.
La version CD (et le streaming) du disque incluent une superbe version live de "Supertwister", impressionnante de qualité et de finesse, un mix alternatif de "Lady Fantasy" qui vaut l'écoute car il propose vraiment une autre version du morceau, ainsi que deux magnifiques live de morceaux non présents sur ce Mirage : "Arubaluba" et "Mystic Queen" au refrain déchirant.
Bref, un très très bon disque de prog, de rock, de pop, de ce que vous voulez en fait étant donné la richesse que leur musique embrasse (eux s'en foutaient je pense), qui ne rebutera normalement pas les amateurs de pop-rock puisque tout y est immédiatement beau, et puisque tout est au service de la chanson, que rien n'est superflu ni complexifié à outrance. Une bonne façon de redécouvrir le prog avec ce disque qui en illustre tous les clichés tout en étant inattaquable musicalement sur ce que l'on peut reprocher (parfois à raison, souvent à tort) au genre.
Bonne écoute !
Alex
C'est vraiment plutot accessible et mélodique pour du prog ouais :)
RépondreSupprimerJ'ai pris l'album et ta chronique qui accompagne (en attendant de me ploger sur ton bilan 2019) Camel à l'époque je ne saurais te dire pourquoi il n'avait pas la cote dans mes choix Prog? A l'époque où nous étions tout de même un peu rock, il manquait à mon gout - à l'époque hein! - un signe qui se détache: la voix, voilà pourquoi c'était Genesis, Crimson, VDGG et Yes (et même un peu ELP et Greg Lake). Quand je pense que c'est en 2016 que je me décide à me pencher sur ce groupe, musicalement ils apportent beaucoup c'est vrai. J'étais tombé sous le charme de "Tears..." nous avions échangé il y a un an. Tu parlais déjà de Mirage... ça y est j'ai pris.
RépondreSupprimerHéhé je t'ai eu à l'usure. je crois que leur petit truc c'est ce mélange synthé guitare qui est il est vrai loin de leur être exclusif mais qu'ils se sont pas mal appropriés avec une approche assez personnelle, qui donne un vrai son au groupe.
SupprimerBon en réalité cette chronique est un peu vieille, je l'avais programmée pour plus tard mais je me suis cru en 2019 encore, résultat elle est là haha, il fallait bien qu'elle sorte de toutes façons !
Content de t'avoir fait replonger dedans, et si jamais tu es d'humeur je te conseille Moonmadness d'eux aussi que j'ai beaucoup aimé également
Ahhh bah voilà de la bonne zic !!!! (sic).. je déconne, en plus je viens te parler du billet précédent.. j'écoute plein de trucs de chez ton bilan.. j'ai écouté et suis resté pour l'instant très bloqué sur ALGIERS. J'écoute depuis 2j, anthracite urbain qui colle aux smell.
RépondreSupprimerSinon j'adore ce "Mirage".. que j'ai offert à un vieux pote (presqu'autant que le Fleetwood Mac) qui voulait arrêter de fumer.
Je retourne à ton bilan.. qd j'aurai arrêté ALGIERS
J'ai jamais réussi a accrocher a Algiers, je trouve ça très bien mais je crois que la voix me bloque :/
SupprimerJe suis pas mal sur le Field Music en ce moment, très chouette