Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

samedi 29 avril 2017

Justice - † (2007)





  Cette semaine, les disques sortis il y a dix ans déjà, en 2007, sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à mardi dans le cadre de notre troisième édition de La Semaine De La Pop.

     La génération 90 a eu les Daft Punk pour fer de lance et bien la mienne aura Justice! Moi qui n'avais guère l'âge de vivre pleinement la french touch, il m'était donné d'en vivre une nouvelle vague de plus excitantes, tel un second summer of love. Pour la première fois, j'allais vivre l'excitation d'un mouvement musical en marche. Je me pris alors en pleine adolescence cette nouvelle French Touch, enfant des Dafts portée par leur manager, le fameux Pedro Winter et son maintenant mythique label Ed Banger. Ce fin communicant arrive alors à créer un véritable engouement autours d'artistes tel Dj Mehdi, Sebastian, Mr Flash, le graphiste So Me, mais surtout Justice. En cette période où je ne faisais que découvrire l'océan musical qui s'offrait à moi, je fus confronté à cette musique d'extra-terrestre, avec ses sons ultra compressés, sa distorsion à tout va et ses centaines de mirco-samples assemblés en un titanesque patchwork, comme autant d'influences sonores et stylistiques différentes. En quelques tubes ultra denses, Justice me faisait découvrir la disco, la house, l'EDM, le funk, le hard-rock, les sons 70's, 80's et 90's. Un pur concentré multivitaminé, taillé pour la danse, ampli de la violence de sa production électronique et de l'hédonisme de ces titres dénués de tout message. A l'instar de cet album sans nom, que la presse appellera .


Xavier de Rosnay à gauche et Gaspard Augé à gauche, constituant le duo Justice.

     Au delà de la musique je succombais à ce visuel, à ces deux hommes habillés en rock star, jeans et vestes de cuir, capillarite hors norme et attitude outrageuse. Il faut dire que ces graphistes de formation attachent au moins autant d'importance à leur visuel qu'à leur musique, aimant à utiliser des symboles aussi forts que cette fameuse croix et ce nom chargé de sens. Et que dire de leurs live, alliant ampli Marshall et mur d'électronique? Ils y sont des bêtes de scène à la manière des icônes du hard rock ou du heavy metal. Une vie de super star débridée et paradoxalement assez triste, mise en scène dans le très immersif documentaire dédié à leur tournée américaine, humblement titré Across The Universe et réalisé par Romain Gavras.

Justice en live.

    Par toutes ces caractéristiques, Pedro Winter décrit d'ailleurs très pertinemment la musique de ses poulins comme de la heavy disco. Ils se définiront eux même comme à mi-chemin entre Chic et Slayer. On comprend ainsi mieux le nom du label Ed Banger qui fait allusion à la fameuse gimmik propre au milieu métal, le headbang. Montrant cette volonté de décloisonner les genres, comme Dj Mehdi a pu le faire dans le hip-hop.

De Gauche à droite :
Gaspard Augé, Pedro Winter et Xavier De Rosnay

     C'est en 2003 que le groupe signe chez le tout récent label parisien, grâce à leur remarqué remix de Never Be Alone de Simian. Se dessine alors déjà le son compressé et empreint d'une fièvre discoïde qui allait faire la marque de fabrique du groupe. S'en suit une flopée de remix et de collaborations, notamment avec les Daft Punk. Je vous passe les folles rumeurs qui ont couru sur la possibilité que ces deux groupes puissent être l'oeuvre d'un seul et même duo. Viendra ensuite des morceaux solos dont le fameux Wathers Of Nazareth en 2005, persistant dans cette lignée de disco hardcore. C'est entre 2006 et 2007 que le duo, qui a déjà une solide expérience live et une grosse réputation, entre en studio pour compiler et étoffer de d'autres titres ce travail. Ainsi, dans l'urgence d'une vie en tournée permanente, au sein d'un studio confiné au sous-sol non ventilé et exigu d'un batiment parisien, le groupe s'exécute et réalise ce qu'il ambitionne d'être un "opéra disco". Pour arriver à leurs fins, contraints par ce qu'ils déclarent être un manque de technique, ils coupent et recoupent des micro-samples de centaines de tubes disco, rock, funky, pour créer une créature hybride et donnant à cette production ce son si singulier, cette marque de fabrique Justice.

     Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce contexte si oppressant à la création musicale, resurgit, transpire, suinte de ces 12 titres. Le ton grave et violent y est donné dès le premier titre, Genesis, où cuivres et tambours body buildés semblent ouvrir les portes à une fournaise infernale et démoniaque, taillée pour les clubs. Introduisant un autre grand tube de l'album, Let There Be Light, un titre plus mélodieux et surtout plus funky, rappelant les géniaux samples 70's des Dafts sur Discovery
Puis vient ce qui restera comme le gros succès international de Justice, le mythique D.A.N.C.E.. Hommage déclaré à Michael Jackson, il met en avant un choeur d'enfant qui n'est pas sans rappeler les Jackson Five et est en faite une reprise de la mélodie de Me Against The Music de Britney Spears en duo avec Madona. Les paroles du titre sont d'ailleurs toutes reprises de chansons de king de la pop M.J. et sont visibles sur le fameux clip qui l'accompagne. Illustration du principe de composition en patchwork, les violons présents sur la chanson sont eux repris de l'orchestration de Sunny de Boney M. Le tout propulsé par un beat, la magie opère!
     Le morceau suivant Newjack, propose un électro-funk toujours aussi entraînant, avec ces sons ultra compressés et suffocants, rappelant la techno acide de l'Allemand Boys Noize.

     S'en suit le dytique Phantom et Phantom Pt. II qui de leur voix démoniaques vocodisées et de leur beat tranchant, opèrent la métamorphose de cette créature dans un style beaucoup plus violent et oppressant, déjà entrevu sur le titre d'ouverture. Phantom Pt. II resta d'ailleurs et reste encore, mon titre préféré de l'album, apogée de ce mixe house et disco. 

     Valentine ralentit le jeu dans des mélodies plus enfantines et plus 80's, avant de repartir sur TTHHEE PPAARRTTYY qui de sa voix féminine est imprimé d'un riff de basse ultra catchy.

     Vient ensuite DVNO, en collaboration avec le chanteur et producteur français du même nom, lui aussi signé chez Ed Banger. Il est souvent considéré comme le titre le plus faible de l'album, même si, à mon sens, il permet d'explorer une facette plus vocale de ce travail de reconstruction de la musique disco. 


Extrait du clip de stress réalisé en 2008 Par Romain Gavras

    Stress prend le relais. Il est sans contexte le titre le plus controversé de l'album. De sa mélodie digne des pires films d'horreur, il fait monter la tension à son paroxisme dans une violence musicale inouïe. C'est d'ailleurs cette violence qui a été mise en images par le très bon réalisateur franco-grec Romains Gavras (Signatune de Dj Mehdi, Born Free et Bad Girls de M.I.A ou No church In The WIld de Kanye West & Jay-Z), montrant une jeune bande de cité sans foi, ni loi, rassemblée sous la bannière de la croix symbolisant le groupe. Une violence telle que le clip sera interdit de télévision en France et paraîtra plutôt sur le site internet de Kanye West outre Atlantique. Les fans de DEVO reconnaîtront très vite dans ce morceau un sample tiré de Jocko Homo. L'autre sample notable est tiré d'un morceau de David Shire, Night On Disco Mountain


Le réalisateur Romain Gavras.

     Puis Water Of Nazareth rebondit sur cette violence, pour reprendre le chemin du dance floor toujours plus énervé, dans un son compressé à l'extrême. ici l'art de Justice exulte tout comme son public! Le duo ose même introduire une touche baroque en cet orgue reprenant la mélodie de Thriller de Michael Jackson. On y voit une façon très rock de faire de l'électro, un peu à la manière du duo italien Bloody Beetroots alors très en vogue.

     Cette inspiration rock est reprise avec les riffs très hard-rock de One Minute To Midnight clôturant magnifiquement l'album et présageant déjà le style de leur futur album Audio, Video, Disco, qui sortira en 2011. S'en suivra plus récemment Woman, paru en 2016. Mais aucun des deux ne saura égaler en qualité le premier opus, ni même reproduire l'engouement autour du groupe dont la musique s'est quelque peu assagi depuis, laissant découvrir d'autres facettes de leur musique. Un groupe qui reste encore aujourd'hui une référence dans le milieu de la musique électronique, en témoigne leur récente participation au festival Cochella 2017, où on a pu découvrir leur nouveau décort live, au moins aussi bien réussi que le précédent. Une expérience live que je vous recommande chaudement, comme j'ai d'ailleurs eu la chance de bénéficier à l'occasion de la tournée de leur deuxième album.

A écouter sur Deezer et Spotify.


Bonne écoute à tous !



ETIENNE

8 commentaires:

  1. J'avais apprécié plusieurs titres de ce premier disque, sans le trouver assez cohérent (mais un peu pareil que les Daft Punk) pour en faire un grand disque.
    Très déçu par les suivants par contre.

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    1. Pour moi Audio Vidéo Disco est aussi réussi que celui là dans un genre différent.
      Pour le coup je trouve les esthétiques sonores de justice et Daft punk très cohérentes sur la longueur d'un LP, ce sont vraiment des "groupes à album", c'est marrant que tu dises ça !
      Woman est sympa, ils se sont assagi et creusent leur sillon de manière pépère mais avec un vrai artisanat et un amour de la chose, ça s'entend je trouve et il y a pas mal de réussites sur celui là aussi

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    2. A vrai dire j'y entends moi aussi beaucoup de cohérence dans l'intégralité de l'album, ce qui n'est aps donné à tous les protagonistes électro-house qui rpéfèrenet souvent le format EP. Je pense notamment à Todd Terje, dans un genre elctro-disco quoi que plus pop, qui excelle en tant que producteur sur EP et singles, mais est beaucoup moins marquant en LP.

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    3. Beaucoup de mal avec Todd Terje quel que soit le format, pour ma part. Sans doute le côté trop "disco".
      Autant le premier Daft Punk parvient à maintenir une cohérence d'ensemble (allez, le 2ème aussi malgré quelques temps plus faibles, j'ai un peu exagéré sur la comparaison avec les DP pour le coup), autant chez Justice, je m'ennuyais assez vite.
      Mais peut-être me suis-je laissé influencer à l'époque, de manière contreproductive, par les éloges excessifs de Pitchfork and co.
      Ca mériterait que j'y revienne, maintenant que je suis un peu moins snob...

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    4. On avait deux avantages : on était très jeunes et on lisait rien de la presse, cet album on se l'est refilé, gravé entre gens de notre âge à l'époque. C'était du bouche à oreilles et pas de la promo, c'est plus facile d'adhérer à la musique sans ce repoussoir ;)

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  2. Comme je le disais c'est vraiment quelque chose de contextuel et très subjectif et c'est souvent là qu'on apprécie le plus. Il y a certains artistes qu'on écoute ado et dont on se lasse après, mais justice m'a vraiment marqué (d'autant plus avec une expérience live) etme parle encore beaucoup !

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  3. Je crois que, à part D.A.N.C.E., je n'ai pas réécouter l'album depuis sa sortie. Je crois qu'il m'avait plu. J'avais besoin de ce genre d'électro à l'époque. J'ai puis suivi la suite, mais ils ont une démarche que je trouve intéressante. Ils ne cherchent pas à reproduire une formule.

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    1. Et si jamais tu voulais reprendre le fil, cet album et audio vidéo disco dans une veine plus rock 70s (mais encore une fois fait avec un décalage certain par rapport aux fans de vintage) sont indispensables

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