Pour notre première interview, nous avons invité Oliver Buckland pour nous parler de sa musique. Nous vous avons déjà présenté sa discographie, et nous avons parlé en particulier de son superbe morceau "Pendent". Nous somme très heureux de pouvoir vous permettre de comprendre davantage sa musique grâce à cette interview que nous avons davantage pensée comme une conversation que comme une suite de questions-réponses. Bonne lecture !
Oliver : Salut les gars !
Etienne : Salut ! Peux-tu dans un premier temps te présenter, et nous parler de la musique avec laquelle tu as grandi, celle que toi et tes parents écoutaient ?
Oliver : Alors, j'ai commencé à composer à l'âge de 15 ans, j'en ai actuellement 20, et je vis dans le Sud-Ouest de l'Angleterre, à peu près au milieu de nulle part. J'ai chanté dans des chorales depuis l'âge de 7 ans jusqu'à mes 14 ans. J'ai donc grandi avec beaucoup de musique chorale. Et mon père, qui est lui même musicien et grand amateur de musique, a joué du piano depuis que je suis tout petit. Concernant la musique que j'écoutais moi-même plus jeune, il s'agissait surtout de musique chorale, mais à l'heure actuelle je n'écoute pas un type de musique en particulier, c'est très éclectique et j'écoute généralement des choses en aléatoire sur Spotify ou Soundcloud pour découvrir des choses, ou alors suite à des suggestions.
Alex : Quand tu parles de musique chorale, tu penses à des pièces classiques ou alors à des pièces un peu gospel ? Ou les deux ?
Oliver : Quand je parle de musique chorale, c'est très orienté classique, du genre musique chorale très religieuse mais pas du gospel, même si c'est une musique que je trouve très cool et fun. Je chantais oeuvres de Bach ou de compositeurs plus modernes comme Benjamin Britten. Mais c'est juste mon background musical, je ne sais pas si ça a une influence énorme sur ce que je fais maintenant ou pas.
Bach - Chorals BWV 253-301
Benjamin Britten : Five Flower Songs, op.47
Etienne : Tu écris sur ton Soundcloud que tu étudies au Royal College Of Music…
Oliver : Exact ! Je viens de terminer ma deuxième année.
Etienne : Félicitations ! Peux-tu nous présenter l'institution ? Y apprends tu uniquement la musique classique ou est-ce une école ouverte à des musiques variées ?
Oliver : Je suis très heureux de pouvoir dire que le département de composition nous autorise à composer sous la forme que l'on souhaite, et que les enseignants sont là pour nous aider à développer notre style plutôt que de nous faire écrire d'une certaine manière. C'est quelque chose que j'apprécie énormément, parce que, sans les nommer, il y a d'autres endroits où l'on vous apprend à composer d'une certaine façon, et j'ai spécifiquement choisi le Royal College Of Music pour cette liberté.
Alex : Justement, à propos de toi, et de la façon dont tu composes : as-tu une méthode prédéfinie ? Est-ce que tu entends la musique dans ta tête et ensuite tu l'écris ? Est-ce que tu improvises certaines parties ? Ou est-ce que tu programmes certains morceaux dans un premier temps et que tu les joues après ?
Oliver : C'est une question difficile... Il faut que je réfléchisse moi-même à la façon dont je compose, ce qui est assez variable en fait. Ma méthode, en général, pour écrire de la musique acoustique, est de trouver une idée exprimant ce que je voudrais que la musique accomplisse avant d'écrire la moindre note. Et pour vous donner un exemple, j'ai ce vieux projet nommé This New Sea, pour lequel je me suis demandé dans un premier temps ce que je voulais accomplir à travers la musique, et cette pièce en particulier parle de l'espace et des événements historiques de la conquête spatiale. J'ai commencé par écrire un texte récapitulant ce que j'avais à faire, et lorsque ce planning était fini, j'ai composé de toutes petites phrases ou pièces musicales, en commençant vraiment tout petit, puis en essayant d'expandre ces petites idées, ces petits fragments musicaux. C'est à peu près ce que je fais maintenant, mais il y a certaines occasions durant lesquelles j'improvise complètement. Par exemple, le morceau “Pendent” est presque totalement improvisé de façon électronique sur mon ordinateur, et ensuite j'ai essayé de développer ces idées le long des 8 minutes du morceau. J'ai peur de ne pas être très clair, mais si je voulais résumer ça, je dirais "commencer par de petites idées, les développer à partir de là".
Alex : Non au contraire, c'était très clair, tu commences avec un genre de scénario et tu développes ces petites idées musicales dont tu parlais selon ce que tu avais prévu.
Oliver : C'est comme une lente évolution depuis une seule idée. Mais il y a d'autres occasions, notamment pour mes morceaux davantage électroniques, pour lesquelles je me pose et j'improvise complètement.
Alex : C'est plutôt marrant, parce qu'Etienne a eu le pressentiment que tu avais composé et improvisé “Pendent” d'une façon électronique. Il m'a notamment fait remarquer que certaines parties ressemblaient à des samples mis en boucle, et re-joués par la suite, et que certains petits motifs de piano sonnaient comme si ils étaient joués dans un sens puis inversés.
Etienne : J'écoute beaucoup de musique électronique, et pour moi “Pendent” sonne comme si il avait été composé avec des techniques électroniques et qu'ensuite on lui avait donné une forme "classique".
Oliver : C'est exactement ce que j'essayais de faire avec ce morceau. Lorsque j'écris de la musique électronique, j'essaie d'y introduire de la musique acoustique et des techniques que j'ai apprises lors de la composition de pièces acoustiques. Et vice versa, quand je compose de la musique acoustique j'essaie d'y introduire des petites choses venant de la musique électronique.
Alex : A ce propos, nous venons juste de regarder un court documentaire avec Etienne en lien avec cela. Il y avait une intervention de Robert Glasper [musicien de jazz & hip-hop], dans laquelle il disait que les beats de J Dilla sonnaient tellement organiques qu'ils lui donnaient envie de jouer comme ils étaient samplés et modifiés par le producteur et pas forcément comme le sample d'origine. C'est amusant que ces samples de jazz modifiés par des techniques électroniques inspirent à leur tour d'autres musiciens jazz.
Jazz Is The Mother Of Hip-Hop
Documentary starring Robert Glasper
Oliver : Je vois tout à fait le parallèle... Je ne sais pas quelle est ma voix propre en tant que compositeur en fait, mais c'est ce qui fait l'intérêt du voyage !
Alexandre : Dans “Pendent”, nous avons remarqué une utilisation du silence très intéressante. Et c'est le genre de choses que l'on est pas censés remarquer, et qui signifie quelque chose quand c'est le cas. Comment utilises-tu le silence dans tes compositions ?
Oliver : Comme ça me vient. Le silence est vraiment très important parfois, mais pour “Pendent” je voulais garder l'élan de la composition tout du long, comme si c'était une machine qui en prenait le contrôle, devenant parfois très bruyante, parfois plus calme. Mais si le morceau avait été très intense du début à la fin, ça aurait été fatiguant pour l'auditeur, si cette tension avait duré tout du long. Si ça sonne trop "fort", le rendu peut être un peu cheesy, pas très intéressant ou trop dramatique. Mais le silence peut égalment être utilisé d'une façon très dramatique et agressive. Comme à la fin de chaque mouvement de “This New Sea”, j'ai demandé aux musiciens de faire une pause durant un certain temps, afin de montrer de façon explicite au public que quelque chose s'arrêtait et qu'autre chose commençait. Et dans le court morceau “Cycle”, j'ai pensé que c'était trop “in-your-face”, qu'il y avait trop d'énergie, donc j'ai sélectionné deux endroits dans lesquels insérer des pauses inattendues, pour laisser s'abattre le silence, en quelque sorte, ce qui a fait réagir l'audience, qui pensait : “Wow,qu'est-ce qu'il se passe ?”. Mais la plupart du temps je n'y pense pas trop, j'utilise le silence comme ça me vient.
Etienne : Le silence est un peu le “off-screen” du cinéma transposé en musique, une façon de créer le désir de savoir de ce qui va arriver après.
Oliver : Oui, le silence peut souligner de façon très puissante certains morceaux de musiques ou certaines scènes de films.
Alex : A ce propos, tu aimerais composer une bande originale pour un film un de ces jours ?
Oliver : Totalement ! Composer pour un film est très difficile, mais très gratifiant. J'en ai fait un peu, mais ce n'est pas disponible sur mon soundcloud. J'ai vraiment adoré faire ça, mais ça demande beaucoup de temps, de passion et de compétences. Mais c'est quelque chose que je veux faire davantage dans le futur, et que j'espère pouvoir montrer sur ma chaîne bientôt.
Alex : Tu disais que pour composer, tu écrivais un petit scénario. Tu penses à des images également ?
Oliver : J'ai quelque chose qui s'appelle la synesthésie. Les textures, couleurs et sons sont connectés, par exemple quand j'entends de la musique je vois des couleurs, c'est la chromesthésie. En termes de visuels, lorsque j'entends un certain accord, je vois une couleur, du coup j'aime changer souvent d'accord pour voir un paysage très coloré dans ma tête.
Alex : Et comment choisis tu tes visuels ? Tu collabores ou tu fais tout tout seul ?
Oliver : Je récupère et j'édite quasiment tout le temps moi-même les photos depuis internet. Mais pour les deux pochettes d'album de Ten et Twenty [ci-dessous] j'ai demandé à un ami de les faire… Je ne sais pas très bien pourquoi, mais je crois que ce qui m'a motivé était de laisser un peu de mon contrôle créatif à quelqu'un d'autre pour ces projets.
Etienne : Et à propos de ta photo de profil soundcloud [ci-dessous], elle fait un peu cubiste. Je me demandais si c'était une métaphore de ta musique ? Dans le sens où on peut en voir les contours mais on doit deviner ce qu'il y a réellement dedans ?
Oliver : Je l'ai faite seule. Ma mère la déteste, elle la trouve flippante, elle n'arrête pas de me demander de la changer mais je refuse. Je l'aime bien parce que l'on sait que c'est un humain, que c'est probablement moi, mais elle est quand même un peu alien, un peu bizarre. Un peu comme ma musique, en effet, vous allez sûrement comprendre et apprécier certaines parties à la première écoute mais pas tout en entier, comme sur cette photo. C'est distordu, ce n'est pas ce que l'on attend, c'est un peu étrange, et c'est ce que je recherchais.
Etienne : "Pendent" est d'une certaine façon une pièce répétitive, est-ce que tu as été influence par des compositeurs contemporains ou de la musique ambient ? Et en particulier par Steve Reich ? Parce que je ressens comme un lien entre ta musique et toute cette culture électronique dans laquelle on peut utiliser un sample en boucle encore et encore, et l'étendre pour créer un morceau qui dure des heures. Tu ressens cette connexion avec Reich et les autres compositeurs contemporains ?
Oliver : Je ne dirais pas que je suis "lié" à qui que ce soit, mais Philip Glass et Steve Reich sont d'énormes influences pour moi. J'aime énormément la majorité de leur musique, pas tout, mais il y a certains morceaux qui résonnent énormément en moi. Il y a ce titre de Steve Reich nommé Three Tales, où il utilisait le pitch de différentes voix venant de plusieurs personnes et en faisait un morceau de musique. J'ai fait la même chose sur This New Sea, comme un genre d'hommage. Ça ne sonne pas comme Three Tales, mais ça comporte certains éléments de la musique de Reich.
Steve Reich - Three Tales
Etienne : J'ai l'impression que ta musique est encore plus riche sur “Pendent” . Il y a tout ce background classique, avec de la musique très tonale, plus mélodique que le contemporain. Certaines parties sonnent comme Piazzola. J'ai joué le morceau à trois personnes différentes, indépendamment, et elles m'ont toutes dit “ Oh,cette partie sonne comme Piazzola” !
Astor Piazzola - Les quatre saisons de Buenos Aires - L'automne
Oliver : (rires) Ah vraiment ? C'est intéressant, j'ai écrit cette pièce très vite, en à peine un mois. Lorsque je la composais à l'école, je l'entendais dans ma tête, et dans ma tête ça allait être un morceau assez drôle. Dans mon esprit, c'était comme une blague, mais quand j'ai entendu la performance, ça sonnait beaucoup plus sérieux. Et mes parents, lorsqu'ils l'ont entendue, ont pensé que j'étais limite déprimé, alors que lorsque je l'ai écrite je souriais tout du long, en trouvant des petites blagues musicales que je pouvais insérer juste pour moi.
Alex : C'est marrant, parce que c'est vrai que si l'ambiance générale du morceau est plutôt grave, sérieuse ou triste, certaines petites parties notamment de piano, sonnent un peu comme des touches d'espoir au milieu du désespoir général, tout n'est pas noir ou gris. C'est un peu cliché, mais "there’s light in the dark" (rires).
Oliver : Je ne pensais pas du tout à un truc sombre, je pensais plutôt en termes de changements d'accords, de placer des violons ici ou là, etc... Les violons eux-même font partie d'une blague parce que j'ai écrit une partition principale pour eux et que j'y ai ensuite ajouté plein de notes hyper difficiles à jouer... J'ai volontairement écrit le morceau de façon à ce qu'il ne soit pas facile à jouer du tout, en espérant que les musiciens jouent un peu faux du coup, ce que personne n'a remarqué lors de la performance mais qui s'est tout de même produit, et c'est une des blagues musicales que j'ai placées un peu pour moi-même dont je parlais plus tôt. Pour la dernière partie, j'ai démarré avec une idée très insistante au début, mais au final j'ai choisi d'improviser complètement peu de temps avant de rendre la partition terminée, et ça s'est fait comme ça, sans plan. Donc, lorsque j'ai donné les partitions aux musiciens, ils avaient uniquement une semaine pour s'entraîner avant la performance. Donc c'était très court mais ils l'ont fait très, très bien.
Alexandre : A propos de la performance en elle-même, elle est en un sens assez brutal, pleine d'urgence, et c'est sûrement ce qui évoque le côté sérieux dont tu parlais. Tu donnes des instructions très détaillées avec la partition ou tu laisses aux musiciens beaucoup de liberté d'interprétation ? Et quand tu entends ta composition jouée par d'autres après coup, que ressens-tu ?
Oliver : Pour “Pendent”, et en général, je ne donne que très peu d'informations, juste la musique. J'ai même un peu sous-annoté la partition pour rendre la performance plus libre, pour avoir l'interprétation des musiciens, parce que j'adore quand j'entends quelqu'un d'autre s'approprier quelque chose que j'ai écrit, parce qu'habituellement c'est très créatif. La seule petite remarque mineure que je pourrais faire sur la prestation c'est que le piano a la pédale un peu lourde en début de morceau mais en général j'étais vraiment enchanté de la façon dont ils ont joué.
Alex : Ce concert du Coniston Trio, qui s'est déroulé en mars, incluait également des compositions d'un autre très jeune compositeur britannique. Qu'est-ce que ça fait d'entendre ses compositions classiques jouées d'une façon si formelle à un si jeune âge ? Et comment le concert a-t-il été organisé ?
Oliver : Je me sens très chanceux et je suis extrêmement reconnaissant ! Ca s'est fait indépendamment du Royal College et du Royal Northern College of Manchester. En fait, c'est par l'intermédiaire d'un ami de Manchester qui m'a contacté et demandé si j'avais un morceau prêt, et j'ai dit oui parce qu'ils garantissaient une performance.
Etienne : Tu as écrit sur ton soundcloud que “Pendent” est un morceau de musique post-minimaliste. Qu'est-ce que ça signifie dans le milieu classique et pour toi ?
Oliver : Je ne sais pas trop… (rires) Ok, le post-minimalisme est un mot un peu prétentieux, qui veut un peu dire quelque chose mais pas totalement (rires). En fait, je ne classerais pas ce morceau comme du minimalisme, parce que c'e est en partie mais pas totalement. Le post-minimalisme est le mouvement qui suit des compositeurs comme Philip Glass, Terry Riley et Steve Reich, qui utilise beaucoup d'éléments de leur musique mais aussi d'autres éléments comme les changement d'accords, les retournements musicaux, les structures incohérentes... Ce que je veux dire avec ce mot c'est que c'est du minimalisme mais que c'est également autre chose.
Terry Riley's A Rainbow in Curved Air
Alexandre : Tu reconnais l'héritage minimaliste et tu construis autre chose dessus, tu ne fais pas dans le côté "puriste" du genre. Tu le prends et tu l'emmènes ailleurs.
Oliver : Oui, c'est une très bonne façon de résumer la chose, mais ça me ferait presque passer pour quelqu'un de prétentieux ! (rires)
Alexandre : Un autre morceau de toi qu'on a adoré, dans un genre très différent, est “Pinkover”.
Oliver : (rires) Celle-là est très drôle !
Alexandre : On l'a beaucoup aimée parce qu'on y entend que tu es jeune et pas restreint à un seul genre de musique, comme tu le disais précédemment.
Concernant la musique électronique, as-tu des influences spécifiquement électroniques, académiques ou issues de la musique populaire, ou improvises-tu ex nihilo pour créer ton propre style ?
Concernant la musique électronique, as-tu des influences spécifiquement électroniques, académiques ou issues de la musique populaire, ou improvises-tu ex nihilo pour créer ton propre style ?
Oliver : Je ne suis pas un grand connaisseur de musiques populaires. Je prends les outils électroniques et j'essaie de trouver par moi même comment créer mon propre son par l'improvisation. Par exemple “Pinkover” a été faite en pensant à une suite d'accord très inhabituelle et en cherchant à voir jusqu'à quel poin je pouvais m'amuser avec et la mettre dans un morceau électronique très oubliable vraiment over-the-top. Et oui, je ne veux pas être limité dans un style spécifiqu et je recherche toujours le moyen de faire naître une certain sens du fun, je ne me prends pas au sérieux. Je veux pouvoir donner aux gens différentes émotions via des musiques très différentes.
Etienne : C'est pourquoi j'ai été attiré par ton soundcloud, par cette musique électronique jouée par des instruments acoustiques.
Alexandre : Et ça n'est pas non plus un trip de puriste, ce n'est pas une suite d’exercices de styles non plus, il y a toujours de l'émotion dans ces morceaux.
Oliver : Merci. Oui, je ne fais pas d'électro parce que je le peux, mais pour partager certaines émotions, même si c'est très personnel et que les émotions y sont parfois étranges ou difficiles à identifier, je veux que l'auditeur ressente quelque chose.
Alexandre : Quelques musiciens de formation classique peuvent collaborer avec des musiciens venus de la pop, du jazz, de l'électro, du rap... Est-ce qu'une ou plusieurs de ces possibilités de collaborations t'intéresseraient particulièrement et lesquelles ?
Oliver : Toutes. En ce moment j'adorerais collaborer avec un jazzman, mais j'adorerais pouvoir fusionner différentes genres pour amener les gens qui en apprécient un à découvrir l'autre. Donc j'adorerais faire tout ça ! Amenez les moi tous !
Alexandre : C'est aussi ce qu'on a aimé sur des titres comme “Pinkover” qui sont plus accessibles, et qui peuvent amener certaines personnes à aimer ta musique, puis à en découvrir des pans moins évidents et finalement découvrir et apprécier des styles complètement différents de ce pourquoi ils étaient venus.
Oliver : C'est vraiment ce que j'essaie de faire en musique. Parce que je pense que beaucoup de musiques ne sont pas réellement comprises, et je veux pouvoir rendre familières certaines techniques d'écriture que les gens ne connaissent pas, mais je veux pouvoir le faire en plus d'une façon qu'ils puissent comprendre et apprécier. Je pense que c'est vraiment le but de ma chaîne en ce moment, faire écouter aux gens la musique qu'ils n'écouteraient pas et les préparer pour des trucs plus étranges à venir.
Alexandre : C'est également ce qu'on essaie de faire, amener des gens à découvrir des styles qu'ils n'écouteraient pas de leur propre chef.
Etienne : Genre, on peut écrire un truc sur le dernier Drake et le faire suivre par le dernier Oliver Buckland (rires). Pour t'amener tous les fans de Drake ! Plus sérieusement, tu as deux albums sur ton soundcloud, Ten et Twenty, qui sont assez différents de tout ce que tu as fait d'autre. Ils sont assez drôles, on peut par exemple y entendre des sons faisant penser à la musique de jeux vidéos.
Drake - Hotline Bling
Oliver : J'aime surprendre les gens, les faire se demander : “what’s next ?”
Alexandre : Et tu y arrives parfaitement !
Etienne : En entendant ces albums, on a aussi pensé à Wendy Carlos, à sa façon de jouer des pièces classiques en utilisant des techniques électroniques et des synthés.
Alexandre : A cette musique classique richement composée mais jouée sur des synthés too much ou à la limite du pouet pouet.
Oliver : Exactement !
Etienne : Ça montre que le classique peut être fun ! C'est quelque chose que tu recherches dans ta musique ?
Oliver : Complètement. La plupart de ma musique a ce fond d'humour british, satirique et parodique.
The Monty Pythons
Alex : Je ne sais pas si tu connais, mais avec tes morceaux les plus électroniques et les plus fun justement, on a pas mal pensé à la démarche de Mr Oizo ?
Mr Oizo - Flat Beat
Oliver : Si, je le connais ! J'adore ce mec ! Vous devez penser à “Microchip” [morceau issu de Twenty] ? Au fait, je vais sortir Thirty le mois prochain, préparez vous !
Etienne : On sera prêts ! Pour revenir à Mr Oizo, c'est comme une gross blague musicale en surface, mais avec beaucoup de profondeur et d'ironie quand on creuse.
Alex : Et connais tu le musicien canadien Chilly Gonzales ?
Oliver : Non !
Chilly Gonzales Solo Piano
Alex : C'est un musicien classique, il a sorti des albums où il joue seul du piano, d'autres plus électroniques, et il a collaboré avec des musiciens issus de la pop indé (Feist), du rap (Drake), de l'électro (Daft Punk, Boyz Noise...), et il fait des podcasts dans lesquels il décortique des morceaux issus de tous les styles de musique…. C'est un musicien de classique très ouvert, comme toi. C'est aussi un showman, il a même organisé une battle de piano parodique. En gros, il essaie d'amener les gens au classique par tous les moyens. Et il dit que si les gens n'écoutent plus de classique, c'est en majeure partie la faute des gens du classique qui en général n'ont pas fait les efforts pour y amener les gens, qui sont dans une démarche puriste, élitiste, et qui n'essaient jamais de réaliser des crossovers avec la culture populaire ou de parler directement aux gens.
Oliver : Je suis à 80% d'accord avec ça. Je fais exactement ça, écrire d'une façon qui peut amener une grande partie des gens à être un minimum intéressé par la musique que j'aime. Mais d'un autre côté, peut-être que la musique classique est très différente de la musique populaire, dans le sens où elles ne sont pas créées dans le même but. Il y a toute une partie de la musique populaire créée pour la consommation, vous montez dans le bus, vous l'écoutez, vous descendez du bus vous enlevez vos écouteurs, c'est la façon dont la plupart des gens écoutent la musique. A l'inverse, le classique peut demander un effort, notamment en termes de temps, tu dois pouvoir t'asseoir, ne rien faire d'autre que d'écouter, et digérer la musique. Si il y a une façon de créer la musique quelque part entre les deux, on peut espérer amener plus de gens à passer de l'un à l'autre.
Alexandre : Comme des morceaux réalisant des crossover justement.
Oliver : Exactement. Plutôt que de tout le temps dire “C'est ma musique classique et je ne veux pas la change”.
Alexandre : Est-ce que certains artistes "populaires" te font ressentir la même chose que le classique ? Lesquels te donnent envie de tout arrpeter pour t'asseoir et juste les écouter ?
Oliver : C'est une question difficile, il y en a mais je ne sais pas trop de qui parler… Oh, si, il y a un groupe pop que j'ai toujours admiré. Ça peut paraître bizarre, c'est ABBA. Je peux tout à fait m'asseoir, écouter ABBA et penser "C'est un morceau extrêmement bien composé !". Je les aime pour ce qu'ils sont, mais c'est plus d'un point de vue de compositeur, c'est écrit avec un tel soin, le genre de précision presque clinique qu'on entend dans le classique et que j'apprécie.
ABBA - The Winner Takes It All
Etienne : Pour finir cette interview, de quels morceaux conseillerais tu la (re)découverte à nos lecteurs ?
Oliver : Je proposerais les trois choix suivants :
La Pop d’Alexandre & Etienne : Super, merci beaucoup !
Etienne & Alex