Melody's Echo Chamber - Bon Voyage (2018)
Après un accident grave qui lui a presque coûté la vie, la géniale Melody Prochet, auteure d'un chef-d'oeuvre co-produit par Kevin Parker de Tame Impala en 2012, est partie se ressourcer en Suède. Là-bas, elle fut aidée par Fredrik Swahn (The Amazing), Reine Fisk (Dungen) et Nicholas Allbrook (Pond) pour finaliser cet album qui s'est écrit depuis les sessions avec Parker.
Melody's Echo Chamber - Cross My Heart (Clip, 2018)
Et on sent que le lieu inspiré la française, l'ouverture "Cross My Heart" commence en effet avec un son chaleureux façon BO suédoise de Lee Hazlewood, avec une mélodie cristalline d'une beauté immédiate et pure. Mais le morceau prend vite un détour inattendu : beatbox, scratches et breakbeats 90's (autant hip-hop/rnb que pop-rock) encadrent une flûte psyché et une guitare cocotte funky avant d'ouvrir sur une partie francophone assez néo-psychédélique, décidément 90's (on pense à Broadcast ou Beck) dans sa réécriture d'obscurs génies du début des 70's (les jazzmen funky trippants de Cortex). De là, un interlude mi-funky mi folk-prog maximaliste (pensez à Tommy des Who) nous ramène au point de départ et laisse la flûte dialoguer avec un clavier soul-jazz et une basse fonde, avant une ultime explosion rock. Ce premier morceau à lui seul donne le tournis et nous entraîne dans sa fascinante folie créatrice. Une fois tombé dans ce terrier, on se retrouve sans repères dans un album aux formes étranges mais pop, où chaque tournant révèle son lot de surprises excitantes.
Melody's Echo Chamber - Desert Horse (Clip, 2018)
Comme sur "Desert Horse" par exemple, sur laquelle Prochet fait un usage remarqué de l'autotune, façon Bon Iver, et de la microtonalité, avant de convier une partie symphonique grandiose et de mélanger tout ça dans un melting pot incroyable qui a peu d'équivalents (comme si on avait mélangé toutes les explorations de Radiohead d'OK Computer jusqu'à A Moon Shaped Pool). "Breathe In, Breathe Out", en contraste, sonne plus terre-à-terre, même si son rock 90's curieux est ouvert sur le psyché, la pop, le hard FM et l'électronique. De même, "Var Har Du Vart", chantée en suédois, est un interlude folk plus posé.
Melody's Echo Chamber - Breathe In, Breathe Out (Clip, 2018)
La majoritairement francophone "Quand Les Larmes D'un Ange Font Danser La Neige" retrouve cette folie initiale dans sa construction, et bâtit autour d'un morceau de rock tellement ample qu'il sonne prog (mon dieu que ces gens jouent bien et que la production est belle !) une symphonie délirante incorporant un interlude de synthés 80's, un autre avec un spoken word farfelu, avant de clore les hostilités sur un climax riche en soli. Cette amplitude musicale, associée à la voix frêle et belle de Prochet, rappelle rapidement le Gainsbourg de la grande période, particulièrement sur "Visions Of Someone Special, On A Wall Of Reflections", qui tourne autour de la "Ford Mustang" du grand Serge, avant de renouer avec le psyché/prog orientaliste et les synthés pour un final néo-psychédélique de toute beauté. La très funky (et psychédélique)"Shirim" clôt ce très bon disque avec panache.
Melody Prochet nous offre un album incroyable, bien plus alambiqué que son précédent, mais dont tous les détours ont la bonne idée de surprendre l'auditeur tout en faisant complètement sens. C'est une oeuvre riche, dense, mais concise (7 titres seulement), permettant à son auteure de multiplier les idées sur une chanson sans lasser au long de l'album entier. Ce disque intime et luxuriant, détournant le néo-psychédélisme pop qui l'a fait connaitre à grands coups de rock progressif, d'électronique, de funk, de jazz et de touches orchestrales est une réussite totale qui fait bien mieux que succéder à son classique instantané de 2012 : il lui offre une nouvelle route, belle, dégagée et excitante.
Halo Maud - Je Suis Une Île (2018)
Si je vous parle d'Halo Maud en même temps que Melody Prochet, ce n'est pas un hasard. Les deux femmes ont joué ensemble sur les projets de l'autre et sont liées dans leur style musical comme dans leurs relations. Nous avons découvert cette magnifique artiste en live, puis nous avons adoré son EP Du Pouvoir, qui se révèle être la base, puisqu'il contenait déjà les géniales "Du Pouvoir/Power", "Baptism", et "Dans la Nuit", également présentes sur cet album, et dont je ne vais pas reparler (cf la chronique de l'EP juste au-dessus pour ça).
Halo Maud - Wherever (Clip, 2018)
De toutes façons, ces chansons sont vraiment magnifiques et parlent d'elles-mêmes, tout comme le premier single "Wherever", à l'émotion palpable et poignante et à la mise en son magistrale et dramatique comme chez Beach House, et écrit avec une patte très personnelle. "Chanceuse" continue dans cette veine théâtrale associant rock et synthés avec la même intensité qu'Alesia de Housse de Racket (ce qui est un immense compliment venant de ma part). Plus aéré, le néo-psychédélisme pop de "Surprise" ravit, tandis que la basse de "Tu sais comme je suis" propulse un morceau déjà mémorable vers des sommets de dream pop. L'interlude rêveur et apaisé "De retour" est à classer dans la même catégorie.
Entre dépouillement folk, rock indé, et prog (cette basse bondissante ! ces synthés ! ces accords !), "Fred" est le morceau qui se rapproche le plus du dernier Melody's Echo Chamber chroniqué ci-dessus, et il émerveille tout autant. Le rock psyché inversé de "Je suis une île" convainc un poil moins, mais reste bon. Tout comme "Proche proche proche", qui évoque elle plutôt François & The Atlas Mountains dans la diction et la mise en son. La fin de l'album est donc un peu plus faible même si "Des bras" est légèrement au-dessus malgré des "aaaah" un peu répétitifs. On sent le morceau davantage écrit pour la scène que pour le studio, avec un final électro propice aux soli et aux digressions, et suggère même une sortie de scène dans les paroles, dont l'exécution est d'ailleurs un poil gênante.
Mais malgré ces critiques un peu pointilleuses, cet album est vraiment réussi. C'est un beau disque de dream pop néo-psychédélique, intime, émouvant et personnel, que je recommande fortement.
Alex
Tu as bien résumé le ressenti à la 1e écoute de cet album !
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