Manuel Göttsching était guitariste, chanteur et jouait du synthé pour le groupe de krautrock expérimental et électronique Ash Ra Tempel, dans l'Allemagne des 70's. A la fin du groupe, en 1973, il se retrouve seul et entame une carrière solo avec un premier album sous son nom, Inventions For Electric Guitar, en 1975. Puis il fonda le groupe Ashra, centré autour de lui, dans lequel il sera épaulé par quelques anciens de son précédent groupe au fur et à mesure des années. Pourtant, Blackouts, comme son prédécesseur New Age Of Earth sont encore l'oeuvre d"un Göttsching seul aux commande, puisque tout est joué ou géré par lui ici : guitares, synthés, et programmations. Vous l'aurez compris, c'est donc à un album de prog électro-rock que nous avons affaire ici.
En effet, dès le monstrueux titre introductif, "77 Slightly Delayed" (jeu de mots entre l'effet de delay et sur une date de sortie repoussée ?) une guitare délicate, parfois bluesy (un chouia Mark Knofler) parfois quasi classique dans son jeu, toujours mélodique, tresse de délicats motifs autour d'une séquence rythmique répétitive très kraut et de nappes de synthé grésillants. C'est un morceau foncièrement pop en surface, tout y est très accessible au niveau son et mélodie, mais la construction est très électronique, très répétitive et proche de la transe. Un monument.
Le titre suivant, "Midnight On Mars", démarre doucement, comme pour permettre à l'auditeur de se remettre du choc. Un synthé basse caressant et une programmation rythmique délicate assoient des nappes rêveuses et de merveilleuses parties de guitare qui portent le morceau comme une voix ou un saxo le feraient ailleurs. Le son est énorme, presque kitsch mais avec un tranchant et une subtilité mélodique plus proche de Fripp période Eno et Bowie que des horribles soli hard FM à venir.
"Don't Trust The Kids", qui se poursuit dans "Blackouts", quand à elle, est plus ouvertement électro-pop, portée par un synthé lead très prog plutôt que par les guitares qui sont là pour apporter une chaloupe quelque part entre funk et reggae, et apporter ce funk blanc et froid tant apprécié par les proggeux (cf Pink Floyd ou Manset), puis prendre le lead à leur tour. Les synthés sont encore une fois divins, que ce soit la basse rebondissante ou les leads tranchants et déchirants, et la guitare est encore une fois indispensable à ce monde qui se déploie sous nos oreilles. Bon sang, que ça fait du bien pour changer un album de prog avec une telle place pour les synthés, et pas de bassiste ni de batteur virtuose pour ce projet très personnel, même si ils sont appréciables dans d'autres groupes. Disons que ça laisse plus de place à Göttsching pour véritablement s'exprimer à travers ses deux instruments de prédilection, qui remplacent et sont véritablement sa "voix" ici. C'est criant dans le long crescendo final dont la tension est incroyable. Et dans lequel on peut apprécier le travail apporté aux effets électroniques et la maîtrise de ceux-ci, qui ne sont jamais dans l'excès, servent les morceaux et ont hyper bien vieilli.
La guitare revient en force sur le très floydien "Shuttle Cock", très syncopé lui aussi, très blues en filigrane également, et tout aussi mélodiquement et harmoniquement impeccable. Avant un "Lotus" final plus prog et théâtral que le reste du disque, qui a moins bien vieilli que le reste et est contrairement au reste du disque teinté de quelques excès sonores, mais c'est vraiment pinailler, le morceau restant très bon (notamment toute une partie quasi celtique) et l'album dans son ensemble étant monumental.
Bref, c'est un disque de prog original, qui change vraiment, très personnel et très subtil, et je ne sais pas trop ce qu'il vous faut de plus pour foncer l'écouter ! Et peut-être aurez vous envie d'aller creuser un peu plus dans la discographie de ce génie de Göttsching.
Alex
J'étais à peu près sûr que tu allais apprécier celui là ;)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup il a un côté hors du temps