Partagé entre une relation amoureuse euphorisante (après son divorce abordé à longueurs de métaphores sur les précédents albums), et un contexte politique américain déprimant (alt-right, suprématisme blanc, religiosité exacerbée, homophobie/transphobie, capitalisme inhumain), Kevin Barnes, leader d'Of Montreal, a abouti à un album à double face, symbolisé par le double titre accordé au projet ainsi qu'à chaque chanson qui le compose. Pour mettre ça en musique, il part des bases électroniques décomplexées du précédent (et très bon) album Innocence Reaches (parmi mes préférés de 2017), et l'enrichit de cette culture "extended mix" tout droit venue des 80's, consistant à étirer un morceau pour faire danser les gens plus longtemps, aboutissant au passage à de fabuleuses expérimentations sonores.
Of Montreal - Soft Music / Juno Portraits Of The Jovian Sky (2018)
On pense aussi à la noirceur assez rock et directe de Paralytic Stalks (2012) - à réhabiliter d'urgence au passage, mais je m'y collerai sûrement - dès "Soft Music / Juno Portraits Of The Jovian Sky", génial morceau d'ouverture à la fois mélodique, funky, grave et foisonnant de détails saisissants. Les deux singles sortis en avance annonçaient de toutes façon un album très réussi, avec d'abord le dansant et fou "Paranoiac Intervals / Body Dysmorphia", qui aurait pu très bien se glisser parmi les dingueries électro-rock de Hissing Fauna... Are You The Destroyer ? (2007) ou Skeletal Lamping (2008), avec ce petit côté too much de l'électronique renvoyant à Innocence Reaches en plus. Un morceau très pop, très fun, absolument délicieux. Le plus labyrinthique "Plateau Phase / No Careerism No Corruption" est parfois tout aussi frappant et fera sûrement danser en live (en empruntant quelques éléments à la production trap), mais il se permet quelques détours plus aériens et expérimentaux. Il rappelle aussi le Prince joueur d'Hit & Run Phase 1, abusant d'une électro kitschouille ou vraiment too much mais aboutissant à un résultat plus que réussi - et là encore sous estimé selon moi.
Of Montreal - Paranoiac Intervals/Body Dysmorphia (Clip, 2018)
D'ailleurs, on se rend compte que ce l'influence 80's est davantage conceptuelle que dans le pastiche, le son ne sonne en rien néo-80's, la musique reste dans cet inimitable son Of Montreal. On entend à peine une rythmique RetroWave au début de "Writing The Circles / Orgone Tropics" qui par ailleurs est bien trop curieuse et expérimentale pour être cataloguée dans ce genre souvent plaisant mais ô combien limité. Au passage, ce morceau est une véritable épopée d'un peu plus de 6 minutes, avec un départ prenant et une fin en crescendo absolument géniale, grâce notamment à un solo de saxo. Au rayon néo-électrofunk, les guitares, la basse slappée et les synthés baveux de "Sophie Calle Private Game / Every Person Is A Pussy, Every Pussy Is A Star !" font notre bonheur, avec là encore quelques judicieuses interventions de cuivres et des passages plus aérés donnant un rythme très fluide au morceau et à l'album en général.
Of Montreal - Plateau Phase / No Careerism No Corruption (2018)
"If You Talk To Sybol / Hotility Voyeur" commence très synthétique et finit quasiment jazz. Disons, influencée par le jazz à la manière pudique et très personnelle dont Barnes avait épicé Paralytic Stalks de son obsession de l'époque pour le compositeur multi-facettes Igor Stravinsky. Ce morceau clôt ainsi l'album d'une manière assez parfaite.
D'ailleurs ce White Is Relic / Irrealis Mood est assez impeccable et prouve que le retour en forme d'Innocence Reaches n'était pas que passager. Il s'inscrit immédiatement comme un des plus réussis d'une oeuvre singulière, celle d'un cerveau génial et un peu fou, un peu culte pour nous, et qu'on a toujours autant de plaisir à écouter sur LPAE. Longue vie à Of Montreal !
Alex
Très cool article ! Ils sont fous ces types-là, ils donnent l'impression d'aller dans tous les sens et pourtant tout marche à merveille !
RépondreSupprimerSi tu connaissais pas franchement jette toi sur leur discographie, c'est génial !
SupprimerOn a eu la chance de les voir en concert aussi avec Étienne c'était incroyable !
Merci pour ton retour, à +
Yes! Je les avait découvert avec l'album Lousy with sylvianbriar qui est super, même si plus "rangé", et j'ai récemment plongé dans leur discographie, c'est dingo haha. En concert ça devait être vraiment coolos :)
SupprimerJ'ai moins accroché à ces deux albums plus rangés, c'est leur côté fou que j'aime ;)
SupprimerC'était génial