Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

mercredi 13 mai 2020

The Stranglers - Feline (1983)


  En des circonstances tragiques, puisque Dave Greenfield nous a quittés cette semaine, je me suis repassé Feline (1983), l'album des Stranglers qui tourne le plus chez moi (je m'étais mis à pas mal le réécouter ces derniers mois). Les choeurs et surtout les claviers de Greenfield hantent ce disque particulier, leur 6e album, leur plus accessible alors puisque les anciens punks avaient déjà bien entamé leur mue pop. C'est un disque continental, européen, sophistiqué, naviguant entre guitares acoustiques chaudes et sensuelles, évoquant souvent l'Espagne, la France ou l'Italie (on a également des formes anciennes ou en tous cas non-rock de musiques, comme la valse, la chanson folk de ces pays ou le tango, qui sont évoqués) et synthés & beats au son froid, plus proche du rock synthétique allemand et de la coldwave anglaise.

The Stranglers - Midnight Summer Dream

  Ce mélange fait des étincelles dès les premiers titres : "Midnight Summer Dream" éblouit d'entrée avec ses accords intemporels, sa guitare sans âge, son synthé de papier glacé et son chanté parlé classe, on se croirait presque chez Roxy Music. Porté par une section rythmique post-punk et magnifié par une guitare et des claviers hispaniques, "It's A Small World" est un autre parfait exemple de la direction artistique du disque, avec là encore une diction très classe du chant et des chœurs délicats. Plus ouvertement rock, power pop et new wave, "Ships That Pass In The Night" se permet tout de même quelques détours vers le Brésil et le Mexique, tout comme la merveilleuse "Let's Tango In Paris" qui, vous l'imaginez bien, fait pas mal voyager. "Blue Sister" fait la même chose avec brio, oscillant entre pop aux influences très hispanique et post-punk à la New Order des débuts.

The Stranglers - European Female

  Le morceau le plus évident ici, c'est probablement "The European Female (In Celebration Of)", parfaite rencontre entre la pop synthétique des nouveaux romantiques anglais, le délicat détachement à l'allemande, et une certaine idée de la chanson d'amour façon Europe du Sud, chaude et sensuelle. Avec son rythme mécanique, sa basse doucement funky, ses synthés simples et ses choeurs féminins, on pourrait presque croire que "Paradise" est un morceau du dernier Baxter Dury ou Metronomy, mais ce morceau décidemment en avance sur son temps est bien du Stranglers. A noter, le chant masculin évoque tour à tour David Byrne période Fear Of Music des Talking Heads, et les Pet Shop Boys pour la partie plus chantée parlée, avec un effet "vieille radio" à la Gorillaz : tout ça pour dire que ça ne manque pas d'idée puisqu'une partie de ce que je viens de citer n'était pas encore sorti. 

The Stranglers - Paradise

  On a des textures proches du jeu vidéo (ou de Yellow Magic Orchestra au choix) dans l'également excellente "All Roads Lead To Rome". Enfin, l'album se finit sur la très riche "Never Say Goodbye", au parfum tour à tour jazz caribéen et folk version psychédélisme anglais. 

  L'album en tant que tel est un pur chef-d'oeuvre, chaque morceau est mémorable, unique, et la direction artistique du groupe sur Feline est vraiment quelque chose d'assez inclassable et difficile à réduire, assez peu explorée en vérité (à part Roxy Music, je ne vois pas de comparaison directe à faire). La réédition CD et les versions streaming proposent pas mal de très bons bonus, quelques morceaux qui auraient pu être dans la tracklist tellement ils sont chouettes, comme la douce "Savage Breast", la proto-John Maus "Pawsher"

The Stranglers - It's A Small World

  On a également quelques curiosités comme "Permission", qui traite le tango comme la dub traite le reggae, "(The Strange Circumstances Which Lead To) Vladimir And Olga" quelque part entre musique baroque, Wendy Carlos et Jean-Jaques Perrey,avec quelques influences russes. Et puis il y a également l'abstraite "Aural Sculpture Manifesto" avec sa déclamation poétique sur un tapis de bruitages électro qui finit en synthé bien pompeux/baveux. Et enfin, des versions live ("Midnight Summer Dream / European Female"). Plutôt intéressants pour des bonus tracks. 

  Vous l'aurez compris à ce stade, Feline est un classique personnel, une oeuvre vraiment unique dans son mélange de sonorités et sa sensibilité, magnifique, délicate, et inégalable dans son genre, composée uniquement de morceaux parfaits et marquants, et je vous recommande chaudement de la (re)découvrir.



Alex


1 commentaire:

  1. J'ai découvert les étrangleurs avec Raven, sombre et sophistiqué. Feline est plus calme, plus éthéré et tout aussi envoûtant.
    Une pensée pour Dave Greenfield.

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