J'en parlais avec le dernier disque des Proper Ornaments (et le Ty Segall), c'est une tache quasi insurmontable pour un jeune groupe de réussir à faire bander des amateurs de rock qui ont déjà tout entendu avec un nouveau disque. Pourtant ce groupe y arrive haut la main.
Ce qui fait que les Richmond Sluts remportent ce pari, c'est peut être leur maturité : leur précédent album est sorti en 2001. La maîtrise se sent dès l'ouverture, ce "I Wanna Know" jouissif : un riff simple mais diablement efficace, un jeu resséré quasi pub rock qui transpire le live de partout, des saillies nerveuses de guitare et surtout cet orgue qui soutient le morceau et participe à mettre en place cette ambiance d'urgence communicative. On a l'impression de se prendre le son du groupe dans la tronche, au fond d'un bar, une pinte à la main. C'est vivant, c'est ce qui manque à beaucoup de groupes de rocks récents, et c'est ce que le groupe a à revendre à la pelle ici.
Le riff inaugural (qui est celui du refrain également) de la suite, "Don't Need You", se fait plus joueur, plus pop, un peu comme si Frank Black voulait se lancer dans du classic rock, mais la suite se révèle tout à fait glam-punk, avec un côté sexuel qui évoque un cousinage avec les excellents Crocodiles (effet accentué par le côté glam eighties, presque Smiths/La's de la compo qui s'avère ultra mélodique). Assaisonnez ça avec un chant très Iggy et un final jouissif aux petites touches de claviers rafraîchissantes et vous obtenez un putain de grand morceau rock. D'ailleurs, on pourrait dire quasiment la même chose de "To Hell And Back", une tuerie aux relents glam et psychobilly.
Après un début d'album de folie, "Different Tune", (relativement) plus calme nous permet de reprendre notre souffle, et intrigue avec son côté psyché et son mixage assez inédit (j'ai jamais entendu une prod comme ça, un peu étouffée mais assez claire en même temps, c'est très intriguant et ça donne une vraie personnalité au morceau). On la retrouve sur le marécageux blues-rock de "She's No Good". Que les fans du dernier Stones devraient écouter d'urgence, parce qu'elle est aussi authentique que pleine de vie. Le pub-rock est toujours là sur "Motel Boogie" au nom bien porté et à l'énergie très Sonics appréciable, avec un côté rockab' voire sudiste en plus (dont l'écho se retrouve sur l'excellente "Only God Knows Why"). Et le garage-punk de "Livin To Crash" emporte totalement mon adhésion avec un chant qui puise toujours aux sources du rock'n'roll, et me rappelle inlassablement Lee Brilleaux par sa prestance.
La suite est assez originale, sur des bases rockabilly on des arrangements généreux, avec de la wah wah presque funky, un beat Motown, un chant encore décidément très Iggy, des claviers chauds et même des cuivres sur "Into These Eyes". C'est très réussi, et tout à fait brillant (et plus subtil que beaucoup de mariages funk-rock). "Gonna Find It" a un côté hymne, ce qui est à double tranchant : certes on peut headbanger pendant 3'15 (et elle doit être terrible en live), cependant cette chanson un peu plus uni-dimensionnelle supportera sans doute moins la réécoute. Mais rien de grave, elle reste très bonne dans son genre.
Bref, un putain de grand album de rock qui secoue bien. Qui me rappelle l'impact de groupes comme les Lords Of Altamont ou les Eighties Matchbox B-Line Disaster.
Alex