Quel parent n'a pas entonné un Disney à ses enfants ? Il faut avouer que Disney a toujours laissé beaucoup d'importance à ses BO, qui demeurent aujourd'hui tout aussi connues que leurs dessins animés eux-mêmes. On se souvient ainsi tous des musiques des Aristochats, du Livre de la Jungle, de la Petite Sirène ou encore du Roi Lion. Alors quand ton papa s'appelle Dave Brubeck, le résultat prend une autre dimension !
L'histoire veut que ce serait en emmenant ses enfants à Disneyland, fraichement ouvert en 1955 en Californie, que Dave Brubeck, fort du succès international de son Take Five sorti deux ans plus tôt en 1955, eut l'idée de composer un album de reprises de BO de Disney. Perpétuant de façon désopilante la tradition des reprises dans la musique jazz.
Disneyland Park à son ouverture le 17 juillet 1955
C'est ainsi que Dave Brubeck et son quartet, composé du génial Paul Desmond au saxophone alto, de Joe Morello à la batterie et de Norman Bates à la contrebasse, enregistrent en 1957 8 titres (dont les 2 derniers ne sortiront que sur la réédition de 1994) de "cool-jazz" s'inspirant des mélodies des BO d'Alice au Pays des Merveilles, Cendrillon, Blanche Neige et les Sept Nains et Pinocchio. N'hésitant pas à s'écarter de la composition initiale, le travail de réécriture y est époustouflant, enrichissant à foison les mélodies, que Dave Brubeck imprime d'un rythme dynamique, quasi dansant, et soutenu par la batterie de Joe Morello ainsi que la contrebasse de Norman Bates. Le magnifique dialogue mélodique entre saxophoniste et pianiste fonctionne là encore à merveille sur la durée des 8 titres qui respirent littéralement de cette alternance mélodique. Le rendu en est beaucoup plus gais et plus intemporel que les originaux qui, il faut l'avouer, ont perdu de leur fraîcheur.
Dave Brubeck, sa femme, Lola Brubeck et trois de ses enfants dans leur appartement de Los Angeles durant les années 50. LIFE archives
Pour vous aider, voici la tracklist et les originaux correspondant.
Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop. En 1906, le britanique Lee De Forest invente la triode ou oscillateur, permettant d'émettre, de recevoir ou d'amplifier un signal électromagnétique, ouvrant ainsi la voie à la radio-électronique. Elle concrétise ainsi le développement de la radio inventée en 1889 par Nikola Tesla et qui arrive juste à temps pour la première guerre mondiale, voyant se créer des bataillons radio. C'est dans ce cadre que le jeune Lev Sergueïevitch Termen, violoncelliste premier prix du concervatoire de St Petersbourg, intègre l'armé russe. Il y constate, lors de son service, que lorsqu'il passe devant un récepteur radio, se créer une interférence sonore. Il y voit immédiatement le potentiel musical d'un tel phénomène et y adapte un instrument, le theremine, qu'il mettra au point en 1919.
Termen et une des premières version du theremine
Ce sera le premier instrument électronique et non électro-mécanique comme le telharmonium. Il est constitué de deux antennes radio réceptrices. Une verticale, définissant la hauteur du son et pour laquelle plus la main du musicien est proche, plus le son sera aiguë. L'autre, horizontale, définit le volume sonore et pour laquelle plus la main sera proche, plus le volume sera faible.
La révolution bolchévique passe par là et l'invention arrive dès 1922 aux oreilles de Lenine qui y voit, par cet instrument du peuple qui s'apprend de façon intuitive, sans professeur, le symbole d'une nation ouvrière. Lenine apprendra même à en jouer et en commandera 600 qu'il diffusera partout en URSS. Plus que ça, il enverra en 1927 son inventeur démontrer en Europe, puis aux Etats-Unis, la prouesse de cet instrument, prouvant par la même occasion la supériorité technologique des soviétiques et illustrant ainsi la fameuse phrase de Lénine"Le communisme, c'est les soviets plus l'électricité".
Il faut bien se rendre compte du caractère hors norme, quasi anachronique, de cet instrument. En 1920, jouer d'un instrument sans clavier, sans cordes, sans hanche, sans contact, c'est inimaginable! Le concept pourrait encore paraître révolutionnaire si il sortait aujourd'hui. C'est donc sans étonnement que Termen fait un carton lors de cette tournée mondiale.
Une version récente du theremine, produite par l'entreprise Moog.
Mais vous vous en doutez probablement, c'est aussi l'occasion pour l'URSS de placer comme assistant de Termen un agent de l'UGPO ou "gépéou", qui deviendra plus tard le KGB. Toujours est-t-il qu'il ne vendra que 5000 pièces d'un instrument trop nouveau et aux limites de l'instrument qui, outre l'accompagnement, ne propose que peu de diversité sonores et mélodiques. Inventeur dans l'âme il déclinera tout de même le concept avec un clavier, en violoncelle, en rhythmicon, précurseur de la boite à rythme et le plus fou, le terpsitone, theremine à l'échelle humaine qui créer des sons en fonction de la position du danceur. Il créer aussi de nombreuses inventions sans rapport avec la musique et travail notamment pour l'US air force sur des guidages missile automatisés et un altimètre, permettant ainsi de leur soustraire des informations et renseigner l'UGPO.
Le Terpsitone
Le reste de la vie de Lev Sergueïevitch Termen est abracadabrantesque. Il disparaît subitement de New-York en 1938. Certains disent qu'il a été enlevé par l'UGPO, là où d'autres pensent qu'il aurait fuit l'Amérique et ses créanciers ou bien en raison de la guerre mondiale qui approchait. Toujours est-t-il qu'il arrive en URSS au pire moment possible, puisqu'en pleine Grande Purge Stalinienne. Il est ainsi enfermé à la prison de Butyrka avant d'être envoyé au travail forcé dans une mine de sel glaciales du grand Est russe, voué à une mort certaine. Mais c'était sans compter le déclenchement salvateur de la seconde guerre mondiale. Staline fit ainsi sortir du Goulag tous ses généraux, mais aussi ses scientifiques, pour faire face à la guerre. De part son expérience et ses précédents travaux dans l'aéronautique il fut donc choisi pour intégrer un sharashka, bureau d'étude forcé ayant pour but de développer des inventions dans tous les domaines intéressés par la guerre et le renseignement. Il est alors libéré à la fin de la guerre, mais continu à travailler pour le NKVD. Il invente notamment leBuran eavesdropping system, ancêtre du micro laser fonctionnant sans électricité, avec des ondes radio et qui sera intégré dans un bas relief de l'aigle américain, avant d'être offert par les scout de Moscou à l'ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, qui l'accrochera dans son bureau. Ils espionnèrent ainsi l'ambassadeur ététs-unien ainsi que le français et le britannique pendant 6 ans, avant d'être découvert fortuitement par un opérateur radio anglais. De la même manière il invente un système d'écoute à distance, permettant d'entendre à travers les fenêtres.
Panneau en bois de l'ambassadeur américain à Moscou
Mirco fonctionnant sans électricité et intégré dans le panneau en bois
Ce n'est qu'à la toute fin de sa vie, après la chute du mur de Berlin, il a alors 92 ans, qu'il récolte enfin, à travers l'occident, la reconnaissance de son invention musicale précurseuse dans la musique électronique. En ce qui concerne l'utilisation de theremine dans la musique, outre Clara Rockmore, interprète iconique de l'instrument qu'elle jouera en duo avec sa soeur et pianiste Nadia Reisenberg, il faut attendre les années 60 pour l'entendre dans les productions. On pense notamment à son utilisation dans le refrain du fameux Good Vibrations des Beach Boys. Mais du fait de ses limites exposées précédemment, son utilisation garde une place souvent limitée à une mise en ambiance. Il posera cependant son identité sonore dans de nombreux morceaux de l'époque.
Un groupe, Lothar And The Hand People en fera particulièrement usage et inspirera même son nom, puisque "Lothar" est un surnom du theremine. Ce groupe états-unien composé de John Emelin au chant, Paul Conly aux claviers et synthétiseurs, Rusty Ford à la bass, Tom Flye à la batterie et Kim King à la guitare et au synthétiseurs, est emblématique de cette pop psychédélique électronique de la deuxième moitié des années 60's et mérite vraiment d'être connu. Presenting, de 1968,est le premier des deux albums qu'ils sortiront entre 1965 et 1970, période d'activité du groupe. Il se distingue par ses nombreuses inspirations : pop tout d'abord (This Is It), mais aussi rock, country comme sur Bye Bye Love, folk (That's Another Story)blues et psychédélique. Mais le plus remarquable est son utilisation précurseuse des Moog et autres lutheries électronique comme le theremine, sonnant remarquablement avec 10 ans voire plus. On y entend déjà le punk-rock de T. Rex, la new-wave de DEVO, assez claire sur Machine et même la résurgence rock 00's de Frantz Ferdinand.
John Emelin au theremine
S'en suivra Space Hymn en 1969, qui demeure lui moins brillant, perdant de son énergie rock, quoi que beaucoup électronique dans sa production et plus psychédélique dans la forme.
Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.
Le deuxième disque que je vous propose cette semaine digresse à première vue la thématique, puisque c'est de J.S. Bach dont il est question, mais dans une interprétation des plus singulières, aux origines des synthétiseurs modualaires et de l'histoire passionnante de la musique électronique.
Cet album, c'est le fruit d'une musicienne, compositrice et ingénieure de talent. Née Walter Carlos dans le Rhode Islande aux Etats-unis, elle brille très vite par ses qualités musicales, mais aussi par son esprit scientifique développé, qu'elle traduira par une passion de la physique et de l'électronique, la menant à construire, au début des années 50, son propre ordinateur, à l'âge de 14 ans seulement. La menant à de brillantes études de composition musicale et de physique adaptée à la musique. C'est par ce biais qu'elle vit les débuts de la musique électronique à New-York, au sein du Columbia-Princeton Computer Music Center, équivalent outre manche du groupe de recherches musicales (GRM). Elle y rencontrera Robert Moog au début des années 60, alors en pleine élaboration de son fameux premier synthétiseur modulaire du même nom, dont elle participera à la conception.
C'est ainsi qu'elle eu l'idée, avec la productrice Rachel Elkind-Tourre, d'enregistrer pour premier album en 1968 des reprises de compositions de J.S. Bach, dont entre autres le concerto Brandebourgeois, jouées au tout récemment commercialisé synthétiseur modulaire Moog. Elle ambitionne ainsi de mettre en valeur l'instrument ici en solo uniquement et d'initier le grand public, par des airs connus de tous, à la musique électronique, alors inconnue ou cantonnée à une simple curiosité. Ainsi, à l'opposé de la musique concrète, cette musique électronique se veut mélodique et abordable. La pochette originale ici présentée et modifiée par la suite, car jugée provoquante, ne laisse pas indifférente, montrant une évocation de Bach en habit d'époque, devant un sythétiseur Moog, pareil à un l'orgue. Un même humour anachronique que l'on retrouve dans le titre de l'album. C'est alors le miracle, le disque jouit dès sa sortie d'un énorme succès au près du public, recevant très vite le disque d'or, trônant à la 10 ème place du Bilboard 200 US et siégeant 3 ans consécutifs à la 1ère place de la section musique classique de ce même classement. En 1986, il deviendra même le premier disque de musique classique certifié de platine. Le succès est aussi critique, puisque l'album remporte 3 Grammy Awards dans la section classique en 1969, celui de l'album de l'année, de la meilleur performance et du meilleur ingéneur son.
D'un point de vu musical, Wendy Carlos prend parti des qualités et défauts de l'instrument. Là où le nombre de touche jouable simultanément est limité, elle compense par la composition en contrepoint de J.S. Bach, proposant plusieurs couches de synthétiseurs aux effets variés. Les sonorité, elles, rappellent étrangement celles du clavecin par l'acidité sonore des premiers synthétiseurs. Le son est aujourd'hui très old-school, low-fi et la production y manque un peu de richesse et de profondeur, mais au-delà il a gagné les fruits de la richesse du temps et de l'histoire tant cet album est précurseur en son domaine.
Wendy Carlos das son studio en 1970
Walter Carlos, profita alors des larges bénéfices récoltés grâce aux royalties des ventes de son album pour effectuer un changement médico-chirurgical d'identité sexuelle et ainsi devenir Wendy Carlos. Cette période de transition personnelle au vécu difficile, la plongea dans un repli social l'empêchant de promouvoir son premier vinyle. Elle alla même jusqu'à refouler à sa porte de nombreuses stars musicales venues rencontrer le phénomène, tels Stevie Wonder et Mick Jagger, rien que ça ! Alors même que Switched-On Bach passa relativement inaperçu en France, il faut vraiment prendre conscience que le retentissement de cet album sur la suite de l'histoire de la musique électronique est majeur. C'est réellement le premier album de musique électronique à obtenir un disque d'or. Beaucoup ne prirent conscience de l'existence d'un tel instrument qu'à partir de cet album, à l'instar de Gorgio Moroder qui l'explique dans une interview de 2013 pour RedBull Music Academy. Le succès et le phénomène furent tels, qu'il devient le meilleur argument commercial de Moog qui vit, grâce à l'album, exploser la vente de ses synthétiseurs modulaires, comme si il était possible à chacun de sortir un disque d'or en jouant de la musique classique à partir de musique électronique. Ironie de l'histoire, cette explosion ne fut malheureusement pas au bénéfice de Robert Moog qui venait de vendre son entreprise en faillite, alors même qu'elle allait vivre son âge d'or. Il ne tira pas non plus bénéfices de la sortie en 1971 du mythique mini Moog qui démocratisa les synthétiseurs modulaires, facilitant grandement leur utilisation, tout en les rendant plus compact et transportables.
Robert Moog avec au premier plan un mini Moog
C'est un des ingénieurs de Robert Moog qui eu l'idée, pour simplifier l'instrument, de concevoir des prépatch accessibles par de simples potentiomètres disposés sur un fameux panneau frontal inclinable, plutôt que de relier manuellement chaque module par des câbles jack, tel les vieux standards téléphoniques. Pour l'ancdote, la taille et le fait que le clavier commence par la note fa tiennent uniquement à la conception du prototype à partir d'un clavier brisé en deux de telle manière, pris à la casse de l'usine. D'où la disposition de nombre de synthétiseurs analogiques encore aujourd'hui ! La suite de l'histoire, tout le monde la connaît, c'est en 1971 la BO d'Orange Mécanique de Stanley Kubrick avec la fameuse interprétation de The Funeral Queen Mary de Henry Purcell.
D'autres albums suivront, dont Switched-On Bach II en 1974. Elle composera aussi en 1980 la BO de The Shining, toujours pour le même réalisateur, au sein duquel ses chats participeront au tournage et celle de Tron en 1982 pour Disney.
Par l'histoire passionnante de Wendy Carlos et de Switched-On Bach, on comprend donc l'importance de cet album dans l'histoire de la musique électronique et son caractère hors normes dans la musique classique, puisqu'aucun, aujourd'hui encore, ne s'est vendu à autant d'exemplaires. Bach n'aura jamais eu autant de succès qu'interprèté par le synthétiseur modulaire de Wendy Carlos !
Il n'est malheureusement pas possible d'écouter Switched-On Bach en streaming, mais vous pouvez vous référé à des fidèles interprétations faites à la manière de Wendy Carlos et disponible sur YouTube.
Venu à cet album par le biais d'une double passion pour Orange Mécanique (et Kubrick en général) et pour les musiques électroniques, cet album me tient à coeur pour plusieurs raisons. D'abord, subjectivement c'est un album que j'adore, pour les découvertes artistiques qui y sont liées, et indépendamment de celà, à l'écoute ça passe toujours aussi bien.
Mais surtout car Wendy Carlos, grâce à sa forte personnalité et à son intelligence frisant le génial, arrive à réaliser une double transgression. D'un côté, elle anoblit la musique électronique en y jouant des oeuvres classiques (et par là popularise le classique), et d'un autre avec ces sons très pouet pouet elle casse le côté snob du truc et lui confère à la fois un côté naïf, ludique et premier degré qui me parle totalement, et une ironie mordante d'une folle perspicacité. Ce côté pompeux et solennel est désamorcé par l'humour de l'ensemble dès "Sinfonia To Cantata" jusqu'à "Jesu, Joy Of Man's Desiring", qui me ferait presque rentrer dans une église si je n'avais pas peur de prendre feu en passant la porte. Ce qui n'empêche pas l'émotion (cf "Air On A G String"). C'est une oeuvre d'esthète, de scientifique et d'artiste fou, piquante, instruite et folle à la fois.
C'est aussi un album précurseur. En exagérant un peu, on pourrait par association d'idées fumeuses se poser certaines questions aussi inutiles que (peut-être, qui sait?) pertinentes... Imagine-t-on Yellow Magic Orchestra (et toute la synthpop) sans "Two Part Invention In F Major" ? La musique des Zelda ou Pokémon sans "Two Part Invention In B-Flat Major" ? L'acid-house sans "Two Part Invention In D Minor" ? Les morceaux down-tempo de Discovery des Daft Punk sans "Prelude And Fugue #7 in E-Flat Minor" ?
Et puis l'intro de"Prelude And Fugue #2 in C-Minor" c'est "Stress" de Justice, tout l'électroclash (Bloody Beetroots & cie, vous vous souvenez ? D'ailleurs les BB avaient un penchant électro + classique aussi) avec 40 ans (!) d'avance. Et le concerto final, c'est quasiment du Emerson Lake & Palmer en moins digressif.
Tout ça est extrapolé et exagéré j'en conviens. Et pourtant, je crois que dans un sens, tout est vrai. Car comme l'a dit Etienne, cet album a connu un succès colossal, et il a sans doute participé à imposer ces sons hyper inhabituels dans les oreilles des masses à l'époque, et ainsi à faire avancer la cause des musiques synthétiques et électroniques, à sa façon bien à lui.
Bref, c'est un album important car il est bon (déjà), il est important (dans l'histoire de l'électro et de la musique tout court), impertinent, personnel, drôle et influent à la fois.
PS du PS :psssst.... venez voir par là et tentez l'écoute sur un site de streaming asiatique de derrière les fagots... (disparaît dans la ruelle mal éclairée)
Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.
Et il est temps d'évoquer un autre de mes albums de chevets : Cauldron de Fifty Foot Hose, groupe psychédélique californien. Groupe formé autour de l'artiste conceptuel Cork Marcheschi qui gère l'électronique, David Blossom qui compose la plupart des morceaux, entre rock psychédélique, pop et jazz, et Nancy Blossom, sa femme, qui prête sa voix et son charisme au groupe.
Comme tous les classiques, ce disque démarre par un morceau radical, "And After", une suite ambient bruitiste qui est sensée évoquer par son crescendo l'intérieur d'un tremblement de terre. Le but étant de la jouer sur de grosses enceintes avec un volume bien fort pour faire trembler le sol et les murs. Cet aspect uniquement sensoriel de la musique électronique est très intéressant, et je trouve que ça fonctionne à merveille en intro d'un album sombre et mystérieux. "If Not This Time" est quand à elle un chef-d'oeuvre de rock psyché un peu jazzy, le génie suite de partout, depuis le morceau aussi rock que groovy, aussi accessible que mystérieux, en lui-même génial et bien arrangé et produit, avec ces gargouillis électroniques ajoutant une vraie plus-value et puis Nancy qui est impériale au chant et irradie de son charisme infini. La courte transition atonale "Opus 777" fait la transition avec "The Things That Concern You", chanson de Terry Hansley (basse électrique), moins brillante mais fort sympathique.
Les morceaux s'enchaînent, entrecoupés de ces transitions électroniques (les "Opus...", "For Paula"). On a du hard-psyché agressif sur "Red The Sign Post" et sur "Rose" il est entrecoupé de pop et de jazz-funk, et là encore complètement porté par le génie d'interprétation de Nancy Blossom, prêtresse hippie préfigurant toutes les futures grandes artistes féminines du rock, du punk et du post-punk à venir. De Patti Smith à X en passant par Nina Hagen, les B-52s, les Slits, Kate Bush, Kim Gordon ou Siouxie. Ce morceau est encore une tuerie, très influencée par le jazz, et un classique indépassable, aussi sauvage et frais aujourd'hui qu'à la sortie du disque en décembre 67.
D'ailleurs, la sauvagerie du groupe les rapproche parfois du punk (paradoxalement, sur le morceau de bravoure "Fantasy" de plus de 10min) et leur capacité à défricher de nouveaux territoires au meilleur de la post-punk des années 70-80 (Pere Ubu, XTC, Slits...), qui paraît presque en retard à l'écoute de ce disque.
Et puis il y a la reprise du "God Bless The Child" de Billie Holiday, que j'ai déjà abordée ici, sur des premiers articles parus sur ce blog (en novembre 2013 !). Cette reprise du standard de jazz est pour moi un des meilleurs morceaux de tous les temps, dans mon top10 sans hésitations. L'interprétation de Blossom au chant me bouleverse, et la synergie rock psyché-électronique (un peu à la façon de Henry-Colombier finalement) atteint des sommets sans jamais trop en faire dans le démonstratif.
La conclusion, "Cauldron" vaut aussi carrément le détour, entre cloches monastiques, bruitages électro, voix de sorcière trafiquée au vocoder, bandes passées à l'envers, triturées, mantras.... Un must-hear.
Les bonus du CD valent aussi le détour, avec des versions alternatives de "If Not This Time" (très belle, un poil plus soul et c'est très bien aussi... Un peu Broadcast avant l'heure aussi), et de "Red The Sign Post", carrément punk à 200% dix ans avant, tout simplement. Voire même Sonic Youth 20 ans avant Sonic Youth. Les inédits sont tout aussi cool : "Fly Free", entre jazz et country-pop, "Desire" entre free jazz, psyché funky, hard rock enragé et punk bruitiste, et "Skins", jam pop noisy nourrie de country et de blues psyché accouche de fulgurances stellaires. Et puis il y a le premier single du groupe, le bruitiste et bordélique "Bad Trip", présent sous deux versions. Le titre est moins intéressant, mais il a le mérite de prouver que le Velvet n'avait pas le monopole du bruit, qu'Iggy n'avait pas le monopole des hurlements canins, et que Zappa n'avait pas le monopole du mauvais goût dada.
Bref, tout ça est quand même absolument indispensable. Ce disque est un vrai classique et un phare dans la nuit pour l'électro-pop de l'époque, le mariage avant-garde / pop psyché étant réussi comme (presque) jamais (avec White Noise et The USA quand même, voilà le trio de groupes géniaux à avoir su relever le défi). Et un disque qui conserve toute sa fraîcheur et sa modernité aujourd'hui grâce à une forte personnalité et un nombre de portes ouvertes et de pistes inexplorées incroyable.
Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.
L'histoire de la musique électronique est étroitement liée à l'histoire de ces inventeurs, ces "alchimistes" sonores, qui eurent pour ambition de transformer de l'électricité en son. De ces inventions les musiciens partiront dans deux direction différente : la musique concrète dans les années 40, avec pour chef de fil Pierre Schaeffer et ayant pour but de créer des sons et une musique électronique que l'on pourrait qualifier de pop, ayant pour but créer des mélodies. Car ayant eu le plus d'influence, c'est de la musique électronique pop dont je vais ici parler. Laissez moi vous en raconter l'histoire et ainsi en venir à l'Ondioline et Jean-Jacques Perrey.
C'est Thaddeus Cahill qui, avec son Telharmonium, fut le premier à créer, à la toute fin des années 1890, des harmoniques à partir d'un son électronique (à l'inverse de la tonalité du téléphone qui n'en a pas) grâce à une roue phonique en rotation devant une bobine et un aimant, permettant de créer une variation du courant électrique relative à la vitesse de rotation cette dernière, faisant "vibrer" le son en créant ces harmoniques tant désirées et rendre ce son chaleureux. Là où Robert Moog utilisera des oscillateurs électroniques. Il faudra ainsi un générateur d'électricité qui n'est alors pas courante et autant de roues phoniques que de notes pour créer ce mastodonte pesant pas moins de 200 tonnes et positionné au sous sol de la consolue, nécessitant ainsi un technicien pour en jouer. Autant dire que l'instrument n'était pas voué à la commercialisation au grand publique, seul 3 exemplaires seront contruit.
L'idée géniale et visionnaire de Thaddeus Cahill est alors de diffuser cette musique en ligne. L'instrument émettant un signal électrique, il décide de le faire voyager en direct dans les fils du système téléphonique tout fraîchement inventés et de pouvoir proposer un service de diffusion musical par haut parleur dans les magazins, salle d'attente et autres lieux ouvert au public, alors même que la radio ne sera inventée qu'un décennie plus tard! Son Thelarmonium ouvrira en 1906, mais ,face à des problèmes de diffusion, fermera l'année suivante, en 1907. De cet instrument il ne reste aujourd'hui aucun exemplaire, aucun enregistrement, seul des photos nous sont parvenu.
Une roue phonique
Salle des machines du Thelarmonium
La console du Thelarmonium
Des inventions, il y en eu bien d'autres. Tout d'abord, le fameux Thérémine, inventé en 1919 par le russe Lev Sergueïevitch Termen, dont je vous conterai l'histoire dans un prochain article. Mais aussi les Ondes Martenot inventées en 1926 par le français Maurice Martenot, utilisant un ruban qui, tiré par le musicien à l'aide d'un anneau qu'il enfile à la main droite, fait varier la fréquence d'émission d'émeteurs et de récepteurs radio incorporés à l'instrument. Tandis que la main gauche contrôle l'intensité du son, via la pression exercé sur une touche. Ceci ayant pour principal qualité d'offrir une maîtrise parfaite l'attaque du son au musicien (à l'inverse d'un clavecin par exemple qui n'a aucune attaque, sans possibilité de contrôler l'intensité du jeu).
Les Ondes Martenots évolueront tout au long de leur production avec notamment l'ajout d'un clavier, dont la particularité est de vibrer, rendant le jeu assez infernal. Chaque exemplaire y est alors unique. Comptez entre 15.000 et 20.000€ pour en acquérir un aujourd'hui. Malheureusement, comme beaucoup de ces inventions, l'instrument sera fabriqué artisanalement à seulement quelques dizaines ou centaines d'exemplaires par son créateur, empéchant ainsi leur essort. Voici deux vidéo permettant de comprendre comment fonctionne l'instrument :
Côté Allemand, on peut citer le Trautonim de Friedrich Trautwein, inventé en 1929, basé sur une chorde métalique venant rencontrer une bande elle aussi métallique et dont le jeu est à mi-chemin entre un clavier et un violon. En voici une illustration avec la vidéo d'Oskar Sala ci-dessous, principal interprète de cet instrument :
Tout ça pour en venir à un autre inventeur, lui aussi français, Georges Jenny, qui créa en 1941 un clavier électronique fonctionnant avec des tubes électroniques ou "lampes", comme utilisés dans les fameux ampli à lampe, ancêtre du transistor permettant d'amplifier un signal électrique. Ce clavier c'est l'Ondioline. Sa principale particularité est d'avoir un clavier en suspension sur ressort et ainsi d'être sensible à la pression appliquée par le musicien, qui pourra alors faire varier l'intensité du son et ainsi créer des vibrato d'un naturel époustouflant.
Un des premiers modèle d'Ondioline produit par Georges Jenny au début des anénes 50. il proposait 18 timbres différents.
C'est en entendant au début des années 50 Geaorges Jenny présenter son instrument à la radio que Jean-Jacques Perrey, alors étudiant en médecine, fut bluffé par les qualités et la nouveauté d'un tel instrument. C'est ainsi qu'il rencontra l'inventeur et quitta ses études pour être employé en tant que démonstrateur de ce clavier qu'il promouvra partout en Europe durant les années 50. Il rencontra par se biais Charles Trenet qui sollicitera ses talents pour l'enregistrement de L'âme des poètes. Il fait alors connaissance avec Edith Piaf et Jean Cocteau qui le pousseront en 1960, à traverser l'Atlantique, à bord du France car il est aérodromophobe, et se faire produire par un certain Caroll Bratman qui mettra à sa disposition un studio expérimental à New-York. C'est pour lui l'occasion d'y rencontrer et de travailler avec les pionniers de la musique électronique, tel Robert Moog ou Gershon Kingsley (collaborateur de John Cage, futurcompositeur du fameux Popcorn).
Jean-Jacques Perry dans son studio New-Yorkais en 1967 en compagnie d'un Moog
Ainsi, il composera et enregistrera pendant 10 ans des disques tous plus futuristes les uns que les autres, utilisant Ondioline, mais aussi claviers Moog, notamment à la fin des années 60 avec son album à succès Moog Indigo, contenant le tube E.V.A.. Il constitua aussi une grande banque de sample qu'il utilisera sur de nombreuses compositions et feront sa marque de fabrique. C'est au début des années 70 qu'il rentrera en France pour veiller sa mère malade et pense pouvoir y perçer. Il se heurte malheureusement à des maisons de disques frilleuses à une telle nouveauté et ne réussi pas à faire succès. Il travaillera alors pour la télévision, la radio ou la publicité, composant des génériques et autres interludes. Il ne sera redécouvert que récemment, à l'instar d'Alain Mion et du funk francophone de son groupe Cortex, qui avait fait l'obet d'un précédent article. Profitant tardivement d'une reconnaissance bien méritée.
De cette décennie américaine, je voudrais aujoud'hui attirer votre attention sur The Amazing New Electric Pop Sound, sorti en 1968, caractéristique de la musique de Jean-Jacques Perrey. Joué de son ondioline, il y propose des mélodies pop aux sonorités alors complètement futuristes, tel un orgue venu d'une autre planète.
Mary France inogure ainsi l'album, associant des voix sepucrales à une mélodie épique digne d'une B.O d'Ennio Morricone. S'en suit le génial The Little Ships, emblématique de la patte artistique du français, utilisant à foison samples et bruitages sur des mélodies de contines. Le résultat en est à la fois ludique et cosmique, s'approchant parfois du travail de Pierre Henry, quoi que plus pop. Puis vient le très épique Islande in Space, marqué par son rythme impulsé par ces bruitages hybrides. L'inspiration y est encore très morriconnienne. Le titre, tout comme la pochettes, y sont le parfait reflet de l'effusion imaginaire qui envahissait cette période. A l'heure de gloire de la conquête spatiale, la technologie ne semblait plus avoir de limites. On s'imaginait un futur proche envahi de voitures volantes et 2001 siège d'une odyssée spatiale.
Mexican Cactus, tube de l'album, arrive ensuite avec ses rythmes caribéens, quasi calypso et ses mélodies aux inspirations d'Amérique Centrale, mais toujours envoutées par l'esprit extra-terrestre de l'ondioline.
Le cinquième morceau, Porcupine Rock vient provoquer nos hanche dans un endiablé charlestone du futur. The Little Girl From Mars vient alors reposer nos ardeurs dans une ballade enfantine, sur fond d'inspirations baroque, donnant à entendre un Bach marsien avec ses fameux contrepoints. Mister James Bond propose un titre plus épuré et énigmatique, laissant largement entendre l'ondioline. Son introduction n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle de Radioactivity de Kraftwerk.
Frère Jean-Jacques vient lui renforcer avec humour le caractère puérile des compositions, dans une naïveté que l'on ne pourrait plus imaginer aujourd'hui sur un album. Une compostion pleine de premier degré qui respire la joie et la bonne humeur ! Brazilian Flower conforte elle aussi les inspirations classiques que l'on croirait toutes droit sorties d'une musique de jeu vidéo 16 bits. Dans la même veine, In The Heart Of A Rose semble elle une BO 16 bits d'une version Mega Drive d'Autant en Emporte le Vent. S'en suit The Minuet Of The Robots, qui pourrait être une version électronique de Heigh-Ho de Blanche Neige. Il n'est ainsi pas étonnant de savoir que Disney a collaboré avec Jean-Jacques Perrey en 1972. Certains élément du titre ne sont par ailleurs pas sans rappeler Comic Strip de Gainsbourg.
Puis vient la très pop Four, Three, Two, One avant que le tango de Gypsy in Rio ne vienne cloturer la danse de cet album.
De part son association forte avec l'Ondoline ici visible, Jean-Jacques Perry est ainsi un fondateur important de la musique électronique. Mais c'est surtout par l'association forte entre la pop et la musique électronique que brille son talent précurseur. Il a ainsi été l'un, si ce n'est le premier, à faire de la musique pop avec un Moog, tel son superbe projet The Happy Moog de 1969, en collaboration avec Gershon Kingsley.
Pour finir, voici un magnifique document vidéo de 1966 montrant Jean-jacques Perry faire une démonstration de l'Ondioline (à écouter à partir de 5:00)
Pour ce qui est du succès de synthétiseurs, il faudra ainsi attendre les années 50 avec les Orgues Hammond réutilisant le principe électromécanique des roues phoniques du Thelarmonium et surtout la fin des années 60/début des années 70 et Moog pour réelement observer une démocratisation de ces instruments. Mais ça, je vous en parlerai dans mon prochain article.
Sources: - Interviex de Jean-jacques Perrey pour Les Inrocks - Les Fous du Son (éd. Grasset) de Laurent Wilde paru en 2016 (vous pouvez écouter sa passionnate conférance de février 2017 au Stérélolux disponible sur soundcloud)
Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.
Joe Meek était un producteur fou. Mais génial. Le fameux "Telstar", tube électro-pop de 1962 (!) par les Tornadoes, c'était lui. Incapable de jouer d'un instrument, il avait ses symphonies pour western électro-rock en tête, sifflait chaque partie à ses musiciens qui s'exécutaient, et bidouillait les sons dans tous les sens en utilisant le studio comme un instrument à part entière 15 ans avant tout le monde (overdubs, reverb, compression, jeu sur les bandes et j'en passe). C'est un peu le Brian Eno du rock instrumental à la Shadows. Autant dire qu'on l'adore sur LPAE, on a d'ailleurs évoqué ce disque lors d'un jeu interblogs (ici) dans lequel il fallait parler d'un disque répondant au thème "Une Musique d'Une Autre Planète Ou Presque".
Les autres planètes, il en est question sur ce disque. Meek, obsédé par la conquête de l'espace (on est un an après le lancement de Sputnik), se demande à quoi pourrait ressembler une musique de l'espace. Et se lance dans cet ambitieux projet solo. Mais ce fou du son, n'étant pas musicien comme je l'ai dit, a besoin d'une base, d'une matière sonore à triturer. Ce sera donc le groupe de skiffle The Blue Men de Rod Freeman et... des sons de la vie de tous les jours, de l'eau dans un évier, des bouteilles... Et les passe, piste par piste, dans sa moulinette magique de filtres, d'échos, de reverb (un peu comme un précurseur de la dub) pour créer cette musique de science fiction aussi comique qu'intrigante, et belle.
Le morceau le plus connu est le plus "conventionnel" dans sa construction et son chant, l'ouverture "I Hear A New World", connue car reprise de belle façon notamment par les géniaux Television Personalities, ou They Might Be Giants. Ce morceau est une pépite : mélodique, doté d'un chant et de paroles obsédants et mélancoliques et d'une rythmique hypnotisante au son psychédélique (avant l'heure), il s'impose comme un classique intemporel de la pop.
Le côté western / rock instrumental des early 60's s'entend sur "Orbit Around The Moon", mais remixé avec un orgue spatial au son clinique, des bruits étranges et des bleeps de satellite. La pop de saloon de "Disc Dance Of The Globbots" est quand à elle gavée de reverb pour y insérer un aspect à la fois nostalgique et moderne. Et ça fonctionne à merveille. Le même traitement est imposé au piano honky tonk et à la steel guitar de "The Bublight", ce qui transforme ce qui aurait pu être un morceau country-pop classique en un déchirant monument d'électro-pop mélancolique et futuriste qui arracherait presque des larmes à toute personne sensible.
Et "Dribcots Space Boat" est presque un morceau de saloon revu façon musique concrète, la revisite est aussi étonnante que magistrale. Idem pour la musique de western de "Magnetic Field", du moins dans sa conclusion, car toute sa première partie est en fait une longue plage d'ambient sombre et prenante. Comme l'intro de "Valley Of No Return", dans laquelle Meek joue habilement (sur la seconde partie du morceau) de la saturation et de la dissonance qu'elle induit.
De longs passages électroniques se font aussi entendre, notamment le solennel "Glob Waterfall", très musique de film, ou le début d'"Entry Of The Globbots", qui introduit les "voix d'extraterrestres" présentes sur plusieurs morceaux du disque (en fait des voix pitchées dans les aigus). L'effet est forcément comique (cf"March Of The Dribcots" qui n'a rien à envier au "Chapi Chapo" de De Roubaix pour le côté régressif et ludique cachant un vrai trésor électro-pop).
D'autres morceaux, également dans une veine électro-pop, impressionnent : "Love Dance Of The Saroos" et son psychédélisme aquatique et saturé préfigure les hippies avec plus de 7 ans d'avance et la coldwave avec 16 ans d'avance. Un groupe la sortirait aujourd'hui (La Femme ?), on n'aurait rien à y redire tant elle sonne hors du temps et toujours pertinente. De même, "Valley Of The Saroos" aurait pu être sur un disque récent des Flaming Lips et tout le monde aurait trouvé le morceau génial voire novateur dans son genre. C'est là qu'on mesure tout le génie de Meek : avec des moyens rudimentaires et beaucoup de bricolage, il a réussi non seulement à créer une oeuvre sans égale à l'époque, mais carrément indémodable. Ça aurait pu très vite sonner daté et fatigant, mais c'était sans compter sur son goût très sûr concernant "ses" sons, et son évidence mélodique.
Vraiment, l'oeuvre est bluffante, touchante, elle force le respect pour sa vision totale et pionnière autant qu'elle émeut par ses mélodies poignantes et sa production très personnelle, indépendamment de toute conception historique.
Joe Meek était un grand, un authentique génie même, et son destin tragique nous a sans doute privé d'un sacré paquet de classiques. Mais, parmi son oeuvre foisonnante de producteur, qu'il nous a heureusement léguée, cet album prend une place toute particulière car il concrétise la vision très personnelle d'un homme d'exception sur la musique électronique. Et demeure plus que jamais un disque fondateur et influent. Et c'est pourquoi il a toute sa place cette semaine sur LPAE.
Cette semaine, les débuts de la musique électronique sont à l'honneur sur La Pop d'Alexandre & Etienne, avec un album par jour présenté jusqu'à dimanche dans le cadre de notre deuxième édition de La Semaine De La Pop.
Cette oeuvre, vous la connaissez sûrement, du moins en partie. Elle a été composée (sur commande, pour un ballet de Béjart) par le grand Michel Colombier pour les parties instrumentales et Pierre Henry pour la partie électroacoustique / musique concrète qui nous intéresse plus particulièrement dans le cadre de cette semaine consacrée aux débuts de l'électronique.
J'ai dit que vous connaissiez sûrement ce disque en partie, car vous avez déjà entendu le deuxième titre, "Psyché Rock"sous une forme ou une autre. Soit vous connaissez son inspiration ("Louie Louie", classique du garage rock, popularisé par les Kingsmen entre autres), soit vous connaissez la chanson sous sa forme originale (par Colombier et Henry donc), soit remixée par Fatboy Slim, soit remixée pour le générique de la série Futurama. Dans tous les cas, vous le constaterez, ce morceau est une merveille de pop-rock 60's, accessible et aventureuse, grâce aux apports électroniques de Pierre Henry et à l'inventivité des arrangements de Colombier, véritable Morricone de la pop française (cf ses collaborations avec Gainsbourg, Quincy Jones pour Aznavour, Air, sans parler de ses musiques de films...). Bref, un classique incontournable et incontestable, frais, audacieux et toujours aussi pertinent.
Le reste du disque est moins connu, mais tout aussi bon. Le court "Prologue" instrumental est tout en breaks de batterie, en basse inquiétante, sons extraterrestres et percussions de musique concrète, et oscille entre noise et soul (cf cet orgue sur le pont avant la conclusion concrète). Il s'ouvre sur le tubesque "Psyché Rock", dont nous avons déjà parlé, et qui partage sa classe rythmique et mélodique ainsi que ses arrangements électro incroyables avec sa suite directe, le génial "Jericho Jerk", un poil plus soul-jazz. Tout comme sa suite directe, "Teen Tonic", entre pop 60's, yéyé, et soul électronifiée.
La conclusion, "Too Fortiche", est carrément plus électro-rock, d'un rock dur et psychédélique. Et toute aussi réussie. Vous l'aurez compris, cette oeuvre est courte, mais incontournable et séminale. Je n'ai pas grand chose à ajouter, cette musique parle d'elle même.