Le précédent Gorillaz, Humanz (2017), pourtant sorti longtemps après l'excellent Plastic Beach (2010) a déçu. Damon Albarn voulait un album musicalement funky, et assumait vouloir monter un énorme groupe à la Earth Wind And Fire pour sa crise de la cinquantaine. Sauf qu'à part une poignée de singles géniaux, on ne retrouve pas du tout cette approche sur le disque, qui sonne plutôt comme un rnb électronique générique. Sorti de ces quelques coups de génie qui auraient constitué un EP parfait ("Andromeda", "Ascension", "Saturnz Barz", "Busted & Blue", "Let Me Out", "Hallelujah Money"), le disque se noyait dans une mélasse difficilement mémorable et bien trop épaisse : dans sa version finale il comprend 26 titres. Et son propos anti-Trump se perdait dans ce remplissage inconséquent. Pour la dernière fête avant la fin du monde, on écoutera plutôt 1999 (1982) de Prince ou Dirty Computer (2018) de Janelle Monaé. Dommage.
Albarn semble s'être rendu compte que si ses idées directrices tant musicales que thématiques étaient bonnes, leur exécution avait souffert de l'absence de son perfectionnisme habituel, et que les attentes trop hautes des fans avaient plombé la réception du disque. Il revient donc très vite après avec un The Now Now plus humble et intimiste (à la manière de The Fall), et présenté comme un album solo de 2D (clavier et chanteur), l'alter ego de Damon au sein de Gorillaz. Et ça marche.
Gorillaz - Humility (Clip, 2018)
Débarrassé de la pression de sortir un successeur à Plastic Beach, et du trop plein d'ambition caractérisant le précédent, le groupe livre un successeur concentré (11 titres), alternant entre critique du Brexit et thèmes plus introspectifs. Il a gardé le meilleur de son expérience précédente, cette envie de funk électronique, et a limité les collaborations pour recentrer le propos. Le légendaire guitariste George Benson vient faire groover le délicieux single "Humility", qui résume bien le disque : funky, estival, joyeux, beau et mélancolique à la fois (à l'image de son clip fun, solaire et pop). Les seuls autres featurings se trouvent sur "Hollywood", rnb dark façon Timbaland, aux angles arrondis par un feeling discoïde. Il s'agit du chanteur Jamie Principle et du fidèle Snoop Dogg, qui font ici un bon travail sur ce morceau bien foutu.
Mais ce sont des morceaux comme "Kansas" ou "Magic City" mariant l'électrofunk à l'influence Beatles marquée donnant un côté nostalgique et personnel, qui font mouche. Ou encore "Sorcererz", jouant dans la même cour, en plus planant. Dans le genre, l'instrumental "Lake Zurich" est un petit trésor qui semble sorti de l'âge d'or de chez DFA, avec un gros côté dance-punk façon The Juan MacLean.
Gorillaz - Lake Zurich (2018)
Ce funk tranquille est associé à une démarche électro-rock quasi new wave à la frontière entre post-punk sombre et synthpop addictive (l'addictive "Tranz", entre Soft Cell et Suicide). Ou à des moments folk-pop assaisonnés d'une électro pointilliste, semblant échappés de son album solo plus dénudé comme "Idaho", "One Percent", "Souk Eye" ou "Fire flies". Cette série de morceau clôturent en beauté l'album.
Gorillaz - Tranz (2018)
C'est un retour concis et réussi, qui fait oublier les excès du précédent. L'album est solide, et la direction introspective voire mélancolique mariée à un électrofunk discoïde est tout à fait adaptée à ces morceaux plus humbles permettant à Albarn de renouer avec la magie pop de Demon Days ou Plastic Beach sans prétendre atteindre leur niveau d'excellence et d'ambition. Une réussite totale !
Alex