Le groupe TOY, lancé au tout début par ses premières parties de The Horrors, évolue sur ce disque dans le même univers artistique que ses aînés. Dès l'introductive "Sequence One", on entend ce mélange de rythmiques motorik et d'électro planante façon krautrock, de post-punk, et de shoegaze qui fait le charme de ces deux groupes, avec en plus le chant entre glam et dream-pop du chanteur de TOY.
D'une manière générale, les stars sur ce disque, ce sont la basse vrombissante et les éclats de claviers infusant une ambiance de mystère ("Mistake a Stranger", "Move Through The Dark") ou donnant un brillant pop voire new wave à l'ensemble ("Mechanism"). Mais les morceaux plus rock, mettant davantage en avant les guitares, sont également de bonne facture ("Energy", "Jolt Awake").
TOY - Sequence One (Clip, 2019)
Les petits escrocs se servent souvent de références évidentes, et ils piquent par exemple la guitare de "Girl, You'll Be A Woman Soon"(version Urge Overkill entendue sur la BO de Pulp Fiction)sur "Last Warmth Of The Day", mais comment leur en vouloir tant la chanson, cotonneuse ballade psychédélique, est belle comme ça ? Entre psychédélisme 80's et guitares western, "The Willo" continue sur cette belle lancée que "Strangulation Day" et son orgue métallique poursuit également quelques pistes plus loin.
Certains morceaux sont cependant un peu trop tranquilles à mon humble avis ("You Make Me Forget Myself", "Charlie's House" et quelques autres), et l'album ronronne un peu au bout d'un moment.
Globalement, c'est un bon disque, assez solide malgré quelques ralentissements, très beau et bien produit, à découvrir que vous soyez connaisseurs du groupe ou non !
Mes morceaux préférés :Sequence One, Mistake A Stranger, Last Warmth Of The Day, The Willo
Tombé un peu par hasard sur EYEDRESS, j'avais adoré son très court mais très bel EP sorti plus tôt dans l'année. Voyant quelques singles sortir, je me précipite sur sa page, pour découvrir avec surprise que le philippin avait carrément sorti un album, je m'y suis donc plongé curieux et emballé, et je n'ai pas été déçu.
Dès la première chanson, "Ancient Love", on passe par milles émotions. Le music nerd s'émerveillera de la fragilité presque TV Personalities du morceau, du son très post punk voire psychobilly (à tendance Jesus & Mary Chain aussi, on va jusqu'à reprendre partiellement le beat de "Just Like Honey", piqué à la Motown et à Phil Spector), des digressions contemplatives de la guitare psychédélique, mais tout cela n'est pas très important, si ce n'est pour évoquer le fait qu'EYEDRESS maîtrise son sujet et que ça se sent, dans le naturel avec lequel le titre se structure, dans sa justesse au niveau des arrangements, dans la délicatesse et l'intensité de l'interprétation également. Un début en beauté.
Le morceau d'après est une petite perfection pop. "Alone Time", très Empire of the Sun dans le chant, beaucoup plus lo-fi dans la musique, ce qui est plutôt une bonne chose, entre guitares exquises et boîte à rythme façon madeleine de Proust. Un des morceaux phares du disque. Dans l'ensemble, la new wave revisitée d'EYEDRESS, légèrement modernisée par une vision moderne à la Ariel Pink du mouvement, fait toujours mouche, cf l'autre excellent single "Toxic Masculinity" pour s'en convaincre.
EYEDRESS - Toxic Masculinity (Clip, 2018)
Autre gros point fort : l'alternance entre les guitares et les synthés au premier plan, donnant des morceaux plus proches du rock indé dans le premier cas, comme le très The Drums / DIIV"Cocaine Sunday" et la plus apaisée et psychédélique "Cure For Cancer", voire "Be A Better Friend" qui emprunte des idées de mixage au shoegaze.
EYEDRESS - Be A Better Friend (Live, 2018)
Et dans le deuxième cas des ballades synthétiques comme les belles "White Girl", "PTSD", "Nice Girl From a Nice Part of Town" et "Young Old Man". Voire la curieuse et très réussie "Sensitive G", clairement inspirée par la G-Funk.
EYEDRESS - Sensitive G (Clip, 2018)
C'est néanmoins la guitare qui domine l'album, comme l'attestent des morceaux comme "Stay Calm", "Window Eyes" avec Fazerdaze. Ce qui est notable, c'est la variété de sons et de styles de jeu qu'il arrive à tirer de cet instrument, en utilisant à fond toutes les possibilités, allant du shoegaze à la pop indé 90's en passant par la guitare folk façon Mac Demarco ("Suntory Times", "Sleeping On the Couch", "My Child / Old Soul"). Avec en second plan une basse cruciale et des boîtes à rythmes minimalistes mais parfaitement dosées, comme chez la géniale Sneaks.
EYEDRESS - No Love In The City (Clip, 2018)
Un autre élément qu'on sent maîtrisé est la construction globale du disque, jonglant habilement entre morceaux calmes, voire contemplatifs ("Babygirl") et morceaux plus hargneux pour faire monter et baisser l'intensité comme l'intense et génial "Xenophobic" et sa basse à la New Order / The Cure insistante et sa voix noyée sous les effets, ou les presque punks (PiL) et gothiques "No Love In The City" et "No Fun", d'une intensité rarement atteinte dans la pop (je n'ai que Sealings en tête).
EYEDRESS - No Fun (Clip, 2018)
EYEDRESS utilise les référents du post-punk et de la pop indé comme tremplins pour exprimer sa créativité unique, et maîtrise ces genres (et bien plus encore) à la perfection, les assaisonnant de goth, de shoegaze, de synthpop, de folk, de psychédélisme, et j'en passe, pour en ressortir des morceaux concis, immédiats et beaux, sans toutefois faire de concessions sur son son, brut et minimaliste, presque tranchant. Un grand disque.
Mes morceaux préférés : Ancient Love, Alone Time, Toxic Masculinity, No Fun, Xenophobic, No Love in the City
Le duo Beach House est, à raison, un des chouchous des amateurs de pop élégante. Au long d'une carrière parfaite jalonné d'albums impeccables, ils se sont imposés comme un des grands groupes de leur génération. Après une période prolifique (2 albums en 1 an suivi d'une compilation d'inédits), le duo s'est recentré et a cherché à sortir de sa zone de confort en allant chercher de nouveaux sons, de nouvelles méthodes d'écriture. Et pour cela, ils ont fait appel aux talents de producteur de l'ex-Spacemen3Sonic Boom, ayant déjà fait des merveilles avec MGMT notamment.
Et la démarche du groupe s'entend. Alors qu'ils ont toujours eu un son assez dense, le disque possède une profondeur dans ses textures et ses reliefs encore inédite chez eux. Un côté propulsif nouveau, également, grâce à des rythmiques davantage mises en avant, comme sur l'introductif "Dark Spring", croisant leur dream pop à la new wave expérimentale façon Bowie, ainsi qu'au rock épique du Arcade Fire période The Suburbs. Comment ne pas fondre à l'écoute d'un titre aussi magistral que "Drunk In L.A.", avec son intro irréelle tant elle est belle. Ce morceau est un écrin parfait pour le chant de Victoria Legrand qui captive grâce à la pureté grave de sa voix et grâce à sa diction expressive, tandis qu'Alex Scally tresse des motifs de guitare inoubliables en fond.
Beach House - Dark Spring (Clip, 2018)
Comme je le disais, le groupe qui se forçait à composer et produire des chansons pouvant être reproduites en live s'est davantage autorisé à expérimenter pour cet album, et sur des titres comme "L'Inconnue", au parfum inattendu de Françoise Hardy voire Charlotte Gainsbourg, cette volonté d'ailleurs fait mouche. Ce charme mystérieux, un peu européen, un peu américain, se retrouve sur "Last Ride", un peu Nico avec son piano triste, et sur "Dive", qui inscrit sa beauté pure dans le sillage des girls band 60's, du Velvet Underground, de Suicide et de Mazzy Star, et qui finit plus rock, quasi indus. Un petit côté psyché-folk aussi, façon Tame Impala ou Melody's Echo Chamber, qu'on retrouvera sur "Lose Your Smile" et ses guitares à la Ratatat.
Beach House - Dive (2018)
Leur principale force, c'est avant tout d'écrire des chansons aussi immortelles que "Pay No Mind", qui est aussi belle et essentielle que du Jesus & Mary Chain des deux premiers albums, ou "Lemon Glow" dont la production virtuose (ces synthés acides....) ne doit pas faire oublier le songwriting qui a tout du génial. Le psychédélisme doux et intriguant de ce titre se retrouve sur l'obsédant "Black Car", dont le mixage et le mastering sont marquants par leur utilisation assez inédite de l'espace et des volumes.
Beach House - Lemon Glow (2018)
Beach House - Black Car (2018)
Entre pop gothique lumineuse et néo-80's, "Woo" émerveille par sa délicate simplicité et ses belles harmonies, tandis que le slow cosmique "Girl Of The Year" dévaste par sa puissance évocatrice proche de leur merveilleuse "Space Song" sur Depression Cherry (2015), avec une mélodie vocale d'une qualité quasiment jazz et d'énormes accords d'orgue invoquant le grandiose, épicés par une guitare déchirante, davantage dans le registre de l'intime.
Lorsqu'un des meilleurs groupes de la décennie voit grand et sort l'un des meilleurs (si ce n'est LE meilleur) album de sa discographie, ça donne forcément des étincelles, et c'est exactement ce qu'il s'est passé avec 7. Un monument de dream pop signé Victoria Legrand et Alex Scally, co-produit par Sonic Boom. Des chansons immortelles, une production éblouissante. Un paradis pop.
On découvert Halo Mauden 1ère partie de Baxter Dury à Nantes, et c'était vraiment un superbe live. Du coup, je me suis précipité sur internet pour écouter ce qu'elle faisait (vous imaginez bien que c'est un peu hyberbolique, je suis juste allé me coucher en rentrant du concert hein). Et je suis tombé sur cet EP, Du Pouvoir, ressorti en cette année 2018 à partir d'une première version parue l'an dernier, et dont certains morceaux datent de 2015. EP dans lequel je me suis vite retrouvé, étant donné qu'elle et son groupe nous en avaient joué plusieurs morceaux. D'ailleurs, elle, c'est Maud Nadal. Amie de longue date de la Melody de Melody's Echo Chamber, elles ont collaboré toutes les deux sur les projets de l'une et de l'autre, ainsi qu'avec d'autres éminents membres de ce petit cercle (dont Moodoïd). Musicalement, on pense évidemment à la galaxie Tame Impala à laquelle ont peut rattacher ces deux derniers groupes, ainsi qu'à des artistes comme Barbagallo, avec lequel elle partage un certain soutien du très bon et pointu "collectif" La Souterraine.
Halo Maud - Du Pouvoir (Clip, 2017)
Et de manière plus large, on navigue entre pop française moderne (François & The Atlas Mountains, Petit Fantôme...) et pop indé au sens large, du néo-psychédélisme au shoegaze en passant par l'électro-pop. On pensera également à Jane Birkin en entendant le chant de "Du Pouvoir/Power", magnifique pop song fragile et intense à la fois, chantée en français et en anglais. Cette intensité, on la retrouve sur la prenante "Baptism" et son mantra obsédant et inquiétant "what happened after ? / I don't remember". D'un point de vue arrangements et production, Maud met en valeur ses mélodies en les enrobant de nombreuses couches mais en les laissant apparente, trouvant un équilibre délicat et très plaisant entre ligne claire et mille feuille pop.
Halo Maud - Baptism (Clip, 2017)
Son "minimalisme expansif" trouve sa plus belle expression dans la belle "A la fin", alternant entre une ligne mélodique sur le fil, à nu, et de petites explosions rock. Sur ce morceau, ainsi que sur "Dans la nuit", elle explore également une direction un peu plus synthétique très intrigante et plus qu'intéressante, évoquant là encore le versant le plus électro-pop de Melody's Echo Chamber, façon "Quand Vas-Tu Rentrer ?".
Halo Maud - A La Fin (Clip, 2015)
C'est vraiment un superbe EP, qui donne envie d'en entendre davantage de sa part. Et en plus, c'est encore meilleur en live que sur disque. A écouter sur Spotify ou Deezer ou son Bandcamp
On a de la chance dans notre petite salle préférée, on arrive toujours à avoir une place à 2m de la scène, et la première partie est souvent excellente. Pour Baxter Dury, c'était Halo Maud, alias de Maud Nadal, clavier pour Melody's Echo Chamber ou Moodoïd, désormais en solo. Enfin, ici en groupe, avec un bassiste à fond dans son rôle, un clavier facétieux habile en bidouillages géniaux et un batteur tout simplement impressionnant de talent pur et de sensibilité. Elle joue une pop psychédélique façon Tame Impala ou Melody's Echo Chamber justement, souvent chantée en français, parfois en anglais, avec des rythmes agiles et une affinité pour l'électronique la rapprochant de François & The Atlas Mountains ou Petit Fantôme. C'était vraiment très bien, je vous recommande de découvrir sa musique, en commençant par exemple par "A La Fin", "Dans la Nuit", "Des Bras" ou "Du Pouvoir".
Halo Maud à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)
Quand à Baxter Dury, il était impérial. Facétieux, showman absurde à l'anglaise mais avec un vrai respect du public, se donnant à fond à chaque chanson. Il a joué quasiment tout Happy Soup (2011) ainsi que son dernier album The Prince Of Tears (2017) ainsi que des morceaux choisis de It's A Pleasure (2014) et Floor Show (2005), notamment "Cocaine Man" (mais pas "Francesca's Party", sniff). Accompagné d'un groupe de musiciens hyper doués, de choeurs féminins divins, il a fait ressortir le groove funky et l'énergie pub rock quasi punk de ses morceaux, servant souvent d’exutoire à un artiste qui semble vivre ses chansons par ailleurs très personnelles.
Baxter Dury à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)
Il finira une chanson très émouvante de son dernier album, portant sur son récent divorce, par un trait d'humour british, désamorçant la gravité du morceau en balançant un "I'm looking for a wife" au public. Au rappel, c'est en peignoir de boxeur rouge, avec "The Prince Of Tears" brodé au dos, qu'il se présentera à nous.
Baxter Dury à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)
Un concert énergique, émouvant, vécu à 100% et mené à toute allure (aidé en cela par la concision des morceaux), avec un côté authentiquement british très agréable, autant dans la musique que l'attitude (le côté pub-rock et punk, les accents ska, l'accent prononcé, le flegme). En un mot : génial !