Mesdames et messieurs, le seul et unique album du groupe The United States Of America ! Sorti en 1968, ce disque séminal a eu une influence énorme. En effet, sans lui, possiblement point de collages électro/psyché/pop chez Of Montreal, Animal Collective, Portishead, Broadcast, Super Furry Animals, Flaming Lips...
Ce disque est en effet à ranger à côté des premiers Pink Floyd, Velvet Underground, Silver Apples et Hendrix, pour sa qualité et son génie créatif. Et sonne comme un disque des Beach Boys s'essayant à la musique concrète, en bons héritiers de Stockhausen et Subotnick. Et pourtant, malgré cette influence souterraine, ces mérites artistiques et une reconnaissance critique aussi précoce qu'inébranlable au fil du temps, ce disque ne rencontra qu'un très faible succès à l'époque. Et, l'histoire est classique, suite à des désaccords entre le leader Joseph Byrd qui voulait faire toujours plus radical et certains membres du groupe (Gordon Marron...) qui poussaient à faire plus pop (plus McCartney même), l'équilibre fragile s'est rompu et le groupe a splitté. Les musiciens étant par la suite partis sur d'autres projets, chacun de leur côté, mais j'y reviendrai un autre jour (ceci est une autre histoire).
Le groupe était donc composé d'un noyau dur autour de Joseph Byrd, principal compositeur, et de sa compagne Dorothy Moskowitz. Byrd est issu du même mouvement avant-gardiste de la musique contemporaine que John Cage, mais ses intérêts pour le jazz, la musique électronique, les musiques américaines pré-1950's et les musiques du monde (notamment africaines et indiennes), et le rock acide de l'époque, donnent à cet homme pourtant radical dans sa musique et ses idées (à gauche toute !) une accessibilité pour le public non-initié que très peu d'autres compositeurs de la même trempe n'a eue (qui à part John Cale ?). Moskowitz est quand à elle une excellente chanteuse et musicienne, experte dans la manipulation de bandes et autres prouesses électroniques.
Et tout ça additionné de musiciens surdoués donne un sacré bordel, audible dès l'intro et "hymne" du groupe, "The American Metaphysical Circus", qui commence avec des flûtiaux, vire fanfare avant de se transformer en cacophonie d'où sort un beat souple, un son strident en boucle et la voix filtrée et acide de Moskowitz. Pour un effet inoubliable, ce morceau est une bombe. Porté par ce rythme et ce chant aussi sensuels que froids et cérébraux, aussi soul que kraut (avant l'heure), ce mélange des contraires (assaisonné de blips électroniques) aboutit à un sommet de pop aussi exigeante qu'accessible.
"Hard Coming Love" cogne ensuite fort (la batterie), mais avec groove (la basse) et toujours cette touche acide (la guitare free, les claviers en roue débridés). Mais se calme sur les couplets pour laisser la voix de Moskowitz faire sa Debbie Harry (Blondie) avant l'heure, entre rage et séduction. Tout, du chant à la section rythmique, à l'orgue, aux arrangements électroniques et à la composition même du morceau, est mémorable. "Cloud Song", qui suit, est plus planante et rappelle les influences indiennes du groupe, un beau moment d'apesanteur.
On retourne ensuite en territoire plus acide avec "The Garden Of Earthly Delights", qui est un sommet de pop psychédélique très soul et groovy, un tube immédiat en même temps qu'une pièce de choix. Un des sommets de cet album. Suivi par un "I Wont' Leave My Wooden Wife For You, Sugar" qui montre quand à lui à la fois l'amour du folklore américain de Byrd ainsi que son côté dadaïste à la Zappa (faire passer des messages par l'humour et l'absurde, c'est toujours mieux).
Les choeurs et l'ambiance lourde de "Where Is Yesterday" redonnent un ton plus grave à l'album. On est à la fois bluffés par l'intensité inquiétante du morceau et la qualité immaculée des choeurs à la Beach Boys du groupe. Whoah, quelle chanson ! Après avoir été soufflés, la plus rythmée et pop "Coming Down" nous remet les idées en place, avec son côté Jefferson Airplane, sa guitare bien fuzzy et son violon strident. "Love Song For The Dead Che" est entre berceuse psyché, chant à la Nico, et love song déchirante, qui me rappelle les ballades étranges et émouvantes des premiers King Crimson. De toute beauté. Et "Stranded In Time", petit précis de poche d'écriture à la Beatles, version minimaliste, est une superbe composition, et fait partie de ces morceaux dont chaque seconde compte.
Enfin, la conclusion "The American Way Of Life", en trois partie, récapitule en 6 minutes tout ce qui a fait l'intérêt de l'album : le son acide, les collages psyché, le côté free, la pop de qualité....
De nombreux bonus tout aussi indispensables sont présents sur les éditions plus récentes : le flippant mais magnifique "Osamu's Birthday". Les merveilles pleuvent, entre pop bubblegum et psyché groovy, comme "No Love To Give", "You Can Never Come Down", "Perry Pier", "Tailor Man", et "Do You Follow Me" . Et les versions alternatives de "I Won't Leave My Wooden Wife For You, Sugar", "The Garden Of Earthly Delights" (re-nommée "Mouse"), "Coming Down" (re-nommée "Heresy") et "The American Metaphysical Circus", valent le détour.
Bref, un classique à ne pas manquer pour ne pas reproduire l'erreur du grand public de cette fin de sixties. Vous pouvez l'écouter ici, et je vous promets que vous ne regretterez pas, c'est vraiment un des meilleurs disques non seulement des sixties mais un des meilleurs tout court ! Un de ceux que les connaisseurs vénèrent à juste titre, et chez qui la seule vision de la pochette provoque un shoot de dopamine instantané. Alors foncez et revenez nous dire ce que vous en avez pensé. Et pour ceux qui le connaissent déjà, n'hésitez pas non plus à donner votre avis en commentaire.
Bonne écoute !
Merci pour votre lecture et vos commentaires, et à bientôt !
Merci pour votre lecture et vos commentaires, et à bientôt !
Alexandre